les 26 - 27 juin 2010 à Genève - Psychoanalyse Lacan - Freud
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NLS Messager 669<br />
VERS GENÈVE 8<br />
VIIIième Congrès de la NLS<br />
"Fille, mère, femme au XXIième siècle"<br />
<strong>les</strong> <strong>26</strong> - <strong>27</strong> <strong>juin</strong> <strong>2010</strong><br />
<strong>à</strong> <strong>Genève</strong><br />
Logique et semblants de la position féminine<br />
« Il n’y a pas de rapport sexuel qui puisse s’écrire » tel est le point de départ lacanien<br />
de l’article que Marie-Hélène Brousse a bien voulu nous confier <strong>à</strong> moins d’un mois<br />
du Congrès qui nous réunira <strong>à</strong> <strong>Genève</strong> <strong>les</strong> <strong>26</strong> et <strong>27</strong> Juin prochains. Elle y décline la<br />
logique de l’absence de rapport sexuel entre <strong>les</strong> hommes et <strong>les</strong> femmes <strong>à</strong> partir du<br />
Séminaire 18 et isole trois solutions féminines pour « faire lien sexuel » l<strong>à</strong> où il n’y a<br />
pas de rapport : Les trois R : ruse, ravage, ravissement. Ce document de travail nous<br />
aidera <strong>à</strong> mieux repérer ces éléments dans <strong>les</strong> textes du congrès.<br />
<strong>Lacan</strong> l’indique encore un peu autrement dans un passage du Séminaire XX (p<br />
81): « Il y a selon le discours analytique, un animal qui se trouve parlant et qui pour<br />
qui, d’habiter le signifiant, il résulte qu’il en est le sujet. Dès lors, tout se joue pour lui<br />
au niveau du fantasme, mais d’un fantasme parfaitement désarticulable d’une façon<br />
qui rend compte de ceci, qu’il en sait beaucoup plus qu’il ne le croit quand il agit ».<br />
Ruse, ravage et ravissement sont donc des semblants comme l’indique Marie-<br />
Hélène Brousse. Mais une question insiste : comment tenir une position féminine<br />
quand le fantasme lui-même est inconsistant ? Nous aurons au Congrès quelques<br />
éléments de réponse. D’ici au <strong>26</strong> Juin nous publierons toutes <strong>les</strong> semaines des<br />
travaux de référence qui nous permettront d’affiner notre approche afin que la<br />
discussion soit fructueuse. N’omettez pas de vous inscrire en ligne, cela facilitera le<br />
travail de la Commission d’Organisation.<br />
PGG
NLS Messager 669<br />
SAVOIR FAIRE FEMININ AVEC LE RAPPORT<br />
LES TROIS R : RUSE, RAVAGE, RAVISSEMENT<br />
Marie Hélène Brousse<br />
Je vais rapidement établir <strong>les</strong> coordonnées au sein desquel<strong>les</strong> se situera le développement<br />
que je souhaite faire <strong>à</strong> propos de quelques solutions féminines au rapport sexuel, que<br />
j’appellerai savoir faire. L’affirmation de <strong>Lacan</strong> « Il n’y a pas de rapport sexuel qui puisse<br />
s’écrire », affirmation qui sert de fondement au discours analytique, a fait, au moment de<br />
son énonciation, l’effet d’une bombe et d’un scandale. Pourtant et conformément <strong>à</strong> la<br />
démonstration logique que <strong>Lacan</strong> en fait alors, elle se vérifie aujourd’hui dans le discours du<br />
maître contemporain, sur lequel une fois de plus il avait anticipé. Je ne développerai pas ce<br />
point que la multiplication des modes de jouissance sexuel<strong>les</strong> non corrélées <strong>à</strong> la différence<br />
homme femme et <strong>à</strong> la norme oedipienne permet de vérifier dans la psychopathologie de la<br />
vie amoureuse d’aujourd’hui. La croyance en un rapport sexuel entre <strong>les</strong> hommes et <strong>les</strong><br />
femmes nécessitait l’univocité du Nom du Père, même si, depuis <strong>Freud</strong> qui en faisait déj<strong>à</strong> la<br />
remarque, la clinique analytique des parlêtres tirait dans le sens opposé. Aujourd’hui donc<br />
l’idée qu’il n’y a pas de rapport sexuel entre <strong>les</strong> hommes et <strong>les</strong> femmes est presque devenue<br />
une évidence, ce qui ne veut naturellement pas dire que la formule est mieux comprise.<br />
Une opposition est ici nécessaire entre rapport et lien, voire une alternative : si le<br />
