Le journal intime : du réel au fictif, de la lecture à l’écriture
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mort.<br />
37<br />
Texte 25<br />
Charles Bertin, extrait <strong>de</strong> Journal d’un crime<br />
22 septembre.<br />
Quand le timbre <strong>de</strong> <strong>la</strong> porte d'entrée retentit ce matin <strong>à</strong> sept heures, je sus qu'Elio était<br />
Je croisai Fernand dans l'escalier. Il me tendit une convocation: un certain commissaire<br />
Parodi m'invitait <strong>à</strong> me rendre d'urgence <strong>à</strong> <strong>la</strong> Préfecture.<br />
Je m'habil<strong>la</strong>i en hâte, m'efforçant d'imaginer mille prétextes <strong>à</strong> cette convocation insolite.<br />
Mais sans cesse, le visage d'Elio m'apparaissait : je revoyais ce regard ten<strong>du</strong>, plein d'interrogation<br />
et <strong>de</strong> perplexité, ces lèvres fines et tristes qui se refermaient sur leur secret.<br />
J'arrivai <strong>à</strong> <strong>la</strong> Préfecture bien avant neuf heures. On me fit attendre dans un couloir où<br />
flottait une o<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> moisissure et <strong>de</strong> poussière. Enfin, je fus intro<strong>du</strong>it dans un bure<strong>au</strong> très petit,<br />
encombré d'armoires et <strong>de</strong> dossiers. Derrière une table, dans l'ombre, un personnage était assis. Il<br />
se leva <strong>à</strong> mon entrée, me tendit <strong>la</strong> main en se présentant :<br />
— Commissaire Parodi.<br />
Je vis un homme grand, un visage mince et <strong>du</strong>r <strong>au</strong>x cheveux gris, <strong>de</strong>s yeux où flottait une<br />
sorte <strong>de</strong> feu lointain. Il me désigna un siège.<br />
— Je vous ai dérangé pour une affaire désagréable, monsieur Saint-Pons.<br />
Il prit un temps, sans cesser <strong>de</strong> me regar<strong>de</strong>r. Reconnaissez-vous ceci ?<br />
Sa main plongea dans un tiroir, et en ressortit, tenant un petit carton que je reconnus<br />
<strong>au</strong>ssitôt. C'était ma carte <strong>de</strong> visite, <strong>la</strong> carte que j'avais donnée <strong>à</strong> Elio. Elle était dé<strong>la</strong>vée et presque<br />
illisible, comme si elle avait séjourné dans l'e<strong>au</strong>. Je m'entendis <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r:<br />
— Où l'avez-vous trouvée?<br />
— Dans <strong>la</strong> poche d'un noyé.<br />
Je m'étais levé sans attendre <strong>la</strong> réponse. <strong>Le</strong>s mots <strong>du</strong> commissaire étaient exactement ceux<br />
que je redoutais. Je m'approchai <strong>de</strong> <strong>la</strong> fenêtre. À travers <strong>la</strong> vitre sale, j'apercevais un bout <strong>de</strong> toit,<br />
sur lequel un pigeon se posait doucement.<br />
— Comment s'appelle cet homme?<br />
Parodi me regarda avec curiosité.<br />
— J'espérais que vous alliez me l'apprendre. Nous n'avons retrouvé sur lui que cette carte.<br />
Il n'avait ni papier d'i<strong>de</strong>ntité, ni argent...<br />
— Quand l'avez-vous découvert?<br />
— Cette nuit. Des bateliers ont repêché son corps dans <strong>la</strong> Seine, <strong>du</strong> côté <strong>de</strong> Saint-Cloud...<br />
<strong>Le</strong> commissaire détourna les yeux.<br />
— J'attends les résultats <strong>de</strong> l'<strong>au</strong>topsie.<br />
Je me rassis. Il me tendit une cigarette.<br />
— Et maintenant, je voudrais que vous me racontiez ce que vous savez. Vous connaissiez<br />
cet homme?<br />
— Oui.