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Amy : Destin je te hais. - My Major Company

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Chapitre 1 :<br />

<strong>Amy</strong> : <strong>Destin</strong> <strong>je</strong> <strong>te</strong> <strong>hais</strong>.<br />

Nous marchions len<strong>te</strong>ment dans les ruelles. Nos mains s'entremêlèrent, nous sourions. Nous<br />

n'osions plus parler. Nos yeux regardaient de partout. Nous étions intimidés l'un comme l'autre.<br />

« _Dis moi à quel point tu m'aimes? Dis-<strong>je</strong><br />

_Je t'aime comme personne n'a jamais aimé! Les mots qui exis<strong>te</strong>nt dans notre langage ne sont pas<br />

assez forts pour exprimer mon amour pour toi. C'est tout. »<br />

Conquise, j'arrivais enfin à main<strong>te</strong>nir mon regard dans le sien. Il souriait, il me souriait. « _Moi <strong>je</strong><br />

t'aime au moins autant que tu m'aimes! »<br />

Mon regard se figea dans ses yeux. Ses yeux, ses magnifiques prunelles. Je m'y perdrais tou<strong>te</strong><br />

l'é<strong>te</strong>rnité si c'était possible. Malgré tout ce que les autres ont dit, malgré tout ce que <strong>je</strong> pensais, <strong>je</strong> l'aimais.<br />

Je l'aimais éperdument. Je voulais que cet instant ne s'arrê<strong>te</strong> jamais, les instants de pur bonheur comme<br />

celui-là était si rare que <strong>je</strong> voulais qu'il dure une é<strong>te</strong>rnité.<br />

« _<strong>Amy</strong>, <strong>je</strong> sais ce à quoi tu penses. Je sais que la vie est dure, que tu es at<strong>te</strong>in<strong>te</strong> à tous les coups<br />

durs. Je sais à quel point tu es émotive, <strong>je</strong> sais que tu gardes tout pour toi, mais <strong>je</strong> t'en supplie oublie tout<br />

ça. Oublie que le monde est cruel, oublie le mal, la méchanceté des gens qui peuplent cet<strong>te</strong> planè<strong>te</strong>.<br />

Désormais oublie tout ce qui peut nuire à notre bonheur, à notre idylle. Je t'aime, tu m'aimes. C'est ce qui<br />

impor<strong>te</strong>. Là, main<strong>te</strong>nant, tout de sui<strong>te</strong>, <strong>je</strong> sais que tu <strong>te</strong> dis que mon discours est utopique, et bien soit.<br />

Qu'il en soit ainsi, <strong>je</strong> suis un incorrigible romantique, lover ou même prince charmant, c'est comme tu veux.<br />

Seule toi m'impor<strong>te</strong>! »<br />

Voilà que main<strong>te</strong>nant il devine ce à quoi <strong>je</strong> pense. Il me semble bien que n'impor<strong>te</strong> qu'elle fille de<br />

cet<strong>te</strong> planè<strong>te</strong> aurait fondu, aurait mordu à l'hameçon. Mais pas moi, quelque chose m'en empêché.<br />

Bizarrement <strong>je</strong> sentais en moi comme une vague de chaleur et puis jus<strong>te</strong> après une sensation de<br />

mouillé sur le front. Ma main se déliée de la sienne, <strong>je</strong> le regardais s'éloigner. Quelques secondes plus tard<br />

<strong>je</strong> n'apercevais qu'un silhouet<strong>te</strong>, une ombre.<br />

« _<strong>Amy</strong>! <strong>Amy</strong>! <strong>Amy</strong> réveille toi! Allez! Allez dépêche toi!<br />

_ Oui! Oui! C'est bon. Pas besoin de me secouer maman! Qu'est-ce qui se passe? Pourquoi tu<br />

hurles?<br />

_ Chérie, j'ai une bonne nouvelle. Je ne travaille pas cet<strong>te</strong> après-midi. J'avais dans l'idée que nous<br />

pourrions sortir. Ça <strong>te</strong> dit une sortie shopping? Un musée? Un ciné?<br />

_Mm <strong>je</strong> ne sais pas. Tu me laisses le <strong>te</strong>mps de me réveiller. Je vais prendre une douche et j'arrive.<br />

Quelle heure est-il? Demandais-<strong>je</strong> les yeux mi-clos.<br />

_10h20 ma puce. Je <strong>te</strong> prépare ton thé, allez dépêche toi, sinon ça va refroidir. Conclut-elle. »<br />

J'aime <strong>te</strong>llement ma mère. Elle et son «speed», ses imprévus, ses habitudes et ses mimiques.<br />

J'aime <strong>te</strong>llement les quelques rides qu'elle a au coin des yeux lorsqu'elle souriait. J'aimais qu'elle me réveille<br />

tou<strong>te</strong> con<strong>te</strong>n<strong>te</strong> pour m'annoncer une bonne nouvelle.<br />

Cet<strong>te</strong> après-midi, <strong>je</strong> voulais qu'elle soit avec moi, qu'impor<strong>te</strong> l'endroit! Sous la douche j'essayais de<br />

faire mon choix. Le cinéma? Non il n'y avait pas de très bons films cet<strong>te</strong> semaine. Shopping? Musée? Non,<br />

trop de monde dans un espace trop clos. Je voulais m'allonger dans un pré et regarder le ciel. Voilà ce que<br />

<strong>je</strong> voulais faire de ma journée. En sortant de la douche, <strong>je</strong> m'enroulais dans une grosse serviet<strong>te</strong> chaude et<br />

allais dans mon dressing. Je pris un jogging et un débardeur noirs. Le noir, j'aimais <strong>te</strong>llement cet<strong>te</strong> couleur,<br />

bien qu'il n'en soit pas une. Le noir est une nuance, un manque de lumière, bien sûr.<br />

Je dévalais les marches à tou<strong>te</strong> vi<strong>te</strong>sse, mon thé était prêt, j'en humais les bonnes odeurs.


« _Merci Mam. Au fai<strong>te</strong> que dirais-tu d'un journée au parc? Toi, moi, allongées dans l'herbe. Bon<br />

plan non?<br />

_Oui! Autant profi<strong>te</strong>r du soleil. Ça tombe bien, <strong>je</strong> ne savais pas comment m'habiller.<br />

_On mange là-bas ce midi ?<br />

_Oh non! J'ai sorti la viande.<br />

_Pas grave, ce n'était qu'une suggestion. Bon, <strong>je</strong> vais dans ma chambre, j'ai deux trois choses à<br />

faire! »<br />

Elle me souriait et m'embrassait sur le front. Il n'y avait pas à dire, j'avais la meilleure des mères.<br />

Dans ma chambre, <strong>je</strong> me connectais sur in<strong>te</strong>rnet. Je n'avais pas à at<strong>te</strong>ndre long<strong>te</strong>mps avant que ma<br />

meilleure amie ne vienne me parler. Elle me racontais sa journée d'hier avec son petit copain, Félix.<br />

J'adorais ce garçon. Il était <strong>te</strong>llement drôle. Anaïs et Félix formaient un merveilleux couple. Ils étaient<br />

amoureux l'un de l'autre depuis plus de dix ans! Lorsque <strong>je</strong> disais ça, j'avais l'impression de parler d'un<br />

couple tren<strong>te</strong>naire.<br />

Hier, elle et Félix étaient allés à un concert de Pop-Folk avec plusieurs groupes. L'ambiance était géniale me<br />

disait-elle, mais elle était crevée et <strong>je</strong> la comprenais. Anaïs n'avait dormi que cinq peti<strong>te</strong>s heures.<br />

Aujourd'hui elle devait aller faire des courses pour sa grand-mère malade. Elle était tout à fait exemplaire,<br />

elle n'oubliait personne, personne sauf moi parfois. Comme ce jour là, elle ne parlait que d'elle et ne me<br />

demandait pas comment j'allais ni ce que j'avais à racon<strong>te</strong>r. Un peu déçue <strong>je</strong> coupais court la conversation<br />

et me déconnectais avant de d'é<strong>te</strong>indre l'ordina<strong>te</strong>ur. En compensation, <strong>je</strong> lançais la musique, un CD de<br />

EMOMETAL américain. Les accordes de guitares me relaxaient et la voix du leader me berçait.<br />

Dans ce moment de bonheur in<strong>te</strong>nse, <strong>je</strong> décidais de me maquiller et de me coiffer. J'attac<strong>hais</strong> mes<br />

cheveux en arrière en une queue de cheval et me maquillais de noir, mais légèrement. Ma mère héla mon<br />

nom à travers les escaliers. Surprise j'é<strong>te</strong>ignais la musique et me pressais de descendre la rejoindre. Nous<br />

passions à table. Ma mère se fit un beefs<strong>te</strong>ak et des pâ<strong>te</strong>s italiennes, pour moi un pavé de saumon grillé<br />

avec des carot<strong>te</strong>s vapeur. J'étais végétarienne, enfin presque, ma mère m'obligeait à manger du poulet<br />

pour mon apport en protéines. C'était la viande la moins grasse et celle qui avait moins le goût animal. Le<br />

fait de savoir que <strong>je</strong> mangeais un animal, qui autrefois courrait dans un pré me répugnait. De plus, la viande<br />

rouge était une viande très grasse et <strong>je</strong> préférais mille fois le goût du poisson. Alors que nous finissions de<br />

manger, le téléphone de la maison sonnait. Étant la plus proche <strong>je</strong> décroc<strong>hais</strong>, c'était Anton, mon frère. Il<br />

me parlait de son école en Écosse, de sa chérie Sarah et de l'ambiance là-bas avant de me demander ce<br />

que <strong>je</strong> devenais.<br />

« _Eh bien, <strong>je</strong> vais au lycée, <strong>je</strong> fais mes devoirs, <strong>je</strong> vois des amis, <strong>je</strong> sors avec maman, <strong>je</strong> mange, <strong>je</strong><br />

bois et dors. La routine quoi. Dis-<strong>je</strong> en riant.<br />

_Bon, ben si ça va, c'est tant mieux. Il n'y a pas de chéri dans ta routine?<br />

_Non, pas de place pour ce genre d'individu. Je dois d'abord passer mon BAC, on verra après.<br />

_Je n'aime pas cet<strong>te</strong> façon de penser. Ne gâche pas ta <strong>je</strong>unesse derrière des livres peti<strong>te</strong> sœur. Vis!<br />

C'est <strong>te</strong>llement mieux.<br />

_Mm peut-être. Sûrement. Mais non, <strong>je</strong> préfère avoir un avenir professionnel plutôt que des<br />

histoires sentimentales de trois mois maximum qui me mangeraient le cerveau. Tu ne crois pas?<br />

_Je crois que tu as peur de l'amour <strong>Amy</strong>.<br />

_Anton, c'est mon avenir, ma vie! C'est à moi de décider. Ne t'en mêle pas s'il <strong>te</strong> plait.<br />

_Mm, d'accord, mais <strong>je</strong> t'aurais prévenu. Passe-moi maman s'il <strong>te</strong> plait. »<br />

Je l'embrassais et passais le combiné à ma mère. Elle était con<strong>te</strong>n<strong>te</strong> d'avoir de ses nouvelles. Anton<br />

téléphonait rarement depuis qu'il était parti. Il nous manquait à chaque instant. Il était le seul homme de la<br />

maison, main<strong>te</strong>nant l'ambiance était cent pour cent féminine et ce n'était pas pour nous déplaire non plus.<br />

Maman n'avait, pour l'instant, pas l'in<strong>te</strong>ntion de refaire sa vie. Elle disait que seul notre bonheur lui<br />

importait. Mais main<strong>te</strong>nant j'avais 17 ans révolus et il fallait qu'elle songe à sa vie conjugale. Bientôt <strong>je</strong><br />

partirai pour une raison ou une autre... même si l'envie n'y étais pas. C'est la vie.<br />

Je montais dans ma chambre, encore une fois. J'avais la bizarre impression de passer plus de vingt


heures sur vingt-quatre dans cet<strong>te</strong> pièce. J'avais hâ<strong>te</strong> que le jardin soit à nouveau désherbé, tondu et<br />

débroussaillé pour que <strong>je</strong> puisse m'y installer. J'aimais <strong>te</strong>llement l'été pour ça! Le soleil me réchauffait le<br />

visage et <strong>je</strong> me dé<strong>te</strong>ndais en moins de <strong>te</strong>mps qu'il ne fallait pour le dire.<br />

D'un coup sûr et sec, j'ouvrais mes rideaux. Les rayons du zénith pouvaient enfin entrer dans mon<br />

antre. Je voyais à quel point ma mère avait raison en ce qui concernait mon laissé allé quotidien. Dans<br />

plusieurs piles d'ob<strong>je</strong>ts divers et variés, <strong>je</strong> partais à la recherche de mon téléphone portable. Où pouvait-il<br />

être? Sûrement dans la poche du <strong>je</strong>an d'hier? Non, impossible j'avais mis une robe. Peut-être dans ma<br />

ves<strong>te</strong> alors? Je dépeçais en un rien de <strong>te</strong>mps mon por<strong>te</strong>-man<strong>te</strong>au. Négatif. Après une demie heure de<br />

recherche acharnée, <strong>je</strong> rendais les armes. Il fallait que <strong>je</strong> range tout ça, et vi<strong>te</strong>!<br />

Ma bibliothèque était enfin complè<strong>te</strong>, mon bureau rangé, <strong>je</strong> voyais enfin le bois du meuble. Mon<br />

armoire ressemblait enfin à une armoire et non à un champ de bataille pour débardeurs et autres<br />

pantalons. Ma chambre était enfin propre et mon téléphone toujours en permission quelque part. Je<br />

désespérais et décidais d'aller demander à maman si elle ne l'avait pas vu quelque part. «Négatif» me<br />

répondit-elle. Mais elle eu la bonne idée de m'appeler pour que nous en<strong>te</strong>ndions la sonnerie et ainsi mettre<br />

la main sur le déser<strong>te</strong>ur. J'en<strong>te</strong>ndais la chanson que j'avais défini comme sonnerie. Le volume était fort et<br />

venait du salon, du canapé plus précisément. Je me <strong>je</strong>tais dessus. Quelle cloche <strong>je</strong> faisais, <strong>je</strong> l'avais laissé là<br />

hier soir en allant me coucher. Maman se moquait gentiment de moi pendant que <strong>je</strong> vérifiais mes<br />

messages. J'avais reçu deux <strong>te</strong>xtos de Jeff (en réalité Jean-François) et un message d'un numéro nonenregistré,<br />

<strong>je</strong> le regardais en premier. «Salut, c'est Enzo! Comment ça se passe la soirée? Désolé de pas<br />

être venu, <strong>je</strong> t'explique demain.» Une erreur. J'effaçais le message et consultais les deux autres de Jeff. L'un<br />

datait d'hier soir er l'autre de ce matin, il voulait savoir si j'avais quelque chose de prévu pour aujourd'hui.<br />

Jean-François était mon meilleur ami. Lui, était toujours là quand j'en avais besoin et <strong>je</strong> faisais de même<br />

pour lui, en tout cas au mieux. Nous nous étions connu sur un si<strong>te</strong> in<strong>te</strong>rnet, il y a de ça trois ans. Déjà et<br />

depuis ce 28 Octobre 2008 nous étions inséparables. Il était comme mon double, mon moi au masculin.<br />

Nous étions identiques, pareil. Nous étions les mêmes. Jamais nous n'aurions eu dans l'idée de vivre une<br />

relation amoureuse, chacun <strong>te</strong>nait trop à l'autre pour ça. Mais si un jour <strong>je</strong> voulais avoir un «petit-ami» <strong>je</strong><br />

voudrais qu'il lui ressemble, non pas physiquement (bien qu'il soit très beau) mais intérieurement. Je<br />

l'adorais et l'admirais aussi.<br />

Avant de partir trop loin dans mes pensés, <strong>je</strong> lui répondais que j'allais au point d'eau avec ma mère<br />

cet<strong>te</strong> après-midi et j'ajoutais que j'étais désolée de ne répondre que main<strong>te</strong>nant, bien qu'il soit habitué.<br />

Maman enfila sa ves<strong>te</strong> et nous quittions la maison. Dans la voiture elle commençait à débattre sur ma vie<br />

sentimentale, elle aussi. Ils s'y mettaient tous, comme si un petit ami à 17 ans était indispensable.<br />

« _Tu sais ma puce, ce n'est pas parce que tu as un copain que ça va changer quelque chose entre<br />

nous...<br />

_Je pourrais <strong>te</strong> dire la même chose. Répliquais-<strong>je</strong>.<br />

_Mm... Peut-être, mais il s'agit de toi. Il n'y a même pas un garçon qui t'intéresse?<br />

_Tu as peur que <strong>je</strong> sois lesbienne? C'est ça?<br />

_Non, c'est ta vie. Je veux simplement ton bonheur. Dit-elle choquée.<br />

_Ah. Donc si <strong>je</strong> ne veux pas de garçon, ni de fille, tu devrais comprendre?<br />

_Oui, mais <strong>je</strong> m'inquiè<strong>te</strong> depuis que <strong>je</strong> t'ai en<strong>te</strong>ndu parler avec Anton.<br />

_Il y a quelqu'un... Non, quelque chose, <strong>je</strong> ne sais pas.<br />

_De quoi parles-tu?<br />

_Tu m'as demandé si j'avais un garçon en vue... Eh bien non. Enfin si. Je ne sais pas. Cet<strong>te</strong> nuit j'ai<br />

fais un drôle de rêve. Il y avait un garçon. Magnifique! Avec une âme pure. C'était étrange. Mais ce n'était<br />

qu'un rêve. Dis-<strong>je</strong> nerveusement.<br />

_Ma puce ne soit pas trop exigean<strong>te</strong>. Les garçons n'aiment pas ça.<br />

_Je n'aime pas les garçons maman! Je veux en aimer qu'un seul. Il sera grand, brun aux yeux<br />

bleus/gris avec un grain de beauté sur la visage. Il sera la copie conforme du garçon de mon rêve. Une<br />

silhouet<strong>te</strong> fine et un regarde franc et in<strong>te</strong>nse. Le romantisme sera sa plus belle qualité et la misanthropie<br />

son pire défaut. Je ne veux que lui maman, aussi bizarre soit-il.


_Ma pauvre fille, tu es amoureuse d'un rêve. Tu es aussi romantique et poétique que ton grand<br />

frère. Ça me plait et ça m'effraie aussi. Je ne <strong>te</strong> souhai<strong>te</strong> que ton bonheur ma puce.<br />

_Pour l'instant mon bonheur, c'est toi et moi. Et c'est très bien comme ça. Conclus-<strong>je</strong>.»<br />

Nous arrivions au point d'eau. Il n'y avait pas trop de monde pour un dimanche après-midi, c'était<br />

surtout peuplé en été. Les beaux jours arrivaient peut-être, mais les frileux ne se montraient pas. Ma mère<br />

et moi n'avions quasiment jamais froid. Elle avait jus<strong>te</strong> une peti<strong>te</strong> ves<strong>te</strong> pour couvrir ses épaules et moi <strong>je</strong><br />

restais en débardeur. La <strong>te</strong>mpérature était douce et le vent ne soufflait pas aujourd'hui. Autant en profi<strong>te</strong>r.<br />

Nous nous allongions à l'ombre, sous un arbre. Maman commençait à somnoler et <strong>je</strong> me noyais<br />

dans ma musique. J'augmentais le volume pour me couper du monde. Les accords de guitare électrique, le<br />

rythme de la bat<strong>te</strong>rie ainsi que les flaps de basse m'assoupissaient. Bien que <strong>je</strong> ne pouvais pas lut<strong>te</strong>r contre<br />

mes yeux qui se fermaient, <strong>je</strong> m'enfonçais un peu plus dans mon sommeil.<br />

« _<strong>Amy</strong>! <strong>Amy</strong>! Hé oh! » Je reconnaissais cet<strong>te</strong> voix. C'était Jeff. J'ouvrais les yeux et le voyais perché<br />

au dessus de moi, ses cheveux passant devant ses prunelles. Il me <strong>te</strong>ndait ses mains, <strong>je</strong> les saisissais et me<br />

levais.<br />

«_ Eh bien, <strong>je</strong> viens ici pour toi et toi tu dors! Bravo. Dit-il en riant.<br />

_Tu ne m'as pas prévenue. Dis-<strong>je</strong> en le prenant dans mes bras.<br />

_Allez ramène-toi, <strong>je</strong> <strong>te</strong> présen<strong>te</strong> mon ami d'enfance.<br />

_Ton ami? D'accord, at<strong>te</strong>nd <strong>je</strong> préviens ma mère. Je me tournais et la secouais brusquement, elle<br />

ouvrit les yeux. Maman, <strong>je</strong> vais un peu plus loin. Je reviens.» Elle acquiesça.<br />

Jeff me prit par la main et <strong>je</strong> le suivais de l'autre côté de la rive, en passant par le pont en bois. De<br />

l'autre côté, nous rejoignions le fameux ami. Au fur et à mesure que nous nous rapprochions de lui, j'avais<br />

l'impression de le connaître, le reconnaître. Je chuchotais à l'oreille de Jeff que <strong>je</strong> l'avais déjà vu quelque<br />

part, du moins qu'il me semblait l'avoir déjà aperçu. Il souriait et <strong>je</strong> en comprenais pas pourquoi. «Il est<br />

mignon» m'informait-il tout bas.<br />

Non! Ce n'était pas possible, ça ne pouvait pas être lui. Il y avait une chance sur un million pour que<br />

l'ami de Jeff soit... Non, <strong>je</strong> n'y croyais pas. J'étais encore dans un rêve. Pourquoi ces choses n'arrivent qu'à<br />

moi?! «Pitié Seigneur épargnez ma pauvre exis<strong>te</strong>nce d'un <strong>te</strong>l mal» me répétais-<strong>je</strong> dans la tê<strong>te</strong>. «<strong>Destin</strong> <strong>je</strong> <strong>te</strong><br />

<strong>hais</strong>!» Ajoutais-<strong>je</strong>. Pourquoi fallait-il que ce garçon soit celui dont j'avais rêvé cet<strong>te</strong> même nuit? Quelqu'un<br />

m'en voulait! Pourquoi moi?<br />

« _<strong>Amy</strong> <strong>je</strong> <strong>te</strong> présen<strong>te</strong> Lucas. Lucas, voici <strong>Amy</strong>.<br />

_Enchanté(e), disions-nous en même <strong>te</strong>mps.<br />

_Bon et si on s'asseyait? Proposait Jeff.<br />

_Oui! Bonne idée. Répliquait-il. »<br />

Il était exac<strong>te</strong>ment comme dans mon rêve. Je n'arrivais pas à le quit<strong>te</strong>r des yeux. Il était<br />

magnifique. À l'observer, le scru<strong>te</strong>r, <strong>je</strong> remarquais que ses yeux étaient légèrement en amande. Peut-être<br />

avait-il des origines asiatiques... Nous parlions de choses et d'autres, mais rien de très intéressant. J'appris<br />

qu'il passait un BAC scientifique à la fin de l'année. Une sor<strong>te</strong> de rivale pour moi pauvre littéraire... Je me<br />

trouvais ridicule, moi, fan de Voltaire <strong>je</strong> me retrouvais face à un expert en chimie. Quelle drôle de<br />

rencontre. Ni lui ni moi n'osions parler. C'était comme <strong>te</strong>ndu et c'est Jeff qui sauvait l'ambiance.<br />

« _Oh Lucas! Tu savais que la peti<strong>te</strong> <strong>Amy</strong> était une fan de EMOMETAL elle aussi! S'écria-t-il!<br />

_Oh! C'est bien. Tu joues d'un instrument sinon? Me demandait-il.<br />

_Mm. Oui, j'ai joué du piano, du saxophone, de la guitare, mais <strong>je</strong> préfère la basse. Un jour<br />

j'essayerai la bat<strong>te</strong>rie.<br />

_Eh bien! Tu m'impressionnes. Dit-il.<br />

_Pourquoi? Dis-<strong>je</strong> surprise.


_Je ne suis qu'un seul guitaris<strong>te</strong> poussant parfois la chansonnet<strong>te</strong>, alors que toi tu es une artis<strong>te</strong><br />

quasiment complè<strong>te</strong>.<br />

_Oh ça! Je rougis d'un coup. Je ne suis pas complè<strong>te</strong> à proprement parlé. Je compose mais ne<br />

chan<strong>te</strong> pas. Et puis en plus <strong>je</strong> suis autodidac<strong>te</strong>...<br />

_Raison de plus. Beaucoup de personnes ont besoin d'un professeur, toi, tu apprends seule, c'est<br />

une qualité, pas un défaut.<br />

_Si tu le dis. Répondis-<strong>je</strong> abasourdie.<br />

_Et moi <strong>je</strong> comp<strong>te</strong> pour du beurre!? Ajouta Jeff en hurlant. »<br />

Nous riions, Lucas et moi, aux éclats avant de devenir rouges pivoine. Sans nous en rendre comp<strong>te</strong>,<br />

nous venions de parler seulement que tous les deux, oubliant la présence de Jeff, en tout cas pour ma part.<br />

Après une après-midi entière à parler de tou<strong>te</strong>s nos idées communes, ainsi que tout ce qui nous<br />

différencié, Lucas et moi échangions nos numéros de téléphone.<br />

« _Par contre, <strong>je</strong> <strong>te</strong> préviens, annonça Jeff, elle perd toujours son téléphone partout et elle répond<br />

souvent le lendemain. N'est-ce pas? Me disait-il en ricannant.<br />

_Je n'aime pas ces trucs, c'est pas de ma fau<strong>te</strong>!<br />

_Voila pourquoi tu ne connais pas ton numéro. Ajouta Lucas d'un air surnois.<br />

_Tout à fait! Et j'assume. Rigolais-<strong>je</strong>. »<br />

Je quittais les deux amis pour rejoindre ma mère. Pour leur dire au revoir, <strong>je</strong> fis un ges<strong>te</strong> simple de<br />

la main, le fait de «faire la bise» <strong>je</strong> trouvais ça moyen. Je faisais souvent un gros bisou sur la joue droi<strong>te</strong> de<br />

Jeff et lui sur mon front (car j'étais plus peti<strong>te</strong> que lui). Mais si <strong>je</strong> faisais un bison à Jeff et non à Lucas <strong>je</strong><br />

passerai pour malpolie, or, <strong>je</strong> ne connais Lucas que depuis quelques heures, <strong>je</strong> n'allais pas déjà l'embrasser.<br />

Alors c'est pour ça que <strong>je</strong> partais en faisant un «coucou» général. Maman était réveillé et faisait des<br />

SUDOKU, à mon arrivée.<br />

« _Tu aurais du m'envoyer un message pour me dire que tu étais réveillée. Dis-<strong>je</strong> en m'asseyant.<br />

_Flemme! Répondit-elle concentrée dans son <strong>je</strong>u.<br />

_J'ai fais la connaissance de quelqu'un d'exceptionnel maman! Tu ne me croiras jamais!<br />

_Dis moi tout! Dit-elle en posant son magazine. »<br />

Je lui racontais mon incroyable histoire. Au début elle fut sceptique, puis elle me crut quand <strong>je</strong> lui<br />

montrais le numéro ainsi que sa silhouet<strong>te</strong> au loin. Elle était con<strong>te</strong>n<strong>te</strong> (et sous le choc) et se disait que<br />

finalement j'étais «normalement» constituée, que <strong>je</strong> pouvais éprouver quelque chose. Elle crut tout de<br />

sui<strong>te</strong> que j'étais amoureuse, mais elle était loin de la vérité. J'étais passionnée par le personnage de mon<br />

rêve, pas par lui. Il était trop... réel. Si <strong>je</strong> tombais amoureuse de lui, tout deviendrait concret. J'avais peur de<br />

ça. L'abstrait était plus sûr pour moi. Pour l'instant, une réelle histoire d'amour était inimaginable. Des<br />

amis, des sorties, des rigolades, ça oui! Mais une histoire d'amour! Non, c'était au dessus de mes forces!<br />

« _Mais maman! Je ne l'aime pas!<br />

_Oui pas encore. »<br />

Elle avait un ton agacé que <strong>je</strong> n'aimais pas.<br />

Nous rentrions plutôt vi<strong>te</strong> à la maison. Une fois arrivées, <strong>je</strong> sautais dans ma salle de bain pour<br />

prendre une douche. Tout en étant sous l'eau, <strong>je</strong> repensais à mon après-midi. C'était magique. Je coupais<br />

l'eau pour me faire un shampooing et j'en<strong>te</strong>ndais la sonnerie de mon cellulaire, j'avais reçu un message,<br />

sûrement Anaïs ou Félix... Je me dépêc<strong>hais</strong> de finir ma douche. En sortant encore mouillée de la tê<strong>te</strong> aux<br />

pieds et seulement encerclée d'une énorme serviet<strong>te</strong>, j'allais récupérer mon téléphone.<br />

« J'ai passé une après-midi incroyable! Ravi de <strong>te</strong> connaître, «peti<strong>te</strong> <strong>Amy</strong>». Bisous à très vi<strong>te</strong> <strong>je</strong> l'espère. » Je<br />

ne savais pas quoi répondre, mais <strong>je</strong> souriais bê<strong>te</strong>ment en le lisant plusieurs fois. Seulement quelques<br />

minu<strong>te</strong>s plus tard, <strong>je</strong> recevais un appel, c'était de nouveau lui, Lucas. Pourquoi m'avait-il appelé?