rapport peut s’écrire, alors le lien, c’est-<strong>à</strong>-dire le discours n’est plus nécessaire, si le rapport<br />
ne peut s’écrire alors , et je cite <strong>Lacan</strong> dans le séminaire 18, D’un discours qui ne serait pas du<br />
semblant, « c’est donc dans un discours que <strong>les</strong> étant hommes et femmes, naturels si l’on peut<br />
dire, ont <strong>à</strong> se faire valoir comme tels[1][1] ». Cette opposition entre rapport et lien se décline<br />
selon d’autres : écriture et langage, lettre et parole. Dans la mesure où il ne peut s’écrire sous<br />
forme d’un rapport en langage mathématique ou même logique, le sexuel est l’objet d’un<br />
dire, voire constitue, en tant que signification impossible, le fondement de tout sens, ou sens
NLS Messager 669<br />
<strong>à</strong> tout faire du discours du maître, c’est-<strong>à</strong>-dire aussi bien de l’inconscient qu’il sature. Parce<br />
que le besoin sexuel n’est pas, comme le dit <strong>Lacan</strong> dans ce même séminaire[1][2], «<br />
mesurable », s’en suit de cette indétermination l’impossibilité d’inscrire un rapport. Par<br />
contre, s’il n’est pas possible de l’écrire comme une fonction, il est possible de « l’énoncer ».<br />
[1][3] Le langage ne rend pas compte du sexuel comme rapport et de ce fait même produit la<br />
dimension du sexué comme ensemble de fictions. C’est donc au niveau des énoncés, de<br />
l’énonciation, de la parole et de ses usages que le sexué organise le discours. La formule « Il<br />
‘y a pas de rapport sexuel » a donc pour envers « il y a du lien qui est sexué ». Les solutions<br />
subjectives féminines que nous allons envisager se situent dans un discours et comme tel<strong>les</strong><br />
relèvent du semblant et de la fiction. El<strong>les</strong> constituent un savoir y faire qui, se déployant<br />
dans l’univers du discours de l’inconscient, vise et désigne depuis le lien social, un vide que<br />
constitue le rapport manquant.<br />
La ruse et le silence<br />
Il y a quelques années j’avais été amenée <strong>à</strong> travailler un passage de l’Emile de Jean-Jacques<br />
Rousseau dans lequel il comparait une manière féminine et masculine de faire avec la loi et<br />
l’interdit. Je ne reprendrai pas cet exemple, mais en développerai un autre, issu de<br />
l’observation. Deux enfants du même âge, entre trois et quatre ans, une fille et un garçon<br />
passent avec d’autres enfants des vacances. Il y a dans la maison où ils habitent de<br />
nombreux jouets. Des disputes constantes, des rivalités engendrant des bagarres <strong>à</strong> propos de<br />
ces objets, ont amené <strong>les</strong> adultes qui en ont la charge <strong>à</strong> prononcer une règle « Les jouets de<br />
la maison sont <strong>à</strong> tous <strong>les</strong> enfants ». Vous remarquez la structure de type « Pour tout » situant<br />
la phrase du côté de l’universel. Le petit garçon est dans une pièce absorbé par l’utilisation<br />
d’un jouet. La petite fille arrive, regarde, lui prend le jouet et devant ses cris lui dit « Les<br />
jouets sont <strong>à</strong> tous <strong>les</strong> enfants », puis s’en va avec son butin. Qu’a-t-elle fait ? Sous la phrase<br />
qu’elle répéte, loi universelle, elle fait surgir une autre dimension, non énoncée. Elle<br />
courcircuite le « pourtout » qui n’existe pas, par un acte qui est le signe du « un enfant »,<br />
existence du singulier, ici singularité d’un désir marqué par la concurrence pour l’objet que<br />
<strong>Lacan</strong> analyse de façon si limpide dans le Séminaire L’angoisse. J’appellerai cette solution la «<br />
ruse » car cet acte ne remet an aucun cas en cause la loi universelle comme telle, bien plus
NLS Messager 669<br />
s’appuie sur la formulation de cette loi même, et cependant dévoile cette loi comme fiction<br />
tout en y re-introduisant une dimension que cette loi ignore. Dans l’exemple tiré du texte de<br />
l’Emile, c’est en introduisant un blanc dans la chaîne de la demande orale sous forme d’un<br />
silence que le sujet rabat sur l’Autre la charge d’expliciter la demande dont il a lui même<br />
