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« mythe de l’intériorité » à une sorte de théorie éliminativiste du mental et/ou de l’imagerie<br />
mentale 76 . Il est pourtant clair que Wittgenstein ne nie ici ni la réalité de l’expérience visuelle,<br />
ni celle des images visuelles en tant qu’images non-matérielles (mentales au sens large). Ce<br />
qu’il nie est simplement l’idée qu’il serait essentiel à la description du contenu phénoménal de<br />
l’expérience visuelle imageante de pouvoir s’effectuer d’une autre manière que celle dont elle<br />
s’effectue ordinairement, à savoir au moyen d’images matérielles (graphiques ou plastiques).<br />
Il est vrai que ce dernier point n’est pas mis en avant par Wittgenstein comme une possibilité<br />
philosophique constructive, car son approche en 1932-1933 reste essentiellement critique. Il<br />
l’est, en revanche, à partir du milieu des années 1940, comme en témoigne cette remarque:<br />
Il pourrait y avoir des gens qui n’utilisent jamais l’expression « voir quelque chose devant l’œil<br />
intérieur », ou une expression analogue; et ceux-ci pourraient toutefois être en mesure de dessiner, de<br />
produire des modèles « à partir de la représentation » ou de mémoire, d’imiter le comportement<br />
caractéristique d’autrui. Ils pourraient aussi, avant de dessiner quelque chose de mémoire, fermer les yeux<br />
ou bien regarder fixement devant eux comme les aveugles. Et pourtant, ils pourraient nier voir alors<br />
devant eux (vor sich sehen) ce qu’ils dessinent par la suite 77 .<br />
La nouvelle perspective (du milieu) des années 1940 semble avoir pour conséquence<br />
une réhabilitation partielle de l’image philosophique du contenu phénoménal de l’expérience.<br />
Mais comment une telle réhabilitation est-elle tout simplement envisageable?<br />
2. Voir et imaginer visuellement: de l’identité et de la différence des contenus<br />
d’expérience<br />
La réponse à cette question se trouve déjà potentiellement contenue dans les analyses<br />
précédentes. Si, comme le montre Wittgenstein dans les années 1932-33, l’image censée<br />
correspondre au contenu phénoménal de l’expérience visuelle (le contenu-image) n’est pas<br />
une authentique image, ou plutôt, l’est en un sens qui n’est pas celui dans lequel nous<br />
employons ordinairement ce mot, alors il n’y a effectivement aucune contradiction à rejeter,<br />
d’un côté, comme simple fiction l’existence d’entités comme le contenu-image tout en<br />
admettant, de l’autre, qu’il existe des techniques ordinaires et variées de reproduction de ce<br />
76 C’est le cas notamment de P. Gillot dans « La pensée sans lieu. La critique de l’intériorité de Spinoza à<br />
Wittgenstein », Philosophie, n°87, 2005, p. 78-94, en particulier, p. 78 et 68-87. Pour une mise en garde contre<br />
ce genre d’assimilation, voir J. Bouveresse, Le mythe de l’intériorité: expérience, signification et langage privé<br />
chez Wittgenstein, Paris, Minuit, 1987, p. 12-13.<br />
77 BPP II, §66.<br />
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