« _Allo <strong>Amy</strong>?<br />

_ Oui c'est bien moi. Tu vas bien? Merci pour ton message, ça m'a fait plaisir à moi aussi. C'était une<br />

incroyable après-midi!<br />

_Oui! J'ai bien rigolé et tu es très intéressan<strong>te</strong>!<br />

_Je <strong>te</strong> retournes le compliment, même si tu es un scientifique!<br />

_Je ne sais pas si <strong>je</strong> dois le prendre bien. Riait-il.<br />

_Ce n'est pas méchant, <strong>je</strong> ne suis pas méchan<strong>te</strong>.<br />

_Je sais, <strong>je</strong> l'ai remarquais... Enfin, <strong>je</strong> t'appelle pour <strong>te</strong> demande si on pouvait se voir demain? Si ça<br />

<strong>te</strong> dit bien sûr.<br />

_Demain j'ai cours jusqu'à 15 heures et toi?<br />

_16 heures. Tu pourrais passer devant mon lycée?<br />

_Oui, bien sûr. Je serai là-bas avant que tu ne sor<strong>te</strong>s, mais ne tares pas trop non plus. Je dois <strong>te</strong><br />

laisser, <strong>je</strong> sors de ma douche. À demain.»<br />

Je raccroc<strong>hais</strong> après qu'il m'ait salué chaleureusement.<br />

Ce soir <strong>je</strong> n'avais pas faim et allais ma coucher en ayant seulement avalé une soupe expresse aux neuf<br />

légumes. Ma mère m'embrassait sur la joue et <strong>je</strong> me montais dormir. Il était seulement huit heures et<br />

demi, alors <strong>je</strong> mis la télévision. Les informations se <strong>te</strong>rminaient à peine, <strong>je</strong> coupais le son et me <strong>je</strong>tais sur<br />

mon lit avec Candide de Voltaire. Assurément mon livre préféré. Je relisais le dernier chapitre, celui l'au<strong>te</strong>ur<br />

parlait du jardin... de l'utopie. Je préférais ce dernier chapitre à celui de l' Eldorado. La fin du livre était la<br />

plus belle de tou<strong>te</strong> et c'est pour ce chapitre en particulier que <strong>je</strong> relisais le con<strong>te</strong> philosophique. J'étais une<br />

voltairienne et <strong>je</strong> l'assumais.<br />

Sous mon oreiller <strong>je</strong> sentais mon cellulaire vibrer; encore un message. Je me faisais harceler<br />

aujourd'hui. C'était Jeff, encore une fois. Il voulait savoir si <strong>je</strong> pouvais l'appeler et c'est ce que <strong>je</strong> fis.<br />

« _Tu ne me quit<strong>te</strong>s plus. Dis-<strong>je</strong>. Avoue que <strong>je</strong> <strong>te</strong> suis indispensable?<br />

_Mm... Non! Rigolait-il. Bien sûr que si, mais ce n'est pas pour ça que <strong>je</strong> <strong>te</strong> demande de m'appeler.<br />

J'ai quelque chose d'important à <strong>te</strong> dire. Quelque chose de très important. Disait-il très sérieux.<br />

_Je t'écou<strong>te</strong>, mais ne tourne pas autour du pot, tu sais comme j'ai horreur de ça.<br />

_Oui, <strong>je</strong> sais. Eh bien enfai<strong>te</strong> c'est à propos de moi. Je pense être un bisexuel... Moi bisexuel!? Tu<br />

t'imagines? Je ne m'en remet pas. J'ai besoin de toi.<br />

_Qu'est-ce qui <strong>te</strong> fait penser ça? Tu es attiré par un homme? Tu ne t'imagines pas toujours avec des<br />

filles? Explique-moi.<br />

_Il y a un élève dans mon lycée... Sean, il est parfait. J'ai l'impression d'être complè<strong>te</strong>ment fou de<br />

lui. Quand il me regarde <strong>je</strong> me sens encore plus beau. J'ai envie d'aller le voir, de lui parler, de le toucher...<br />

Tu vois, c'est bizarre. Je ne sais pas exac<strong>te</strong>ment ce que c'est. Je suis attiré mais pas amoureux?<br />

_Même les hétérosexuels sont attirés sans pour autant être amoureux et tu peux être attiré par un<br />

garçon alors que tu es hétérosexuel. Il n'y a pas de règles.<br />

_Oui, tu as raison, <strong>je</strong> le sais. Mais, ça m'intrigue.<br />

_Écou<strong>te</strong>, selon moi la meilleure des choses à faire c'est que tu ailles le voir. Rien que pour parler.<br />

Trouve une question insignifian<strong>te</strong> à lui poser. Peu impor<strong>te</strong>. Parles-lui et tu verras quelle sera sa réaction et<br />

qu'elle sera la tienne à votre contact.<br />

_Oui. Je vais faire ça. Merci. Ah au fai<strong>te</strong>, hors su<strong>je</strong>t Lucas m'a dit que tu passais devant le lycée<br />

demain. C'est cool, <strong>je</strong> finis aussi à 16 heures.<br />

_Ah et bien c'est génial ! Lucas <strong>te</strong>nait à me voir, j'ai trouvé ça bizarre.<br />

_Il m'a parlé de toi pendant tou<strong>te</strong> la fin de journée. On parlait d'attirance il y a quelques minu<strong>te</strong>s...<br />

Eh bien là c'est bien un cas. Tu en penses quoi toi?<br />

_Moi <strong>je</strong> n'en pense rien. Il est gentil et a beaucoup d'idées similaires aux miennes, mais c'est tout.<br />

Et s'il <strong>te</strong> plait ne joue pas les entremet<strong>te</strong>urs.<br />

_Bien sûr! Je vous laisserai tranquille demain. »


Chapitre 2 :<br />

Ma nuit fut tranquille, pas d'agitation et <strong>je</strong> ne m'étais pas réveillée dans la nuit. Aujourd'hui j'avais<br />

cours tou<strong>te</strong> la journée, de 8h à 15h. Je dé<strong>te</strong>stais cet<strong>te</strong> journée-là, j'avais littérature, sport et arts-plastiques.<br />

Mon option, quelle énorme erreur j'avais fait de prendre arts. Mon professeur n'avait pas les mêmes idées<br />

que moi, pas le même sens artistique. Du coup, on ne s'en<strong>te</strong>ndait pas. De tout façon, <strong>je</strong> n'étais pas d'accord<br />

sur le fait que l'on pouvait no<strong>te</strong>r une œuvre d'art. À ce que <strong>je</strong> sache, on ne notait pas les tableaux de Picasso<br />

ou les sculptures de De Vinci. Alors pourquoi elle se permettait de le faire, elle? Sous pré<strong>te</strong>x<strong>te</strong> qu'elle, elle<br />

savait ce qu'était l'art. Foutaises!<br />

Après avoir craché sur cet<strong>te</strong> chère madame Vitriol <strong>je</strong> me levais. Il était déjà 7h, bien que j'habitais à<br />

quelques minu<strong>te</strong>s à pieds du lycée, <strong>je</strong> ne voulais pas être en retard. Anaïs allait m'at<strong>te</strong>ndre devant le portail.<br />

Je descendais les escaliers à tou<strong>te</strong> vi<strong>te</strong>sse une fois que <strong>je</strong> fus habillée et lavée. Maman était déjà partie, elle<br />

m'avait laissé un mot accroché sur le réfrigéra<strong>te</strong>ur. «Bonne journée ma puce, <strong>je</strong> t'aime.» Je voyais l'heure :<br />

7h30. Je n'avais plus long<strong>te</strong>mps alors j'avalais une brioche et un verre de jus d'ananas. Je remontais en<br />

courant à l'étage, <strong>je</strong> me lavais mes dents, pris mon sac et quittais la maison avant de fermer à double tour.<br />

J'arrivais devant le lycée et voyais Anaïs adossée contre le portail, comme d'habitude. À mon<br />

arrivée elle m'enlaça et nous rentrions dans l'encein<strong>te</strong> du bâtiment. Cet<strong>te</strong> fois elle me demandait comment<br />

c'était passé mon weekend. Je lui dis que rien de spécial n'était arrivé, qu'il était un weekend banal, elle y<br />

crut et m'expliquait que le concert était magnifique et m'expliquait plus en détail son déroulement.<br />

Nous allions entrer dans la salle de littérature quand <strong>je</strong> reçus un <strong>te</strong>xto sur mon cellulaire. «Appelle-moi à<br />

midi s'il <strong>te</strong> plait. Anton.» Bizarre. Soit, j'appellerai.<br />

Le cours commençait bien. Nous allions parler de Voltaire, de sa vie, de ses œuvres. J'en jubilais<br />

d'avance. Madame Valentin me fit un clin d'œil lorsqu'elle annonça l'ob<strong>je</strong>t d'étude de cet<strong>te</strong> séance. Tout le<br />

monde savait bien que j'étais fan de cet au<strong>te</strong>ur. J'aimais qu'il fut un optimis<strong>te</strong> pour ensui<strong>te</strong> virer à l'inverse.<br />

J'aimais L'Ingénue et par dessus tous ces chefs d'œuvres Le Traité Pour La Tolérance. Cet homme était<br />

<strong>te</strong>llement en avance sur son époque et la notre aussi. Peu de personnes sont toléran<strong>te</strong>s, encore<br />

aujourd'hui, au XXI ème siècle...<br />

Après nos trois heures de littérature sans pause, nous étions libres pour deux heures. Avec Anaïs<br />

nous allions manger au snack à côté de lycée, Félix et un ami à lui nous y rejoignaient. Je commandais un<br />

sandwich au blanc de poulet et elle une barquet<strong>te</strong> de fri<strong>te</strong>s avec un s<strong>te</strong>ak haché saignant. Il fallait avoir<br />

envie de manger ça... Les deux garçons ne furent que de passage parmi nous, car ils reprenaient les cours à<br />

11h30. C'est à cet instant-là que <strong>je</strong> me rappelais du message d'Anton. Je l'appelais sur le champ, il<br />

décrochait à la deuxième sonnerie.<br />

« _<strong>Amy</strong>! Merci de m'avoir appelé. Dis-moi, à quelle heure tu finis aujourd'hui?<br />

_Mm, à 15h pourquoi? Et pourquoi tu m'as demandé de t'appeler?<br />

_Je rentre à la maison, mon avion est à 18h. Je serai à la maison vers 23h. Préviens maman, <strong>je</strong> vous<br />

expliquerai en rentrant. Ne <strong>te</strong> fais pas de soucis, <strong>je</strong> vais très bien. À ce soir, <strong>je</strong> t'aime.<br />

_Moi aussi. Eu-<strong>je</strong> le <strong>te</strong>mps de dire avant qu'il ne raccroche brutalement.<br />

_Que se passe-t-il? Me demandait Anaïs en voyant ma tê<strong>te</strong> décomposée.<br />

_C'est Anton. Il revient, il nous expliquera ce soir. »<br />

Elle fut aussi surprise que moi à cet<strong>te</strong> nouvelle et me rassurait. Je m'imaginais toujours les pires<br />

scénarios et ça Anaïs le savait. J'en avais pour la journée à me poser tout un tas de questions. Mais en tout<br />

cas, une chose était sûre, ce soir ça allait être folklorique. Maman allait dire à Anton qu'elle avait raison,<br />

qu'il ne fallait pas qu'il par<strong>te</strong> si loin, tout seul. Je pensais tout de sui<strong>te</strong> à Sarah. Peut-être était-ce à cause<br />

d'elle. Peut-être avaient-ils eu une dispu<strong>te</strong>. Sûrement même...<br />

Anaïs me sortit de mes esprits quand elle me demandait qui était Lucas.


« _Tu connais Lucas? Dis-<strong>je</strong> surprise par sa question.<br />

_Non, mais c'est le deuxième message que tu reçois en deux minu<strong>te</strong>s.<br />

_Oh! Pardon. Conclus-<strong>je</strong> en récupérant mon téléphone. »<br />

Je ne pris même pas le <strong>te</strong>mps de lire les <strong>te</strong>xtos et mis le cellulaire dans mon sac à dos. Je pressais<br />

ma meilleure amie pour retourner au lycée. Elle se doutait bien que quelque chose n'allait pas, mais elle<br />

n'avait pas le choix, elle ne saurait pas, pas avant que <strong>je</strong> l'avais décidé.<br />

* * * * *<br />

Il était 15h, les cours étaient enfin <strong>te</strong>rminés, j'étais fatiguée, l'escalade m'avait crevé et le contrôle<br />

d'arts-plastiques achevé. Sur le chemin, pour aller jusqu'au lycée de Lucas et Jeff <strong>je</strong> regardais enfin mon<br />

téléphone et lisais les messages reçus ce midi. «Je finis finalement à 15h, <strong>je</strong> serai quand même devant le<br />

lycée.» était le premier message. «On pourra at<strong>te</strong>ndre Jeff si tu veux.» était le second. Je me pressais donc<br />

pour ne pas qu'il at<strong>te</strong>nde trop long<strong>te</strong>mps. J'avais hâ<strong>te</strong> de m'asseoir, plus que de le voir.<br />

J'arrivais enfin. Lucas était assis face à son bâtiment, des écou<strong>te</strong>urs dans les oreilles et les yeux<br />

dans le ciel. J'avais envie de le surprendre. Une fois derrière lui, <strong>je</strong> posais mes mains brusquement sur ses<br />

épaules et fis un «Bouh» migistral. Il sursauta.<br />

« _Bien le bonjour. Dis-<strong>je</strong> en me rattrapant.<br />

_Bonjour. Répondit-il poliment. Tu vas bien?<br />

_Oui, mis à part une journée éreintan<strong>te</strong>. Et toi?<br />

_Moi <strong>je</strong> vais toujours bien. Souriait-il. Tu veux qu'on bouge de là?<br />

_Non, on est bien là et puis ici on pourra voir Jeff sortir.<br />

_C'est vrai! Pourquoi tu n'as pas répondu à mes messages?<br />

_Mm, oui désolée, <strong>je</strong> ne les ai vu que main<strong>te</strong>nant. Mentis-<strong>je</strong><br />

_Jeff avait vraiment raison alors, ou tu me mens?»<br />

Quoi ? Comment savait-il ça? Ça, ça n'était pas normal! Ce gars était vraiment bizarre. Effrayant. Ce<br />

n'était pas possible qu'il sache ça. Je ne répondais pas et pris un écou<strong>te</strong>ur de mon in<strong>te</strong>rlocu<strong>te</strong>ur. Il écoutait<br />

ma chanson préférée «Knockin' On Heaven's Door» des Guns N Roses. Encore une coïncidence, encore une.<br />

C'était trop, <strong>je</strong> craquais. À bouts de nerfs, <strong>je</strong> me levais et partis. Étrangement, il ne me suivait pas et c'était<br />

mieux comme ça. Il n'aurait fait que rendre les choses difficiles. Plus difficiles qu'elles ne l'étaient déjà. Je<br />

n'avais qu'une envie, rentrer chez moi et me plonger dans un bon bain avant que maman n'arrive. Avant<br />

qu'Anton ne débarque. J'avais <strong>te</strong>llement hâ<strong>te</strong> de le revoir, de le prendre dans mes bras, de le serrer et de ne<br />

lâcher qu'à la limi<strong>te</strong> de l'étouffement.<br />

Je l'aimais lui. Lui et ses grands yeux noirs. Lui et ses grandes jambes, ses bras musclés, son accent<br />

du sud prononcé, ses mains immenses. Son sourire. Le sourire de papa. Il lui ressemblait <strong>te</strong>llement. Son<br />

portrait craché. Sa taille de basket<strong>te</strong>ur me rassurée et sa musculature de gladia<strong>te</strong>ur ne faisait qu'in<strong>te</strong>nsifier<br />

la chose. J'aimais quand il me chantait la berceuse favori<strong>te</strong> de papa, j'aimais quand on se chamaillait pour<br />

savoir le quel avait le droit de se mettre devant dans la voiture. À tous les coups maman décidait de nous<br />

laisser tous les deux à l'arrière. Anton avait également des cheveux marrons noiset<strong>te</strong>s magnifiques. Il était<br />

coiffé à la façon de Robert Pattinson, ce soit disant beau goss anglais. Je trouvais mon grand frère trois<br />

milles fois mieux que cet<strong>te</strong> potiche blafarde. Mon frère était ma<strong>te</strong> et avait l'allure d'un guerrier. Souvent il<br />

me faisait penser à Colin Farrell dans le film Alexandre. Anton était le plus beau, le plus in<strong>te</strong>lligent et le plus<br />

aimable des hommes présents ici sur cet<strong>te</strong> Terre. Il était la copie conforme de papa.<br />

Papa lui n'était plus là. Oui, il était parti, contre son gré. Mort. Assassiné. Tué. Poignardé. Tris<strong>te</strong><br />

histoire. Vieille histoire. Notre histoire. Papa me manquait. Victor Grey était absent. Absent depuis dix ans.<br />

Depuis dix longues années. Anton avait de la chance, il l'avait connu douze ans. Douze ans à ses côtés.<br />

J'aurai aimé plus connaître mon père. Maman me disait qu'il était un homme parfait, un mari idéal et un<br />

père exemplaire et <strong>je</strong> n'en doutais pas. Sur les photos <strong>je</strong> le voyais toujours le sourire aux lèvres. Il me


prenait souvent dans ses gros bras pour les photos. Papa était un très bel homme. Il fut assassiné parce que<br />

sa société faisait de l'ombre à celle d'un concurrent hollandais. Ma famille était réputée pour son<br />

caoutchouc. Nous étions les leader dans le domaine, jusqu'à ce tragique accident.<br />

Un jour maman fut appelée par la police.<br />

Nous étions dans la cuisine, elle m'aidait à faire un gâ<strong>te</strong>au au chocolat pour les garçons. Anton était à son<br />

entraînement de rugby et papa encore au bureau - de la paperasse disait-il souvent, quel homme d'affaire<br />

hors du commun il faisait. Le gâ<strong>te</strong>au au chocolat était son préféré, celui d'Anton aussi. Pendant que <strong>je</strong><br />

devais touiller la mixture maman décrochait la téléphone. Je la regardais avec un large sourire, puis <strong>je</strong> vis<br />

son visage se décomposer. Des larmes coulaient le long de ses joues. Quelque chose c'était passé. Elle<br />

essayait de se cacher, mais <strong>je</strong> voyais bien qu'elle pleurait. Maman remercia l'agent et raccrochait. Elle<br />

é<strong>te</strong>ignit les plaques chauffan<strong>te</strong>s, me prit par la main m'asseyait sur le canapé et commençait son discours.<br />

« _Ma chérie, j'ai quelque chose d'horrible à <strong>te</strong> dire. Il va falloir que tu sois for<strong>te</strong>. Ces choses<br />

peuvent arriver. Malheureusement cet<strong>te</strong> fois le bon Dieu a voulu que ça tombe sur nous. Mon bébé, ton<br />

papa a... ton papa est mort. Elle fondait en larmes à mes genoux.<br />

_Mais maman! Pourquoi? Non! Dieu n'a pas le droit! Et nous? Pourquoi nous on est en vie?<br />

Pourquoi il n'y a que papa qui est parti au ciel? Maman! Arrê<strong>te</strong> de pleurer! Il faut aller voir papa! Et Anton!<br />

_Tu as raison ma chérie! Dit-elle en essayant de sécher ses larmes. Il ne faut pas se laisser abattre.<br />

On va chercher Anton. Après on ira voir papa. »<br />

Ce jour-là maman avait conduit très vi<strong>te</strong>. Si vi<strong>te</strong> que j'avais l'impression que nous allions avoir un<br />

accident. Je ne comprenais pas vraiment ce qui venait de se passer. Je ne réalisais pas que plus jamais <strong>je</strong><br />

n'allais revoir mon père. Je ne savais pas exac<strong>te</strong>ment ce que <strong>je</strong> ressentais, mais <strong>je</strong> savais qu'il ne fallait pas<br />

pleurer. Je savais qu'il fallait chercher Anton et surtout qu'il fallait être là pour ma maman. Je lui parlais de<br />

la volonté de Dieu dans la voiture. Pourquoi cet être au-dessus de tous les hommes se permettait de<br />

prendre la vie à des innocents? Maman me disait que c'était parce que le mal pouvait rempor<strong>te</strong>r sur le bien,<br />

que la vie pouvait être injus<strong>te</strong>, mais que dans chaque malheur se trouvait quelque chose qu'il nous faisait<br />

relever la tê<strong>te</strong>. C'était la première fois qu'avec maman j'avais eu une discussion de «grands» - comme<br />

j'appelais ça à l'époque. Je demandais à maman qu'elle était la chose qui lui permettait de res<strong>te</strong>r la tê<strong>te</strong><br />

hors de l'eau, elle répondit très vi<strong>te</strong> et sans hési<strong>te</strong>r «vous»; «nous», ses enfants, sa chaire, son sang, ses<br />

tripes. « Je vous protégerai comme la prunelle de mes yeux! » répétait-elle à tu-tê<strong>te</strong>.<br />

Une fois arrivées au stade de rugby d'Anton, elle me laissait un instant seul pour allé chercher mon<br />

aîné en un éclair. Lui ne comprenait pas ce qui se passait. « Papa est mort! » lâc<strong>hais</strong>-<strong>je</strong> d'un ton sec et<br />

dépourvu d'émotion. Il hurlait d'abord et pleurait tou<strong>te</strong>s les larmes de son corps ensui<strong>te</strong>. C'étaient ses cris<br />

qui m'avait fait comprendre. Comprendre que c'était fini, que plus jamais <strong>je</strong> ne pourrais prendre mon père<br />

dans mes bras. Que plus jamais <strong>je</strong> ne pourrais l'embrasser, que plus jamais <strong>je</strong> ne pourrais jouer au football<br />

avec lui, que plus jamais que <strong>je</strong> ne pourrais faire de gâ<strong>te</strong>au pour lui. Que plus jamais <strong>je</strong> ne le reverrai. Mon<br />

chagrin remontait d'un seul coup et <strong>je</strong> pleurais en silence. Mes larmes coulaient mais aucun son ne pouvait<br />

sortir de ma bouche. C'était la fin. Sa fin. J'aimais <strong>te</strong>llement papa.<br />

Quelques mois plus tard maman décidait de changer de ville. Nous quittions donc L'île de France<br />

pour le sud, Dignes-les-Bains pour exac<strong>te</strong>ment. Une peti<strong>te</strong> ville tranquille des Alpes de Hau<strong>te</strong>s Provence.<br />

Maman voulait changer de décors, de fréquentations, changer de vie. J'étais assez surprise, mais Anton<br />

m'expliquait que c'était mieux pour tout le monde. Papa parti, il ne me restait plus de mon grand frère<br />

comme modèle masculin ici-bas. Il était devenu mon mentor et ça maman en était fière. Nous étions<br />

encore plus soudés qu'auparavant. Cet<strong>te</strong> tragédie avait renforcé nos liens et désormais l'accident était<br />

devenu un su<strong>je</strong>t tabou. Personne n'osait en parler et surtout pas Anton. Il était le plus affecté, maman et<br />

moi l'avions accepté, lui non. Ça me faisait beaucoup de peine quand <strong>je</strong> le voyais feuille<strong>te</strong>r les albums<br />

photos en ayant des larmes qui coulaient tou<strong>te</strong>s seules. Maman et moi étions impuissan<strong>te</strong>s, si nous nous<br />

approchions de lui dans ses moments-là il se refermait sur lui-même et devenait presque violent. C'était<br />

<strong>te</strong>llement tris<strong>te</strong>...


Je me retrouvais enfin devant la por<strong>te</strong> de la maison. Les yeux humides et les membres fatigués.<br />

Lorsque <strong>je</strong> rentrais, <strong>je</strong> trouvais du courrier par <strong>te</strong>rre, <strong>je</strong> <strong>je</strong>tais un rapide coup d'œil sur les enveloppes, mais<br />

tou<strong>te</strong>s étaient au nom de Madame Gabrielle Grey, aucune au mien. Tant pis. Je les posais sur la table du<br />

salon et montais dans la salle de bain. Le bain me dé<strong>te</strong>ndait et <strong>je</strong> me changeais enfin les esprits.<br />

Soudainement j'en<strong>te</strong>ndis la por<strong>te</strong> d'entrée s'ouvrir.<br />

« _Ma chérie! Je suis rentrée! Tu es en haut?<br />

_Oui! Mon<strong>te</strong> j'ai une bonne nouvelle! Hurlais-<strong>je</strong> à travers la maison.<br />

Je l'en<strong>te</strong>ndais déjà mon<strong>te</strong>r les marches deux à deux.<br />

_Dis moi donc! Dit-elle en poussant la por<strong>te</strong>.<br />

_C'est Anton! Il rentre ce soir! »<br />

Tout devint silencieux, puis j'en<strong>te</strong>ndis ses pas redescendre. Drôle de réaction! Mon bain fut abrégé.<br />

J'enfilais un <strong>te</strong>e-shirt long et un caleçon large avant de la rejoindre. Elle était assise sur le canapé, ses<br />

chaussures de ville retirées, sa tê<strong>te</strong> dans ses mains. Ses cheveux noirs colorés tombaient devant son visage<br />

et ses jambes étaient pliées en tailleur. Même lorsque ça n'allait pas, elle était magnifique. « Gabrielle Grey,<br />

si vous saviez à quel point vous ê<strong>te</strong>s parfai<strong>te</strong> à mes yeux! » lançais-<strong>je</strong> à travers la pièce. Elle relevait la tê<strong>te</strong>.<br />

Non, elle n'avait pas pleuré mais elle n'allait pas bien. J'allais m'asseoir tout près d'elle et la prit dans mes<br />

bras. Elle se laissait faire.<br />

« _Il nous expliquera tout en rentrant ce soir. Il sera là aux environs de onze heures.<br />

_Tu dormiras à cet<strong>te</strong> heure-là j'espère! Ricanait-elle.<br />

_Oh que non! Répliquais-<strong>je</strong> du même ton. J'ai hâ<strong>te</strong> de le prendre dans mes bras.<br />

_Moi aussi si tu savais! Quelle idée il a eu de partir si loin pour ses études! J'ai mis au monde de<br />

drôles de gosses! C'est moi qui <strong>te</strong> le dis! Mais qu'est-ce que <strong>je</strong> les aime! J'espère qu'il n'a rien de grave.<br />

_A mon humble avis, il y a de for<strong>te</strong>s chances pour que Sarah y soit pour quelque chose!<br />

_Peut-être. J'espère que ce n'est pas l'école ou des problèmes quelconques.<br />

_Mais non! Et puis arrêtons de nous torturer avec tout ça! Tu ne veux pas plutôt qu'on prépare le<br />

dîner. Et si l'on faisait mexicain aujourd'hui?<br />

_Pourquoi pas! Par contre <strong>je</strong> <strong>te</strong> laisse faire, <strong>je</strong> vais me doucher! J'en ai grand besoin! Je ne suppor<strong>te</strong><br />

plus Ingrid et ses sau<strong>te</strong>s d'humeur. J'ai du aller avec elle pour trouver les chaussures qu'il lui fallait.<br />

_Mais ce n'est pas dans ton contrat ça? Je me trompe?<br />

_Non. Mais c'était sur la rou<strong>te</strong> pour trouver les nouveaux carillons pour les por<strong>te</strong>s.<br />

_Maman! Quelle idée tu as eu de <strong>te</strong>nir ton propre magasin de décoration <strong>je</strong> <strong>te</strong> jure! Soupirais-<strong>je</strong>.<br />

_Il fallait que <strong>je</strong> fasse quelque chose de mes journées non, <strong>je</strong> n'allais pas res<strong>te</strong>r à la maison à<br />

t'at<strong>te</strong>ndre! Marmonna-t-elle en montant se laver. »<br />

J'aimais <strong>te</strong>llement quand elle bougonnait de cet<strong>te</strong> façon. Même le nain grincheux dans Blanche<br />

Neige à côté d'elle maîtrisait moins l'art du râleur. Je me hâtais à préparer le dîner. J'aimais bien cuisiner<br />

mexicain, c'était simple, rapide et bon. Il n'était seulement que 18h30 mais j'avais une faim de loup! En<br />

même <strong>te</strong>mps que d'être aux fourneaux <strong>je</strong> dressais la table et allumais la télévision. Il y avait tout un tas de<br />

séries B à cet<strong>te</strong> heure sur les chaînes pour adolescen<strong>te</strong>s. Le genre de séries ridicules mais qui accrochaient.<br />

J'en suivais une. Il était impossible que <strong>je</strong> ra<strong>te</strong> un épisode, c'était trop prenant. Ça se passait dans un lycée,<br />

en Espagne. Une histoire sur des ados et des profs. Rien de passionnant à première vue. À première vue<br />

seulement... Je me répétais souvent que j'étais une victime de la société. Bien malheureusement <strong>je</strong> n'étais<br />

pas seule dans la maison. Maman aussi avait ses peti<strong>te</strong>s habitudes. Le weekend ou quand elle ne travaillait<br />

pas, elle aimait regarder des séries policières – que j'adorais également. J'étais un cas à part de<br />

victimisation télévisuelle! Tris<strong>te</strong> <strong>je</strong>unesse...<br />

En plus d'avoir une passion pour la télé, j'en avais une pour le Japon. Ah le Japon! Le pays du soleil<br />

levant. Le pays de mes rêves! Un jour j'irai! Seule ou non, peu m'impor<strong>te</strong>! J'irai! La seule chose qui me<br />

freinait dans mon envie de partir était l'avion. J'avais peur qu'il soit détourné. Depuis le 11 sep<strong>te</strong>mbre <strong>je</strong> me<br />

méfiais de tout. De tout le monde. Ben Laden et ses amis m'effrayaient. Je crois qu'ils étaient les seuls<br />

êtres humains – s'il est possible de les nommer ainsi – à m'effrayer. Comment des hommes pouvaient avoir


envie de tuer et mourir? Il y avait sûrement quelque chose qui avait défavoriser la poussée de leur neurones<br />

ou que sais-<strong>je</strong> encore. Le fanatisme. La religion. Voilà ce qu'il y avait. Croire en des choses immatérielles<br />

était dangereux! Les gens devenaient fous, ils s'imaginaient, inventaient les pensés des Dieux qu'ils<br />

vénéraient. Je haïssais Dieu. Je haïssais L'Église. Je haïssais la religion. Ce Dieu qu'ils aiment tant tous avait<br />

prit mon père. Je ne pouvais que lui rendre la pareille. Dieu n'était qu'une légende dépourvu de cœur, de<br />

bonté d'âme. Dieu n'était qu'un mensonge que les personnes désespérées avaient inventé pour garder<br />

espoir. Leur foi était fictive. Ils n'étaient tous que des pécheurs. Eux plus que moi.<br />

Maman débarqua dans la cuisine et me surprit. Ses bras vinrent à enrouler ma taille et elle me serra<br />

fort, très fort. Elle murmurait à mon oreille qu'elle avait hâ<strong>te</strong> de le voir. Elle était heureuse et j'étais<br />

con<strong>te</strong>n<strong>te</strong> de la voir sourire. Son visage était illuminé. Je lui proposais de préparer son lit avant de passer à<br />

table. Nous allions dans sa chambre, déser<strong>te</strong>. Rien n'avait changé depuis son départ, il y avait déjà deux<br />

ans. Rares étaient les fois où il passait quelques jours ici. Son globe <strong>te</strong>rrestre posé sur son bureau éclairé<br />

jus<strong>te</strong> assez la pièce. Pendant que <strong>je</strong> retirais les draps du lit, maman allait en chercher de nouveaux dans la<br />

buanderie. Nous lui laissions la couet<strong>te</strong> malgré la <strong>te</strong>mpérature qui c'était adoucie. La nuit ça se<br />

rafraîchissait et Anton était un frileux. Maman avait choisi les draps qu'il préférait quand il était petit. Ils<br />

étaient bleus et blancs, avec les tê<strong>te</strong>s de ses personnages dessins animés préférés. «Ça lui rappellera de<br />

bons souvenirs» annonça maman en les dépliant. Je souris et l'aidais à finir.<br />

Après ça nous passions enfin à table pour finalement at<strong>te</strong>ndre Anton sur la canapé. Maman me<br />

laissait, pour cet<strong>te</strong> fois, le privilège regarder la télé, le soir, avec l'écran plat. Il était dix heures et demies<br />

quand mon frère tapait à la por<strong>te</strong>. Maman hurlait de bonheur avant même d'aller ouvrir. À peine eut-il jus<strong>te</strong><br />

le <strong>te</strong>mps de mettre un pied dans la maison, que maman lui sautait dessus. J'aimais la voir comme ça. Lui<br />

souriait. Il souriait <strong>te</strong>llement que <strong>je</strong> crus qu'il avait une crampe. J'explosais de rire en voyant maman<br />

étouffer Anton. Elle ne le lâchait plus. Il suffoquait et ce n'est qu'à ce moment-là qu'il fut libre. Ce fut à mon<br />

tour de finir écrabouiller. C'était <strong>te</strong>llement bon de le revoir. De le toucher, de sentir sa présence, son<br />

parfum. Il n'avait pas changé, ou peut-être avait-il fait quelque chose à ses cheveux. Il les avait un peu<br />

coupé il me semble. Maman et moi nous chargions des nombreux bagages du revenant, elle alla ensui<strong>te</strong><br />

payer le taxi qui at<strong>te</strong>ndait devant le portail. Anton la remercia.<br />

Il retirait ses chaussures, sa ves<strong>te</strong> et s'essaya à table. Je lui servais une assiet<strong>te</strong> de Fajitas et un verre<br />

de soda. Il me remerciait, et maman commençait son in<strong>te</strong>rrogatoire, assise sur la c<strong>hais</strong>e voisine.<br />

« _Eh bien mon ange! Pourquoi es-tu rentré? Tout va bien j'espère?<br />

_Oui, ne t'inquiè<strong>te</strong>s pas. Je voulais rentrer en France. L'Écosse c'est bien beau, mais j'étais trop loin<br />

de vous et puis j'ai trouvé une école équivalen<strong>te</strong> dans la région. J'irai en in<strong>te</strong>rnat et serais là tous les<br />

weekends. Il souriait, parlait et mangeait en même <strong>te</strong>mps.<br />

_C'est génial! Dis-<strong>je</strong> pleine d'entrain. Mais... Et Sarah?<br />

_Sarah ce n'est qu'une fille. Vous, vous ê<strong>te</strong>s mes femmes! Mon essentiel! Je peux me passer d'elle,<br />

mais pas de vous. Tu sais <strong>Amy</strong>, c'est notre discussion qui m'a fait comprendre que tu avais raison. J'avais le<br />

<strong>te</strong>mps pour me poser avec quelqu'un. Pour l'instant ma vie est là, avec vous.<br />

_J'avais raison! Oh! C'est <strong>te</strong>llement bon d'en<strong>te</strong>ndre ça! Jubilais-<strong>je</strong>.<br />

_Oui! Rigolait-il. Et maman aussi avait raison, <strong>je</strong> n'aurais jamais du partir si loin, sans vous.<br />

J'admets mon erreur, vous aviez raison!<br />

_Les femmes ont toujours raison. Sache-le, plaisantait maman. »<br />

Nous riions tou<strong>te</strong> la soirée. Anton nous racontait des anecdo<strong>te</strong>s sur les écossais, maman parlait<br />

d'Ingrid et râlait encore. Anton et moi riions de plus belles à l'en<strong>te</strong>ndre grincher gentiment. Quant à moi <strong>je</strong><br />

parler de Jeff et du lycée. J'allais me coucher aux alentours de trois heures du matin. Maman et Anton, eux<br />

continuaient de discu<strong>te</strong>r. Je ne mis que quelques minu<strong>te</strong>s à sombrer dans les ras de Morphée. Demain une<br />

dure journée m'at<strong>te</strong>ndait. On avait beau dire que les littéraires étaient des faignants, <strong>je</strong> n'étais pas du<br />

même accord. Notre emploi du <strong>te</strong>mps était plus que chargé et les heures de trous inexistan<strong>te</strong>s,<br />

contrairement aux autres. Enfin, ce n'était pas au fond de mon lit que j'allais refaire le monde...


