28.06.2013 Views

Fortune de France-0..

Fortune de France-0..

Fortune de France-0..

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

d’acier ; que ce que sa beauté avait commencé, son admirable<br />

bénignité l’avait achevé en moi ; et que je l’aimerais enfin<br />

jusqu’à la consommation <strong>de</strong>s siècles, ou à tout le moins, tant<br />

que je serais vif dans le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s vivants.<br />

La quittant pour aller pourvoir à mon équipage, comme le<br />

Roi en sa libéralité me l’avait commandé, je ne pensais qu’à lui<br />

témoigner plus avant les sentiments dont j’étais pour elle tant<br />

rempli qu’il ne me semblait pas que je pusse jamais les lui<br />

exprimer d’une façon qui me pût contenter, pour ce qu’il y avait<br />

en eux un infini qui échappait à mon terrestre pouvoir. Musant<br />

pour mes emplettes dans les rues <strong>de</strong> Paris, je la voyais partout,<br />

rapportant à elle tout ce que je voyais <strong>de</strong> bon et <strong>de</strong> beau dans les<br />

vitrines <strong>de</strong>s marchands, et éprouvant un étrange appétit à lui<br />

donner l’univers entier, si j’avais pu.<br />

En ces rêveuses dispositions, j’envisageais à la fenêtre d’un<br />

joaillier les coûteuses parures qu’il y avait disposées pour<br />

séduire les chalands, quand une dame masquée <strong>de</strong> noir, suivie<br />

<strong>de</strong> sa chambrière également masquée, <strong>de</strong>scendit d’une coche<br />

sans armoiries à <strong>de</strong>ux toises <strong>de</strong> moi et vint sans tant <strong>de</strong> façons<br />

se planter à mon côtel, regardant ou contrefeignant <strong>de</strong> regar<strong>de</strong>r<br />

les bijoux dont déjà je voyais en mon esprit mon Angelina parée.<br />

Je doutai <strong>de</strong> prime que l’inconnue ne fût quelque huppée<br />

ribau<strong>de</strong> en quête d’un galant à dépouiller, doute qui toutefois<br />

disparut, dès qu’elle parla, sa voix étant douce, basse et<br />

musicale et son français fort raffiné, encore que prononcé avec<br />

un accent qui ne m’était pas déconnu.<br />

— Monsieur, dit-elle, n’est-il pas constant que <strong>de</strong> toutes<br />

celles qui se voient ici, la bague qui vous plaît est cette<br />

lumineuse opale <strong>de</strong> Hongrie sertie <strong>de</strong> petits diamants ?<br />

— Madame, dis-je, étonné assez <strong>de</strong> cette ouverture, c’est bien<br />

observé. C’est celle-là même. Mais je crains n’être pas étoffé<br />

assez pour l’acquérir.<br />

— Quelle pitié ! dit l’inconnue. Ou plutôt quelle <strong>de</strong>mi-pitié,<br />

car pour moi, reprit-elle, je connais une noble dame qui serait<br />

fort aise <strong>de</strong> l’offrir à Madame votre épouse pour la remercier <strong>de</strong><br />

la dépense et <strong>de</strong> l’incommodité où elle fut à recueillir et soigner<br />

chez elle un gentilhomme blessé.<br />

193

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!