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CHAPITRE 1- INVENTAlRE ET CLASSIFICATION 3 1
la partie, le public fonne generalement un cercle it l'interieur duquel, ou it un point particulier
duquel, l'artiste evolue. En fin psychologue, celui-ci va utiliser judicieusement le temps et
l'espace. Se produisant generalement le soir, il ecourtera la seance des qu'il sentira I'effet de
la fatigue ou du sommeil sur les spectateurs. De meme, s'il se produit dans la maison d'un
riche personnage, il ne manquera pas de comparer l'aisance des heros de jadis i\ la sienne, ou
de le comparer i\ Siliimaka, Samba Gueliidieguiou Gueliidio.
Le griot va aussi tenir compte du gout du public et des susceptibilites
potentielles. Ainsi, pour les epopees opposant Peuls et Bambaras, l'artiste fera-t-il attention
aux recits de bataille afin de montrer que seule la chance ou Dieu d6cident de la victoire, etant
entendu que les heros se valent. De la sone, la victoire peule n'affectera en rien les
Bambaras. Par exemple, Siliimaka triomphe de Sii, mais reste sa victime.. La performance
epouse, par ce biais, le gout du jour et evite de perturber l'ordre social: point essentiel de la
morale griotique.
En exaltant les vainqueurs et en menageant les vaincus, le griot obtient des
dons des deux camps. Faut-ille rappeler aussi, ces dons constituent des sortes de moteur de
la narration, dont ils accelerent ou ralentissent le cours. En effet, l'indifference du public
pousse generalement le narrateur it brosser certains passages ou it les resumer; par exemple,
au lieu de citer les variantes de certains fragments de Siliill1aka, il mentionne la plus connue
seulement.
La reception de l'epopee implique un certain dynamisme, d'ol' les differentes
reactions du public: applaudissements, apostrophes, questions, dons. En declamant
Gueladyo et Gorossigui, les auditeurs fremissent ii l'idee d'une bataille entre le jcune peul et
le mari de la belle femme, mais surtout la ceremonie de l'autel provoque joie chez les
temeraires et indignation chez les vertueux. Cette serie de relations cree une certaine
connivence entre le griot et son public au point que ce dernier fonctionne comme un co­
au teuT.
Ces quelques considerations mettent en evidence le role du public dans la
perfonnance epique, puisqu'il en fournit les conditions de realisations, en accordant une
attention soutenue au narrateur, puis en participant diversement ii la realisation de l'oeuvre.
C'est ainsi que les "Seooe" ou guerriers toucouleurs, it la declamation de la geste de Samba
Guetiidiegui,se ctepartissent de tout ce qu'ils portent et poussent souvent des cris
extraordinaires. Le "Lagya" ou I'air de Samba transfonne la seance en arene de lutte entre
"Seooe" !
D'une manihe gel1erale, le public apparait comme un temle extreme de la
trilogie qui le lie it l'artiste. l'oeuvre resulte alors du concours du public et du griat, car sans
public, il ne saurait y avoir de performance. L'analyse des epopees et fragments doit tenir
compte de cette realite : le public poularophone se sentant l'heritier. de Siliimaka Ardo,