Le lendemain matin, c'était Anton qui était venu me réveiller. Il m'annonça qu'il n'avait pas dormi<br />

de la nuit. Il avait parlé avec maman jusqu'à quatre heures. Je riais en voyant leurs visages cernés mais<br />

heureux. Ça faisait plaisir à voir. Maman allait avoir du mal à suivre la cadence aujourd'hui avec Ingrid qui lui<br />

en faisait voir de tou<strong>te</strong>s les couleurs en ce moment.<br />

« _ <strong>Amy</strong>! J'ai demandé si Anton et toi vous vouliez venir au magasin après <strong>te</strong>s cours. Ça <strong>te</strong> dit?<br />

_Euh oui! D'accord. Dis-<strong>je</strong>.<br />

_Je passerai <strong>te</strong> chercher à 15h devant ton lycée. C'est bon? Demandait Anton.<br />

_Oui, pas de problème. Bon, allez j'ai pas le <strong>te</strong>mps de discu<strong>te</strong>r, <strong>je</strong> vais être en retard au lycée sinon.<br />

Conclus-<strong>je</strong> en avalant mon thé en deux <strong>te</strong>mps trois mouvements. »<br />

Je montais les marches deux à deux et me prit une douche des plus rapides. Mes cheveux étaient<br />

emmêlés alors <strong>je</strong> les accroc<strong>hais</strong> tous pour en faire un chignon des plus originales. Je mis un trait de crayon<br />

noir sous les yeux, passais par ma chambre pour prendre son sac à dos et j'étais partie. Aujourd'hui j'avais<br />

quatre heures de philosophie, deux heures d'arts et une heure d'anglais. Heureusement que <strong>je</strong> finissais bien<br />

la journée. L'anglais ça se passait toujours bien. La prof était sympathique et l'ambiance chaleureuse.<br />

Parfois on pouvait presque oublier que nous étions en cours. C'était génial. J'aimais beaucoup l'école,<br />

l'enseignement, même si certains de mes résultats pouvaient démontrer le contraire. On ne pouvait pas<br />

être bon partout disait maman. Oui, cer<strong>te</strong>s, mais moi j'avais envie d'être la meilleure dans tous les<br />

domaines, mais <strong>je</strong> n'y arrivais pas. Surtout pas en histoire. Quelle horreur! Quelle matière horrible! Je<br />

haïssais l'histoire! Les seules choses intéressan<strong>te</strong>s étaient les guerres mondiales et encore, j'en avais assez<br />

d'apprendre toujours les mêmes choses... Le 3 janvier 1933 Hitler (ou le grand méchant loup) devint<br />

chancelier de l'Allemagne. On l'apprenait depuis le collège, alors pourquoi ne pas passer à autre chose?<br />

Apprendre des choses nouvelles? Était-ce trop demandé à l'enseignement public? L'état voulait nous faire<br />

un bourrage de cerveau, de la propagande à la façon de Staline ou Mussolini. C'était assez drôle quand on y<br />

repensait. Quelle politique! Quel pays! Liberté, égalité, fra<strong>te</strong>rnité. Mon œil!<br />

Je ne savais pas pourquoi, mais aujourd'hui j'étais d'une humeur rebelle. C'était mauvais signe.<br />

J'aurais mieux fait de me taire. J'arrivais enfin devant le lycée et c'est les habitudes qui reprenaient. Je<br />

saluais Anaïs et nous rentrions. Nous faisions tous les jours 8h-15h sauf le mercredi ou nous finissions à<br />

midi. Ah! Le mercredi! J'aimais <strong>te</strong>llement le mercredi! L'après-midi <strong>je</strong> sortais rarement. Anaïs venait à la<br />

maison ou inversement. Demain <strong>je</strong> ne savais pas ce que nous allions faire.<br />

« _Au fai<strong>te</strong> Anaïs, tu viens chez moi demain ou pas? Demandais-<strong>je</strong>.<br />

_Mm, oui. D'accord! Je passe vers deux heures c'est bon?<br />

_Pas de soucis. Normalement il y aura Anton!<br />

_Ah c'est vrai! Alors pourquoi est-il revenu en France?<br />

_Eh bien il nous a dit que sa vie était ici. Il a trouvé une école équivalen<strong>te</strong> dans la région. Il y sera en<br />

in<strong>te</strong>rnat et reviendra tous les weekends. Dis-<strong>je</strong> en souriant.<br />

_C'est super! Je suis con<strong>te</strong>n<strong>te</strong> que ça ne soit rien de grave. Bon allez viens il faut rentrer, le cours va<br />

commencer. »


Chapitre 3 :<br />

La journée passait vi<strong>te</strong> contrairement à ce que <strong>je</strong> pensais ce matin même. Le soir <strong>je</strong> fus tout de<br />

même soulagée quand j'at<strong>te</strong>rrissais la face tê<strong>te</strong> première sur mon lit. Au magasin les cris allaient et<br />

venaient comme si nous étions dans une école ma<strong>te</strong>rnelle, non pire une hal<strong>te</strong> garderie! Quelle horreur!<br />

Maman et Ingrid s'étaient pris le bec, une fois de plus. C'était comme ça qu'était fondée leur amitié. Elles<br />

s'adoraient <strong>te</strong>llement qu'au moindre problème elles en faisaient tou<strong>te</strong> une montagne. Je me rappelais une<br />

fois où Ingrid s'était trompé dans l'achat d'un bibelot pour la boutique; maman avait <strong>te</strong>llement at<strong>te</strong>ndu<br />

l'arrivée du produit que lorsqu'Ingrid lui avait avoué sa fau<strong>te</strong>, maman quitta subi<strong>te</strong>ment le magasin et<br />

voulait démissionner. Puis à peine dans sa grosse voiture elle redescendait pour se quereller avec Ingrid et<br />

finalement aller se réconcilier au restaurant italien du coin. C'était tout le <strong>te</strong>mps le même manège.<br />

Songeuse, <strong>je</strong> commençais à fermer les yeux. À m'endormir len<strong>te</strong>ment, allant jusqu'à oublier de<br />

poser ma paire de lunet<strong>te</strong>s. Je sentais que quelqu'un me les tirait, pour les poser sur ma table de chevet.<br />

J'entre-ouvris les yeux, c'était Anton. Il m'embrassait sur le front et s'asseyait tout près de moi.<br />

«_ Hé, Anton. Res<strong>te</strong> dormir dans ma chambre ce soir. S'il <strong>te</strong> plait.<br />

_ D'accord. Je vais chercher une couet<strong>te</strong>. Il se levait.<br />

_ Je suis con<strong>te</strong>n<strong>te</strong> que tu sois revenu à la maison Anton. Tu m'as manqué. »<br />

Je fermais les yeux et il sortait de la pièce à tâtons. Tellement éreintée <strong>je</strong> m'endormais avant de le<br />

voir entrer chargé de sa couet<strong>te</strong>. Plus tard dans la nuit <strong>je</strong> fus réveillée par la sonnerie de mon téléphone.<br />

Par miracle, Anton n'avait pas bronché. Je m'empressais d'enlever le son. Encore un peu endormie <strong>je</strong><br />

n'arrivais pas à distinguer le nom afficher sur l'écran. Je me concentrais et vis l'heure, 1h08 du matin ! Quel<br />

imbécile pouvait envoyer un message à cet<strong>te</strong> heure-ci ? Plus haut était écrit « Lucas ». Lui ? Main<strong>te</strong>nant ?<br />

Bizarre. Je m'asseyais mis mes lunet<strong>te</strong>s et ouvrais le message.<br />

« Salut <strong>Amy</strong>, <strong>je</strong> pense que tu dois dormir et j'espère de tout cœur ne pas <strong>te</strong> réveiller. Je voulais jus<strong>te</strong><br />

<strong>te</strong> dire qu'il était dommage que l'on ne se voit plus. Je n'ai pas compris ce qui t'a prit la dernière fois. Enfin<br />

bref, tout ça pour <strong>te</strong> dire que tu me manques, aussi bizarre soit-il. Bises. Lucas »<br />

Je répondais : « Effectivement, <strong>je</strong> dormais, <strong>je</strong> rêvais aussi, mais ce n'est pas grave. Je <strong>te</strong> donnerai<br />

des explications demain, <strong>je</strong> souhai<strong>te</strong>rais finir ma nuit. Bisous et dors bien. » J'étais sèche et claire dans mon<br />

discours. Il ne répondit pas et c'était très bien ainsi. Je ne voulais pas passer la nuit à me poser tout un tas<br />

de questions, alors <strong>je</strong> me forçais à fermer les yeux, à reprendre la fin de mon rêve. Mais <strong>je</strong> ne savais plus de<br />

quoi il s'agissait, mais peu impor<strong>te</strong>, <strong>je</strong> me concentrais sur le pos<strong>te</strong>r accroché au dessus de ma tê<strong>te</strong> et peu à<br />

peu <strong>je</strong> sombrais enfin dans les bras de Morphée.<br />

Le hurlement du réveil me sortais une fois de plus d'un rêve. Levée si brutalement tout le rêve me<br />

revenais en pleine face ! Quel choc ! Je me redressais et <strong>je</strong> vis la couet<strong>te</strong> de mon frère vide à mes pieds, les<br />

volets ouverts, un léger courant d'air vint caresser mon visage. Je frissonnais et trouvais enfin la force de<br />

me lever. Ma tê<strong>te</strong> tournée, mes yeux étaient durs à main<strong>te</strong>nir ouverts <strong>je</strong> trébuc<strong>hais</strong> et me rattrapais sur la<br />

por<strong>te</strong> de la chambre. Quelle journée m'at<strong>te</strong>ndait encore ?<br />

Une fois à l'étage inférieur, <strong>je</strong> découvrais une maison vide, sans vie. Une peti<strong>te</strong> no<strong>te</strong> était posée sur la table<br />

de la salle à manger. « Anton à l'école pour papiers. Maman avec Ingrid. A ce soir. T'aime. » Court et direct.<br />

Ça avait au moins le méri<strong>te</strong> d'être clair. Je souriais et leur envoyais un message à chacun pour leur<br />

souhai<strong>te</strong>r une bonne journée tout en préparant mon petit dé<strong>je</strong>uner.<br />

* * * *<br />

J'arrivais au lycée fraîche et pimpan<strong>te</strong>, les cheveux lisses et démêlés, les yeux noircis par mon khôl<br />

et vêtue de rouge et noir. Anaïs était toujours à sa place. Bientôt le weekend. Et puis cet après-midi nous<br />

n'avions pas cours. Enfin nous pouvions respirer. La journée défilée à vi<strong>te</strong>sse grand V. Les fous rires<br />

animaient notre après-midi. Nous avions la maison pour nous tou<strong>te</strong>s seules. On passait une grande partie


de la journée dans le salon à regarder des séries B. Nous en découvrions de nouvelles et nous repassions de<br />

vieux épisodes de notre série cul<strong>te</strong> « Les frères Scott ». C'était la série à ne pas manquer! Celle qui avait les<br />

meilleures répliques! Même ma mère adorait. C'était la série non pas d'une génération, mais de plusieurs.<br />

Plus tard nous <strong>je</strong>tions un coup d'œil sur In<strong>te</strong>rnet. Nous avions de multiples messages, mais nous ne<br />

prenions pas la peine de les lire, nous les archivions. Le plus intéressant étaient les conversations<br />

instantanées avec la web cam. Nous discutions avec Félix et son ami Jean, mais aussi avec des camarades<br />

de classe. Alors que nous étions en pleine conversation avec Jean et Félix, une fenêtre apparue sur l'écran.<br />

« Lucas.J@hotmail.com vient de vous ajou<strong>te</strong>r dans sa lis<strong>te</strong> de contacts. Accep<strong>te</strong>r ou refuser. »<br />

«_ Encore ce Lucas ? Héla Anaïs ! Mais c'est qui enfai<strong>te</strong> ?<br />

_ Un gars, plutôt sympa que j'ai rencontré grâce à Jeff ce weekend.<br />

_ Et tu ne m'as rien dit ? Quoique, ça ne m'étonne pas. Je hoc<strong>hais</strong> la tê<strong>te</strong>, désolée. Bon alors on<br />

accep<strong>te</strong> ou on refuse ?<br />

_ Bah... Accep<strong>te</strong>, on verra bien ce qu'il dira.<br />

_ Il <strong>te</strong> plaît ? Il est beau ? Il a quel âge ?<br />

_ Roh ! Espèce de concierge, at<strong>te</strong>nd on va lui demander de mettre la caméra, tu verras par toimême.<br />

Mais oui, il est plutôt mignon.<br />

_ Plutôt sympa, plutôt mignon. Tu l'aimes ou quoi ?<br />

_ Mais t'es folle ou quoi ? On ne se connait que depuis dimanche. Je ne suis pas le genre de fille à<br />

céder à un pseudo coup de foudre. Tu me connais.<br />

_ Oui. Et donc d'après ce que tu viens de dire, ce gars c'est un pseudo coup de foudre. Mm,<br />

intéressant. Bon, allez <strong>je</strong> lance la conversation, parce que tu ne le feras jamais. »<br />

Anaïs ouvrit une nouvelle conversation, lançait nos caméras respectives et <strong>je</strong> le voyais. Oh mon<br />

dieu ! Qu'il était beau. Un bonnet sombre sur sa tê<strong>te</strong> chevelue, une mèche de sa tignasse noire tombée<br />

devant un œil. Ses yeux ! Son bleu était plus abondant que la dernière fois, peut-être à cause de la<br />

saturation de sa caméra ou de mon écran. Peu m'importait, il était magnifique. Il envoyait un « salut » poli.<br />

Je lui répondais, quasiment au tac au tac.<br />

«_ Salut ! Mm, <strong>je</strong> voulais m'excuser d'avoir était sèche cet<strong>te</strong> nuit. Je dormais... Tu comprends ?<br />

_ Oui, ne t'en fais pas. Répondit-il aussi poliment.<br />

_ Quel message !? Hurla Anaïs !<br />

_ Je <strong>te</strong> racon<strong>te</strong>rai. Dis-<strong>je</strong>. Laisse moi finir avec lui. Conclus-<strong>je</strong> en souriant.<br />

_ C'est ta meilleure amie ? Demandait Lucas.<br />

_ Effectivement, Anaïs.<br />

_ Enchanté. Rédigea-t-il avec un sourire timide sur le coin des lèvres.<br />

_ Il est <strong>te</strong>llement craquant ! Sortit-elle en me surprenant. Tout timide avec ses yeux-là! Mais fonce.<br />

Qu'est-ce que tu at<strong>te</strong>nds ? Je <strong>te</strong> comprendrais jamais ma pauvre.<br />

_ C'est pas si facile. Répondis-<strong>je</strong> à Anaïs, mettant de côté l'ordina<strong>te</strong>ur. J'ai fait un rêve de lui avant<br />

même de le connaître et <strong>je</strong> me pose des questions. Nous sommes <strong>te</strong>llement identiques. C'est effrayant.<br />

_ Explique-moi, <strong>je</strong> ne comprend pas tout. Tu as rêvé de lui avant de la voir pour la première fois?<br />

Mais il se passait quoi dans ce rêve? Tu le connaissais?<br />

_ Oui, on... on était même ensemble. C'est curieux tu vois. Je n'aime pas ce genre de situation.<br />

Enfin, laisse moi lui dire qu'on part et <strong>je</strong> quit<strong>te</strong> le chat.<br />

_ D'accord, en plus il va falloir que <strong>je</strong> par<strong>te</strong>, il est vingt heures passées. Songea-t-elle.<br />

_ Je me reconnec<strong>te</strong>rai plus tard ce soir. Anaïs s'en va. À tout à l'heure sûrement. Écris-<strong>je</strong> avant de<br />

fermer la conversation et la session des caméras.<br />

_ À plus! Je t'at<strong>te</strong>nd. »<br />

Anaïs et moi descendions les escaliers deux à deux. Nous courions pour allé dans le jardin et elle<br />

partit encore plus vi<strong>te</strong> sur son scoo<strong>te</strong>r après bien sûr m'avoir enlacé comme à son habitude. Quant à moi, <strong>je</strong><br />

rentrais de nouveau et pour préparer quelque chose à manger et appeler maman et Anton. Je mis d'abord<br />

la table, mis une brique de soupe sur le feu j'ajoutais un peu de crème fraîche parce que c'était comme ça<br />

que maman les aimait. Une fois le met en préparation, j'appelais maman, mais elle ne répondait pas et


c'était de même pour mon aîné. Que pouvaient-ils bien faire à une heure pareille ? Pensant qu'ils étaient<br />

tout deux sur la rou<strong>te</strong>, <strong>je</strong> songeais à les rappeler plus tard.<br />

La soupe était prê<strong>te</strong>, <strong>je</strong> m'en servais une assiet<strong>te</strong> que j'allais dégus<strong>te</strong>r devant mon ordina<strong>te</strong>ur, là où j'allais<br />

avoir une longue et intéressan<strong>te</strong> discussion avec Lucas.<br />

Une fois connectée, j'aperçus son profil en ligne, <strong>je</strong> cliquais et nous reprenions là nous nous étions<br />

in<strong>te</strong>rrompus.<br />

«_ Anaïs est partie! Que disions-nous. Commençais-<strong>je</strong>.<br />

_ À vrai dire, nul part. Tu peux remettre ta caméra.<br />

_ Si tu remets la tienne <strong>je</strong> suis d'accord. Il acquiesçait et nous reprenions notre sessions caméra.<br />

_ Désolé, <strong>je</strong> ne suis pas coiffé. Tu sais les garçons... plus ils sont débraillés mieux c'est. Sourit-il.<br />

_ Oui! J'ai cru comprendre! Nous les filles on ne peut pas, c'est mal vu! Pas de chance!<br />

_ Tout à fait. Mais c'est sûrement mieux comme ça, <strong>je</strong> vois mal une fille torse nu dans la rue.<br />

_ Vu de ce point-là, <strong>je</strong> suis totalement d'accord. Je riais, il me suivait.<br />

_ J'aime bien parler avec toi. Enfin, <strong>je</strong> casse tou<strong>te</strong> la conversation, mais ça me plait vraiment. Tu ne<br />

veux pas me dire ce qu'il s'est passé devant mon lycée?<br />

_ Mm. Mon air était désolée et les mots se mélangeaient. Enfai<strong>te</strong>, <strong>je</strong> me pose des questions. Tu es<br />

soudainement apparu et tu m'apprécies. C'est cool, mais ça me perturbe parce que tu ne m'es pas inconnu.<br />

La nuit-même du jour où on s'est rencontré pour la première fois j'avais rêvé de toi! Oui, <strong>je</strong> sais c'est<br />

improbable, mais ça s'est vraiment passé! Ça m'effraie même! Puis, devant le lycée, tu écoutais ma<br />

chanson préférée et ça m'a encore plus perturbé. Je suis désolée d'avoir eu cet<strong>te</strong> réaction, c'est bizarre <strong>je</strong><br />

sais, <strong>je</strong> suis bizarre. Mais <strong>je</strong> ne savais pas quoi faire. J'espère que tu comprends. Il prit un certain <strong>te</strong>mps<br />

avant de me répondre, sûrement le <strong>te</strong>mps de tout lire. Puis à l'écran, <strong>je</strong> le voyais prendre une feuille et<br />

écrire sur un papier. Même lorsqu'il était concentré il était magnifique. Je le fixais à travers l'écran, mes<br />

yeux se perdaient dans sa con<strong>te</strong>mplation. Puis, il releva la tê<strong>te</strong>, il avait improvisé un dessin du groupe Guns<br />

N Roses. Je souriais comme une groupie. Quel pathétisme!<br />

_ Je suis con<strong>te</strong>nt que ça <strong>te</strong> plaise, tu excuseras mon talent inexistant. Mais oui <strong>je</strong> comprend ne<br />

t'inquiè<strong>te</strong>s pas. Je pense aussi que ce rêve complique les choses. Ça fait peur, mais c'est à la fois drôle. C'est<br />

plutôt comique de rêver de moi sans me connaître et puis le jour-même me rencontrer! C'est aussi cool de<br />

savoir que <strong>je</strong> han<strong>te</strong> <strong>te</strong>s nuits! Il avait un très large sourire dessiné sur son visage angélique. Je voyais à<br />

nouveau que ses yeux étaient bridés.<br />

_ Très drôle, <strong>je</strong> me fend la por<strong>te</strong>. Écris-<strong>je</strong> ironiquement. Excuse-moi de <strong>te</strong> poser cet<strong>te</strong> question,<br />

mais ça m'intrigue, as-tu des origines asiatiques? Demandais-<strong>je</strong> gênée.<br />

_ Presque. Mon père est philippin. On m'a souvent posé cet<strong>te</strong> question, ne t'inquiè<strong>te</strong>s pas. On m'a<br />

déjà demandé plusieurs fois et avec insistance si <strong>je</strong> n'étais pas libanais, <strong>je</strong> n'ai toujours pas compris<br />

pourquoi. Enfin, tu sais main<strong>te</strong>nant les gens ne jurent que par les apparences.<br />

_ Oui, hélas! Mais tu sais, moi les personnes qui ne se préoccupe pas du res<strong>te</strong>, <strong>je</strong> n'y fais pas<br />

at<strong>te</strong>ntion. L'ignorance est le pire des mépris, <strong>je</strong> l'ai bien compris et <strong>je</strong> pense que tu le sais aussi.<br />

_ Oui, bien malheureusement. Mais bon, c'est la vie qui veut ça. La superficialité est le fruit du<br />

capitalisme! Il souriait de nouveau. Enfin, passons à autre chose. Tu n'as pas de devoirs pour demain?<br />

_ Mm. Non, j'ai fini tout ce qu'il y avait à faire. Et toi alors?<br />

_ Pareillement. Comme ça j'ai pus de <strong>te</strong>mps pour moi le soir. Même si j'essaye de ne pas trop me<br />

coucher tard en semaine. Disons qu'à une heure du matin <strong>je</strong> m'obligerai à dormir dans le pire des cas.<br />

_ Bonne façon de penser, mais moi à onze heures <strong>je</strong> serai déjà dans les bras de Morphée. Je ne<br />

souhai<strong>te</strong> pas ressembler à Ramses II à mon réveil. Ça serait une vraie calamité!<br />

_ Je t'imagine <strong>te</strong>llement avec des cernes et des poches jusqu'aux joues, les yeux rouges. Rédigeaitil<br />

avec une once de moquerie.<br />

_ C'est ça rigole! Rira bien qui rira le dernier!<br />

_ Ce sera moi, en voyant ta tê<strong>te</strong> décomposée! M'envoya-t-il en séchant ses larmes de joie.<br />

_ Méchant! Petit! Mesquin! Tu me déçois!<br />

_ Demain on se voit? Me demandait-il brusquement. Je viens <strong>te</strong> chercher devant ton lycée? S'il <strong>te</strong><br />

plait, j'aimerai <strong>te</strong> voir!<br />

_ Là tu me vois. Lâc<strong>hais</strong>-<strong>je</strong>. Bon d'accord pour demain. Quinze heures devant mon lycée. »


Nous finissions de discutailler de multiples choses sans importances lorsque vers dix heures, la<br />

por<strong>te</strong> d'entrée s'ouvrit violemment. Maman hurla dans tou<strong>te</strong> la maison qu'Anton était admis dans son<br />

école. J'en<strong>te</strong>ndais le rire grave de mon aîné en bruits de fonds. Je quittais brutalement ma chambre et<br />

sautais dans les escaliers pour prendre mon frère dans les bras.<br />

«_ La directrice a été conquise par mes résultats et mon parcours. Si c'est pas la classe ça! Se ventat-il.<br />

Je commence à partir de lundi, d'ici <strong>je</strong> peux res<strong>te</strong>r à la maison à vous bichonner.<br />

_ Je suis <strong>te</strong>llement con<strong>te</strong>n<strong>te</strong> pour toi. Dis-<strong>je</strong> avant de le lâcher. Mon frère est une tê<strong>te</strong>. Maman!<br />

Samedi on va fê<strong>te</strong>r ça!?<br />

_ Oui! À la maison. Riait-elle. J'ai du boulot tou<strong>te</strong> la journée et <strong>je</strong> n'aurais pas envie de sortir après.<br />

Tu n'as qu'à invi<strong>te</strong>r une amie si tu veux et toi aussi Anton! »<br />

Nous la remercions et ils allaient tous les deux dans la cuisine, se servir de la soupe que j'avais pris<br />

soin de verser dans leur bol respectifs et de recouvrir de film transparent. Ils me remercièrent et j'allais<br />

dans ma chambre, saluer Lucas et me couc<strong>hais</strong> après m'être lavée.<br />

Dans mon lit <strong>je</strong> pensais à Lucas, à son sourire, sa façon de parler. J'aimais <strong>te</strong>llement sa façon de<br />

parler. Il avait un si bon français, ce qui était rare chez les <strong>je</strong>unes de nos jours. Tous parlaient avec un<br />

langage qui leur appar<strong>te</strong>nait oubliant le vocabulaire de leur langue natale. Le français était <strong>te</strong>llement beau<br />

quand il était bien parlé. Le français de Voltaire était le meilleur. Voltaire était le meilleur et son talent était<br />

incon<strong>te</strong>stable. Sur ses pensées quotidiennes <strong>je</strong> m'endormais paisiblement.<br />

* * * * *<br />

Nous étions samedi. La fin de semaine était superbe. J'avais vu Lucas <strong>je</strong>udi et vendredi. Il venait à<br />

chaque fois me chercher devant le lycée et il me raccompagnait. C'était agréable de discu<strong>te</strong>r avec lui, il<br />

était de très bonne compagnie. Ses paroles étaient comme réfléchies depuis de nombreuses semaines et<br />

chaque mot faisait que ses phrases ressemblait à des vers en prose. Comment une <strong>te</strong>lle personne pouvait<br />

exis<strong>te</strong>r et vivre sur cet<strong>te</strong> Terre. De plus, tou<strong>te</strong>s les nuits son prénom apparaissait dans chacun de mes<br />

songes. Il était toujours là. Vendredi j'avais décidé de faire une croix sur le dos de ma main à chaque fois<br />

que <strong>je</strong> pensais à lui. Je n'arrivais à n'en avoir qu'une seule. Une seule maudi<strong>te</strong> croix. Oui, tout autour de moi<br />

s'évaporait et <strong>je</strong> ne pensais qu'à lui. Il m'avait conquise en l'espace d'une pauvre peti<strong>te</strong> semaine.<br />

Ce soir j'avais invité Anaïs mais elle devait aller chez Félix, alors j'avais demandé à Jeff de venir. Il<br />

acceptait avec grande joie. Lui et Anton s'en<strong>te</strong>ndait très bien en plus. Ils se réjouissaient tous deux de se<br />

retrouver. Mon aîné avait prévu un film pour ce soir, un piraté bien sûr. Anton ne comprenait pourquoi il<br />

fallait ache<strong>te</strong>r quelque chose que nous pouvions avoir gratui<strong>te</strong>ment. Maman se disputait souvent avec lui à<br />

ce su<strong>je</strong>t. Moi j'étais plutôt d'accord avec Anton, mais maman avait raison, le piratage c'était du vol et le<br />

jour où nous nous ferions attrapé ça irait très mal. Pour lui, comme pour moi, car <strong>je</strong> suivais ses traces.<br />

Anton avait téléchargé « Iron Man » le célèbre héros de Marvel. J'adorais les Comics, malgré le fait que <strong>je</strong><br />

n'étais pas un mâle viril, comme <strong>je</strong> répétais à chaque garçon qui était surpris de mon addiction pour les<br />

super héros. Comme s'il fallait être du sexe masculin pour apprécier le cinéma d'action et les héros.<br />