interdit au sujet la formulation. La ruse implique donc premièrement un savoir du manque<br />
et son acceptation, deuxièmement une utilisation de la parole gommant la position<br />
singulière du sujet qui reste non dite, troisièmement un maniement du défaut de l’Autre de<br />
la loi et du langage. Elle suppose une familiarité avec la fonction castration dans la relation<br />
avec l’objet. Ces solutions sont anciennes et portent la marque du discours hystérique.<br />
Citons <strong>Lacan</strong> : « Ce sont <strong>les</strong> conséquences dans la position de la femme de ceci, que ce n’est<br />
qu’<strong>à</strong> partir d’être une femme qu’elle puisse s’instituer dans ce qui est inscriptible de ne pas<br />
l’être, c’est-<strong>à</strong>-dire qui est restant béant de ce qu’il en est du rapport sexuel. D’où il arrive<br />
ceci, si lisible dans la fonction combien précieuse des hystériques, qu’el<strong>les</strong> sont cel<strong>les</strong> qui, sur<br />
ce qu’il en est du rapport sexuel, disent la vérité.…Pour ce qui est de faire le touthomme, elle<br />
en est aussi capable que le touthomme lui-même, <strong>à</strong> savoir par l’imagination. »[1][4] La question<br />
est que faire le touthomme ne l’intéresse plus forcément, et l’imagination non plus, quand ce<br />
qu’elle cherche est au défaut du symbolique un réel qui ne soit pas de semblant. Revenons <strong>à</strong><br />
cette même petite fille. A l’âge de l’identification <strong>à</strong> la Princesse et de la domination du rose<br />
bonbon, dans lequel elle était entrée précocement, sa croyance dans <strong>les</strong> attributs phalliques<br />
l’avait même amené parfois <strong>à</strong> revêtir trois robes l’une sur l’autre. Ses parents <strong>à</strong> l’entrée au<br />
CP, dans le respect de cette orientation, lui avaient offert un cahier muni d’une clef se<br />
proposant comme le journal intime d’une princesse, son confident. Quelques années plus<br />
tard il traînait, abandonné, désaffecté, dans un placard. J’eus la curiosité d’y jeter un coup<br />
d’œil. Il avait perdu sa clef depuis longtemps. Peu de choses écrites, mais une phrase,<br />
revenant au fil des pages, phrase écrite dans des calligraphies différentes, jubilatoires : « Le<br />
prince charmant est un crétin ». Je dois dire que cela m’a saisie. Certes, c’est un secret, ce<br />
n’est pas fait pour être clamé sur <strong>les</strong> toits, comme je le fais devant vous. Mais je suis tentée<br />
d’y voir une modification dans la position hystérique. En lisant le petit texte que Jacques-<br />
Alain Miller a écrit récemment sur Sarah Palhin, j’y vois le même mouvement de levée du<br />
voile sur la castration et une remise en cause de l’au moins un, bref une relation <strong>à</strong> la<br />
fonction phallique sans la croyance en l’exception <strong>à</strong> la fonction.
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Deux références cliniques me permettront d’avancer un peu plus sur cette solution<br />
par la ruse. Une patiente vient consulter car la relation <strong>à</strong> son mari s’est dégradée depuis<br />
quelque temps ce qui la fait beaucoup souffrir, car elle aime cet homme. Je réduirai <strong>les</strong><br />
données <strong>à</strong> l’essentiel : <strong>à</strong> l’occasion d’un déménagement, ont été retrouvées dans un coffre<br />
qui était resté des années <strong>à</strong> la tête du lit conjugal des viel<strong>les</strong> lettres. Parmi ces lettres quelques<br />
unes étaient d’un ex et bref amant, d’avant son mariage. Elle en avait oublié l’existence,<br />
comme d’ailleurs elle avait oublié jusqu’au nom de ce monsieur. Mais le mari l’a mal pris, lui<br />
reprochant particulièrement de l’avoir fait dormir des années avec, dit-il non sans<br />
exagération, ces lettres sous son lit. Que dit-elle ? Elle ne comprend ni sa colère <strong>à</strong> lui dont<br />
elle souffre des effets sur leur relation qu’elle aimait, ni son acte <strong>à</strong> elle, acte qu’elle<br />
commence <strong>à</strong> percevoir comme formation de l’inconscient. Elle avait oublié, certes. Elle ne<br />
