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Elle le relut rapidement. Tout y était très clair. À part les cinquante <strong>livre</strong>s destinées à Élisabeth (elle<br />
avait donc bien fait de compléter la somme en question) et deux legs de cinq <strong>ce</strong>nts <strong>livre</strong>s chacun pour sa<br />
sœur et sa cousine germaine, tout revenait à son neveu.<br />
Charles serait très riche <strong>ce</strong> qui n’était que justi<strong>ce</strong>, après tout, car il avait véritablement ensoleillé ses<br />
derniers moments. Jamais elle ne l’avait vu <strong>au</strong>trement que gai, aimable et affectueux.<br />
Un coup d’œil sur l’horloge lui apprit qu’il était bientôt la demie. Bien qu’un peu crispée, elle<br />
s’étonnait d’être <strong>au</strong>ssi calme. La radio marchait en sourdine. Peut-être allait-elle entendre à nouve<strong>au</strong> la<br />
voix de Patrick ?<br />
Rien de tel. Au lieu de <strong>ce</strong>la, un bruit bien anodin et familier, qui <strong>ce</strong>pendant lui glaça le cœur : on<br />
frappait à la porte d’entrée.<br />
On frappa encore, elle entendit ensuite la porte s’ouvrir et quelqu’un marcher dans le hall. Puis la<br />
porte du salon où elle se trouvait s’entrouvrit silencieusement.<br />
Elle se sentit soudain prise de panique ; elle se leva, le document qu’elle tenait à la main glissa sur le<br />
sol et atterrit dans la cheminée où il se consuma <strong>au</strong>ssitôt.<br />
La porte s’ouvrit davantage et elle aperçut dans l’ombre du vestibule une silhouette qu’elle reconnut<br />
<strong>au</strong>ssitôt : un homme dont le visage portait des favoris sombres et dont le costume datait de la reine<br />
Victoria.<br />
« Patrick est réellement venu me chercher ! » songea-t-elle avec terreur. Elle porta la main à son<br />
cœur, voulut crier, mais son cri dégénéra en râle. Elle s’affaissa sur le sol, sans vie.<br />
*<br />
* *<br />
Élisabeth la découvrit ainsi, une heure plus tard. Elle appela immédiatement le médecin qui ne put<br />
que constater le décès. Elle téléphona ensuite à Charles qui se trouvait chez ses amis comme il l’avait<br />
annoncé et qui accourut <strong>au</strong>ssitôt.<br />
Dans son affolement, la femme de chambre oublia les recommandations de sa maîtresse et <strong>ce</strong> ne fut<br />
que deux jours plus tard qu’elle remit la lettre de Mrs. Harter <strong>au</strong> docteur. Ce dernier la montra à<br />
Ridgeway :<br />
— Quelle curieuse coïnciden<strong>ce</strong> ! Votre tante était pourtant une personne très réaliste et <strong>ce</strong>la m’étonne<br />
qu’elle ait pu vraiment croire entendre son mari lui parler. Ses nerfs l’<strong>au</strong>ront trahie. Mon p<strong>au</strong>vre ami,<br />
malgré toutes les préc<strong>au</strong>tions dont vous l’entouriez, vous n’avez rien pu faire contre <strong>ce</strong>la ! L’<strong>au</strong>topsie sera<br />
très rapide et je vous en ferai connaître le résultat <strong>au</strong> plus tôt.<br />
Dans de telles circonstan<strong>ce</strong>s, l’<strong>au</strong>topsie était de rigueur et Charles savait pertinemment qu’il n’avait<br />
rien à craindre à <strong>ce</strong> sujet. D’ailleurs, il avait fait preuve de la plus grande pruden<strong>ce</strong> dès le début de son<br />
entreprise. La nuit même de la mort de sa tante, lorsque tout le monde s’était retiré et qu’il s’était assuré<br />
qu’Élisabeth ne le dérangerait pas, il avait enlevé le fil qui reliait le poste de radio de sa tante à<br />
l’émetteur qu’il possédait dans sa chambre. Puis, brûlé dans la cheminée la paire de favoris postiches qui<br />
ac<strong>ce</strong>ntuèrent sa ressemblan<strong>ce</strong> <strong>ce</strong>rtaine avec son oncle et qu’il avait tout de suite remarquée. Quant <strong>au</strong><br />
costume démodé endossé quelques heures <strong>au</strong>paravant, il l’avait remis <strong>au</strong> grenier dans la grande malle<br />
d’où il n’<strong>au</strong>rait jamais dû sortir.<br />
Il se sentait très tranquille, très satisfait, sans l’ombre d’un remords. Après tout, qu’avait-il fait de<br />
mal ? Une simple far<strong>ce</strong>, même un peu macabre, ne peut en <strong>au</strong>cun cas être assimilée à un acte criminel.<br />
C’est après avoir entendu le docteur Meynell lui dire que sa tante pouvait encore vivre des années à<br />
condition de lui éviter des émotions qu’il avait eu l’idée de <strong>ce</strong> scénario tragi-comique. Puisqu’une grande<br />
frayeur pouvait être fatale à la vieille dame, il décida de lui en fournir l’occasion. Ce qui réussit<br />
parfaitement.