Vers dix-neuf heures l'amie de mon frère, Angela arrivait les bras chargés de sucreries. Anton la fit<br />

entrer et se réjouissait de votre autant de bonbons car il pensait que ses achats n'allaient pas suffire. Ils<br />

mélangèrent les paquets dans différents saladiers et <strong>je</strong> mis le pop-corn à chauffer dans le micro-ondes.<br />

Quelqu'un sonnait de nouveau sur le porche. Sûrement Jeff, j'accourais lui ouvrir. Effectivement c'était lui,<br />

mais il n'était pas seul, derrière lui <strong>je</strong> vis la tignasse noire de Lucas!<br />

«_ Lucas? Demandais-<strong>je</strong> surprise.<br />

_ Bonsoir! C'est Jeff qui m'a dit que <strong>je</strong> pouvais venir. Dit-il confus.<br />

_ Oui, entrez. Dis-<strong>je</strong> avant de les embrasser.<br />

_ Eh bien! Heureusement que Angela a ramené des bonbons, sinon on aurait du é<strong>te</strong>indre la


lumière. Plaisanta mon aîné. Tu ne nous présen<strong>te</strong>s pas? Finit-il par dire.<br />

_ Euh oui, voilà Lucas, un ami de Jeff... et le mien aussi. Lucas, mon frère Anton. Avouais-<strong>je</strong> enfin.<br />

_ Enchanté! Dirent-il d'une seule et même voix.<br />

_ Bien! Et si fermions la por<strong>te</strong> main<strong>te</strong>nant. S'exclama Angela. »<br />

Nous riions tous et la soirée commençait bien. Jeff et Lucas avait eux apporté deux films, l'un<br />

asiatique, l'autre américain. Nous les passions après le film prévu. Maman entrait aux alentours de dix<br />

heures ce soir-là. Elle était éreintée et allait direc<strong>te</strong>ment se coucher après avoir mangé quelques<br />

confiseries à la guimauve qu'elle aimait tant. Sur le divan j'étais assise entre Jeff et Lucas qui tous deux ne<br />

cessaient pas de parler pendant les films. Ils étaient aussi in<strong>te</strong>nables que des élèves d'école ma<strong>te</strong>rnelle.<br />

Anton demanda donc à Angela et à mon meilleur ami d'échanger leur place. Après cet échange tout se<br />

passait enfin tranquillement. Bien en<strong>te</strong>ndu les fous rires fusaient pendant tou<strong>te</strong> la soirée. Le rire grave de<br />

mon frère nous entraîné à chaque fois à le suivre, peu importé la raison. Angela aussi avait un rire bien à<br />

elle. Tout se passait pour le mieux et cet<strong>te</strong> soirée fut l'une des meilleures que j'avais passé. Vers trois heures<br />

du matin nous commencions à bailler. Angela devait rentrée chez elle, parce que le lendemain elle avait un<br />

entretien d'embauche tôt le matin. Nous lui souhaitions bonne chance et l'obligions à être pruden<strong>te</strong> sur la<br />

rou<strong>te</strong>. Pendant que mon frangin la raccompagnait à sa voiture, les deux garçons et moi montions à tâtons<br />

préparer leurs ma<strong>te</strong>las pour la nuit. Tous deux allaient dormir dans la chambre d'Anton et mon aîné allait<br />

dormir avec moi. Nous rangions le salon dans l'état qu'il était avant la soirée, puis tour à tour nous allions<br />

nous coucher. Anton fût le premier, les plus âgés n'arrivaient pas à suivre la cadence des plus <strong>je</strong>unes.<br />

«_ Il est sympa ton frère! Dit Lucas. Je souris. À croire que c'est de famille.<br />

_ Les Grey sont les meilleurs! Ne l'oublie jamais! Riais-<strong>je</strong>.<br />

_ Je ne l'oublierai pas de sitôt. Jurait-il.<br />

_ Bon, les <strong>je</strong>unes, <strong>je</strong> vais me coucher, vos voix raisonnent dans ma tê<strong>te</strong>. Coupait Jeff.<br />

_ Si seulement elle pouvait être plus remplie, cet<strong>te</strong> tê<strong>te</strong>. Dit Lucas en riant.<br />

_ Très drôle! Lança-t-il ironiquement. Bonne nuit!<br />

_ Bonne nuit. Lui répondions en même <strong>te</strong>mps. Et ne prend pas le lit, ajoutait Lucas, j'ai une sature<br />

plus importan<strong>te</strong> que la tienne, il me faut un minimum de confort! »<br />

Jeff rit mais ne répondit pas, Lucas allait avoir la surprise de savoir s'il allait ou non bien dormir.<br />

Le grand brun et moi étions toujours assis en tailleur sur mon divan, face à face l'un de l'autre. Je ne savais<br />

pas quoi dire, alors <strong>je</strong> le laissais parler en premier, mais il mit un certain <strong>te</strong>mps avant de sortir quelques<br />

mots de sa bouche. La situation était assez comique dans son ensemble.<br />

«_ Pourquoi tu n'as pas invité Anaïs aussi?<br />

_ Elle ne pouvait pas venir. Elle est chez son copain.<br />

_ Ah. D'accord. J'espère que <strong>je</strong> n'ai pas dérangé ce soir.<br />

_ Non, pas du tout. Ne dis pas n'impor<strong>te</strong> quoi. On a bien rit. Et puis pourquoi tu aurais dérangé?<br />

_ Je ne sais pas. Peut-être parce que <strong>je</strong> n'ai pas prévenu.<br />

_ Ne t'inquiè<strong>te</strong>s pas pour ça. Si vous aviez été tren<strong>te</strong> là oui il y aurait eu un problème, mais ce<br />

n'était pas le cas. Relaxe. Le rassurais-<strong>je</strong>.<br />

_ D'accord, sourit-il. En tout cas, c'est vrai que c'était une bonne soirée. Ton frère a un rire très<br />

communicatif. Riait-il. C'est assez rare!<br />

_ Oh oui! Il est génial. Conclus-<strong>je</strong>. »<br />

Il me fixait et j'avais horreur de ça. Pour couper court, <strong>je</strong> me levais et allais à l'étage. « Je reviens<br />

tout de sui<strong>te</strong> » lui dis-<strong>je</strong>. J'entrais à pas de loups dans ma chambre récupérer ma console ainsi que deux de<br />

mes manet<strong>te</strong>s et quelques <strong>je</strong>ux automobiles entre autres.<br />

<strong>je</strong>.<br />

«_ J'espère que tu es un bon pilo<strong>te</strong>, parce que sinon prépares-toi à mordre la poussière! Annonçais-<br />

_ Oh non! Mais tu n'es pas une fille! Ce n'est pas possible!<br />

_ Si si <strong>je</strong> t'assure <strong>je</strong> suis bien une «femelle» avec tous les inconvénients que cela implique. Il riait.


Viens plutôt m'aider à la place de rire comme un benêt.<br />

_ Oui, oui bien sûr. Dit-il en venant à mon secours. »<br />

Nous installions la console, branchions les manet<strong>te</strong>s et lancions un <strong>je</strong>u de rallye. Celui où j'avais<br />

réussie à battre les trois quarts des records. Lucas se disait imbattable dans les <strong>je</strong>ux automobiles. C'est ce<br />

que nous allions voir. Je ratais mon premier départ et lui le second. Dans la première heure nous étions à<br />

égalité, puis l'envie de le battre fit que <strong>je</strong> perdais tou<strong>te</strong>s les autres courses. Mais plus tard <strong>je</strong> pris ma<br />

revanche avec un <strong>je</strong>u de formule 1. Bien que <strong>je</strong> haïssais les courses de F1 j'adorais y jouer. J'écrasais<br />

complè<strong>te</strong>ment mon adversaire. Nous passions tou<strong>te</strong> la nuit à jouer et à liquider tou<strong>te</strong>s les briques de jus de<br />

fruit dans la cuisine, si bien que lorsque Jeff descendait pour prendre un petit-dé<strong>je</strong>uné à sept heures, nous<br />

étions encore entrain de jouer.<br />

«_ Vous n'avez pas dormi ou quoi? Toujours habillés! Vous ê<strong>te</strong>s de malades sérieusement. Disait-il<br />

avec sa voix matinale et ses yeux encore mi-clos.<br />

_ Oui on n'a pas dormi, mais on s'est bien amusé. <strong>Amy</strong> c'est un vrai pilo<strong>te</strong> expert!<br />

_ Je <strong>te</strong> l'avais dis! Enfin bon, main<strong>te</strong>nant <strong>je</strong> vais me coucher, j'ai une nuit à rattraper et vaut mieux<br />

pour moi d'aller me coucher avant que ma mère ne se réveille. Lançais-<strong>je</strong> tout sourire.<br />

_ Je <strong>te</strong> suis. Répliqua Lucas.<br />

_ C'est ça, laissez-moi tout seul, c'est pas grave et en plus vous avez fini le jus d'orange et celui<br />

d'abricot! C'est pas possible ces <strong>je</strong>unes. Râlait-il. »<br />

Nous montions avec le sourire et avec les yeux qui piquaient d'avoir trop joué à la console<br />

dans le noir. Avant qu'il aille se coucher il m'embrassait sur la joue et me souhaitait une bonne nuit, aussi<br />

cour<strong>te</strong> soit-elle. J'allais enfin me <strong>je</strong><strong>te</strong>r sur mon lit, Anton dormait encore et <strong>je</strong> le rejoignis en moins de<br />

<strong>te</strong>mps qu'il ne fallait pour le dire. À huit heures mon aîné se levait en sursauts, il était en transpiration et me<br />

réveillait brusquement.<br />

«_ <strong>Amy</strong>! <strong>Amy</strong>! <strong>Amy</strong>! Tu dors?<br />

_ Tu viens de me réveiller, dis-<strong>je</strong> à demie voix.<br />

_ <strong>Amy</strong>... Sanglota-t-il. <strong>Amy</strong> c'était horrible! Laisse-moi une place dans ton lit s'il <strong>te</strong> plaît.<br />

_ D'accord. »<br />

C'était bizarre, <strong>je</strong> pensais tout de sui<strong>te</strong> qu'il avait fait un cauchemar, mais c'était quand même<br />

étrange. Je n'ai jamais vu mon frère pleurer depuis le fameux jour où notre père est mort. Et s'il faisait des<br />

rêves de lui? Ça ne m'étonnait pas. Préoccupée <strong>je</strong> n'arrivais pas à trouver le sommeil et préférais endormir<br />

mon frère et lui caresser les cheveux pour lui facili<strong>te</strong>r la tâche. En quelques minu<strong>te</strong>s il était de nouveau<br />

parti. Dans son sommeil il sursautait de nombreuses fois. Je faisais au mieux pour le calmer, mais il était<br />

beaucoup plus imposant que moi. Ses bras vinrent à m'entourer et <strong>je</strong> ne pouvais bouger. La por<strong>te</strong><br />

s'entrouvrit et <strong>je</strong> fermais instantanément mes yeux, quelques secondes plus tard elle se refermait et <strong>je</strong> me<br />

levais en embrassant le front chaud de mon frère.<br />

Dans le salon, maman et les deux garçons étaient là. Ils me saluèrent, il était tôt maman fut<br />

surprise de me voir déjà debout. Je demandais qui était entré dans la chambre.<br />

«_ C'était moi, <strong>je</strong> voulais voir si tu dormais bien. »


Chapitre 4 :<br />

« C'était moi <strong>je</strong> voulais voir si tu dormais bien. Lança Lucas. » Maman me regarda bizarrement et <strong>je</strong><br />

ne répondis pas à mon in<strong>te</strong>rlocu<strong>te</strong>ur, <strong>je</strong> lui souris simplement puis <strong>je</strong> demandais à maman de me suivre<br />

dans la cuisine, c'était ce qu'elle fit.<br />

«_ Maman, Anton a pleuré cet<strong>te</strong> nuit. Il est venu dans mon lit, il suait, il a sursauté et il avait de la<br />

fièvre. Je crois qu'il fait des rêves de papa. Lui avouais-<strong>je</strong> d'un trait. Maman s'assit.<br />

_ Pourquoi crois-tu ça ? Me demandait-elle inquiè<strong>te</strong>.<br />

_ Je ne sais pas, c'est étrange, mais <strong>je</strong> pense qu'il est revenu à cause de papa, qu'il a un vide en plus,<br />

après la mort de papa, notre séparation. Mais bon, ce ne sont que des suppositions.<br />

_ Il faudra que tu lui parles et que tu insis<strong>te</strong>s en lui demandant la vraie raison pour laquelle il est<br />

rentré et pourquoi a-t-il eu ce compor<strong>te</strong>ment. Surtout insis<strong>te</strong>, on sait très bien qu'il ne parle jamais, peutêtre<br />

qu'il osera se confier à toi. Dit-elle d'une voix tremblan<strong>te</strong>.<br />

_ D'accord. J'irai lui parler. Jurais-<strong>je</strong>. Allez viens on va retrouver les autres.<br />

_ Oui, mais avant, une dernière chose. Je hoc<strong>hais</strong> la tê<strong>te</strong>. Qui est ce Lucas?<br />

_ Un ami à Jeff qui est devenu un ami à moi. Pourquoi?<br />

_ Je trouve ça curieux qu'il <strong>te</strong> regarde dormir. Pas toi?<br />

_ Sûrement voulait-il savoir si j'étais réveillée. Rien de plus.<br />

_ Oui. Sûrement, mais en tout cas, <strong>je</strong> le trouve très mignon. Riait-elle.<br />

_ Maman, qu'est-ce que tu vas inven<strong>te</strong>r là encore? Ce n'est pas parce que j'ai rêvé de lui une nuit<br />

que ça veut forcément dire qu'il va se passer quelque chose. »<br />

Elle souriait encore et m'embrassait sur le front avant que nous rejoignions les garçons dans la<br />

cuisine. La matinée passa rapidement. Anton nous rejoignit aux alentours de midi, il me semblait. Nous<br />

mangions tous dans le jardin. Avec maman, nous avions préparées des salades composées et fait grillés<br />

des pavés de poissons de tou<strong>te</strong>s sor<strong>te</strong>s. Il fallait aux garçons beaucoup de protéines répétait Jeff. Ça me<br />

faisait rire, moi qui ne mangeais que celles des habitants marins, et encore !<br />

Dans l'après-midi, Jeff et Lucas nous quittaient. J'allais de tou<strong>te</strong> façon les voir demain et <strong>je</strong> m'en<br />

réjouissais d'avance ! Je passais de bons moments avec eux ! Ils étaient drôles et amusants, l'un comme<br />

l'autre. Maman, étant donné que nous étions dimanche, pouvait respirer et faire sa sies<strong>te</strong> de l'après-midi.<br />

Anton et moi préférions ranger le salon et les chambres. Bien que les garçons avaient une la décence de<br />

faire leurs lits, il restait le ménage à faire. Le plus pénible pour moi, alors nous nous partagions les tâches<br />

en ma faveur. Lui nettoyait les chambres et moi le salon. L'é<strong>te</strong>ndu des dégâts y était moins important.<br />

Je ne trouvais pas l'occasion de parler à mon frère du cauchemar de cet<strong>te</strong> nuit. J'avais même<br />

l'impression qu'il évitait le su<strong>je</strong>t, m'évitait aussi. Après avoir rangé l'étage inférieur, j'allais lui donner un<br />

coup de main en haut. Il avait déjà presque fini. Il passait le balai dans ma chambre.<br />

« _ Je peux le faire si tu veux. Commençais-<strong>je</strong> avec des pincet<strong>te</strong>s.<br />

_ Non, c'est bon merci. J'ai commencé, <strong>je</strong> finis. De tou<strong>te</strong> façon, j'ai dormi ici donc <strong>je</strong> peux le faire<br />

aussi. Répondit-il sèchement.<br />

_ D'accord. Ne le prend pas mal Anton ! J'ai demandé ça pour t'aider c'est tout ! Ne prend pas la<br />

mouche ! Ça m'énerve !<br />

_ <strong>Amy</strong> ! Descend <strong>je</strong> n'ai pas besoin de toi ici. Disait-il en se redressant et me montrant la por<strong>te</strong> du<br />

doigt d'un ges<strong>te</strong> vif.<br />

_ Écou<strong>te</strong> Anton si tu fais des cauchemars ce n'est en aucun cas de ma fau<strong>te</strong>, alors arrê<strong>te</strong> de passer<br />

<strong>te</strong>s nerfs sur moi et vas consul<strong>te</strong>r un psy ! C'est tout !<br />

_ De quoi tu parles ? Mais t'es cinglée comme fille ! C'est toi qui ferait mieux d'aller voir quelqu'un !<br />

Qu'est-ce que tu en sais si <strong>je</strong> fais des cauchemars ! De tou<strong>te</strong> façon tout le monde en fait alors arrê<strong>te</strong> de <strong>te</strong><br />

faire des films ! Malade ! »<br />

Il <strong>je</strong>tait le balai par <strong>te</strong>rre, descendait les marches en trombes et claquait la por<strong>te</strong> de la maison.


Bravo ! J'avais fais fort sur ce coup-là ! Une dispu<strong>te</strong> avec mon frère, lui-même qui réveille maman en<br />

claquant la por<strong>te</strong>. J'allais me faire engueuler sévèrement cet<strong>te</strong> fois.<br />

«_ Mais qu'est-ce qu'il se passe dans cet<strong>te</strong> foutue baraque ? Lançait maman furax d'en bas.<br />

_ C'est Anton ! Il est parti énervé. Criais-<strong>je</strong> de ma chambre.<br />

_ Descend tout de sui<strong>te</strong> ! Non de non ! J'obéis. Main<strong>te</strong>nant dis moi ce qu'il s'est passé !<br />

_ Et ben j'ai parlé, enfin <strong>je</strong> ne sais pas si on peut appeler ça parler, avec Anton de ses cauchemars,<br />

sans même avoir évoqué papa et il s'est énervé. C'est tout. Je lui ai dit, ou plutôt hurlait dessus qu'il fallait<br />

qu'il aille consul<strong>te</strong>r un psy, il m'a traité de folle et est parti en claquant la por<strong>te</strong>. C'est tout !<br />

_ C'est tout ? Mais tu es débile ma fille ou c'est moi ? On ne dit jamais à quelqu'un qui a des<br />

problèmes qu'il devrait consul<strong>te</strong>r un psychologue d'une <strong>te</strong>lle façon ! Il s'est vexé c'est bien normal ! Mets-toi<br />

à sa place voyons. Réfléchis ! Sers-toi de ta tê<strong>te</strong> pour une fois. Elle s'énervait de plus en plus.<br />

_ Je suis désolée. Dis-<strong>je</strong> aux bords des larmes avant de la laisser là, seule, plantée debout. »<br />

J'allais prendre une douche bouillan<strong>te</strong> pour essayer de me changer les esprits mais en vain. Je me<br />

demandais où est-ce qu'Anton avait pu allé. J'espérais qu'il n'était pas trop loin. Je me répétais que j'aurai<br />

du lui dire de ne pas partir, que j'aurai du l'empêcher de partir. Il avait déjà fait une fugue quand il avait<br />

quinze ans. Il était parti deux jours et il ne nous avait pas dit où et on ne le sait toujours pas. C'était son plus<br />

grand secret. En fai<strong>te</strong>, <strong>je</strong> le mettais sur un piédestal et c'était ça mon problème. Il était et devait demeuré<br />

le seul être masculin parfait sur cet<strong>te</strong> Terre. Oui, tout comp<strong>te</strong> fait, c'était moi qui devait consul<strong>te</strong>r un<br />

psychologue. J'étais malade mentale de penser ça. Je le savais, mais c'était comme ça, point final.<br />

Vers vingt heures, inquiè<strong>te</strong> <strong>je</strong> décidais d'envoyer un message à Anton : « Je suis désolée ! Vraiment !<br />

Tu as raison, <strong>je</strong> suis une folle, mais j'ai peu de <strong>te</strong> perdre comme j'ai perdu papa. S'il <strong>te</strong> plait rentre. Maman<br />

et moi sommes inquiè<strong>te</strong>s. Qu'est-ce que nous ferions sans toi ? Rien ! On t'aime Anton et <strong>je</strong> m'excuse. Je<br />

t'aime. » Quelques minu<strong>te</strong>s passèrent et il me répondit : « Je suis chez Jeff. J'y passe la nuit, tu peux<br />

l'appeler pour en avoir la confirmation si tu en as envie. Je rentre demain dans la matinée. A plus. » Le<br />

message était pire que froid, mais au moins il m'avait répondu. J'étais soulagée de savoir qu'il était chez<br />

Jeff. Là-bas <strong>je</strong> sais qu'il ne risquait rien. Je le verrais demain soir. J'espérais vivement que nous pourrions<br />

renouer le dialogue. Les dispu<strong>te</strong>s étaient rares dans notre famille, mais lorsqu'il y en avait, ça partait au<br />

psychodrame, à la limi<strong>te</strong> Des feux de l'amour. J'allais dire à maman la bonne nouvelle et m'enfermer dans<br />

ma chambre, sans manger, les yeux rivaient sur mon ordina<strong>te</strong>ur. Anaïs n'était pas connectée et <strong>je</strong> n'avais<br />

pas eu de nouvelles du weekend. Tant pis, on se verra demain de tou<strong>te</strong> façon. Je parlais longuement avec<br />

Lucas, à ma grande surprise.<br />

«_ Alors comment ça va chez toi ? La maison n'était pas trop en bazar quand on est parti ?<br />

_ Eh bien non ça va. Anton a donné un bon coup de main. Bien rentrés ?<br />

_ Oui, tu sais, <strong>je</strong> n'habi<strong>te</strong> pas à cinquan<strong>te</strong> kilomètres non plus.<br />

_ Je sais bien, mais on ne sait jamais.<br />

_ Oui, tu as raison. Ta mère a du me prendre pour un fou quand j'ai dis que j'étais rentré dans ta<br />

chambre non ?<br />

_ Oui effectivement. Elle croit qu'il va se passer quelque chose entre toi et moi.<br />

_ Tu as cet<strong>te</strong> impression toi ?<br />

_ Je ne sais pas. Tu sais comme le dit la chanson de Noir Désir « Le vent nous por<strong>te</strong>ra »<br />

_ Je n'aurai pas dit mieux moi-même !<br />

_ Il faut que <strong>je</strong> t'avoue quelque chose d'étrange. N'aies pas peur surtout.<br />

_ Euh... vas-y ! Enfin, tu sais avec Jeff comme meilleur ami <strong>je</strong> suis habituée à l'étrange.<br />

_ Eh bien, un soir, non une nuit, j'ai rêvé de toi !<br />

_ Il n'y a rien d'étrange là-dedans, ça arrive...<br />

_ Mais on ne s'était encore jamais rencontrés ! On était ensemble et tu me connaissait mieux que<br />

personne ! C'était beau et à la fois flippant !<br />

_ J'ai comme l'impression que le vent nous a porté l'un à l'autre. »<br />

Choquée et à la fois touchée par cet<strong>te</strong> réplique <strong>je</strong> décidais de faire un tour dans le jardin, me


modifiais mon statut en «absent» sans le prévenir de ce que j'allais faire et sortis. La brise du soir jouait<br />

avec mes cheveux lâchés et démêlés, encore un peu humides. Maman me regardait de la grande baie<br />

vitrée du salon mais n'osait pas me rejoindre après la dispu<strong>te</strong> que nous avions eu cet<strong>te</strong> après-midi. Je<br />

m'étais assise sur une c<strong>hais</strong>e en plastique du jardin. Ah! C'était celle de Lucas tout à l'heure. Je me<br />

plongeais en plein con<strong>te</strong>mplation. Mes yeux voyaient, mais <strong>je</strong> ne percevais pas l'image qu'ils regardaient,<br />

non <strong>je</strong> pensais profondément à autre chose, à quoi ? Je ne sais pas, mon cerveau et tout mon être était en<br />

pause. Pendant un instant <strong>je</strong> n'étais pas moi, ni personne d'autre. J'étais seulement là physiquement et<br />

mon esprit était parti très loin dans l'univers, là où personne ne pouvait le trouver, même pas moi. J'avais<br />

besoin de cet<strong>te</strong> pause, de cet arrêt momentané de la journée, pour me remettre en question<br />

inconsciemment. Je ne savais pas combien de <strong>te</strong>mps <strong>je</strong> restais comme ça, mais <strong>je</strong> reprenais mes esprits<br />

tout doucement, <strong>je</strong> frissonnais légèrement à cause de la brise et rentrais dans la maison me dirigeant<br />

direc<strong>te</strong>ment dans ma chambre. Res<strong>te</strong>r dehors en robe de chambre n'était pas la meilleure des choses à<br />

faire. J'é<strong>te</strong>rnuais à trois reprises et m'asseyais de nouveau devant mon ordina<strong>te</strong>ur.<br />

Lucas ne m'avait toujours pas écris depuis sa dernière réplique. Je relançais a conversation, <strong>je</strong> me<br />

sentais coupable du blanc qui restait après cet<strong>te</strong> si belle phrase :<br />

«_ J'oserai dire que c'était bien trouvé !<br />

_ Oh ! Tu as ressuscité ! Miracle.<br />

_ Ironie ?<br />

_ Eh bien disons que tu as mis du <strong>te</strong>mps pour répondre. Je m'at<strong>te</strong>ndais à mieux après une demis<br />

heure de rien quand même. Je pense et j'espère que tu comprends.<br />

_ Oui. Mais que voulais-tu que <strong>je</strong> réponde ?<br />

_ Je ne sais pas, il me semble que c'est à toi de me le dire. Non ?<br />

_ Ben, <strong>je</strong> dirais que j'ai la même impression que toi. Ça <strong>te</strong> va ?<br />

_ Il t'a fallut tren<strong>te</strong> minu<strong>te</strong>s pour sortir ça ? C'était si dur ?<br />

_ Écou<strong>te</strong>, si tu n'es pas satisfait, c'est tant pis pour toi. Main<strong>te</strong>nant c'est ce que j'ai à dire là-dessus.<br />

En tou<strong>te</strong> modestie, <strong>je</strong> pense que cet<strong>te</strong> réponse ne <strong>te</strong> laisse pas de marbre.<br />

_ Qu'est-ce que tu sous-en<strong>te</strong>nds ?<br />

_ Tu le sais, <strong>je</strong> le sais, on n'a pas besoin de se le cacher.<br />

_ Alors dis-le ! Assume-le ! Vas-y …<br />

_ Pourquoi faire ? Pour que tu acquiesces ? Qu'est-ce que j'y gagne moi ?<br />

_ Tu me gagnes moi ! »<br />

Quel cran ! Quelle audace ! Il me fera vraiment toujours rêver. Je ne savais plus quoi répondre, lui<br />

qui m'obnubilais tant. Mais <strong>je</strong> ne pouvais pas lui faire le coup de la pause cérébrale une seconde fois. Je<br />

devais trouver quelque chose et vi<strong>te</strong>. Désemparée , j'envoyais un smiley souriant et écrivais à la sui<strong>te</strong> «<br />

Demain 7h10 devant chez Flo». Il acceptait le rendez-vous, alors que de tout mon être <strong>je</strong> souhaitais le<br />

contraire. Mais que ue venais-<strong>je</strong> de faire ? Quelle sot<strong>te</strong> <strong>je</strong> faisais ! Je lui annonçais l'excuse que <strong>je</strong> devais<br />

aller me coucher et é<strong>te</strong>ignis mon ordina<strong>te</strong>ur. Je mis mon réveil assez tôt, enclenc<strong>hais</strong> un vieux CD de<br />

reggae m'allongeais sur le dos, les yeux rivés vers le mur, me laissais aller par la musique. Quelques instants<br />

plus tard <strong>je</strong> m'endormis, l'esprit occupé malgré tout.<br />

Le lendemain, <strong>je</strong> me réveillais avant la sonnerie de mon appareil. J'anticipais et l'é<strong>te</strong>ignis avec une<br />

longueur d'avance pour ne pas que maman ne l'en<strong>te</strong>nde. Il était 6 heures et <strong>je</strong> souhaitais partir avec qu'elle<br />

ne me demande où est-ce que j'allais, alors <strong>je</strong> me dépêchai. J'étais prê<strong>te</strong> en trois quarts d'heures. Maman<br />

allait se lever d'ici peu alors <strong>je</strong> filais en lui laissant un mot. «Je suis partie en avance. À faire. Je t'aime à ce<br />

soir. <strong>Amy</strong>.»<br />

'Chez Flo' était un bar-tabac-snack du centre ville. J'avais choisi un endroit un peu éloigné du lycée,<br />

pour ne pas qu'Anaïs nous voit ensemble. J'avais réfléchi à ça alors que cet endroit était venu<br />

spontanément, comme l'idée du rendez-vous. Je ne savais pas ce qui allait de passer et <strong>je</strong> ne voulais pas le<br />

savoir. J'arrive à 7h05 exac<strong>te</strong>ment. Plus que cinq peti<strong>te</strong>s minu<strong>te</strong>s me séparaient de lui, du moment propice.<br />

J'avais très peur et j'avais en même <strong>te</strong>mps hâ<strong>te</strong>. Hâ<strong>te</strong> que ça se finisse et de le voir, même si le<br />

déroulement du rendez-vous m'échappait totalement. Ça dépendait de moi, mais surtout de lui. Lui devait


penser la même chose dans sa tê<strong>te</strong>. L'impatience arrivait très vi<strong>te</strong>, trop vi<strong>te</strong>. Plus que trois minu<strong>te</strong>s. J'étais<br />

debout, adossée contre un lampadaire, les yeux en l'air regardant la lune céder sa place au soleil, voyant les<br />

habitations peu à peu se réveiller. Plus que deux minu<strong>te</strong>s. Mon visage et désormais rivés sur le sol,<br />

j'examinais mes chaussures de long en large et en travers. Tout allait bien. Plus qu'une … non il venait<br />

d'arriver. Un sourire sur les lèvres, son téléphone dans une main, l'autre dans la poche. Ses cheveux au<br />

vent. Il portait un <strong>je</strong>an bleu très foncé, à la limi<strong>te</strong> du noir ; des chaussures foncés et il avait un <strong>te</strong>e-shirt à<br />

manches longues bleu nuit. Il sentait bon l' af<strong>te</strong>rshave. Sa main passa dans mon dos, il m'embrassait sur les<br />

deux joues et commençait la conversation.<br />

«_ Je suis même là avec une minu<strong>te</strong> d'avance ! J'avais peur que t'en aille à la moindre seconde de<br />

retard. Souriait-il. Ça va ?<br />

_ Oui oui, ça va. Et toi pas trop dur le réveil ? Dis-<strong>je</strong> crispais.<br />

_ Du tout, j'ai l'habitude de me lever tôt. Il souriait toujours. On va à l'intérieur ? Il fait un peu frais.<br />

_ Oui, <strong>je</strong> <strong>te</strong> suis. »<br />

Nous rentrions. J'ai <strong>te</strong>ndu et lui décontracté. Hallucinant comme situation, de quoi devenir cinglée.<br />

Il me paya un café avec toujours ce sourire charmeur sur le visage. J'essayais au mieux de changer de su<strong>je</strong>t,<br />

mais en vain. Il vint à me poser la question que <strong>je</strong> redoutais.<br />

«_ Bon, alors. Parlons peu parlons bien, dis-moi ce que nous faisons là ? Bien que ta compagnie<br />

n'est pour rien au monde désagréable.<br />

_ C'est bizarre de sortir la phrase que <strong>je</strong> vais <strong>te</strong> sortir, dis-<strong>je</strong> avec un rictus en coin, mais tu<br />

m'obnubiles ! C'est bizarre cet effet que tu as sur moi. C'est agréable et frustrant. J'étais rouge.<br />

_ Frustrant ? Je suis frustrant. Je ne sais pas si <strong>je</strong> dois bien le prendre tu sais ? Ria-t-il.<br />

_ Arrê<strong>te</strong> de rire ! Il n'y a rien de drôle. Je <strong>te</strong> dis ce que <strong>je</strong> ressens. C'est la première fois que ça<br />

m'arrive, un peu de compassion. S'il <strong>te</strong> plait, tais-toi et écou<strong>te</strong>-moi. Il hochait la tê<strong>te</strong>. Donc, <strong>je</strong> disais ; <strong>je</strong> ne<br />

sais pas ce que c'est exac<strong>te</strong>ment, c'est très maladroit d'annoncer ça comme ça, mais tu me plais vraiment.<br />

J'ai l'air vraiment ridicule hein ?<br />

_ Non, pas du tout. C'est courageux ce que tu me dis là, surtout en face. Beaucoup le font à travers<br />

un écran, ou par messages.<br />

_ C'est trop facile ! Et c'est lâche et <strong>je</strong> ne le suis pas. Voilà, bon tu sais tout. Je baissais la tê<strong>te</strong>.<br />

_ <strong>Amy</strong> ?<br />

_ Oui ? Dis-<strong>je</strong> en levant la tê<strong>te</strong>.<br />

_ C'est la même chose pour moi. Tu es une fille marran<strong>te</strong>, in<strong>te</strong>lligen<strong>te</strong>, drôle, cultivée, ambitieuse,<br />

belle, intéressan<strong>te</strong>, polie, bien élevée, élégan<strong>te</strong>, droi<strong>te</strong>, jus<strong>te</strong>. Enfin <strong>je</strong> m'arrê<strong>te</strong> là. Je peux t'embrasser ? »<br />

J'avais les yeux exorbités, j'étais choquée, gênée, j'avais l'impression que les quelques personnes<br />

dans la pièce avait tout en<strong>te</strong>ndu malgré le fait que nous parlions à voix basse. Je ne savais plus où me<br />

mettre, <strong>je</strong> ne savais pas quoi faire. C'était … magique et tout nouveau. Je me laissais prendre au <strong>je</strong>u et<br />

Lucas déposait tout doucement ses lèvres sur les miennes. J'étais tou<strong>te</strong> raide et pas du tout dé<strong>te</strong>ndue. Un<br />

homme nous regardait amusé, alors <strong>je</strong> me retirais. Lucas avait eu la même réaction que moi il y a quelques<br />

instants. Je souriais, il me semble ou peut-être était-ce un rictus, et me levais pour sortir. Lucas laissa un<br />

billet de cinq euros et nous quittions les lieux. Il me présentait sa main que <strong>je</strong> ne pris pas, par fau<strong>te</strong><br />

d'habitude. À l'extérieur nous reparlions enfin.<br />

«_ Tu es mal-alaise ? Demandait-il inquiet.<br />

_ Non, mais y avait un vieux qui nous regardait bizarrement.<br />

_ Ah! Mais tu sais, c'est pas la dernière fois que ça va arriver.<br />

_ Oui, <strong>je</strong> sais, mais <strong>je</strong> n'aime pas. Je n'aime pas les gens. Ça me gêne.<br />

_ D'accord, pas de soucis. Ne t'en fais pas pour ça. Bon, j'ai mon scoo<strong>te</strong>r pas loin, <strong>je</strong> t'amène au<br />

lycée ou tu préfère y aller à pieds ?<br />

_ J'y vais à pieds. Ton lycée est plus loin que le mien, tu devrais y aller toi. On se voit toujours ce soir<br />

ou pas, avec Jeff ?<br />

_ Il m'a envoyé un message pour me dire qu'il ne pouvait pas. Alors <strong>je</strong> ne sais pas.


