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Fortune de France-0..

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Chartres le mardi 2 août, et mon frère, vous imaginez, le<br />

connaissant, les bonneta<strong>de</strong>s et les génuflexions du Magnifique<br />

<strong>de</strong>vant le Roi, lequel le releva, lui donna une forte brassée (que<br />

ne l’a-t-il, ce faisant, étouffé !) le baisa sur les <strong>de</strong>ux joues, et<br />

l’invita à sa table. Sur quoi l’échanson leur ayant versé à tous<br />

<strong>de</strong>ux à boire, le Roi dit, la face fort enjouée :<br />

— Mon cousin, à qui donc boirons-nous ?<br />

— Mais Sire, dit le Duc <strong>de</strong> Guise, à qui vous plaira. C’est à<br />

vous d’ordonner. Je ne serais que trop aise <strong>de</strong> vous obéir.<br />

— Eh bien ! dit le Roi avec un sourire d’irrision, buvons à nos<br />

bons amis les huguenots !<br />

— Fort bien donc ! dit le Duc, ravi, pour ce qu’il entendait<br />

bien la malice <strong>de</strong> cette tostée-là.<br />

— Mais buvons aussi, dit le Roi, à nos barrica<strong>de</strong>ux <strong>de</strong> Paris.<br />

Buvons aussi à eux ! Et ne les oublions pas !<br />

À quoi le Duc <strong>de</strong> Guise rit, mais d’un ris qui passait mal le<br />

nœud <strong>de</strong> la gorge, pour ce qu’il se trouva fort déquiété <strong>de</strong> cet<br />

étrange amalgame, que faisait le Roi entre les huguenots et les<br />

barrica<strong>de</strong>ux, fourrés par lui dans le même sac comme rebelles à<br />

son trône, alors que le Guise ne voulait comme ennemis que les<br />

premiers, et comme amis que les seconds.<br />

D’avoir tant parlé, et d’avoir parlé <strong>de</strong> vin, donnant quelque<br />

soif à Quéribus, il me le dit et je fis un signe <strong>de</strong> tête à Miroul,<br />

lequel saillit hors la librairie pour comman<strong>de</strong>r qu’on nous<br />

apportât à boire, puis incontinent revint, étant lui-même affamé<br />

d’en ouïr davantage, entendant bien que le sort du mon<strong>de</strong> se<br />

jouait en ces heures où le Guise et l’Armada menaçaient <strong>de</strong><br />

ruine <strong>de</strong>ux royaumes. Attachant sur Quéribus, lequel s’accoisait<br />

dans l’attente d’être satisfait, ses beaux yeux vairons, mon<br />

Miroul paraissait compter, comme moi-même, <strong>de</strong> ses<br />

toquements <strong>de</strong> cœur, les minutes qui nous séparaient <strong>de</strong> l’avenir<br />

hasar<strong>de</strong>ux.<br />

Tant est que le silence perdurant, je me laissai aller à<br />

l’étonnement que la Reine-mère eût fait au Roi cette étrange<br />

requête <strong>de</strong> retourner en Paris. Et y pensant, je faillis à résoudre<br />

et à ce jour n’ai point résolu encore, si la Reine-mère, par cette<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong> qui, s’il y avait consenti, eût mis son fils au péril <strong>de</strong> sa<br />

liberté et <strong>de</strong> sa vie, s’avérait tout à fait monstrueuse ou tout à<br />

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