tenait pas <strong>à</strong> ces lettres assez insipides, mais alors pourquoi <strong>les</strong> avoir gardées ? et <strong>à</strong> cet<br />
endroit, somme toute pas vraiment cachées ? Un trophée, c’est le premier signifiant qui lui<br />
vient. Une vengeance sera le deuxième, évoquant le fait qu’au début de leur relation son<br />
mari était loin de lui être fidèle. Enfin si cet amant oublié avait une caractéristique c’était son<br />
anonymat lors de leur première rencontre sexuelle, anonymat associé par elle au plaisir<br />
inédit qu’elle avait éprouvé. Evidemment on pense <strong>à</strong> La lettre volée <strong>à</strong> laquelle revient <strong>Lacan</strong><br />
toujours dans ce même passage du Séminaire 18.[1][5] Je cite : « ce n’est pas rien que de<br />
mettre en avant la lettre dans un certain rapport de la femme avec ce qui, de loi écrite,<br />
s’inscrit dans le contexte où la chose se place, du fait qu’elle est, au titre de Reine, l’image de<br />
la femme conjointe au Roi. Quelque chose est ici improprement symbolisé, et typiquement<br />
autour du rapport comme sexuel. C’est dans ce contexte que le fait qu’une lettre lui soit<br />
adressée prend la valeur que je désigne, celle de signe. » <strong>Lacan</strong> se cite alors lui-même « Car<br />
ce signe –la lettre- est bien celui de la femme pour ce qu’elle y fait valoir son être, en le<br />
fondant hors de la loi, qui la contient toujours, de par l’effet de ses origines, en position de<br />
signifiant, voire de fétiche ».C’est donc d’un acte de révolte que procède la lettre, révolte<br />
contre son statut de signifiant ou de fétiche dans le contexte de la loi. Mais ici, il y a plus que<br />
la lettre, signe de sa révolte et de son être hors de la loi. Il y a que c’est elle-même et non pas<br />
un tiers qui cache la lettre en la mettant <strong>à</strong> cette place singulière. C’est elle donc qui souligne<br />
la déficience du rapport sexuel pourtant promu par le mariage. Par la lettre mise <strong>à</strong> cette<br />
place, elle fonde le rapport sexuel « étatisé » légalisé, sur un signe qui le mine, qui en montre
NLS Messager 669<br />
la valeur de fiction et par l<strong>à</strong> même, en dégage son être. Qui se situe dans cette ombre que la<br />
lettre fait <strong>à</strong> son mariage ? Son mari évidemment, qui de ce fait prenait pour elle une valeur<br />
supplémentaire d’en être féminisé, mais aussi bien elle-même puisqu’elle l’avait oubliée :<br />
récupération de féminité pour elle-même aussi par conséquent.<br />
Autre élément clinique: dans son analyse, cette femme fort respectueuse de la<br />
transmission patrilinéaire du nom aux enfants, cette femme pour qui, dit-elle, il eut été<br />
impensable que ses enfants ne portent pas le nom patronymique de leur père, du père<br />
qu’elle leur avait choisi, s’aperçoit que dans le choix des prénoms négocié avec le père, une<br />
lettre de ses prénoms <strong>à</strong> elle est transmise. L’ordre symbolique, la nomination du père est<br />
respectée, mais curieusement vient se loger une autre filiation parallèle, silencieuse, non<br />
revendiquée. Cette nomination invisible, comment ne pas la mettre en rapport avec le refus<br />
de faire partie des moyens de production, ou de reproduction, sans que ce refus constitue le<br />
moins du monde une remise en cause de cette clef de voûte qu’est le nom du père. Non pas<br />
un désir hors la loi, mais un désir malgré la loi.<br />
Un dernier exemple clinique me permettra de passer de cette clinique de la ruse <strong>à</strong><br />
celle du ravage. La caractéristique en effet de la ruse est de tenir ensemble le sexué comme<br />
discours de l’inconscient et son point de vérification, qui comme le dit <strong>Lacan</strong>[1][6] «<br />
s’attache <strong>à</strong> saisir où la fiction bute, et ce qui l’arrête ». Elle met en œuvre, cette vérification,<br />
l’oubli, le secret, le silence, la lettre et l’écriture. Elle implique une certaine ironie appliquée<br />
au discours de l’inconscient, c’est-<strong>à</strong>-dire au signifiant maître, qu’elle se garde bien de<br />