_ Je <strong>te</strong> préviens dans l'après-midi, <strong>je</strong> sais pas si <strong>je</strong> pourrais. »<br />

J'allais le quit<strong>te</strong>r sur ces paroles, mais il me maintint par le poignet et m'arracha un dernier baiser<br />

furtif. Je rougis de nouveau. Pourquoi voulait-il m'embrasser dans la rue ? J'avais horreur de ça.<br />

Sur la rou<strong>te</strong>, <strong>je</strong> souriais comme une imbécile idio<strong>te</strong>. J'arrivais, à ma grande surprise en avance de mon<br />

horaire habituel. Anaïs était là et fut tout comme moi, étonnée.<br />

«_ Bah tu es déjà là ? Demandait-elle avec un grand sourire.<br />

_ Oui, j'étais dans le centre ville, j'ai quelque chose à t'avouer.<br />

_ Mais dis-moi tout ! Tu sais à quel point <strong>je</strong> suis friande de potins ! Riait-elle.<br />

_ Je suis officiellement en couple !<br />

_ Aaaaah ! Elle hurlait puis se reprit. Mais avec qui ?<br />

_ C'est ce que j'allais dire avant que tu ne me coupes. Lançais-<strong>je</strong> avec un air sérieux qui faisait voir<br />

que j'étais à la limi<strong>te</strong> de la crise de rire. Avec Lucas.<br />

_ Le fameux Lucas ?! Oh c'est trop fort ! Je le vois quand ? Parce que tu sais c'est important qu'une<br />

meilleure amie connaisse la moitié de son amie. Tu es d'accord avec moi hein ?<br />

_ Anaïs ! Respire s'il <strong>te</strong> plait ! Tu vas étouffer, ça serait bê<strong>te</strong> quand même.<br />

_ Oui, tu as raison. Elle souffla, puis... alors ! Comment ça s'est passé ? Quand ? Dis m'en plus ! Je<br />

suis que c'était à la fê<strong>te</strong> de samedi ! Je savais que <strong>je</strong> devais y aller. Roh ce Félix, il est … »<br />

Je la stoppais dans son délire et lui expliquait comment tout c'était déroulé. Au fur et à mesure, elle<br />

criait de plus en plus fort. À la fin elle me disait que j'étais trop timide et qu'avec lui <strong>je</strong> devais être presque<br />

comme avec elle, à une exception près : <strong>je</strong> ne devais pas lui demander de pro<strong>te</strong>ction hygiénique. Je riais<br />

aux éclats qu'elle lança cet<strong>te</strong> phrase. Et c'était sur ces rires que nous rentions en classe.<br />

La matinée se passa plutôt bien dans son ensemble. Puis vers midi, <strong>je</strong> décidais de regarder mon<br />

téléphone pour avertir Lucas que c'était bon pour cet<strong>te</strong> après-midi, mais <strong>je</strong> remarquais que j'avais un<br />

message de mon frère et mon sourire s'effaçait.<br />

« Rentre vi<strong>te</strong> à la maison cet<strong>te</strong> après-midi. J'ai quelque chose à t'avouer. Je t'aime peti<strong>te</strong> sœur.<br />

Désolé pour hier. Je suis idiot. À ce soir. »<br />

Une larme perla sur ma joue. Ce message annula donc tous mes plans pour ce soir avec Lucas, <strong>je</strong> lui<br />

envoyais donc un message pour l'avertir.<br />

« Ce soir pas possible, urgence familiale. Une autre fois. Bisous » Anaïs, à la lecture de ce <strong>te</strong>xto me<br />

reprocha mon manque d'originalité et de quelque chose qui me sortit de tout de sui<strong>te</strong> de la tê<strong>te</strong>, <strong>te</strong>llement<br />

sa remarque ne m'avait pas plu. Je n'allais pas écrire que <strong>je</strong> l'aimais alors que rien n'était sûr et surtout pas<br />

obligatoire. À dix-sept ans j'avais autre chose en tê<strong>te</strong> que flat<strong>te</strong>r l'égo d'un gars, qui n'allait certainement<br />

pas devenir l'homme de ma vie, mon mari ou que sais-<strong>je</strong> encore. J'étais lucide et réalis<strong>te</strong> moi.<br />

L'après-midi passait à une allure folle et <strong>je</strong> me retrouvais en quelques instants à la maison. Un<br />

scoo<strong>te</strong>r mal garait devant et le pouls qui battait la chamade. Dans ma tê<strong>te</strong> The Whi<strong>te</strong> Stripes – Nation Seven<br />

Army, <strong>je</strong> ne savais pas pourquoi. Le rythme de mon pouls sûrement. Je poussais avec beaucoup de mal la<br />

por<strong>te</strong> d'entrée et vis avec une grande surprise Lucas assis sur mon divan, entouré de Jeff et Anton.<br />

Étrange ! Je les saluais de loin et restais perplexe devant eux. Mon aîné vint me prendre dans ses bras et<br />

m'embrasser chaleureusement. Je sentis une larme contre sa joue, puis sur la mienne. Il me serrait très<br />

fort. Puis Jeff se leva pour m'enlacer à son tour, pour <strong>je</strong> ne savais encore quelle raison. Il me chuchotait que<br />

j'étais sa meilleure amie, qu'il était fier que ce soit moi et non une autre. Il me répétait qu'il m'aimait de<br />

tout son cœur et que rien ne pouvait le changer. J'acquiesçais tou<strong>te</strong>s ses paroles et le rassurait. Puis il me<br />

lâchait. Là <strong>je</strong> m'at<strong>te</strong>ndais à tous les scénarios, sauf celui qui arriva. Je pouvais m'at<strong>te</strong>ndre à ce que Lucas<br />

avoue aux garçons notre tou<strong>te</strong> fraîche relation, <strong>je</strong> pouvais m'at<strong>te</strong>ndre à ce que l'un deux m'avoue qu'ils<br />

étaient au courant, mais pas à ce que Lucas m'apprenne que Jeff et Anton était un couple. Non pas ça, ça<br />

non <strong>je</strong> ne m'y at<strong>te</strong>ndais pas.


Mais cet<strong>te</strong> révélation expliquait tout. Pourquoi Anton était revenu, pourquoi ça n'avait pas<br />

marchait avec Sarah, pourquoi il n'était pas sorti avec Angela, pourquoi il faisait des cauchemars. Je<br />

comprenais tout. Choquée, encore une fois dans cet<strong>te</strong> journée, et assommée d'une <strong>te</strong>lle nouvelle <strong>je</strong><br />

pleurai, à chaudes larmes. Non pas de tris<strong>te</strong>sse, ni de joie. Non, <strong>je</strong> ne ressentais rien à ce moment-là précis.<br />

J'étais vide d'émotion. Vide après une journée pareille. Je fondais en larmes dans les bras pro<strong>te</strong>c<strong>te</strong>urs de<br />

Lucas qui m'entourait <strong>te</strong>ndrement. Je mis un certain <strong>te</strong>mps avant de me remettre de cet<strong>te</strong> crise de larmes.<br />

Tout mon maquillage avait coulé, mon <strong>te</strong>e-shirt rouge était <strong>te</strong>rni par les larmes foncés qui avaient coulés,<br />

ma coiffure ne ressemblait plus à rien après avoir était malmenée par Anton, puis Jeff, en finissant par<br />

Lucas. Mais <strong>je</strong> ne m'en préoccupait pas, j'avais surtout peur que mon aîné et mon meilleur ami avait mal<br />

in<strong>te</strong>rprété mes larmes. Je pris vi<strong>te</strong> la parole.<br />

«_ Désolée d'avoir tant pleuré. Dis-<strong>je</strong> un sourire en coin. Mais <strong>je</strong> suis surprise d'une <strong>te</strong>lle nouvelle.<br />

Ce n'est pas à cause de vous que <strong>je</strong> pleure, ne vous en fai<strong>te</strong>s pas, c'est jus<strong>te</strong> que <strong>je</strong> suis fatiguée. Je croyais<br />

qu'Anton rêvait encore de papa, que tu m'en voulais de t'avoir mal parlé hier. Enfin bref, <strong>je</strong> me suis inventée<br />

des films dans ma tê<strong>te</strong>. Je m'excuse.<br />

_ Non, ce n'est pas grave. Disaient-ils tous les deux, presque en chœur. Tu as besoin de repos,<br />

continua Anton. Je vais préparer quelque chose, finissait-il. Vous mangez ici ?<br />

_ Non, <strong>je</strong> ne vais pas déranger. Répondirent-il en même <strong>te</strong>mps, un sourire sur le visage.<br />

_ C'est comme vous voulez, mais évi<strong>te</strong>z de parler en même <strong>te</strong>mps, ça ferait presque peur. Lançais<strong>je</strong><br />

en me séchant les yeux et mes joues humides.»<br />

Je me redressais et me retirer de l'étrein<strong>te</strong> de Lucas qui se sentit vexé. Le rassurant, <strong>je</strong> tins sa main<br />

serrée dans la mienne. Jeff et Anton ne remarquaient rien et c'était tant mieux, un couple annoncé déjà<br />

aujourd'hui ! Ça suffit amplement. Un nouveau coup de théâtre n'était pas négociable. Lucas et Jeff<br />

partirent très vi<strong>te</strong> avant que maman ne rentre du travail. Pendant que mon frère raccompagné son<br />

compagnon dehors, Lucas en profitait pour me parler, quelques secondes, seul à seule.<br />

«_ Tu es sûre que ça va aller ?<br />

_ Oui ! Pourquoi ça n'irait pas ?<br />

_ Après une <strong>te</strong>lle crise de larmes ! J'ai peur !<br />

_ Ah non, ça va. C'était nerveux. Trop de choses accumulées c'est tout. Pas de soucis.<br />

_ Bon, <strong>je</strong> <strong>te</strong> fais confiance alors.»<br />

Respectueusement, il m'embrassa sur la joue et rejoignait les garçons. Quelques instants après<br />

Anton rentrait, la tê<strong>te</strong> basse il rejoignait la cuisine en me demandant furtivement ce que <strong>je</strong> voulais manger.<br />

Je lui répondis que <strong>je</strong> n'avais pas vraiment faim et qu'une tasse de verveine suffisait à rassasier mon<br />

estomac. Il m'en prépara une et se fit cuir deux pignons de poulet avec quelques malheureux haricots verts<br />

qu'il fit revenir dans un fond d'huile d'olive. Puis il emmena mon mug et trois biscuits BIO que j'aimais bien<br />

manger avec. Je le remerciais et il s'assit à table face à son assiet<strong>te</strong> et sa canet<strong>te</strong> de soda. Personne ne<br />

parlait, personne n'osait. C'était lourd comme atmosphère, alors j'alimentais au mieux la conversation.<br />

«_ Tu vas le dire à maman ? Demandais-<strong>je</strong> maladroi<strong>te</strong>.<br />

_ Oui, ce soir. Mais <strong>je</strong> sais pas si <strong>je</strong> vais lui dire que c'est Jeff.<br />

_ Non, vaut mieux pas. Il n'est pas ma<strong>je</strong>ur. Il tapait sa main sur son front, <strong>je</strong>tais ses couverts.<br />

_ Je suis fatigué <strong>Amy</strong> ! J'en ai marre d'avoir peur d'être jugé, marre d'avoir peur de me faire frapper<br />

si jamais <strong>je</strong> m'affic<strong>hais</strong>. J'ai peur de l'homosexualité. <strong>Amy</strong> ! Aide-moi <strong>je</strong> t'en supplie. J'ai peur.»


Chapitre 5 :<br />

Comment pouvait-il avoir peur de ça ? Avoir peur d'être amoureux ? C'était complè<strong>te</strong>ment insensé.<br />

J'avais envie de lui mettre une gifle, de le réveiller. De lui faire comprendre que l'amour c'est beau.<br />

Qu'impor<strong>te</strong> qu'il soit homosexuel et hétérosexuel. L'amour ne se contrôlait pas et ne se contrôlera jamais.<br />

Un sentiment arrivait comme ça, sans prévenir. J'avais envie de lui dire tout ça, mais il le savait déjà. Son<br />

jugement était ob<strong>je</strong>ctif donc il ne s'en rendait pas comp<strong>te</strong>.<br />

«_ Arrê<strong>te</strong> de dire n'impor<strong>te</strong> quoi ! Pourquoi tu aurais peur d'être heureux ? Hein dis moi !<br />

_ Je n'ai pas peut d'être heureux, j'ai jus<strong>te</strong> pas envie d'être mal jugé ?<br />

_ Mais depuis quand est-ce que tu <strong>te</strong> soucies de ça ? Toi Anton Grey le grand provoca<strong>te</strong>ur !<br />

_ Depuis que l'amour s'en mêle.<br />

_ Mais si tu l'aimes, vis ta vie et fous toi de ce que les autres peuvent penser. C'est aussi simple que<br />

ça ! L' Écosse t'a ramollie le cerveau on dirait bien. Il riait.<br />

_ Tu as raison. Je ne sais pas pourquoi <strong>je</strong> n'y avais pas pensé plus tôt.<br />

_ Parce qu'il s'agissait de toi, pas d'un cas parmi tant d'autres. Main<strong>te</strong>nant fini ton assiet<strong>te</strong>, tu as<br />

une longue conversation à avoir avec maman et moi j'ai cours demain matin. Souris-<strong>je</strong>. »<br />

Je l'embrassais sur le front et posais ma tasse ainsi que ma peti<strong>te</strong> cuillère dans le lave-vaisselle,<br />

avant de retrouver ma chambre. Je mis un <strong>te</strong>e shirt propre et un autre short avant d'aller me coucher. Il<br />

était tôt, mais <strong>je</strong> n'avais pas envie d'avoir une tê<strong>te</strong> de trois pieds de longs demain matin. Je m'allongeais<br />

dans mon lit, les yeux rivés vers ma fenêtre. Quelques minu<strong>te</strong>s plus tard à peine, j'en<strong>te</strong>ndis maman entrer<br />

mais ils ne parlaient pas assez fort pour que <strong>je</strong> puisse en<strong>te</strong>ndre leur conversation. Anton me racon<strong>te</strong>ra<br />

demain. J'espère.<br />

Bip Bip Bip. Mon réveil sonnait déjà, non il hurlait dans mes oreilles encore endormies. Je le<br />

frappais de tou<strong>te</strong>s mes forces et me levais avec beaucoup de mal. Oh non, nous étions lundi ! Foutu lundi !<br />

Premier jour de la semaine ! Une longue semaine qui s'annonçait. Avec fracas j'arrivais dans la cuisine,<br />

maman était debout, à vrai dire <strong>je</strong> ne pensais pas qu'elle ait dormi.<br />

«_ Bonjour maman ! Dis-<strong>je</strong> la voix cassée. Elle hochait la tê<strong>te</strong> péniblement. Bien dormi ? Repris-<strong>je</strong>.<br />

_ J'ai connu mieux. Dit-elle la voix pleine de sanglots.<br />

_ Qu'est-ce qu'il se passe ? C'est à cause d' Anton ? Répliquais-<strong>je</strong>.<br />

_ Non pas du tout mon cœur, c'est … c'est Ingrid elle est … MORTE. Lâcha-t-elle en pleurant.<br />

_ Maman, <strong>je</strong>... <strong>je</strong> suis désolée. Je ne savais pas quoi dire, <strong>je</strong> la pris dans mes bras. Je suis là maman,<br />

<strong>je</strong> serai toujours là pour toi. »<br />

J'avais la bizarre impression de revenir quelques années en arrière, au moment où papa nous avait<br />

quitté. Maman pleurnichait quelques secondes seulement sur mon épaule puis se releva en séchant ses<br />

larmes, fière.<br />

«_ Jeudi à lieu son en<strong>te</strong>rrement, j'aimerai que tu sois présen<strong>te</strong>. Annonça-t-elle.<br />

_ Oui, bien sûr maman.<br />

_ Comme <strong>je</strong> plains son fils... Je pense que nous devrions passer chez lui dans la semaine, lui<br />

montrer que nous sommes là pour lui.<br />

_ Oui, si tu veux. Mercredi après-midi <strong>je</strong> n'ai pas cours. On ira avec Anton aussi.<br />

_ C'est une bonne idée. Des amis doivent s'aider dans des moments difficiles. Allez ma puce, vas <strong>te</strong><br />

préparer, Anaïs va t'at<strong>te</strong>ndre.<br />

_ Oui maman. Je montais sans manger. Maman ?<br />

_ Oui ? Répondit-elle à demie voix.<br />

_ Je t'aime. »<br />

Elle se retournait en me souriait dans ses larmes. C'était d'humeur tris<strong>te</strong> que j'allais me changer.<br />

Mon estomac me faisait mal, mais non pas par la faim, non d'autre chose que <strong>je</strong> ne savais expliquer.


Aujourd'hui <strong>je</strong> mis un pantalon droit en <strong>je</strong>an et un débardeur à fleurs bleues foncées et noires. Avec ça<br />

j'optais pour des chaussures Converses. Je n'étais pas d'humeur à faire une coiffure originale ou même à<br />

me maquiller, alors <strong>je</strong> me con<strong>te</strong>ntais de me brosser les dents et de me démêler les cheveux. Je partais de la<br />

maison, le sourire tombant et les yeux légèrement embués. Pauvre Ingrid.<br />

«_ <strong>Amy</strong> ! <strong>Amy</strong> ! <strong>Amy</strong> ! Hé oh ! <strong>Amy</strong> ! Quelqu'un criait, <strong>je</strong> levais la tê<strong>te</strong> au ciel, m'arrêtais et cherc<strong>hais</strong>.<br />

Une silhouet<strong>te</strong> courrait vers moi. <strong>Amy</strong> ! Enfin tu m'en<strong>te</strong>nds !<br />

_ Excusez-moi, mais qui ê<strong>te</strong>s-vous ? Demandais-<strong>je</strong> confuse.<br />

_ <strong>Amy</strong>, tu ne me reconnais pas ? C'est moi Angie !<br />

_ Angie ? Non <strong>je</strong> ne vois pas. Désolée. »<br />

Cet<strong>te</strong> rousse ne me rappelait personne, mais son prénom faisait parti de mes souvenirs. Je<br />

m'excusais et ne la laissais pas continuer son discours, j'allais être en retard pour le lycée. Sur la rou<strong>te</strong>, pour<br />

ne plus être dérangée, <strong>je</strong> mis mes écou<strong>te</strong>urs dans les oreilles, le volume de la musique assez fort pour ne<br />

pas en<strong>te</strong>ndre les voitures rouler à côté de moi. J'arrivais au lycée et le rituel reprit. Je saluais d'une peti<strong>te</strong><br />

voix Anaïs et lui apprit la <strong>te</strong>rrible nouvelle. Elle ne savait pas qui était Ingrid à part à travers mes paroles.<br />

Elle me présentait ses condoléances et nous entrions sans un mot de plus.<br />

Le midi, Anaïs retrouvait Félix et moi <strong>je</strong> décidais de rentrer à la maison, <strong>je</strong> n'avais pas décrochait un<br />

mot de la journée et <strong>je</strong> n'en<strong>te</strong>ndais pas ceux de mes professeurs, rien ne servait de lut<strong>te</strong>r. Sur le chemin du<br />

retour, <strong>je</strong> reçus un message de Lucas me demandant comment j'allais aujourd'hui et comment s'était passé<br />

ma journée. Bê<strong>te</strong>ment <strong>je</strong> lui dis que c'était une journée banale, mais que submergée par trop de devoirs <strong>je</strong><br />

ne pouvais pas le voir aujourd'hui, ni demain, qu'on se verrait mercredi après-midi alors que <strong>je</strong> savais très<br />

bien que c'était impossible. C'était une excuse de plus pour annuler le rancard de ce jour-là.<br />

Qu'allais-<strong>je</strong> pouvoir trouver pour <strong>je</strong>udi ? L'en<strong>te</strong>rrement, non <strong>je</strong> ne pouvais pas lui dire ça, <strong>je</strong>udi se<br />

sera à cause des cours de guitare. Ne manquait plus que vendredi. Vendredi <strong>je</strong> serai malade, un rhume<br />

passager que j'avais attrapé la veille en rentrant du cours de musique improvisé.<br />

Quand j'arrivais à la maison, tout était silencieux. Maman avait coupé le son de la télévision et<br />

s'était endormie. Anton planchait sur une dissertation afin de se remettre à niveau, mais en vain. Quand à<br />

moi <strong>je</strong> me faisais oubliée et m'endormis quelques instants, jusqu'à ce que quelqu'un tape à la por<strong>te</strong>. Je<br />

descendais voir. C'était Lucas. Oh non ! Pas lui, pitié. J'entre-ouvris.<br />

«_ Bonjour ! Dis-<strong>je</strong> doucement.<br />

_ Salut, <strong>je</strong> peux entrer ? Demandait-il outré.<br />

_ Euh, non ma mère dort. Désolée.<br />

_ Eh bien sors quelques <strong>te</strong>mps sur le parvis. Insistait-il. »<br />

J'ouvrais la por<strong>te</strong> et soufflant un peu et la refermais jus<strong>te</strong> derrière moi. Je lui demandais ce qu'il se<br />

passait, il disait qu'il avait jus<strong>te</strong> envie de me parler un peu. Moi, <strong>je</strong> n'avais pas envie. Je m'assis sur les<br />

marches de l'entrée, lui était debout. Il me demandait pourquoi j'avais cet<strong>te</strong> mine épouvantable et cet<strong>te</strong><br />

humeur horrible.<br />

«_ Quoi mon humeur ? J'ai mal dormi c'est tout et <strong>je</strong> ne me suis pas maquillée. Ce n'est pas un<br />

crime non ? Je ne peux pas être tous les jours fraîche pimpan<strong>te</strong>. J'en suis navrée.<br />

_ Ne le prends pas comme ça, <strong>je</strong> me fais du soucis.<br />

_ Tu ne devrais pas. Si ça ne <strong>te</strong> dérangerais pas, j'aimerai aller dormir. A demain peut-être. »<br />

Je me relevai, il saisit mon bras et ne le lâchait pas. Je me débattais, mais il me bouscula. Ma tê<strong>te</strong><br />

heurta la por<strong>te</strong>, un bruit sourd re<strong>te</strong>nti. J'avais mal. Demain j'allais avoir une sacrée bosse. Pour me rassurer<br />

<strong>je</strong> passais ma main sur la tê<strong>te</strong>. En l'inspectant ensui<strong>te</strong>, j'aperçus un peu de sang. Lucas paniqua et ma lâcha<br />

sur la champ.


«_ J'espère que tu es fier de toi. Dis-<strong>je</strong>. Eh bien quoi ? Réponds moi ! Ça y est, main<strong>te</strong>nant tu ne<br />

l'ouvres plus ? Je ne suis pas d'humeur aujourd'hui et alors ? J'ai le droit non ? Parce qu'à toi ça ne t'arrive<br />

pas peut-être ? Mais dis-moi quelque chose. Sanglotais-<strong>je</strong>.<br />

_Je … Je suis désolé. Je dois y aller. Désolée <strong>Amy</strong>. Je... Je t'appelle.<br />

_Quoi ? Non mais c'est une blague. Criais-<strong>je</strong> en le saisissant à mon tour par le bras. Tu res<strong>te</strong>s avec<br />

moi main<strong>te</strong>nant, tu n'as pas le choix. Insistais-<strong>je</strong>. »<br />

Il acquiesça et nous rentrions, direc<strong>te</strong>ment dans ma chambre, pour que maman évi<strong>te</strong> de se<br />

réveiller. L'ambiance dans l'appar<strong>te</strong>ment était très morbide et j'avais l'impression qu'il s'en était rendu<br />

comp<strong>te</strong>. Il ne parlait pas trop. Ou c'était peut-être à cause de ce qu'il venait de se passer. J'hésitais, mais<br />

n'osais pas lui demandais pourquoi il avait ce compor<strong>te</strong>ment étrange. Après quelques jours, c'était peutêtre<br />

la fin du semblant de notre histoire commune. Mais … Et mon rêve alors ? Qu'est-ce qu'il voulait dire ?<br />

Je n'avais pas pu rêver de ça pour que finalement ça ne nous mène à rien.<br />

J'avais envie de lui parler mais non, rien. Rien n'osait sortir. « Allez ! Dis-lui deux mots. Rien que<br />

deux petits mots. » Me répétais-<strong>je</strong> intérieurement. Et lui, lui ça n'était pas mieux. Non, lui me regardait<br />

avec insistance, mais il ne sortait pas la moindre parole, comme s'il me narguait, comme s'il pensait « Non,<br />

<strong>je</strong> ne craquerait pas le premier, oui tu vas céder avant moi. » Nerveusement <strong>je</strong> me mis à rire. Il ne me<br />

comprit pas, mais ce mit à rire lui aussi ce qui attira Anton. Celui-ci nous demanda ce qu'il se passait,<br />

curieusement. Nous ne répondions pas tout de sui<strong>te</strong>, il fallait que nous nous remettions de notre crise de<br />

fou rire. C'est par la sui<strong>te</strong> que Lucas prit la parole.<br />

«_ Eh bien, <strong>je</strong> suis passé la voir après les cours. Désolé de t'avoir dérangé.<br />

_ Non, ce n'est pas grave, mais évi<strong>te</strong>z de réveiller maman s'il vous plait.<br />

_ Oui, t'inquiè<strong>te</strong>s pas. Le rassurait-il.<br />

_ Et si on se mettait un DVD ? J'ai acheté un film il n'y a pas long<strong>te</strong>mps. Un film animé, un tout<br />

nouveau en effets trois dimensions. Ça vous dit ? Demandait Anton. »<br />

Nous acceptions avec joie. Malgré le fait que <strong>je</strong> sois fan de Voltaire et de Bob Dylan, qui n'étaient<br />

pas du XXI ème siècle, j'étais aussi très fan des dessins animés ou films en 3D.<br />

Nous nous installions dans la chambre de mon frère, là où il y avait le meilleur écran pour ce genre de DVD.<br />

En plus, il y avait un canapé-lit. Idéal. Pendant le film, <strong>je</strong> m'assoupis sur l'épaule de mon aîné, ma main dans<br />

celle de Lucas.<br />

* * * * *<br />

Le lendemain<br />

Maman était d'accord pour que <strong>je</strong> n'aille pas au lycée cet<strong>te</strong> semaine. J'expliquai enfin les réelles<br />

raisons de mon absence à Lucas. Il comprit pourquoi mon humeur la veille était assez étrange. Nous ne<br />

reparlions pas de ce qui s'était passé devant la por<strong>te</strong>. Je ne pensais pas qu'il fallait en reparler, à part si l'on<br />

voulait se dispu<strong>te</strong>r bien sûr. Je n'en avais même pas parlé à qui que ce soit d'ailleurs et il valait mieux pour<br />

tout le monde que ça ne s'ébrui<strong>te</strong> pas. D'une part parce que Lucas allait avoir une mauvaise image après<br />

cet «incident» d'autre part parce que si maman venait à être au courant, elle allait me faire un exposé<br />

improvisé sur les femmes battues et les dangers de la violence conjugale. Deux raisons de plus de se taire.<br />

Aujourd'hui <strong>je</strong> ne voyais pas Lucas, il avait comprit que <strong>je</strong> n'avais pas envie de le voir en ce moment.<br />

Maman dormait beaucoup. J'espérais que ça n'allait pas être le cas pour demain car nous devions allé voir<br />

le fils d'Ingrid, Raphaël. Elle me faisait de la peine, maman. Alors, comme il était l'heure de manger, <strong>je</strong><br />

préparais une salade composée et mis trois friands au fromage dans le four, après avoir mit la table. Puis <strong>je</strong><br />

prévenu Anton que le repas était prêt, il arriva en trombes et réveilla maman. Bien sûr, elle nous assura<br />

qu'elle n'avait pas faim et bien en<strong>te</strong>ndu nous l'avions obligé de manger au moins un minimum de salade.<br />

Mais l'appétit n'était assurément pas là. Tant pis. Ça lui passera, avec Anton nous ne voulions pas trop la<br />

forcer non plus. Ça viendra tout seul, avec le <strong>te</strong>mps.


