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qu’elle est. Qu’il y ait expérience suffit en principe à son auto-identification: « Dans<br />
l’expérience visuelle, le je ne se rencontre pas (kommt nicht…vor) et de quelle manière<br />
devrait-il encore se rencontrer? (…) La conscience n’est pas un phénomène. Mais une<br />
manière, une façon de considérer les phénomènes » 62 .<br />
Le deuxième point sur lequel les deux concepts de contenu phénoménal de l’expérience<br />
(celui des années 1930 et celui des années 1940) diffèrent concerne l’un des présupposés du<br />
projet phénoménologique de 1929. Wittgenstein admet à cette époque que les formes logiques<br />
de l’expérience font elles-mêmes partie du contenu phénoménal à décrire et il pense en<br />
particulier aux formes que sont le temps, l’espace, la propriété d’être coloré et le nombre. Fût-<br />
elle possible, une description phénoménologique du contenu phénoménal de l’expérience<br />
visuelle ou auditive devrait donc inclure une description de sa forme logique spatiale et<br />
temporelle. Wittgenstein se faisait en 1929 une idée assez précise de ces formes et son projet<br />
avait été, au moins dans un premier temps, d’offrir une description phénoménologique<br />
séparée de la forme spatiale et temporelle de l’expérience visuelle 63 . La seule occurrence que<br />
l’on puisse trouver du concept de contenu (d’expérience) à cette époque est précisément liée à<br />
la possibilité d’une description phénoménologique de la forme temporelle des vécus visuels,<br />
indépendamment des vécus auditifs:<br />
Le temps dans lequel se déroulent les vécus de l’espace visuel (die Erlebnisse des Gesichtsraums) est-il<br />
pensable sans vécus sonores (ohne Tonerlebnisse) ? Il semble que oui! Et pourtant comme il est étrange que<br />
quelque chose fût susceptible d’avoir une forme qui serait également pensable sans ce contenu précis (ohne<br />
eben diesen Inhalt). Ou bien celui à qui l’ouïe serait offerte ferait-il par là même connaissance avec un<br />
nouveau temps? 64<br />
Qu’une telle description soit ou non possible, il reste que, pour le Wittgenstein de 1929-<br />
1930, il ne peut y avoir de description de la forme sans description du contenu de vécu<br />
spécifique dont elle est la forme; ce qui suppose à tout le moins qu’il existe une qualité<br />
phénoménale spécifique, mais aussi une forme temporelle propre à chaque modalité<br />
62 er<br />
Ms 156, p. 34r-35r (1 janvier 1932), dans Wittgenstein’s Nachlaß: The Bergen Electronic Edition, Oxford,<br />
Oxford University Press, 2000.<br />
63<br />
Comme l’a bien montré D. Perrin (dans Le flux et l’instant. Wittgenstein aux prises avec le mythe du présent,<br />
Paris, Vrin, 2007) la forme temporelle de l’expérience visuelle censée être décrite par une langue<br />
phénoménologique est celle du présent fluant; la forme spatiale, comme nous avons essayé de la montrer dans un<br />
ouvrage à paraître (Wittgenstein et le problème de l’espace visuel. Phénoménologie, géométrie, grammaire,<br />
Paris, Vrin, 2011), celle d’un réseau de places sensibles comparable à une carte spatiale donnée d’un seul coup<br />
dans l’instant.<br />
64<br />
PB, §50, p. 83; tr. fr. modifiée, p. 80-81.<br />
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