contester ou de mettre <strong>à</strong> mal.<br />
Le Ravage et l’injure<br />
Dans un relation tourmentée, douloureuse, avec un homme qui restera l’homme central de<br />
sa vie, cette femme attendra bien des années avant de lui dire que cet enfant qui est le leur et<br />
qu’il chérit plus que tout, n’est pas de lui : version soft de Médée qui allie la ruse, l’enfant est<br />
ici l’objection silencieuse, au ravage du choix de cet homme l<strong>à</strong>, et se conclut par une attaque<br />
claire au lien symbolique par lequel se règlent la transmission et la production.<br />
Contrairement <strong>à</strong> la solution ruse, le choix du ravage attaque la valeur phallique de l’objet
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pour le sujet, et fonctionne en dissociant <strong>les</strong> objet a de leur valeur phallique. C’est donc une<br />
mortification du phallus, dans laquelle l’impératif surmoïque de jouissance l’emporte sur le<br />
désir et sa cause. Cet impératif vient en quelque sorte occuper la place de l’Idéal du moi.<br />
C’est pourquoi le ravage fait revenir le sujet <strong>à</strong> un défaut de l’investissement narcissique de<br />
l’image du corps, un défaut du moi idéal, connecté non <strong>à</strong> l’Idéal du moi et au Nom du père,<br />
mais directement en court circuit au surmoi. Le ravage est en ce sens une sorte de pousse <strong>à</strong><br />
la femme, injurieux de l’ordre symbolique et donc du désir, qui n’y peut plus circuler. C’est<br />
le massacre du corps vivant par le verbe sans le recours <strong>à</strong> la coupure phallique effectuée par<br />
la nomination. Du ravage, on sait que <strong>Lacan</strong> a fait une solution féminine <strong>à</strong> ce qui, du réel du<br />
sexe, n’est pas saturé par le discours. Mais le lien <strong>à</strong> un homme prend alors la couleur de ce<br />
réel. Le ravage est donc le rapport qu’une femme produit avec un homme par le sacrifice<br />
consommé du tiers phallique, elle même <strong>à</strong> l’occasion. Mais d’être l’objet <strong>à</strong> sacrifier il n’en est<br />
que plus nécessaire : éterniser le sacrifice du phallus, telle est cette méthode pour faire ex-<br />
ister le féminin. Je n’en dirai pas plus aujourd’hui sur ce sujet, qui a déj<strong>à</strong> été souvent travaillé<br />
par différents collègues, et dont j’ai pu déj<strong>à</strong> donner ailleurs quelques éléments cliniques.<br />
Le Ravissement et ce qui ne peut se dire<br />
Ce terme lui aussi a été éclairé il y a quelque temps, par Jacques-Alain Miller et E. Laurent<br />
lors d’une conversation des sections cliniques ainsi que par un article de D. Laurent. Il me<br />
semble justifié d’en faire au niveau du lien sexué, c’est-<strong>à</strong>-dire du discours, une troisième<br />
solution féminine. « Ce qui n’est pas dicible, c’est ce qui est mystique » dit <strong>Lacan</strong> dans le séminaire<br />
18[1][7]. La solution ravissement répond donc <strong>à</strong> ce point d’impossible dans le dire. La<br />
référence de <strong>Lacan</strong> est <strong>à</strong> l’oeuvre de Marguerite Duras, mais on peut faire entrer dans ce<br />
même registre ses développements sur le mysticisme dans le séminaire Encore. En 2006, <strong>à</strong><br />
Rome, Jacques-Alain Miller a donné une conférence sur une analysante de <strong>Lacan</strong>, sœur<br />
Marie de la Trinité. LNA a publié une lettre inédite de <strong>Lacan</strong> <strong>à</strong> Marie de la Trinité et Kristell<br />
Jeannot mène un travail de recherche sur certains de ses écrits disponib<strong>les</strong>. Dans sa lettre,<br />
<strong>Lacan</strong> évoque « ce lien » dont il souligne que le travail analytique n’a pas pour but de l’en<br />
affranchir mais de découvrir ce qui a pu le rendre <strong>à</strong> partir d’un moment donné « si<br />
pathogène », de façon <strong>à</strong> lui permettre « d’y satisfaire désormais en toute liberté ». L’analyse
NLS Messager 669<br />
n’intervient donc que pour élucider ce qui a pu déranger le fonctionnement de « ce lien »,<br />