L'après-midi, <strong>je</strong> relu un livre qui traînait dans ma bibliothèque «Fin de partie » de Samuel Beckett.<br />

Quel drôle de livre ! Nous ne l'avions pas encore étudié au lycée, alors il faudra que <strong>je</strong> l'analyse pour essayer<br />

de saisir le sens de l'histoire. Un vieil homme sur un fau<strong>te</strong>uil roulant donnant des ordres à un <strong>je</strong>une homme,<br />

peut-être son fils, qui était incapable de s'asseoir et de dire non. Les parents du vieil homme étant dans des<br />

grosses poubelles, la mère mourant enfermée. Très bizarre comme histoire. Je devais peut-être allée<br />

chercher des informations sur in<strong>te</strong>rnet...<br />

Perplexe après une <strong>te</strong>lle lecture, <strong>je</strong> gardais mes lunet<strong>te</strong>s sur le nez et me dé<strong>te</strong>ndais en regardant un<br />

'vieux' film avec Tom Hanks, l'un de mes ac<strong>te</strong>urs préférés. Il y en avait quatre sur mon podium. En pôle<br />

position : Colin Farrell ; en second : Edward Westwick ; en troisième : Tom Hanks et Hugh Grant.<br />

Le film s'appelait « Vous avez un message ». Dedans, j'adore la poésie des e-mails qu'il échange avec Meg<br />

Ryan, Kathleen dans le film. Ce long métrage me donnait le sourire. Ce sont deux façons de penser<br />

opposés, ou presque, qui apprennent à se connaître et tombent amoureux anonymement et qui se<br />

dé<strong>te</strong>s<strong>te</strong>nt en réalité. Jusqu'à ce que l'un et l'autre se voient sous leur vrai jour. C'était beau et ne pouvait<br />

arriver que dans les films, malheureusement. Enfin, ma vie me suffisait et me satisfaisait amplement. Je<br />

n'avais aucunement besoin du genre d'histoire d'amour qu'il se passait dans les films. « Lucas valait trois<br />

voire même quatre Joe Fox ! » Pensais-<strong>je</strong> en riant intérieurement.<br />

Anton vint frapper à ma por<strong>te</strong>, il était accompagné. Il y avait Jeff. Je le pris dans mes bras et ne le<br />

lâchait plus, il était à la limi<strong>te</strong> de l'étouffement quand <strong>je</strong> daignai le laisser respirer. Ils ne firent qu'une légère<br />

apparition dans ma chambre. Ils avaient des choses à se dire. Je crus comprendre que les parents de Jeff<br />

avait été mis au courant par sa peti<strong>te</strong> sœur… Quelle pes<strong>te</strong> celle-là ! Peti<strong>te</strong> blonde de quatorze ans, elle<br />

pensait que tout lui était dût. C'était le genre de minet<strong>te</strong>s fan des télé-réalités, des chan<strong>te</strong>uses éphémères<br />

de soit disant soul R'N'B, fan des boys-bands pensant être des rock star... C'était elle tout ça. Une victime<br />

de la société quoi. Elle était vingt-quatre heures sur vingt-quatre avec son téléphone en main et les yeux<br />

rivés sur son espace personnel sur in<strong>te</strong>rnet. Toujours ! C'était ahurissant. La dernière fois, elle s'était ventée<br />

d'avoir plus de six cents 'amis' virtuels sur ce si<strong>te</strong>, et n'en connaître pas plus du quart. Je n'en voyais pas<br />

l'intérêt, mais elle répondait que ça voulait dire qu'elle était populaire. Pauvre <strong>je</strong>unesse... Quand <strong>je</strong> lui<br />

parlais d'au<strong>te</strong>urs connus, elle me disait qu'elle n'écoutait pas de musique classique et n'aimait pas la<br />

peinture. Le summum du summum ! Sa carrière plus tard, si tou<strong>te</strong> fois elle arriverait à en avoir une, sera, <strong>je</strong><br />

le pense catastrophique, à part si elle avait décidé de devenir mannequin ou coiffeuse … En encore ! Même<br />

Paris Hilton devait avoir plus de culture générale.<br />

Après ses pensées très peu positives, excepté pour Paris, j'allais d'un pas las me prendre une<br />

douche. J'avais une mine désastreuse et des poches ignobles sous les yeux. J'avais grand besoin d'un bain<br />

de soleil, mais l'envie n'y était pas. Je pensais retourner en cours vendredi si maman était d'accord, mais<br />

cet<strong>te</strong> pensée ne fait que traverser mon esprit. Maman allait sûrement avoir besoin d' Anton et moi après<br />

l'en<strong>te</strong>rrement. Je ne savais même pas comment, Ingrid était décédée, <strong>je</strong> n'osais pas demander. Je pensais<br />

au fond de moi à un accident de la rou<strong>te</strong>. Ingrid n'était pas malade, enfin si c'était le cas, <strong>je</strong> n'étais pas au<br />

courant, en y repensant, maman ne me l'aurait de tou<strong>te</strong> façon pas dit si c'était le cas.<br />

Je me séchai rapidement les cheveux et enfilai aussi vi<strong>te</strong> une tunique avec un collant noir opaque<br />

pour allé faire quelques courses au supermarché plus bas. Je ne voulais pas déranger Jeff et Anton et pas<br />

non plus réveiller maman. Comme à mon habitude, <strong>je</strong> me plongeais dans la musique sur le chemin. C'était<br />

<strong>te</strong>llement bien de se laisser aller par des riffs de reggae de <strong>te</strong>mps en <strong>te</strong>mps.<br />

Au supermarché j'avais acheté un litre de jus de fruits multi-vitaminés, quelques fraises en<br />

barquet<strong>te</strong>s et de la crème chantilly pour maman, des biscuits BIO et du chocolat en poudre pour Anton qui<br />

ne pouvait se passer de ses trois chocolats au lait par jour. Il allait faire un sacré trou dans le budget celui-là.<br />

À la caisse, c'était la rousse de l'autre jour, comment elle avait dit déjà ? Angie. Voilà d'où <strong>je</strong> la<br />

connaissais. Mais comment savait-elle comment <strong>je</strong> m'appelais ? Étrange... Pour savoir si elle allait me<br />

reconnaître, <strong>je</strong> fis comme si <strong>je</strong> ne la connaissais pas, ce qui était quand même un peu le cas. Raté ! Elle<br />

engagea une conversation. Encore une fois !


«_ <strong>Amy</strong> ? Alors tu me reconnais ? Commençait-elle avec le sourire.<br />

_ Eh bien, oui et non. Je savais que <strong>je</strong> connaissais une 'Angie' mais c'est tout...<br />

_ Je suis la tan<strong>te</strong> de Jeff. Tu ne <strong>te</strong> rappelles pas ? Il y a quelques années de ça tu étais venu chez lui<br />

et vous m'aviez dit que tu finiras bonne sœur et lui marginal parce que les autres ne vous aimez pas<br />

beaucoup. Dit-elle en souriant. La vieille dame qui patientait derrière moi se mit à rire.<br />

_ Oh ! Euh... peut-être. Sûrement même avec Jeff on est capable de tout. Dis-<strong>je</strong> un rictus de côté.<br />

_ Tu as toujours de ses nouvelles ? Je ne le vois que pendant les grandes occasions.<br />

_ Oui ! On se voit très souvent. Il va bien. Je lui dirai de passer vous voir.<br />

_ Merci. Bonne soirée <strong>Amy</strong>.<br />

_ Vous aussi. Lançais-<strong>je</strong> par dessus mon épaule. Quelle drôle de rencontre me marmonnais-<strong>je</strong> un<br />

peu trop haut. »<br />

Le vigile du magasin me toisa du regard, <strong>je</strong> lui souris d'un air béa pour rendre mon cas plus<br />

désespéré qu'il ne l'était et me pressais pour rentrer. Je repensais à ce que m'avait dit la tan<strong>te</strong> de Jeff...<br />

Comment pouvait-elle le voir que pendant les grandes occasions alors qu'il fait tou<strong>te</strong>s ses courses ici et<br />

qu'elle y travaille ? Bizarre. Tant pis, j'allais dire à Jeff que sa tan<strong>te</strong> l'embrassais et puis <strong>je</strong> verrai bien.<br />

«_ Les garçons <strong>je</strong> suis rentrée des courses. Dis-<strong>je</strong> une fois sur le seuil de la por<strong>te</strong>. Des pas lourds<br />

dévalèrent les marches.<br />

_ Du chocolat en poudre ! Du chocolat en poudre ! Du chocolat en poudre ! Répétait Anton.<br />

_ Oui. Oui. Tout doux. Je n'irai pas en rache<strong>te</strong>r demain <strong>je</strong> <strong>te</strong> préviens. La prochaine fois, c'est ton<br />

tour ? On est d'accord ?<br />

_ Oui, si tu veux. Disait-il sans vraiment m'écou<strong>te</strong>r.<br />

_ Oh ! Jeff, ta tan<strong>te</strong> Angie t'embrasse. Lançais-<strong>je</strong> sans tact.<br />

_ Ah ! D'accord. Répondit-il surpris. »<br />

Eh bien ! Je pouvais écrire un scénario tout entier à la façon des feux de l'amour avec cet<strong>te</strong><br />

réaction-là... Mais <strong>je</strong> décidais de me mêler de ce qu'il me regardait pour une fois. J'étais beaucoup trop<br />

curieuse. Je laissais les garçons ranger les courses et allais me plonger dans la magie d'in<strong>te</strong>rnet, me mettre<br />

dans la peau de la peti<strong>te</strong> sœur de mon meilleur ami, riais-<strong>je</strong>. Je passais sur mon espace personnel. J'avais<br />

une demande d'ajout à ma lis<strong>te</strong> d'amis, c'était Lucas. Je pouffais un rire en pensant que lui aussi était inscrit<br />

sur ce genre de si<strong>te</strong>. Je visitais, par curiosité, son profil. Il y était inscrit en tant que <strong>je</strong>une étudiant, sérieux,<br />

célibataire et séduisant. In<strong>te</strong>rloquée, j'écrivais sur son profil même : « Monsieur est célibataire ? Dernière<br />

nouvelle ! » Il n'empêchait que grâce à ça, <strong>je</strong> connus enfin son nom de famille. 'Chalux' Le 'x' se prononçaitil<br />

? 'Grey' c'était beaucoup plus classe tout de même, me disais-<strong>je</strong> en souriant.<br />

Une conversation en privé vint s'ouvrir avec Lucas.<br />

_ Oh ! Tu serais donc jalouse !? Commençait-il.<br />

_ Moi ? Jalouse ? De qui ?<br />

_ Eh bien, des autres. Puisque tu n'as pas apprécié que <strong>je</strong> ne sois pas enregistré en <strong>te</strong>mps que célibataire.<br />

_ C'est parce que tu ne l'es pas, il me semble. Non ?<br />

_ Effectivement. C'est jus<strong>te</strong> que <strong>je</strong> n'ai pas pensé à changer son statut. In<strong>te</strong>rnet et moi... ça fait deux !<br />

_ Il faut quand même un minimum ! Tu sais au moins comment on change de statut social ?<br />

_ Oui ! Quand même ! Je ne suis pas un grand-père non plus. Il ne faut pas abuser, tu ne crois pas ?<br />

_ Je m'at<strong>te</strong>nd toujours au pire avec toi. C'est tout.<br />

_ Et toi alors ? Il n'y a rien d'écrit !<br />

_ C'est parce que ça ne regarde personne ! C'est ma vie. Mais moi <strong>je</strong> ne mens pas.<br />

_ Tu caches la vérité ! J'ose dire !<br />

_ Cer<strong>te</strong>s. Je ne le nies pas.<br />

Nous continuions à discu<strong>te</strong>r de cet<strong>te</strong> manière jusqu'au lendemain. In<strong>te</strong>rnet était assez bien pour ce<br />

genre de chose : Dialoguer en instantané. Merci la <strong>te</strong>chnologie. J'allais me coucher aux alentours de deux


heures du matin. J'allais me coucher parce qu'aujourd'hui nous devions aller voir Raphaël, sinon j'aurai bien<br />

continuer à discutailler avec Lucas tou<strong>te</strong> la journée. Nous nous donnions rendez-vous le soir pour<br />

recommencer. J'avais l'impression d'être devenu comme la mini Paris Hilton, mais c'était marrant.<br />

À dix heures maman arriva dans ma chambre pour me demander d'aller me préparer, afin que nous<br />

allions rendre visi<strong>te</strong> à Raphaël. Je lui demandais pourquoi nous devions y aller le matin, elle m'a répondu<br />

sèchement que c'était comme ça et pas autrement. J'étais l'enfant j'obéissais, point final. Elle était de très<br />

mauvaise humeur, alors <strong>je</strong> ne relevai pas et Anton fit de même. J'avais envie de rire aujourd'hui, mais c'était<br />

apparemment très mal parti. Tant pis, j'at<strong>te</strong>ndrai ce soir.<br />

Nous décollions de la maison une heure à peine après que maman nous ait réveillé. Dans la voiture<br />

tout le monde était silencieux. Anton, à la place du passager mit une compile de vieux rock /folk. Le CD<br />

dé<strong>te</strong>ndit l'atmosphère, mais ce n'était pas encore ça. Maman était concentrée sur la rou<strong>te</strong> et nous nous<br />

n'osions pas ouvrir la bouche. Ce silence me tuait, <strong>je</strong> parlais quand même.<br />

«_ Ça fait long<strong>te</strong>mps que l'on n'a pas vu Raphaël avec Anton. Il a quel âge déjà ? Demandais-<strong>je</strong>.<br />

_ Il a ton âge <strong>je</strong> crois, ou peut-être un an de plus. Je ne sais plus exac<strong>te</strong>ment. Répondait maman.<br />

_ Et il sera tout seul chez lui ? Il n'y aura pas de sa famille avec lui ?<br />

_ Non. Tu sais très bien que sa famille est dans l'Isère. Ils seront là demain pour l'en<strong>te</strong>rrement, mais<br />

c'est tout. Je pense que Raphaël partira avec eux. Peut-être qu'on pourrait l'invi<strong>te</strong>r ce soir. Vous ê<strong>te</strong>s<br />

d'accord ? Nous demandait-elle avec un premier léger sourire en coin.<br />

_ Oui ! Bien sûr. Répondions-nous en chœur. »<br />

J'étais con<strong>te</strong>n<strong>te</strong> que maman retrouvait enfin le sourire.<br />

Raphaël et sa mère, habitaient dans les environs de la ville, à quelques kilomètres. Sur la rou<strong>te</strong>, <strong>je</strong> me<br />

remémorais des souvenirs d'enfance. Quand Anton et moi nous allions chez eux, nous nous amusions à<br />

comp<strong>te</strong>r les bornes de kilomètres, quand nous en voyions une nous devions crier 'Taupe'. Je souriais<br />

bê<strong>te</strong>ment. Finalement, peut-être que la journée n'allait pas être si mal...<br />

Alors que j'étais dans mes pensées, <strong>je</strong> reçus un message écrit sur mon téléphone, c'était Anaïs.<br />

« C'est fini. J'arrê<strong>te</strong> tout. Il s'est moqué de moi. J'en ai marre. Je t'expliquerai tout. Passe une bonne<br />

journée. Heureusement que tu es là, toi ma meilleure amie. Gros bisous à tous les trois. »<br />

«_ Maman, Anton, Anaïs vous embrasse. Dis-<strong>je</strong> perplexe en relisant le message plusieurs fois dans<br />

ma tê<strong>te</strong>. Bizarre… Lançais-<strong>je</strong> à voix basse.<br />

_ Nous aussi. Répondit maman. »<br />

« Je ne suis pas sûre d'avoir compris. Appelle-moi ce soir si tu peux. Tu as un bisou de tout le<br />

monde. » Message envoyé. La voiture ralentissait sur un chemin de <strong>te</strong>rre. Nous étions arrivés. Maman<br />

donna trois coups de klaxon chaleureux et la por<strong>te</strong> s'ouvrit. Un gris brun aux yeux embués sortit sur le<br />

parvis. La voiture s'arrêta dans le jardin. Raphaël vint à notre rencontre. J'ouvris ma por<strong>te</strong>. Le <strong>je</strong>une homme<br />

tomba dans les bras de maman, en pleurs. Anton et moi nous regardions, in<strong>te</strong>rloqués. Nous entrions à<br />

l'intérieur. Tout était froid. Un frisson parcouru tout mon corps d'un seul coup.


Chapitre 6 :<br />

A l'intérieur, Raphaël s'assit près de maman. Leurs mains n'en formaient plus qu'une et nous les<br />

regardions avec beaucoup de compassion et d'émoi.<br />

« _Raphaël, ce soir vient dormir à la maison. <strong>Amy</strong> et Anton sont d'accord. Tu seras beaucoup mieux<br />

là-bas, avec nous. Au moins tu ne seras pas seul... Proposa maman.<br />

_Non, <strong>je</strong> ne peux pas accep<strong>te</strong>r. Je veux passer ma dernière nuit dans cet<strong>te</strong> maison... J'y tiens.<br />

Demain <strong>je</strong> serai en Isère. J'aimerai res<strong>te</strong>r ici. C'est déjà très gentil d'être passé. Je vous remercie, mais ça<br />

ira. Dit-il d'une trai<strong>te</strong> comme s'il avait déjà tout répété.<br />

_Tu es sûr ? <strong>Amy</strong> fait très bien à manger ! Dit mon aîné sur le ton de la plaisan<strong>te</strong>rie.<br />

_Oui. Dit Raphaël. Je me débrouille aussi. »<br />

Après cet<strong>te</strong> remarque l'atmosphère se dé<strong>te</strong>ndit. On parlait longuement de la défun<strong>te</strong>. Cet<strong>te</strong><br />

femme au fort caractère mais au cœur <strong>te</strong>llement énorme. Le comble pour une femme succombant d'une<br />

crise cardiaque. Raphaël disait que son cœur avait explosé <strong>te</strong>llement il était rempli d'amour. C'était beau et<br />

émouvant de le voir parler ainsi de sa mère.<br />

Vers treize heures nous commandions des pizzas. Raphaël avait un rendez-vous à seize heures,<br />

alors il demanda à maman de l'y accompagner. Bien qu'il soit ma<strong>je</strong>ur, les démarches administratives ce<br />

n'étaient pas son fort...<br />

Avec Anton nous rentrions en bus, leur rendez-vous était à l'opposé de la ville. Pendant le voyage,<br />

Anton se confia à moi.<br />

« _Alors ? Tu as parlé à Angie ? Commença-t-il.<br />

_Angie ? Ah oui ! La tan<strong>te</strong> de Jeff ? Euh non pas vraiment parlé. Elle m'a rappelait qui elle était quoi<br />

et comment nous nous étions connues. Pourquoi ?<br />

_Cet<strong>te</strong> femme est une vraie pes<strong>te</strong>, elle est pire que la peti<strong>te</strong> sœur de Jeff. Je t'assure c'est une<br />

sorcière ! Dit-il solennellement.<br />

_Pourquoi ? Qu'est-ce qu'elle a fait ?<br />

_ Quand Jeff était plus <strong>je</strong>une elle lui répétait qu'il était laid et qu'il ne serait jamais heureux. À force<br />

qu'on lui répè<strong>te</strong>, il l'a cru et il a sombré... Plus tard.<br />

_ Sa fameuse dépression il y a deux ans !? Demandais-<strong>je</strong> comme si <strong>je</strong> venais de comprendre.<br />

_ Oui... Depuis il ne veut plus la voir. C'est trop douloureux m'a-t-il dit.<br />

_ Oh! Eh bien main<strong>te</strong>nant <strong>je</strong> comprend. Il y eut un silence. Je suis con<strong>te</strong>n<strong>te</strong> que ça marche tous les<br />

deux en tout cas. Vous allez mieux tous les deux. Souris-<strong>je</strong>.<br />

_Ah ! Il rougit. Moi aussi, <strong>je</strong> ne l'aurai jamais cru, mais... voilà. Ça nous est tombé dessus. »<br />

Je hoc<strong>hais</strong> la tê<strong>te</strong>, ne savant pas pourquoi aujourd'hui il osait enfin se confier à moi, mais<br />

j'appréciais. Ça faisait déjà un moment que nous n'avions pas eu un instant même bref rien que tous les<br />

deux, à nous confier comme quand il habitait encore à la maison, avant son départ pour l'Ecosse. C'était à<br />

cet<strong>te</strong> époque-la que nous étions le plus fusionnel, et j'avais l'impression que ça allait être de même<br />

main<strong>te</strong>nant qu'il était de nouveau près de moi, près de nous.<br />

Arrivés à la maison, nous nous affalions sur la canapé, ses pieds déchaussés sur mes jambes.<br />

«_ Pousses <strong>te</strong>s pieds ! T'es lourd ! Oh ! Mais bouge bon sang ! Ces mecs alors !<br />

_Mais t'as plutôt confortable tu sais ? Riait-il.<br />

_Laisse ma triple épaisseur tranquille ! »<br />

Mon téléphone sonna. C'était un appel, alors <strong>je</strong> me pressais de répondre : Lucas. Je rougis. Il voulait<br />

que <strong>je</strong> prévienne Jeff que leur soirée entre amis n'était pas possible ce soir, à cause d'un dîner avec le<br />

patron de son père décidait ce matin-même. Il ma dit qu'il n'arrivait pas à la joindre. J'en informais par la


sui<strong>te</strong> Anton et profitais de notre moment intime pour lui parler plus amplement de ce qu'il passait entre<br />

Lucas et moi. Il me dit qu'il s'en était douté... Je devins alors une nouvelle fois rouge pivoine. Je n'étais<br />

vraiment pas discrè<strong>te</strong> quand il s'agissait de Lucas. Anton riait en me voyant perdre mes moyens. J'étais<br />

con<strong>te</strong>n<strong>te</strong> d'être avec lui, d'entre<strong>te</strong>nir cet<strong>te</strong> relation. Mon aîné mon trouvé trop 'mimi' quand <strong>je</strong> lui parlais de<br />

Lucas. C'était embarrassant de parler de ça avec lui, mais <strong>je</strong> commençais à y prendre goût. Lui me racontait<br />

ses journées avec Jeff et moi mes quelques instants avec Lucas... Je lui avais décris ce que j'avais ressenti<br />

quand Lucas me parlait, quand il me touchait, quand il m'avait embrassé. On riait comme des gamins. Puis<br />

il me fit part d'un secret, un très grand secret annonça-t-il. J'étais à l'écou<strong>te</strong>.<br />

«_ Eh bien <strong>je</strong> suis amoureux de Jeff depuis déjà un mois. Je n'ai jamais osé t'en parlé de peur que tu<br />

penses que <strong>je</strong> <strong>te</strong> voles ton meilleur ami et lui ton frère...<br />

_ Ce n'est pas grave. Je suis heureuse pour vous et j'espère que ça va durer. Vous avez trouvé votre<br />

bonheur en étant en couple. Eh bien soit. Vous ê<strong>te</strong>s tous les deux très importants pour moi. Je souris de<br />

nouveau. Par contre, j'aimerai que tu ne parles pas encore de Lucas et moi à maman s'il <strong>te</strong> plait. J'aimerai<br />

lui en parler moi, même si elle se dou<strong>te</strong> déjà de quelque chose. »<br />

Il accepta. Dans l'après-midi Jeff débarqua à la maison. Il nous dit que son téléphone ne marchait<br />

plus que c'était pour ça qu'il débarquait à l'improvis<strong>te</strong>. Je riais. Lui qui disait que <strong>je</strong> n'étais pas téléphone<br />

pour un rond, le sien tombait en panne. Le comble. Il me demandait si <strong>je</strong> pouvais prévenir Lucas qu'il ne<br />

pourrait pas venir ce soir chez lui. Je l'informais de mon précédent coup de fil et il fut soulagé. Les deux<br />

garçons allèrent dans la chambre de mon frère. Je décidais de les laisser tranquille. Il était aux alentours de<br />

quatre heures, alors <strong>je</strong> décidais de faire une tare aux fraises. J'en avais acheté précédemment et maman ne<br />

les avaient pas manger. De peur qu'elles s'abîment, autant les dégus<strong>te</strong>r sur une bonne pâ<strong>te</strong> sablée. J'en<br />

salivais d'avance... La préparation de la pâ<strong>te</strong> fit la plus longue étape après l'at<strong>te</strong>n<strong>te</strong> du refroidissement de<br />

celle-ci pour la garnir. J'adorais l'étage du lavage des fruits. Je ne sais pas pourquoi, <strong>je</strong> ne pourrais pas<br />

l'expliquer. Une fois la garniture <strong>te</strong>rminée, <strong>je</strong> décorais le tout avec un peu de chantilly et du sucre glace. Je<br />

mis le tout au réfrigéra<strong>te</strong>ur.<br />

Quelques heures plus tard, pendant que j'essayais de lire mon livre, maman arriva. Elle <strong>je</strong>ta ses<br />

affaires dans l'entrée se déchaussa et s'assit avec fracas sur la canapé. Pauvre sofa, il en voyait de durs tous<br />

les jours celui-là. Elle trouvait que ça sentait bon, comme s'il on avait cuisiné. Je lui répondis que j'avais fait<br />

une tar<strong>te</strong> aux fraises, comme elle les aimait, elle s'en réjouissait d'avance. « Ce soir j'allais bien manger »<br />

dit-elle. Elle me fit sourire. Avec son aide, <strong>je</strong> dressais la table, mais avant j'appelais les garçons pour savoir<br />

si mon meilleur ami dînait avec nous ce soir. Ils répondirent que oui. Nous mettions alors tous la table.<br />

J'aimais bien faire ce genre de tâche avec tout le monde, c'était toujours bien plus divertissant. Et puis au<br />

moins on se voyait. Pas comme tou<strong>te</strong> les familles d'aujourd'hui où chaque enfant ou adolescent vit dans sa<br />

chambre, là où il n'y avait plus de vie familiale quoi... Dans notre maison c'était gai, ça riait et surtout, ça<br />

vivait. Le repas fut animé, malgré la journée qui nous at<strong>te</strong>ndait demain, nous riions pour essayé d'oublier<br />

notre chagrin. Demain, nous allions assez pleurer... Pendant le dîner nous discutions aussi du couple que<br />

formait mon meilleur ami et mon frère. Maman n'était pas sceptique à l'idée que deux hommes ou deux<br />

femmes puissent s'aimer. Mais elle avait peur du regard des autres, elle avait peur de la méchanceté et de<br />

l'homophobie, ce que <strong>je</strong> comprenais parfai<strong>te</strong>ment et eux aussi. Ils nous avaient confié que lorsqu'ils<br />

sortaient ils ne se montraient pas, dans le sens où il faisait croire qu'ils étaient jus<strong>te</strong> des amis ou des frères.<br />

C'était malheureux quand même que deux personnes qui s'aimaient sincèrement devaient se cacher.<br />

Ça me faisait penser à Lucas et moi. Moi qui ne voulais pas qu'on s'affiche en public à cause de ma<br />

pudeur et de ma phobie des gens. Moi qui me gâc<strong>hais</strong> la vie pour rien. Je devais en profi<strong>te</strong>r et <strong>je</strong> le compris<br />

main<strong>te</strong>nant. Nous débarrassions la table après ces paroles. Jeff devait y aller, parce qu'il n'avait pas<br />

prévenu ses parents. On le comprit, l'embrassait et il partit. Après ça, nous nous rendions Anton et moi<br />

dans nos chambres respectives après avoir souhaité une bonne nuit à maman. Elle était fatiguée et une<br />

longue nuit n'était pas de refus...<br />

A peine arrivée dans ma chambre, mon téléphone sonna. Je me rappelais tout de sui<strong>te</strong> du message<br />

d'Anaïs oublié jusqu'à présent. Au début de notre conversation, <strong>je</strong> la sentais déprimée, engloutie par les


larmes, puis mon idée changea au fil de la conversation, elle n'avait pas l'air très franche dans ses propos :<br />

«_ Mais explique-moi ce qu'il s'est passé ! Dis-<strong>je</strong> agacée.<br />

_ C'est Félix. Il ne veut plus de moi.<br />

_ Mais pourquoi ? Demandais-<strong>je</strong> un ton au dessus.<br />

_ Oh ! Ne cris pas ! Je n'ai pas envie d'en parler.<br />

_ Alors pourquoi m'avertir seulement du quart du problème ?<br />

_ Parce que j'en avais envie c'est tout !<br />

_ Bon, et bien quand l'envie <strong>te</strong> reprendra tu m'expliqueras tout. En at<strong>te</strong>ndant j'ai pas que ça à faire<br />

moi. Je <strong>te</strong> pris de bien vouloir m'excuser. »<br />

Je raccroc<strong>hais</strong> énervée pas une <strong>te</strong>lle prise de tê<strong>te</strong>. Il fallait que <strong>je</strong> parle à Félix. Alors <strong>je</strong> me branchai<br />

sur in<strong>te</strong>rnet, à cet<strong>te</strong> heure il était souvent connecté...<br />

