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Projection - Passeurs d'images

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a c t u a l i t é s<br />

é
c
h
o
s<br />

Bouda !<br />

On n’est pas des marques de vélo dresse le portrait de Bouda, un jeune danseur de hip-hop condamné à la<br />

double peine. Depuis plusieurs mois, Jean-Pierre Thorn présente son documentaire à des jeunes, des<br />

hommes politiques, des détenus… Premier bilan de cette nouvelle expérience de cinéma militant.<br />

La sortie de votre film dans le circuit<br />

commercial est restée assez confi d e n t i e l l e .<br />

Cela ne vous empêche pas de vous impliquer<br />

dans de nombreuses séances-rencontres.<br />

Comment réussissez-vous à toucher<br />

le public ?<br />

Ce que je suis en train de construire est issu<br />

de la première projection à la cinémathèque<br />

de Toulouse destinée aux coordinateurs de<br />

“cinéville”. Elle a abouti à la prise en charge<br />

du film dans un grand nombre de régions.<br />

En trois mois, j’ai fait 68 débats. Le film circule<br />

beaucoup dans des salles qui font l’effort de<br />

contacter des jeunes qui ne viennent plus<br />

au cinéma. Des salles qui cherchent des relais<br />

dans les maisons de quartiers, les associations<br />

et les compagnies hip-hop. Un gros travail<br />

d’inscription du film par rapport aux réalités<br />

sociales et culturelles a été accompli en de<br />

nombreux endroits comme la région Rhône-<br />

Alpes, grâce à l’Acrira*. Il y a aussi le travail<br />

des associations, moins nombreuses, comme<br />

Attac ou la Ligue des droits de l’homme qui<br />

a organisé un débat passionnant à Vernon. La<br />

presse locale a fait beaucoup d’articles sur la<br />

double peine et la stigmatisation dont souffrent<br />

les jeunes des quartiers populaires.<br />

Que pensent les jeunes spectateurs de votre<br />

film ?<br />

Je reçois de leur part des témoignages très<br />

attachants, qui me bouleversent. Ils me disent :<br />

5 8 / projections actions cinéma / audiovisuel<br />

“merci de parler de nous “. “Merci d’en parler<br />

en bien, de montrer que nous sommes capables<br />

de faire des choses positives dans cette<br />

société”.<br />

En racontant l’histoire de Bouda, le film relate<br />

celle des débuts du hip-hop en France. Vo u s<br />

interviewez Si d n e y, l’animateur de l’ é m i ssion<br />

« H-i-p H-o-p ». Comment les plus<br />

jeunes réagissent-ils face à ces “archives” ?<br />

Ils en ont entendu parler mais ils ne les ont<br />

pas vues. Ils éprouvent une sorte de fi e r t é<br />

en découvrant tout cela. Chaque fois que je<br />

montre le film, je recherche dans la ville un<br />

correspondant hip-hop qui puisse venir parler<br />

à mes cotés. Des discussions ont lieu sur les<br />

origines du mouvement, entre jeunes de différentes<br />

générations. Je ne suis qu’un passeur.<br />

Vous avez montré le film à des hommes<br />

politiques. Comment ont-ils réagi ? Quel a<br />

été l’impact du film vis-à-vis de la loi sur<br />

la double peine ?<br />

C’est difficile à mesurer. Une projection de<br />

presse a été organisée au Sénat avec Mi c h e l<br />

Tubiana, président<br />

de la Ligue<br />

des droits de<br />

l ’ h o m m e ,<br />

M o u l o u d<br />

Aounit, président<br />

du Mo u v ement<br />

contre le<br />

racisme et pour<br />

l’amitié entre<br />

les peuples<br />

(Mrap) et<br />

S t é p h a n e<br />

Ma u g e n d r e ,<br />

v i c e - p r é s i d e n t<br />

du Groupe d’information<br />

et de<br />

soutien aux<br />

i m m i g r é s<br />

( Gisti). Des sénateurs étaient présents. Ce l a<br />

a abouti à un amendement déposé par Ma r i e -<br />

Christine Blandin (Verts), Nicole Borvo (Pa r t i<br />

communiste) et Michel Dreyfus-Schmitt (Pa r t i<br />

socialiste). Il demandait l’abolition de la double<br />

peine, c’est à dire la suppression de l’ i n t e rdiction<br />

du territoire français. Nicolas Sa r k o z y,<br />

Séance spéciale à CLermont-Ferrand en présence de Jean-Pierre Thorn et Bouda<br />

ministre de l’ I n t é r i e u r, a envoyé une lettre à la<br />

Mairie de Paris, que Christophe Girard, adjoint<br />

à la Culture, a transmise à Bouda. Il disait qu’ i l<br />

avait vu le film, qu’il avait été très ému et<br />

q u’il espérait que les aménagements de la loi<br />

aboutiraient à une régularisation de sa situation.<br />

Le problème de fonds, c’est que ces<br />

aménagements ne règleront pas tous les cas<br />

qui existent en France. Des catégories protégées<br />

ont été créées, soumises à condition (être<br />

entré en France avant l’âge de 13 ans, être marié<br />

depuis plus de 10 ans etc). Cela ne touchera<br />

que 20 ou 30 % des 7 000 personnes concernées.<br />

Et la double peine continue.<br />

Vous avez également présenté le film dans<br />

des prisons.<br />

Oui. Dans l’une d’elles, près de Lyon, la salle<br />

était pleine. Il y avait cinq personnes condamnées<br />

à la double peine, parmi lesquelles un<br />

homme menacé d’expulsion à la veille de No ë l .<br />

Il était en France depuis 27 ans, avec trois<br />

enfants français. Je me suis rendu compte que<br />

lui et les autres détenus n’avaient aucune information<br />

sur la loi. J’aimerais que plus de gens<br />

utilisent le film pour que ceux qui peuvent<br />

b é n é ficier des aménagements de la Loi Sa r k o z y<br />

soient informés de leurs droits.<br />

Quelles ont été les conséquences du fi l m<br />

sur la vie de Bouda ?<br />

La sortie du film lui a d’abord causé une<br />

grande souffrance. C’était violent pour lui de<br />

voir son image. Il se sentait jugé. Je lui ai expliqué<br />

que les gens ne le jugeaient pas mais qu’ i l s<br />

essayaient de l’ é c o u t e r, de le comprendre, que<br />

tout cela se passait dans le respect. Peu à peu,<br />

il a repris confiance en lui, pris la parole dans<br />

les débats. Il espère avoir ses papiers. Il vient<br />

d’avoir un logement et va peut-être se marier.<br />

Globalement, le film lui a permis de croire au<br />

fait que l’on pouvait améliorer son sort. Ma i s<br />

l’arbre ne doit pas cacher la forêt. Il y en a des<br />

milliers d’autres comme lui, qui n’ont pas eu<br />

la chance de croiser le chemin d’un cinéaste<br />

dans leur vie.<br />

EN T R E T I E N R É A L I S É P A R DAV I D MATA R A S S O<br />

*Association des cinémas de recherche indépendants<br />

de la région alpine. Assure la coordination<br />

régionale d’“un été au ciné-ciné ville”.

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