déranger cette solution par le ravissement. Ce dérangement, <strong>Lacan</strong> le renvoie au vœu<br />
d’obéissance ayant soulevé des « thèmes de dépendance ». il n’est pas sûr que la solution par<br />
le ravissement relève entièrement de l’ordre de l’inconscient, puisqu’elle touche au pas tout<br />
et donc ne relève pas du pour touthomme universalisant. De même elle ne s’appuie pas<br />
nécessairement sur la valeur phallique de l’objet a, matérialisation du ratage du rapport qui<br />
fait la réussite du lien. De ce fait on peut, <strong>à</strong> suivre <strong>Lacan</strong> dans le séminaire Encore, faire une<br />
clinique différentielle du ravissement, modalité féminine qui se décline dans la névrose, la<br />
psychose ou la perversion. Parler du ravissement en général est par conséquent insuffisant<br />
car il y plutôt des ravissement et celui de Lol n’est pas celui de Sainte Thérèse. Le noyau<br />
commun aux différentes modalités de ravissement est sans doute que, quand la ruse et le<br />
ravage se situent dans le champ du dire, le ravissement s’oriente vers ce qui de La femme ne<br />
peut se dire, vers <strong>les</strong> limites rencontrées par le discours lui-même en ce point.<br />
L’écriture semble un élément associé essentiel <strong>à</strong> cette solution, mais ce qui cherche <strong>à</strong><br />
s’écrire c’est la rencontre indicible et ses traces, non le rapport.<br />
Ruse et ravage : ce qui ne peut s’écrire peut se dire sous forme d’un discours qui fait<br />
le lien sexué ; Ravissement : ce qui, du féminin ne peut se dire en terme de pourtout,, une<br />
vacuité de corps, cherche <strong>à</strong> s’écrire. Ce vide qui s’inscrit, n’est pas de l’ordre du rapport,<br />
relevant plutôt d’une tentative de soudure[1][8]. De quel ordre alors y est l’écriture? lettre<br />
d’âmour répond <strong>Lacan</strong> dans Encore. Il y dit : « Que le symbolique soit le support de ce qui a<br />
été fait Dieu, c’est hors de doute »[1][9]. Le ravissement serait-ce alors le choix de se faire un<br />
corps avec le symbolique, disparaître en se soudant <strong>à</strong> lui ? Dans ce cas s’éclairerait le fait que<br />
tout principe d’autorité, en soulevant le problème de la dépendance ou de l’obéissance<br />
ramène la loi l<strong>à</strong> où il ne peut y avoir que l’amour. Pour conclure sur une référence plus<br />
contemporaine, et parce que je pense que la solution ravissement peut fonctionner dans des<br />
structures diverses, je mentionnerai un court épisode du dernier film de Tarentino Death<br />
proof , l’épisode du jeu dit par deux des personnages « de la baume » qui consiste pour un<br />
des personnages féminins <strong>à</strong> foncer <strong>à</strong> s’accrocher sur le capot d’une voiture lançée <strong>à</strong> toute<br />
vitesse. Pas n’importe laquelle : celle, mythique, d’un film culte dont le titre permet<br />
l’interprétation de l’expérience curieuse que cherche <strong>à</strong> reproduire le personnage du film de
NLS Messager 669<br />
Tarentino. Le titre est « vanishing point » : point d’évanouissement. Par rapport au titre de<br />
Hitchcock « A lady vanishes », « Une femme disparaît », il ne s’agit pas de la disparition<br />
d’une femme, comme dans un tour de magie, disparition d’un objet encombrant. C’est la<br />
recherche du point d’évanouissement du sujet dans l’extase du corps. C’est une version<br />
contemporaine du ravissement, pas sans la fonction phallique, mais hors loi.<br />
La ruse et le silence, le ravage et la destruction par l’injure, le ravissement et la vacuité<br />
corporelle de l’ordre de l’indicible, ces trois solutions tentent de faire entrer dans le champ<br />
du discours, malgré la loi sexuelle, ce qui lui est hétérogène.<br />
[1][1] J. <strong>Lacan</strong>, séminaire 18, D’un discours qui ne serait pas du semblant, p.146.<br />
[1][2] Idem, p.131.<br />
[1][3] Idem, p.132.<br />
[1][4] Idem, p.143.<br />
[1][5] Idem, p.132 et 133.<br />
[1][6] Idem, p.133.<br />
[1][7] Idem, p.<strong>27</strong>.<br />
[1][8] J. <strong>Lacan</strong>, Autres écrits, p.191.<br />
[1][9] J. <strong>Lacan</strong>, séminaire 20, Encore, p.77.