En effet, j'avais raison. J'engageai tout de sui<strong>te</strong> la conversation. Au début, il paraissait sceptique,<br />

puis <strong>je</strong> lui avais parlé en quelques mots de ma discussion avec Anaïs. Il comprit qu'elle m'avait caché la plus<br />

important, l'élément déclencheur...<br />

«_ Elle a mentit, trahit ma confiance. Elle m'a trompé.<br />

_ Sérieusement ? Comment ça ? Explique-moi ! »<br />

J'étais offusquée et profondément surprise. Moi qui la pensais honnê<strong>te</strong> envers Félix... Je me sentais<br />

blessée et n'osais pas imaginer ce que lui devait ressentir... Il affirma qu'elle avait vu un élève du lycée hier<br />

soir chez elle, il voulais lui faire une surprise en passant la voir, il savait que ses parents n'étaient pas là (il<br />

n'était apparemment pas le seul). À son arrivée il vit un grand blond à l'allure de basket<strong>te</strong>ur frapper à la<br />

por<strong>te</strong>, sa dulcinée ouvrit et l'embrassa à pleine bouche. Félix craqua. Révolté, il entra quelques minu<strong>te</strong>s<br />

plus tard sans y être invité. Anaïs fut surprise, le basket<strong>te</strong>ur eut droit à un crochet du gauche en pleine<br />

poire. Après ça il partit, énervé et célibataire. Je compris qu'il avait pleuré <strong>te</strong>llement ses propos étaient<br />

désolés, plein de tris<strong>te</strong>sse et de déception. Je lui remontai le moral de la meilleure façon que <strong>je</strong> pouvais et<br />

lui promis de ne pas le laisser tomber. À partir de lundi <strong>je</strong> n'allais pas le lâcher. Il me remercia et m'informa<br />

qu'il allait se changer les idées, nous nous échangions enfin nos numéros de téléphone et il se déconnecta,<br />

ce que <strong>je</strong> fis jus<strong>te</strong> après lui, j'allais prendre ma douche.<br />

Sous le <strong>je</strong>t d'eau chaude, <strong>je</strong> repensais à Félix. Pauvre Félix. Je n'aimerai <strong>te</strong>llement pas être à sa<br />

place ! L'adultère est la chose la plus horrible qui puisse exis<strong>te</strong>r dans un couple. Dans ma tê<strong>te</strong>, Félix et Anaïs<br />

étaient ensemble depuis toujours et la savoir capable de ça... ça me rendais tris<strong>te</strong>. Je ne parlai pas de cet<strong>te</strong><br />

histoire ni à Anton, ni à maman, ils risquaient de ne pas me croire <strong>te</strong>llement tout ça paraissait irréel.<br />

Je sortis de la salle de bain, les cheveux trempés et dégoulinant, les yeux mi-clos et la démarche<br />

lasse. Dans ma chambre, <strong>je</strong> m'affalai sur la c<strong>hais</strong>e de bureau, la tê<strong>te</strong> en arrière, tombant dans le vide et les<br />

jambes é<strong>te</strong>ndues devant. Puis <strong>je</strong> vis l'heure sur mon réveil. Je souris tout à coup, mais mes lunet<strong>te</strong>s sur les<br />

nez et me connectai de nouveau sur in<strong>te</strong>rnet. Je pris plaisir à remarquer que depuis la veille, Lucas avait<br />

changé son statut social, <strong>je</strong> me demandais si <strong>je</strong> devais faire de même et c'est sans vraiment trop réfléchir<br />

que <strong>je</strong> l'imitai. Je vis en bas à droi<strong>te</strong> de mon écran une peti<strong>te</strong> fenêtre s'ouvrir indiquant que Lucas venait de<br />

se connec<strong>te</strong>r. Je cliquai dessus et nous nous retrouvions.<br />

En premiers lieux, Lucas me demanda des nouvelles de Jeff, si tou<strong>te</strong>s fois j'en avais. Je le rassurai et<br />

lui dit qu'il était passé à la maison et qu'il n'avait plus de téléphone, le sien étant tombé en panne. Il fut très<br />

vi<strong>te</strong> rassuré, il s'était beaucoup inquiété. Nous avions ensui<strong>te</strong> tous les deux allumaient nos caméras.<br />

J'aimais beaucoup le voir quand <strong>je</strong> lui parlai sur l'ordina<strong>te</strong>ur. Je ne saurai l'expliquer, mais c'était un besoin<br />

quasiment indispensable. En me voyant, il comprit que quelque chose d'autre n'allait pas parce que <strong>je</strong><br />

n'arrêtais pas de scru<strong>te</strong>r mon téléphone. Il était vrai que le cas de Félix me préoccupait encore... et la<br />

journée qui m'at<strong>te</strong>ndait demain n'arrangeait pas les choses. Alors <strong>je</strong> lui confiai mes petits soucis. J'aimais<br />

parler avec lui. Il était toujours à mon écou<strong>te</strong> et moi à la sienne. Il ne jugea pas Anaïs après ce que <strong>je</strong> lui<br />

avais raconté, il m'avait jus<strong>te</strong> dit qu'il fallait que j'ai une discussion avec elle. J'avais peur de sa réaction,


mais il avait raison, c'était la seule solution. Puis il me réconfortait en disant que demain si <strong>je</strong> le voulais il<br />

sera là. Je refusais qu'il loupe les cours pour moi, alors il rétorqua que si j'avais besoin de lui <strong>je</strong> pouvais lui<br />

envoyer un message à n'impor<strong>te</strong> qu'elle moment et qu'il m'appellerait à la pause de midi, celle de l'aprèsmidi<br />

et qu'il passerait à la maison après les cours. Je m'en réjouissais. Il me manquait, il fallait l'avouer. À<br />

mon tour <strong>je</strong> lui demandai l'emploi du <strong>te</strong>mps de sa journée. Aujourd'hui mercredi il n'avait eu cours que le<br />

matin : 'une matinée banale' dit-il. Puis l'après-midi il fit un peu de ska<strong>te</strong> avec des amis et il était rentré<br />

pour le dîner d'affaire avec le patron de son pa<strong>te</strong>rnel. Un dîner barbant à parler de politique et d'économie<br />

mondiale. Ce n'était qu'après qu'il eu prit un bain avant de me rejoindre devant son ordina<strong>te</strong>ur. Il remarqua,<br />

en surfant sur mon espace personnel que j'avais (enfin) changé mon statut social. Il souriait d'un air béa ce<br />

qui me fit presque rire aux éclats.<br />

Passées nos histoires tris<strong>te</strong>s et ennuyan<strong>te</strong>s de la journée, nous changions totalement de<br />

conversation. Il commençait par me faire découvrir un tas de nouveaux groupes que lui connaissaient<br />

depuis long<strong>te</strong>mps. Après écou<strong>te</strong>, j'étais une nouvelle adep<strong>te</strong>. Ils étaient aussi bons les uns que les autres.<br />

Nous échangions nos avis pendant deux longues heures, puis <strong>je</strong> su<strong>je</strong>t dériva d'une façon que j'ignorais sur<br />

notre relation. Il était exac<strong>te</strong> que nous n'en avions jamais parlé... du moins pas très sérieusement.<br />

J'appréhendais qu'il me demande si j'étais amoureuse de lui ou que lui m'avouait ses sentiments<br />

amoureux. Mais non, ni l'un ni l'autre n'arrivèrent et j'en fus soulagée. Par contre, il me demandais si j'en<br />

avais parlé, <strong>je</strong> lui dis que oui, à Anaïs et à mon frère. Il sourit et me dit que lui pensait avoir mit Jeff au<br />

courant mais qu'il en était déjà presque persuadé. Je souris à mon tour. C'était plutôt comique quand j'y<br />

repensais, il parlait <strong>je</strong> souriais et vis versa. Sûrement parce que c'était le début... Oui ça devait être ça. Je<br />

rêvais à autre chose lorsqu'il m'in<strong>te</strong>rrompt.<br />

«_ Samedi j'aimerai qu'on aille au cinéma. Tu es d'accord ?<br />

_ Mm... Oui pourquoi pas. On irait voir quel film ?<br />

_ Il y a un nouveau film animé qui à l'air plutôt bien et un film plus mature avec Léonardo Di Caprio.<br />

_ J'en ai en<strong>te</strong>ndu parler... Je n'ai pas très envie de faire travailler mes méninges en ce moment.<br />

Alors le film animé me <strong>te</strong>n<strong>te</strong> plutôt bien. T'es d'accord ?<br />

_ Ça marche ! Après on irait faire un tour...<br />

_ Si tu veux. Je <strong>te</strong> suis moi tu sais.<br />

_ Eh bien <strong>je</strong> sais où t'emmener. J'ai même hâ<strong>te</strong> d'y être. »<br />

Qu'avait-il prévu ? J'avais hâ<strong>te</strong> de savoir, enfin, de le voir de mes propres yeux, <strong>je</strong> ne voulais pas lui<br />

demander de peur de gâcher la surprise. En tous les cas, dimanche <strong>je</strong> serai à la maison... Ce sera le dernier<br />

soir avant qu'Anton ne s'en aille pour son école d'in<strong>te</strong>llectuels !<br />

J'étais fatiguée, alors <strong>je</strong> quittai l'ordina<strong>te</strong>ur avec un au revoir chaleureux de Lucas. Je lui souhaitais<br />

aussi une bonne nuit et j'avais hâ<strong>te</strong> de le voir le lendemain. Allongée dans mon lit, les yeux rivés sur mon<br />

réveil <strong>je</strong> m'endormis en comptant les minu<strong>te</strong>s défiler. J'avais peur de cet<strong>te</strong> cérémonie d'en<strong>te</strong>rrement et<br />

l'appréhension était omniprésen<strong>te</strong>. Je ne savais pas si <strong>je</strong> suppor<strong>te</strong>rai voir autant de personnes pleurer la<br />

défun<strong>te</strong>. Le fait d'imaginer Raphaël effondré me donnait froid dans le dos.<br />

* * * * *<br />

Le lendemain<br />

Nous nous levions très tôt ce matin-là. La cérémonie débutait à neuf heures, nous voulions arriver<br />

en avance pour être présents au près de Raphaël. Les mêmes images que la veille au soir traversèrent mon<br />

esprit. Une larme perla sur ma joue pendant le petit-dé<strong>je</strong>uner, ni maman ni Anton ne le remarquèrent. Je<br />

me lavais rapidement, enfilais une robe longue uniquement noire et un cache-cœur de la même couleur. Je<br />

ne me maquillais pas et laissais mes cheveux longs lâchés, légèrement bouclés. J'envoyais un premier<br />

message à Lucas, lui souhaitant une bonne journée et lui disant que j'avais très envie de le voir tout à<br />

l'heure. Il me répondit assez rapidement : « Moi aussi. J'ai hâ<strong>te</strong>. Je t'appelle à midi. Bisous. » J'eus mon<br />

premier sourire de la journée et sûrement le dernier avant ce soir... Maman était prê<strong>te</strong>, tout comme mon


frère. Ils at<strong>te</strong>ndaient tous les deux devant la por<strong>te</strong> d'entrée. J'enfilais une paire de sandales spartia<strong>te</strong>s,<br />

toujours noires et nous filions. Nous étions à une quinzaine de minu<strong>te</strong>s de l'église où tout allait se<br />

dérouler... Nous étions des premiers arrivés, mais déjà les personnes présen<strong>te</strong>s se remémoraient les<br />

moments passés avec Ingrid. Des larmes coulaient, beaucoup de femmes portaient des lunet<strong>te</strong>s noires<br />

pour cacher leur émoi. Anton et moi décidions de res<strong>te</strong>r un peu dehors quand maman voulu entrer dans<br />

l'église pour y rejoindre Raphaël. On se regardait bê<strong>te</strong>ment ne sachant que dire, ne sachant que faire.<br />

J'espérais de tout mon cœur ne pas être obligée d'aller voir le corps meurtrie de notre ancienne amie. Ça<br />

m'aurifiait. Nous nous asseyions sur les marches, gardant notre peine au plus profond de notre âme. Une<br />

grosse voiture noire arriva, tout le monde se retournait. Quand elle daigna s'arrê<strong>te</strong>r, un homme grisonnant<br />

ayant au moins une cinquantaine d'années sortit de la por<strong>te</strong> arrière droi<strong>te</strong> et une <strong>je</strong>une femme blonde le<br />

suivait de près. En passant, tous deux nous toisèrent Anton et moi. Un air de révol<strong>te</strong> souffla sur mon<br />

visage, <strong>je</strong> me levai et pressai mon frère pour m'imi<strong>te</strong>r. Nous rentrions retrouver maman. Le vieillard et la<br />

blonde se dirigeaient au premier rang, à côté de Raphaël. Je compris qu'ils étaient sa famille. Ce qui me<br />

surprit quand même un peu puisque <strong>je</strong> ne les avais jamais vu et qu'ils ne ressemblaient en rien à Ingrid. Elle<br />

qui était simple et marran<strong>te</strong> à tous les moments de sa vie. Elle qui était si pure qu'elle aurait pu faire sortir<br />

tout le bien qu'un être mauvais pouvait avoir au plus profond de lui. Elle était la joie de vivre au quotidien,<br />

malgré son caractère bien trempé et ses sau<strong>te</strong>s d'humeur elle nous faisait tous rire. C'était une sacrée per<strong>te</strong><br />

sur cet<strong>te</strong> Terre...<br />

La cérémonie débuta à neuf heures tapan<strong>te</strong>s. Le prê<strong>te</strong> en fit pleurer plus d'un, maman et Raphaël<br />

les premiers. Moi, j'essayais au mieux de ravaler mes larmes et Anton fit de même. Quelques larmes<br />

coulaient le long de ses joues. Le discours nous plomba le moral... Des femmes s'effondraient en pleurs<br />

devant le cercueil de la défun<strong>te</strong>, moi <strong>je</strong> ne voulais pas m'en approcher. Maman me baisa le front, passa sa<br />

main droi<strong>te</strong> le long de la boî<strong>te</strong> en bois et elle revint s'asseoir près de nous. J'empoignais sa main dans la<br />

mienne et j'appuyais assez fort. Elle passa son autre main par dessus la mienne, comme pour me<br />

remercier. J'essuyais la larme qui coulait le long de sa joue. Anton voulu le dire un dernier au revoir, lui faire<br />

ses adieux... Quand Raphaël se leva, <strong>je</strong> ne voulais pas voir qu'elle allait être sa réaction... Je fermai les yeux<br />

et m'imaginais autre part. Maman renforça notre étrein<strong>te</strong> et <strong>je</strong> les rouvris. Le <strong>je</strong>une blond était agenouillé<br />

devant sa chère mère. Il lui parlait tout bas, comme si elle était jus<strong>te</strong> endormie. Malgré la musique, on<br />

en<strong>te</strong>ndit quelques paroles mêlaient aux larmes. Un frisson parcouru mon corps tout entier...<br />

Après le long discours et les adieux, nous sortions. La famille proche emmena le corps dans le<br />

cimetière, nous, nous nous en allions. Cet<strong>te</strong> matinée fut très douloureuse... On rentrait attristés. Dans la<br />

voiture maman nous parlait de ce que nous avions ressentis là-bas. Je répondis que j'avais pensé à papa<br />

pendant tout le cérémonial et Anton avouait la même chose. Maman en sourit et nous dit que c'était<br />

normal, qu'elle avait ressenti ça elle aussi.<br />

À la maison, tout était calme, on ne parlait presque pas. Mais maman allait assurément mieux.<br />

Peut-être que les mots qu'elle avait en<strong>te</strong>ndu ce matin la rassurèrent. En tout cas pour moi ça n'avait rien<br />

changé, moi qui ne croyais pas à l'au delà et à tou<strong>te</strong>s ces choses religieuses... J'aimais à croire que les gens<br />

le vénérait par pur frénésie. Tout à coup une citation me vint à l'esprit, elle était de Serge Gainsbourg, ce<br />

grand provoca<strong>te</strong>ur « Si le Christ était mort sur une c<strong>hais</strong>e électrique, tous les petits chrétiens por<strong>te</strong>raient<br />

une peti<strong>te</strong> c<strong>hais</strong>e en or autour du cou. » Une phrase sans équivoque qui aurait énervé maman si <strong>je</strong> lui en<br />

avais parlé, elle qui dé<strong>te</strong>stait quand <strong>je</strong> faisais par de mes idées religieuses (comme politiques d'ailleurs) à<br />

hau<strong>te</strong> voix... à midi l'appétit n'était pas là, alors <strong>je</strong> grignotais quelques biscuits secs avant de mon<strong>te</strong>r dans<br />

ma chambre, m'isoler un peu. Je mis un album de heavy metal pour me dé<strong>te</strong>ndre, mais très vi<strong>te</strong> mon<br />

téléphone sonna. Mon appel tant at<strong>te</strong>ndu, celui de Lucas !<br />

«_ Alors comment ça va toi ? Commença-t-il par dire.<br />

_ Eh bien ça va. C'était pénible, mais c'est passé... Main<strong>te</strong>nant <strong>je</strong> suis soulagée, parce que<br />

j'appréhendais surtout la réaction de ma mère et de Anton.<br />

_ Ouais... J'imagine. Enfin, ça s'est bien passé ?<br />

_ Comme un en<strong>te</strong>rrement quoi... T'as de ces questions. Dis-<strong>je</strong> en plaisantant.<br />

_ Disons que <strong>je</strong> n'ai jamais assisté à un en<strong>te</strong>rrement... J'espère jus<strong>te</strong> que ça n'a pas trop était


horrible pour toi. C'est tout. Je m'inquiè<strong>te</strong>.<br />

_ Oh. C'est gentil. Ben ne <strong>te</strong> fais pas de soucis pour ça. Tout s'est bien passé, enfin... Tu sais quoi,<br />

comme pendant un en<strong>te</strong>rrement. Et toi ta matinée?<br />

_ Je me suis pris la tê<strong>te</strong> avec un gars de ma classe, j'ai été viré d'un cours de biochimie à cause de<br />

lui. Je vais prendre rendez-vous avec mon prof pour ne pas qu'il y est de confusion.<br />

_ Ah ! Eh ben au moins pour une fois tu n'auras pas dis que tu as passé une matinée banale. Tu<br />

m'expliqueras ce qu'il s'est passé tout à l'heure. Je n'ai pas envie que tu sois hors-forfait à cause de moi.<br />

_ Mais non, j'en ai encore assez. De tou<strong>te</strong> façon <strong>je</strong> <strong>te</strong> rappelle tout à l'heure.<br />

_ Non. Pas la peine, on s'enverra des messages si tu veux. Ce n'est pas la peine d'appeler. Je<br />

t'assure. Lui dis-<strong>je</strong> en le rassurant.<br />

_ Bon, d'accord. À tout à l'heure alors. Bisous. »<br />

Je l'embrassais à travers le combiné et raccrochai. Je n'avais pas la moindre idée de comment<br />

j'allais occuper mon après-midi. Comme la nuit fuit brève, j'allais me recoucher. Un sommeil récupéra<strong>te</strong>ur<br />

n'allait pas être de refus avant de voir Lucas... Je n'avais pas envie qu'il me retrouve après quelques jours<br />

dans un état horrible. Comme la dernière fois que <strong>je</strong> l'avais vu. Je branc<strong>hais</strong> quand même mon réveil à trois<br />

heures, quelques minu<strong>te</strong>s avant sa pause de l'après-midi.<br />

Pendant ces quelques heures <strong>je</strong> rêvai de lui. Nous étions au bord d'un lac. Je me souvins que <strong>je</strong><br />

portai une robe bleue, bleue <strong>je</strong>ans avec des broderies plus foncées par si par là... Lui avait un pantalon large<br />

de couleur kaki et un <strong>te</strong>e shirt simple plus foncé. Je me plaisais à le voir. Dans ce rêve là, il me donnait la<br />

main pendant que nous marchions vers un endroit isolé. Une fois que l'on y arrivait, <strong>je</strong> m'assis tout près de<br />

lui. Lui assis un peu plus haut, ses bras entouraient ma taille, sa tê<strong>te</strong> penchée au dessus de la mienne, ses<br />

cheveux me chatouillant le visage. C'était utopique. Nous riions d'un même son angélique. Et puis comme<br />

à son habitude, mon réveil remplit à merveille sa mission. Je fus sortis de mon rêve par un sursaut. Mon<br />

premier réflexe, après avoir é<strong>te</strong>int l'appareil de torture, fut de vérifier mes messages, il n'y en avait qu'un,<br />

reçu il y avait quelques secondes... De la part de Lucas.<br />

« Comme promis un message, en avance <strong>je</strong> sais. Je suis sorti plus tôt. Plus que quelques heures... <strong>je</strong><br />

me languis déjà de <strong>te</strong> revoir. » Je souris comme à mon habitude et lui répondis à l'instant d'après. « Moi<br />

aussi. Je vais demander à reprendre les cours demain, au moins pour récupérer les cours et les contrôles et<br />

connaître les devoirs… » ; « Fais comme tu le sens, on en parle tout à l'heure. Au fai<strong>te</strong>, serait-il possible de<br />

<strong>te</strong> kidnapper pour le dîner ? » ; « Faut voir. Je <strong>te</strong> préviens. Bisous. » ; « D'accord, <strong>je</strong> rentre en cours. À dans<br />

deux heures. » Je descendais deux à deux les marches et y rejoignis maman dans la cuisine, grignotant du<br />

chocolat, <strong>je</strong> savais déjà à quel point elle raffolait de ces mets... J'engageai la conversation en commençant<br />

très solennellement mon discours.<br />

«_ Maman ! J'ai quelque chose de très important à <strong>te</strong> dire ! Je soufflai. J'ai un copain, enfin si on<br />

peut appeler ça comme ça. C'est Lucas. Lâc<strong>hais</strong>-<strong>je</strong> d'un trait.<br />

_ Je m'en doutais. Daigna-t-elle répondre après son carreau de chocolat avalé. C'était flagrant !<br />

_ Oh ! Je rougissais. Bon, si tu t'en doutais... Mais ce n'est pas tout. Il aimerait que <strong>je</strong> sois avec lui<br />

pour le repas de ce soir. Je peux y aller ? Demandais-<strong>je</strong> timidement.<br />

_ Oui, seulement si tu rentres avant onze heures, comme d'habitude. Autre chose ? M'in<strong>te</strong>rrogea-<strong>te</strong>lle<br />

en avalant un autre morceau.<br />

_ Euh... Oui. Je peux retourner en cours demain ? J'aimerai récupérer les cours et les devoirs pour la<br />

semaine prochaine.<br />

_ D'accord. Si tu promets d'être concentrée et de ne pas fondre en larmes en plein milieu de la<br />

journée... Me dit-elle d'un ton mi prévenant, mi menaçant.<br />

_ C'est promis. Conclus-<strong>je</strong> avant de mon<strong>te</strong>r en trombes dans ma chambre pour prévenir Lucas des<br />

bonnes nouvelles. »


Chapitre 7 :<br />

J'étais con<strong>te</strong>n<strong>te</strong> que tout soit dit. Maman au courant, elle accep<strong>te</strong>rait et comprendrait plus<br />

facilement le fait que <strong>je</strong> sor<strong>te</strong> plus fréquemment. J'avais vraiment qu'une seule hâ<strong>te</strong> : Être samedi ! Passer<br />

la journée entière à ses côtés. Rien que lui et moi. Le rêve, le pied, l'utopie. Et puis dans quelques instants il<br />

serait là, tout près de moi. Je pris une grande respiration, <strong>je</strong> respirai le bonheur, la plénitude, j'étais<br />

heureuse. En relâchant à peti<strong>te</strong>s fréquences mon air, <strong>je</strong> montais à l'étage, me préparer. J'allais coiffer mes<br />

cheveux emmêlés.<br />

Quelqu'un frappait à la por<strong>te</strong>. Je dévalai les escaliers, le sourire jusqu'aux lèvres. Il était là, <strong>je</strong> le<br />

sentais, <strong>je</strong> le savais au plus profond de mon être, de mon âme. J'ouvris. À peine me vu-t-il qu'il me sauta<br />

dessus. Je ris et me laissai prendre au <strong>je</strong>u. Mes pieds ne touchaient plus le sol, mes bras entouraient son<br />

cou, les siens ma taille. Nous riions aux éclats, comme des enfants. Je sentis son parfum dans le creux de<br />

son cou, il sentait si bon. Je ne voulus plus le lâcher, mais <strong>je</strong> sentis mes pieds toucher le parquet. Mes mains<br />

se délièrent, pas les siennes. Dans un même <strong>te</strong>mps, il déposait un doux baiser sur mes lèvres. C'était si bon<br />

qu'il soit là. Nous montions dans ma chambre après qu'il ait salué maman et Anton. Leurs discussions<br />

furent brèves, <strong>je</strong> m'en réjouissais. Dans la chambre nous nous asseyions sur mon lit. Les volets étaient<br />

entrebâillés, la fenêtre ouver<strong>te</strong>, de l'air frais pénétrait dans la pièce de nous donnait un frisson. Au début<br />

nous parlions beaucoup, à s'en couper la parole parfois. Ceci dura une bonne demie heure. Nous riions<br />

aussi, comme à chaque fois que nous étions réunis. Puis, passé le cap, nous nous regardions, sans un mot.<br />

Tour à tour nous rougissions, gênés par le regard insistant et in<strong>te</strong>nse de l'autre. Ses joues devinrent rosées.<br />

Il était si beau. Si beau, habillé de son <strong>te</strong>e shirt «vintage» et de son <strong>je</strong>an fétiche, comme il l'appelait.<br />

J'aimais sa façon de s'habiller, j'aimais sa classe naturelle, son regard enivrant, son visage angélique, ses<br />

cheveux foncés, son grain de beauté, ses yeux en amande, son sourire parfait, la fosset<strong>te</strong> qu'il avait lorsqu'il<br />

riait. J'aimais tout ! Tout était harmonieux chez lui. Je ne lui trouvais aucun défaut... après ce long silence, <strong>je</strong><br />

craquai la première.<br />

«_ Nous entre<strong>te</strong>nons une conversation des plus intéressan<strong>te</strong>s dis-moi. Lâc<strong>hais</strong>-<strong>je</strong>.<br />

_ Plus intéressant tu meurs. Plaisanta-t-il. »<br />

Et puis après un rire, le blanc persista ; quelques secondes seulement …<br />

«_ J'ai hâ<strong>te</strong> d'être à samedi. Avoua-t-il. J'y pense à chaque instant. Toi, moi et rien d'autre.<br />

_ J'ai déjà envie d'y être. Me confessai-<strong>je</strong>. Même si à vrai dire <strong>je</strong> ne sais pas ce que nous irons faire.<br />

_ On ira au cinéma. Il sourit. Tu as déjà oublié ?<br />

_ Non, tu sais très bien de quoi <strong>je</strong> veux parler. Dis-<strong>je</strong> sur un ton des plus mystérieux.<br />

_ Oui et tu ne sauras pas de quoi il s'agit avant d'y être. Surprise. Cria-t-il en imitant l'accent anglais.<br />

_ Je ne sais pas du tout à quoi m'at<strong>te</strong>ndre. J'ai un million de scénarios en tê<strong>te</strong>.<br />

_ A quoi tu penses ?<br />

_ Je ne sais pas. Aller dans un endroit que tu adores... Au point d'eau, au ska<strong>te</strong> parc, chez toi. Je ne<br />

sais pas. C'est flou.<br />

_ Disons, que tu es sur la bonne voie. Il s'arrêta de parler, <strong>je</strong> le regardais avec insistance, il reprit. Et<br />

<strong>je</strong> n'en dirai pas plus ! Laissa-t-il échapper avant de m'embrasser. »<br />

Quand ses lèvres rentraient en contact avec les miennes, c'était comme si la Terre arrêtait de<br />

tourner. Comme si tout se stoppait net enfai<strong>te</strong>. Rien n'avait plus d'importance, rien sauf lui et moi. Mes<br />

doigts caressèrent ses cheveux au niveau des <strong>te</strong>mpes, <strong>je</strong> m'approc<strong>hais</strong> un peu plus de lui et lui de moi. Mon<br />

autre main s'entremêla dans l'une des siennes. À présent nous ne bougions presque plus. La por<strong>te</strong> s'ouvrit,<br />

nous nous détachions brusquement.<br />

«_ Oups. Lâcha mon frère. J'aurai du frapper, <strong>je</strong> suis désolé.<br />

_ Pas de souci, lui répondit Lucas tout à fait serein.<br />

_ Je voulais savoir si tu avais quelque chose de prévu dimanche.<br />

_ Non, mais <strong>je</strong> sais que c'est ton dernier jour avant le week-end prochain, ici.


_ Oui. C'est pour ça que <strong>je</strong> voulais savoir si ça <strong>te</strong> dirait de venir ici, vers dix heures. Avec Jeff on avait<br />

prévu de faire une randonnée et puis de pique-niquer sur la rou<strong>te</strong> avec maman et vous deux. Ça vous dit ?<br />

Demandait-il en nous regarda l'un après l'autre.<br />

_ Je ne sais pas si maman sera d'accord ? Songeai-<strong>je</strong>.<br />

_ Je lui en ai parlé à l'instant même, elle a dit oui. Ne manque plus que votre réponse.<br />

_ Dans ce cas, c'est bon pour moi. Dit Lucas.<br />

_ Moi aussi. Conclus-<strong>je</strong> enthousias<strong>te</strong>. »<br />

Après s'être excusé encore une fois, Anton nous laissait. L'atmosphère n'était plus le même qu'à<br />

son arrivée soudaine, mais il n'y avait plus ce silence omniprésent quelques minu<strong>te</strong>s plus tôt. Nous parlions<br />

de la journée de demain, de ma reprise des cours entre autre. Il voulait venir me chercher, le matin et m'y<br />

accompagner en scoo<strong>te</strong>r. Je refusai. Il n'allait pas se lever très tôt pour m'emmener au lycée. Il était déçu,<br />

alors <strong>je</strong> proposai un compromis.<br />

«_ Demain matin on se retrouve à mi-chemin entre nos deux lycées, disons à sept heure et demi.<br />

On mangera ensemble à midi et <strong>je</strong> <strong>te</strong> retrouverai à seize heures devant ton établissement.<br />

_ Je suis d'accord, à un détail près.<br />

_ Lequel ? Demandais-<strong>je</strong> intrigué.<br />

_ On se retrouve à sept heure et quart. Sinon ça ne sert à rien de se retrouver pour quelques<br />

minu<strong>te</strong>s. Non ?<br />

_ Marché conclus. »<br />

Nous frappions dans nos mains comme à l'époque de l'école élémentaire. Il vit derrière mon lit, ma<br />

guitare posée contre mon bureau. Il me demandait d'en jouer un morceau. Au début <strong>je</strong> ne voulais pas, par<br />

timidité, puis il me promit qu'il m'en jouerai lui aussi un morceau ; il ajouta même :<br />

«_ Je chan<strong>te</strong>rai aussi si tu le souhai<strong>te</strong>s. Moi !<br />

_ Je peux chan<strong>te</strong>r, mais ma voix sera couver<strong>te</strong> par la guitare... Inutile non ?<br />

_ Non. Chan<strong>te</strong> ! Sourit-il. »<br />

Je m'emparais de l'instrument, vérifiai qu'il soit bien accordé et me lançai dans une version<br />

acoustique de Nirvana. Il m'écoutait at<strong>te</strong>ntivement, si bien que j'en étais parfois déconcentrée. Je vis qu'il<br />

se concentrait sur ma peti<strong>te</strong> voix. Le morceau fini, <strong>je</strong> souris bê<strong>te</strong>ment.<br />

« _ J'ai une voix à la Charlot<strong>te</strong> Gainsbourg. Dis-<strong>je</strong>.<br />

_ Et alors ? J'aime bien ta voix ! Répondit-il du tac au tac.<br />

_ A toi main<strong>te</strong>nant ! Je veux <strong>te</strong>llement <strong>te</strong> voir à l'œuvre. J'imagine ta voix de mille et une façon.<br />

J'aimerai savoir ce que ça donne en vrai, en live, en acoustique.<br />

_ Eh bien dans ce cas, ouvre grand <strong>te</strong>s oreilles. »<br />

Je lui donnai la guitare il échauffa sa voix quelques secondes, gratta quelques no<strong>te</strong>s sur les cordes<br />

et il se <strong>je</strong>ta à l'eau. Aux premiers accords <strong>je</strong> reconnus tout de sui<strong>te</strong> la chanson. Je souris. Lui avait reprit une<br />

chanson in<strong>te</strong>rprétée à l'origine par une femme et moi l'inverse. Sa voix collait <strong>te</strong>llement bien à la musique.<br />

Elle n'était pas rauque mais pas aiguë non plus, c'était un remarquable ténor. Je n'en<strong>te</strong>ndis aucune fausse<br />

no<strong>te</strong>, ni aucune fau<strong>te</strong> d'accords à l'instrument. Au moment du refrain un frisson parcouru mes bras, mes<br />

jambes ainsi que mon cuir chevelu. Il le remarqua, eut un sourire en coin et continuait... Sa performance<br />

autant vocal qu'instrumentale me bouleversa. Il avait un talent, un talent que bon nombre de personne<br />

n'avait pas. Les dernières no<strong>te</strong>s sonnaient dans la pièce. Il déposa la guitare sur le sol. Je lui dis qu'il avait<br />

merveilleusement bien chanté. Il me remercia, fut très modes<strong>te</strong> et ajouta que le morceau était simple.<br />

«_ Non, le mien était pour débutant. Mais qu'un ténor reprenne une chanson d'Avril Lavigne et qui<br />

plus est «Innocence», qu'il ne fasse aucune fau<strong>te</strong> autant dans le chant qu'à la guitare, c'est … WOW !<br />

_ Oh merci, sourit-il. Bon, arrê<strong>te</strong> de me faire des compliments et changeons de su<strong>je</strong>t veux-tu ? Ça<br />

me gêne.


