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Fortune de France-0..

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entre le Roi et leurs entreprises, les eussent voulus au diable <strong>de</strong><br />

Vauvert, la Boiteuse et ses prêchereaux inventant je ne sais<br />

combien <strong>de</strong> fallaces sur eux, assurant entre autres horreurs que,<br />

rampant en Paris la nuit comme tigres <strong>de</strong> sang assoiffés, ils<br />

égorgeaient les passants et les jetaient en la rivière <strong>de</strong> Seine, les<br />

couvrant au surplus d’insultes, les appelant « les fendants du<br />

Roi », ses « coupe-jarrets » ; ou ses « diables gascons ».<br />

Si La Basti<strong>de</strong> et Montseris tenaient du démon, je ne sais,<br />

mais je les trouvais assez bons diables et fort reconnaissants au<br />

Roi <strong>de</strong> les traiter si bien, recevant <strong>de</strong> lui mille <strong>de</strong>ux cents écus <strong>de</strong><br />

gages par an, et par-<strong>de</strong>ssus, « la bouche à court », comme on dit<br />

en Paris, ce qui signifie qu’ils étaient nourris gratis, et entre<br />

autres avantages, comme j’ai dit déjà, <strong>de</strong> la ribau<strong>de</strong> sans bourse<br />

délier et à leur suffisance. Vie qui les faisait très contents en<br />

comparaison <strong>de</strong> leur mésaise <strong>de</strong> Gascogne en château délabré.<br />

En outre, c’était là, du moins quant aux <strong>de</strong>ux que j’ai dits, La<br />

Basti<strong>de</strong> et Montseris, bonnes gens, mais simples, mal décrassés<br />

<strong>de</strong> leur terroir natal, sentant furieusement l’ail et la sueur,<br />

sachant à peine lire, entendant le français mais le parlant fort<br />

mal ; <strong>de</strong> reste, comme on l’imagine, fort tournés aux athlétiques<br />

exercitations, au tir au pistolet et au jeu <strong>de</strong> l’épée, où je les ai vus<br />

s’exercer en notre chambre, quasiment du matin au soir, en<br />

huchant à tue-tête comme s’ils allaient s’entrégorger, alors qu’ils<br />

s’aimaient comme frères ; cette noise me déquiétant<br />

excessivement <strong>de</strong> mon repos, et pis encore la nuit, leurs<br />

ronflements jumeaux (pour ce qu’ils couchaient dans un lit<br />

jouxtant celui <strong>de</strong> Miroul et du mien), lesquels ronflements <strong>de</strong><br />

forge nous tympanisaient du couchant à la pique du jour, l’un<br />

reprenant, lorsque l’autre, par miracle, cessait. Pour ne rien dire<br />

ici du lundi (jour <strong>de</strong>s ribau<strong>de</strong>s) où, consignés dans la chambre<br />

avec Miroul pour nos sûretés, je ne pouvais que je n’assistasse à<br />

leurs endiablées saraban<strong>de</strong>s, lesquelles duraient quasiment tout<br />

le jour, le remuement et surtout la vacarme passant<br />

l’imagination, pour ce qu’ils troussaient ces pauvres garces<br />

comme s’ils eussent monté à l’assaut, avec <strong>de</strong>s « Cap <strong>de</strong> Diou ! »<br />

et <strong>de</strong>s « Mordi ! », et autres effroyables jurements, toutefois<br />

avec les loudières, une fois l’assaut fini, point du tout méchants<br />

ni brutaux, les mignonnant à l’infini en leurs bras velus, et leur<br />

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