_ Il faut bien dire la vérité. Ajoutai-<strong>je</strong> pour plaisan<strong>te</strong>r. »<br />

J'aimais <strong>te</strong>llement notre complicité. Quand <strong>je</strong> repensais au fait que nous l'avions eu dès le premier<br />

jour … Ce fameux premier jour.<br />

Je le questionnais, ensui<strong>te</strong> sur sa famille. Comment étaient-ils ? Que faisaient-ils ? Je ne voulais pas<br />

avoir l'air ridicule pour la première fois où j'allais les voir.<br />

Il me rassurait et le stress que j'accumulais au fil des minu<strong>te</strong>s me passait. Il avait une sœur aînée et<br />

un petit frère ; Sarah et Enzo, âgés de vingt et quinze ans. Sa mère était coiffeuse à son comp<strong>te</strong> et son père<br />

professeur d'informatique à domicile. Ils étaient ouverts d'esprit et pas du tout du genre à poser un millier<br />

de questions. Nous devions être chez lui aux alentours de sept heures. En <strong>je</strong>tant un coup d'œil à mon réveil<br />

<strong>je</strong> vis qu'il était déjà six heures et quart. Je me précipitai dans la salle de bain après avoir prit au hasard un<br />

pantalon noir et un <strong>te</strong>e-shirt rouge. Ça ferait l'affaire. Je me douchai à la quatrième vi<strong>te</strong>sse, gardant la<br />

même cadence pour m'habiller, me brosser les dents, me coiffer, me maquiller et enfin rejoindre ma<br />

chambre. Six heures quaran<strong>te</strong>... Finalement ce n'était pas si rapide que ça, pensais-<strong>je</strong>. Comme <strong>je</strong> lui avais<br />

proposé, Lucas était sur l'ordina<strong>te</strong>ur. Il remarqua à peine ma présence d'ailleurs. Je cherchai partout mon<br />

flacon de parfum, mais n'arrivait pas à la trouver. Je demandais à Lucas s'il ne l'avait pas aperçu il me dit<br />

que non, arrêta l'ordina<strong>te</strong>ur et m'aida à chercher. Introuvable, <strong>je</strong> me décidai de mettre du monoï car nous<br />

n'avions plus beaucoup de <strong>te</strong>mps. En entrant dans la salle de bain, <strong>je</strong> vis mon flacon posait sur le meuble. Je<br />

me tapais la paume de la main contre le front. Je m'en pulvérisai un peu dans le cou et nous descendions<br />

après une blague des moins drôles de Lucas à cause de ma recherche inutile du parfum. J'enfilai une paire<br />

de converses rouges aux lacets noirs, une ves<strong>te</strong> en cuir, <strong>je</strong>tais mon téléphone au fond de ma poche,<br />

embrassai Anton et maman et nous partions. J'avais mis son sac de cours dans mon dos pour m'accrocher à<br />

lui sur le scoo<strong>te</strong>r. C'était la première fois que j'allais mon<strong>te</strong>r avec lui. Je ne savais même pas s'il conduisait<br />

bien ! Non pas que j'avais peur sur les deux roues, non pas le moins du monde, mais <strong>je</strong> n'étais pas rassurée<br />

quand <strong>je</strong> ne savais pas comment roulait le conduc<strong>te</strong>ur. Je montais sur le véhicule sans grande conviction.<br />

Lucas enfilait une ves<strong>te</strong> en cuir lui aussi. Nous mettions nos casques sur la tê<strong>te</strong> et roulions. Mes mains<br />

l'entouraient lorsqu'il accélérait, puis <strong>je</strong> le lâchai lorsque nous étions à l'arrêt. Après trois feux rouges nous<br />

arrivions à destination. Il sortit un bip de sa ves<strong>te</strong> qui ouvrit le grand portail. Il y avait un jardin, quasiment<br />

vide... Le gazon avait été tondu récemment, l'odeur de l'herbe coupé s'empara de mes narines. Il allait<br />

ranger son scoo<strong>te</strong>r dans le garage, <strong>je</strong> lui rendis la casque qu'il déposa sur une étagère prévu à cet effet. En<br />

entrant dans le garage <strong>je</strong> remarquai deux voitures plutôt fonctionnelles et trois véhicules à deux roues,<br />

sans comp<strong>te</strong>r le scoo<strong>te</strong>r que le grand brun avait prit.<br />

«_ C'est une collection ? Demandais-<strong>je</strong>.<br />

_ Non. Il y a un scoo<strong>te</strong>r à mon père, un à mon frère et une moto... La mienne, dit-il avec un<br />

immense sourire sur les lèvres.<br />

_ Oh ! Je vois, monsieur aime les bolides.<br />

_ Ah ! Ah ! Non, enfin si, mais une moto me suffit quoi.<br />

_Oui. Il vaudrait mieux parce qu'il n'y a déjà presque plus de place. »<br />

Il rit et nous sortions pour retrouver sa famille dans la maison. La première chose que <strong>je</strong> fis en<br />

entrant fut d'envoyer un message à maman pour l'avertir que j'étais bien arrivée. À peine les yeux levés du<br />

téléphone, encore dans l'entrée, le petit frère, Enzo me saluait. Je fus très gênée et confuse d'être droi<strong>te</strong> et<br />

immobile comme un pilier dans le hall. J'entrai et Lucas me retirait ma ves<strong>te</strong>. J'embrassai tout le monde,<br />

toujours très timide. Je me sentais mal à l'aise. Sa mère, Alexandra était très gentille, ses cheveux étaient<br />

magnifiques, longs, blonds et bouclés. Je n'avais jamais vu aussi belle coiffure. Son père était certainement<br />

le plus drôle de la famille. Tom, le philippin, il était mat<strong>te</strong> de peau, ses yeux en amande étaient noirs. Je<br />

remarquai ensui<strong>te</strong> que la couleur des prunelles de Lucas était identique à celle de sa génitrice. Sarah était<br />

le portrait craché de sa mère, à un détail près, elle avait un diamant sur le nez et un au-dessus de la lèvre<br />

sur le côté droit. Quant à Enzo il ressemblait beaucoup à Lucas. Ils étaient tous très sympathiques et <strong>je</strong> me<br />

décontractais un peu plus au fil du <strong>te</strong>mps. Pendant le dîner j'étais assise entre Enzo et Lucas, qui lui-même<br />

avait prévenu sa mère que j'étais végétarienne. Elle avait donc préparé du poisson avec quelques légumes.<br />

Apparemment ce n'était pas un plat habituellement servit chez les Chalux ; Enzo et Tom râlaient pour le<br />

poisson et Sarah à cause de l'accompagnement. Lucas et Alexandra ne disaient rien. Leur at<strong>te</strong>ntion m'avait


fait plaisir, mais j'étais gênée pour les autres. «Ne t'en fais pas <strong>Amy</strong>, ils râlent, mais ça ne leur fait pas de<br />

mal de manger saint de <strong>te</strong>mps en <strong>te</strong>mps.» me répétait la maîtresse de maison.<br />

Après le repas Lucas me fit visi<strong>te</strong>r leur maison. À l'étage supérieur il y avait les chambres des adolescents et<br />

une salle de bain. En bas, un grand salon, la chambre des parents, la cuisine et une autre salle de bain.<br />

C'était grand, trop grand, <strong>je</strong> n'aimais pas vraiment. Seule la chambre de Lucas était à mon goût. Des<br />

pos<strong>te</strong>rs et autres photos collaient un peu partout sur les murs. Le toit était en mansarde. Il avait un lit à<br />

deux places au ma<strong>te</strong>las confortable et un coin avec son bureau. La nuit était tombée, il referma ses volets<br />

et laissa la fenêtre grande ouver<strong>te</strong>. Il n'avait qu'une seule lampe allogène près de son bureau qu'il alluma à<br />

peine. Je lui demandai s'il pouvait mettre de la musique.<br />

«_ Bien sûr ! Choisis. C'est dans le grand placard, tu ouvres. C'est l'étagère du haut.<br />

_ Je pense que <strong>je</strong> saurai reconnaître des pochet<strong>te</strong>s d'album. Dis-<strong>je</strong> sur le ton de la plaisan<strong>te</strong>rie.<br />

_ Avec toi, <strong>je</strong> ne serai surpris de rien. Répliqua-t-il sur le même ton en s'asseyant lourdement sur<br />

son lit. »<br />

Je rirais jaune et ouvris le grand placard mural. Elle était divisée en deux ; à droi<strong>te</strong> des CD, DVD,<br />

livres et autres albums et de l'autre côté ses vê<strong>te</strong>ments méticuleusement rangés. Je le vannai sur l'ordre<br />

dont il main<strong>te</strong>nait dans sa chambre et m'emparais (sur la poin<strong>te</strong> des pieds) d'une compile de Punk Rock fait<br />

par les soins de mon grand brun. Il alluma son ordina<strong>te</strong>ur pour lancer le CD, mit en marche les encein<strong>te</strong>s et<br />

la première chanson débutait. Accompagnés par les refrains de plusieurs de mes groupes et chan<strong>te</strong>urs<br />

préférés nous discutions sans in<strong>te</strong>rruption. Nous parlions entre autre du lycée, des études que nous avions<br />

envie de faire et du métier avenir... Nous étions tous les deux très ambitieux un peu trop même. Lui voulait<br />

être un brillant chercheur pour le cancer, moi un profiler hors-pair. Deux idées qui n'étaient pas si éloignées<br />

qu'il n'y paraissait aux premiers abords. Il y avait la même idée : Vaincre le mal. Dans son cas c'était la<br />

maladie, dans le mien les tueurs en série... il était impressionné par mes envies et me demandait pourquoi<br />

<strong>je</strong> voulais faire ça et pas autre chose.<br />

«_ Je veux travailler dans la police. Rendre la justice. Expliquer aux proches que <strong>je</strong> trouverai le<br />

coupable. J'aurai aimé que l'on rende la justice à mon père. Mais fau<strong>te</strong> de preuve son assassin ne sera<br />

jamais sous les barreaux... Je n'ai pas envie que ça arrive à quelqu'un d'autre.<br />

_ Ton père est mort ? Demandait Lucas choqué. Je pensais jus<strong>te</strong> que <strong>te</strong>s parents étaient divorcés.<br />

_ Oui, il a été tué. S'il <strong>te</strong> plait n'en parle ni à Anton, ni à ma mère. C'est un su<strong>je</strong>t tabou à la maison.<br />

_ D'accord. Ne t'inquiè<strong>te</strong>s pas, <strong>je</strong> ne dirai rien. Je peux savoir pourquoi ? M'in<strong>te</strong>rrogeait-il<br />

timidement.<br />

_ Oui. Avant, ma famille et moi habitions en Ile-de-France et là-bas mon père était un industriel<br />

dans le caoutchouc. Il songeait à installer une entreprise à Ams<strong>te</strong>rdam. Son pro<strong>je</strong>t faisait de l'ombre à un<br />

concurrent hollandais. Il a été tué un soir dans son bureau. J'ai l'intime conviction que c'est un hollandais<br />

qui est dans le coup. La police a fait tout ce qu'elle a pu mais il n'y avait aucune preuve tangible contre<br />

quiconque, jus<strong>te</strong> des hypothèses. Donc, voilà ma mère ne supportait plus de voir les proches de mon père,<br />

de vivre dans la maison avec encore tou<strong>te</strong>s ses affaires, de dormir dans le même lit mais désormais seule.<br />

Alors du jour au lendemain nous sommes partis pour venir vivre ici...<br />

_ Ah ! Je comprend. Dit-il plein de compassion. Ça ne doit pas être facile... Je suis désolé.<br />

_ Tu n'as pas à l'être. Ce n'est pas ta fau<strong>te</strong>. Avant j'étais tris<strong>te</strong>, main<strong>te</strong>nant <strong>je</strong> le suis moins,<br />

main<strong>te</strong>nant c'est la haine qui a prit le dessus. Je rêve souvent de trouver son assassin et de me venger. Ça<br />

me donne froid dans le dos, mais après <strong>je</strong> me dis qu'il paiera un jour ou l'autre. Dans la vie tout se paie. »<br />

Il remarqua à quel point ce su<strong>je</strong>t de conversation était sensible et moi <strong>je</strong> vis qu'il avait le visage<br />

tris<strong>te</strong>, alors <strong>je</strong> changeai de su<strong>je</strong>t. Notre discussion se basait sur la musique une nouvelle fois, notre<br />

principale passion commune. Quand la compile fut finie, <strong>je</strong> me rendis comp<strong>te</strong> qu'il était onze heures moins<br />

quart. Autrement dit <strong>je</strong> devais rentrer. J'avertis Lucas qui allait préparer le scoo<strong>te</strong>r et nos affaires, moi <strong>je</strong><br />

saluais tout le monde et les remerciai pour cet<strong>te</strong> soirée. J'étais vraiment con<strong>te</strong>n<strong>te</strong> d'avoir fait leur<br />

connaissance ! Lucas avait posé ma ves<strong>te</strong> sur le canapé, avant d'aller dans le garage. Une fois les au revoir<br />

<strong>te</strong>rminés, <strong>je</strong> le rejoignis et envoyai un nouveau message à maman la prévenant que <strong>je</strong> rentrai. Sur le<br />

chemin du retour <strong>je</strong> serrai Lucas plus qu'à l'aller. Je n'avais pas envie de le quit<strong>te</strong>r. Je m'attachai de plus en


plus à lui et j'espérai qu'il ressentait la même chose pour moi. Nous arrivions avec deux minu<strong>te</strong>s d'avance<br />

devant la maison. Il arrêtait la scoo<strong>te</strong>r, nous descendions et retirions nos casques. Je lui donnais le mien<br />

qu'il déposa sur le guidon. Il s'adossa au mur de la maison et me tirait vers lui par les bras. Je me laissai faire<br />

et at<strong>te</strong>rrit contre lui. Ma tê<strong>te</strong> se logea dans le creux de sa nuque, ses bras m'entouraient et les miens<br />

étaient sur son torse. J'aurai aimé ne plus bouger, mais il fallait que <strong>je</strong> rentre et lui aussi.<br />

«_ Demain à sept heures et quart près du centre commercial. Ne sois pas en retard surtout.<br />

Murmura-t-il près de mon oreille.<br />

_ Non, <strong>je</strong> ne serai pas en retard. Sache que <strong>je</strong> ne suis jamais en retard. Jamais. Lui répondis-<strong>je</strong> sans<br />

même bouger.<br />

_ Bon et bien dans ce cas... Je n'ai pas de souci à me faire. Allez, tu devrais rentrer main<strong>te</strong>nant et<br />

moi aussi. »<br />

Il lâcha ses bras et s'emparait de mes mains, ses doigts passaient entre les miens, <strong>je</strong> les serrai. Ses<br />

yeux étaient braqués dans mes prunelles noires. Je me soulevai sur la poin<strong>te</strong> des pieds et l'embrassai le plus<br />

<strong>te</strong>ndrement possible. À cet instant précis <strong>je</strong> compris, <strong>je</strong> compris ce que c'était. L'amour. Oui, j'étais<br />

amoureuse, non pas autant que dans mon rêve, mais assez pour avoir envie qu'il res<strong>te</strong> près de moi pour<br />

encore long<strong>te</strong>mps. Nous nous lâchions et il remontait sur son véhicule. Je le regardais partir et <strong>je</strong> rentrais à<br />

la maison. Maman était con<strong>te</strong>n<strong>te</strong> que <strong>je</strong> sois à l'heure, une fois de plus. Elle me demandait comment tout<br />

s'était passé, <strong>je</strong> lui dis que c'était très bien et que sa famille était très gentille ; quelle lui plairait sûrement.<br />

Elle souriait et était heureuse pour moi, <strong>je</strong> l'embrassai et allai voir mon frère avant d'aller me coucher.<br />

Demain j'allais au lycée, il ne fallait pas que <strong>je</strong> sois trop fatiguée... Anton, lui me posa un tas de questions,<br />

jusqu'à en devenir presque indiscret. Je le stoppais dans son in<strong>te</strong>rrogatoire déplacé, le rassurais et allais<br />

prendre une douche des plus rapides, mis mon téléphone à charger dans ma chambre, envoyais un<br />

message à Félix pour lui dire de m'at<strong>te</strong>ndre devant le lycée à huit heures moins cinq. Il me répondit qu'il<br />

at<strong>te</strong>ndrait et <strong>je</strong> m'endormis enfin, entièrement recouver<strong>te</strong> de mes draps.<br />

Le lendemain matin, <strong>je</strong> me levais fraîche pimpan<strong>te</strong> et avec l'envie folle de voir du monde. Moi qui<br />

d'habitude n'aimais pourtant pas ça, j'avais hâ<strong>te</strong> de voir Lucas, retrouver Félix, m'expliquer avec Anaïs,<br />

faire un devoir de sciences avec Nadia... Autant de choses que <strong>je</strong> n'avais pas fai<strong>te</strong> depuis presque une<br />

semaine. Cet<strong>te</strong> nuit, j'avais d'autant plus rêvé de Lucas. Il était au bord d'un lac, nous étions assis main dans<br />

la main sur une rive. Il me parlait simplement. Chose étonnan<strong>te</strong> il portait une chemise à carreaux rouges, <strong>je</strong><br />

ne le voyais qu'avec des <strong>te</strong>e-shirt vintage depuis que nous nous connaissions. En repensant à mon songe <strong>je</strong><br />

me préparais. Avant de partir, très tôt, <strong>je</strong> laissais un message à maman et Anton sur un post-it. Une fois de<br />

plus, <strong>je</strong> me rendis comp<strong>te</strong> que personne n'avait pensé à signer un mot pour mon absence... J'allais encore<br />

une fois le faire avant de rentrer au lycée. C'était le genre de détails auxquels maman et moi ne faisions pas<br />

at<strong>te</strong>ntion... Mais alors, pas le moins du monde.<br />

J'arrivais près du centre commercial. Je vis sa silhouet<strong>te</strong> au loin, lui ne me vit pas. Il était sept<br />

heures cinq. Nous étions tous les deux en avance. Je souris et accélérais le pas pour être au plus vi<strong>te</strong> près de<br />

lui. J'avais envie d'être enivré à nouveau par l'odeur de sa peau, j'avais envie que mes yeux soient<br />

émerveillés, que mes mains caressent les siennes, qu'elles remarquent à quel point sa peau était douce.<br />

J'avais envie de gou<strong>te</strong>r une fois encore à ses lèvres, à sa bouche qui m'appelait. J'avais envie qu'il me parle<br />

de sa voix si douce et reposan<strong>te</strong>. J'avais envie qu'il met<strong>te</strong> tout mon corps dans un état végétatif. J'avais<br />

envie de vivre rien que quelques minu<strong>te</strong>s dans mon paradis, mon utopie. Moi, la Voltairienne.<br />

«_ On ne peut pas dire que nous soyons du genre à arriver à la dernière minu<strong>te</strong>. Dis-<strong>je</strong> en le<br />

surprenant par derrière. Il sursauta.<br />

_ Tu m'as fais peur ! Avoua-t-il. Il est quelle heure ? Se demanda-t-il en inspectant sa montre. Sept<br />

heures six. Ah oui ! Dix minu<strong>te</strong>s d'avance chacun.<br />

_ Tu viens d'arriver ?<br />

_ Ça ne doit pas faire une minu<strong>te</strong> que j'at<strong>te</strong>nds. Je dois dire que tu n'avais pas menti, en tout cas<br />

pour cet<strong>te</strong> fois.<br />

_ A propos de quoi ?


_ Sur le fait que tu n'étais pas en retard.<br />

_ Oui, et tu n'as pas fini de t'en rendre comp<strong>te</strong>.<br />

_ Ça j'espère bien. En at<strong>te</strong>ndant qu'est-ce que tu veux faire ? On peut aller boire un coup dans le<br />

centre commercial ou jus<strong>te</strong> at<strong>te</strong>ndre là. »<br />

Je lui dis que <strong>je</strong> préférais at<strong>te</strong>ndre là. Jus<strong>te</strong> lui et moi. Rien ne nous dérangeait et <strong>je</strong> ne voulais<br />

surtout pas perdre de <strong>te</strong>mps à chercher un bon endroit pour se poser. Avec lui <strong>je</strong> ne m'ennuyais jamais et<br />

c'était ça qui était bien. Aujourd'hui il me demandait ce que j'avais pensé de sa famille. Je le rassurais en<br />

disant qu'elle était superbe, que j'avais passé une bonne soirée. Il était con<strong>te</strong>nt.<br />

Après nos rapides retrouvailles, nous nous quittions, il me donnait rendez-vous au snack à côté de<br />

mon lycée, il viendrait avec Jeff et moi avec Félix, que <strong>je</strong> rejoignais d'ailleurs. Il m'envoya un message<br />

disant qu'il était arrivé, <strong>je</strong> ne pris pas la peine de répondre, parce que <strong>je</strong> n'étais qu'à quelques pas du lycée.<br />

Quand il me vit, il me sautait dans les bras. Ça me faisait plaisir. Il m'avoua qu'il n'osait pas faire ce genre de<br />

choses par peut de faire du mal à Anaïs. Malgré que nous nous connaissions depuis long<strong>te</strong>mps, nous<br />

n'osions pas parler et rire ensemble, à cause d'elle. Nous entrions sous l'œil étonné des autres. Un ami de<br />

Félix lui demandait où était passé sa chère chérie, il lui répondait simplement que c'était fini, l'ami me<br />

regardait bizarrement, j'avais l'impression qu'il me prenait pour la remplaçan<strong>te</strong>, alors nous partions devant<br />

sa salle de cours, at<strong>te</strong>ndant son professeur.<br />

«_ Je suis <strong>te</strong>llement con<strong>te</strong>nt de <strong>te</strong> voir. Je pensais que tu allais m'en vouloir. Anaïs et toi vous ê<strong>te</strong>s<br />

inséparables, moi jus<strong>te</strong> un élément de plus dans votre amitié.<br />

_ C'est elle qui a fauté, pas toi. Je vais lui parler de tou<strong>te</strong> façon... Mais <strong>je</strong> ne <strong>te</strong> laisserai pas tomber à<br />

cause d'elle. Tu sais très bien que <strong>je</strong> t'adore. N'est-ce pas ?<br />

_ Oui ! Mais bon, <strong>je</strong> ne pensais pas que tu... Enfin laisse tomber. Donc ce midi tu veux que j'aille<br />

manger avec toi c'est ça ?<br />

_ Euh oui. Il y aura Jeff, <strong>je</strong> crois que tu l'as déjà vu et aussi Lucas. Dis-<strong>je</strong> en souriant.<br />

_ Et Lucas c'est ton copain. C'est ça ?<br />

_ Oui. Voilà ! J'ai hâ<strong>te</strong> d'y être ! J'espère que vous allez bien vous en<strong>te</strong>ndre, enfin, <strong>je</strong> pense que vous<br />

allez vous en<strong>te</strong>ndre. Je ne vois rien qui pourrait faire que vous ne vous en<strong>te</strong>ndiez pas.»<br />

La sonnerie re<strong>te</strong>ntit et <strong>je</strong> partis rejoindre ma classe. Anaïs était déjà devant la salle, elle me lança<br />

un regarde noir. Je fus surprise, mais au fond <strong>je</strong> pensais bien que ça allait se passer comme ça. Je m'assis au<br />

fond de la classe, après avoir montré à mon professeur le billet d'absence que j'avais fais quelques minu<strong>te</strong>s<br />

plus tôt. Il m'avertit que <strong>je</strong> devais passer chez la conseillère principale d'éducation. Je lui répondis<br />

gentiment que j'étais au courant. Lorsque <strong>je</strong> passais devant elle, Anaïs me regardait droit dans les yeux,<br />

d'un air glacial. Les deux premiers cours se passaient assez vi<strong>te</strong>, à la pause <strong>je</strong> voulu parler avec ma<br />

meilleure amie, mais elle me fuyait, alors <strong>je</strong> restais avec Félix. Nous rigolions et j'oubliais très vi<strong>te</strong> mes<br />

petits soucis avec elle. Quand <strong>je</strong> lui dis comment elle était, il me dit que ça ne l'étonnait pas. Que même<br />

peti<strong>te</strong> elle était comme ça, qu'elle n'allait sûrement pas changer de sitôt. Soit … Elle viendra d'elle même<br />

de tou<strong>te</strong> façon, c'était obligé. Nous devions de tou<strong>te</strong> façon avoir une conversation.<br />

Jusqu'à midi, Félix et moi étions devenus quasiment inséparables. Il m'envoyait un tas de messages<br />

pendant ses cours. Nous riions à chaque fois que nous nous croisions et j'adorais ça. À l'heure du dé<strong>je</strong>uner<br />

nous arrivions en avance au snack, parce que nous étions à côté. Nous commandions déjà nos sandwiches<br />

et boissons. Je commandai d'ailleurs aussi le dé<strong>je</strong>uner de Lucas et Jeff pour que tout soit près lorsqu'ils<br />

arriveraient, puisque nous n'avions pas beaucoup de <strong>te</strong>mps. Ils arrivaient sur le scoo<strong>te</strong>r de Lucas. J'étais<br />

con<strong>te</strong>n<strong>te</strong> de le voir, mais <strong>je</strong> ne voulais pas res<strong>te</strong>r collée à lui, <strong>je</strong> me sentis mal à l'aise. Il me semblait qu'il<br />

s'en rendait comp<strong>te</strong>. Malgré ça, Félix et les garçons s'en<strong>te</strong>ndaient plutôt bien. Les rires ne fusaient pas,<br />

mais il y avait de la conversation.<br />

«_ Alors tu es en quelle classe Félix ?<br />

_ En <strong>te</strong>rminale économique et social. Et vous ?<br />

_ Terminale scientifique. Oui, c'est sur, il faut avoir envie. Comme nous dit tout le <strong>te</strong>mps <strong>Amy</strong>. Dit


Jeff en riant. Mais bon, elle avec ses livres elle me décourage.<br />

_ Mes livres sont très intéressants ! Plus intéressants tu meurs !<br />

_ Ouais, enfin bon, tu sais Baudelaire … Disait Lucas en faisant la moue.<br />

_ Chacun son tour ! La racine carrée de neuf-cent soixan<strong>te</strong>, <strong>je</strong> m'en fiche un peu moi.<br />

_ Ça sera toujours plus utile que Les Fleurs du Mal. Non ?<br />

_ Laisse dont ce pauvre Charles reposer en paix. Ris-<strong>je</strong>. Son recueil est formidable.<br />

_ Bon, et si on changeait de su<strong>je</strong>t ? C'est une bonne idée vous ne trouvez pas ? Disait Félix qui riait<br />

jaune en avalant son sandwiche. »<br />

L'ambiance se dé<strong>te</strong>ndait un peu, mais <strong>je</strong> pressentais que ça n'allait pas durer. Félix était bizarre<br />

avec les garçons. Bien qu'il connaissait Jeff de vue, il n'était pas comme avec moi. J'avais vraiment envie<br />

que tous nous nous en<strong>te</strong>ndions bien. Ne manquait plus qu'à présen<strong>te</strong>r Félix et Anton pour que tout soit<br />

parfait. Le repas fut bref et nous partions deux de chaque côté. Je quittai Lucas après un bref bisou caché<br />

aux yeux des autres et retournai au lycée avec Félix. Sur le chemin, il me disait qu'il n'aimait pas beaucoup<br />

la façon que Lucas avait de me parler. Je fus choquée par une <strong>te</strong>lle réplique. Je ne trouvai pas qu'il me<br />

parlait si mal que ça. Je lui demandai d'approfondir sa pensée, tout ce qu'il ajou<strong>te</strong>r fut «Je sais pas, <strong>je</strong> le<br />

sens pas». J'avais beau adorer Félix, <strong>je</strong> trouvai qu'il ne manquait pas de toupet pour por<strong>te</strong>r un jugement<br />

aussi hâtif. Il ne le voyait que pour la première fois. Je secouai la tê<strong>te</strong> en me disant que ce n'était que sa<br />

première impression, qu'il faudrait qu'il se revoit pour mieux s'apprécier. Je pensai tout de sui<strong>te</strong> à un soirée.<br />

Une soirée où il n'y aurait que nous quatre. Je lui en parlai vaguement, sans pour autant entrer dans les<br />

détails, parler d'organiser une peti<strong>te</strong> fê<strong>te</strong> avec Lucas, alors que Félix venait de m'avouer qu'il ne l'aimait pas<br />

vraiment, n'était pas l'idée du siècle.<br />

L'après-midi se passait très vi<strong>te</strong> ainsi que la fin de journée. La nuit ne tarda pas à arriver. Le dernier<br />

baiser de Lucas laissa un goût de chlorophylle sur mes lèvres. Je m'endormis paisible, mais tout en<br />

regrettant de ne pas avoir parlé avec Anaïs. Tout ne pouvait pas être parfait songeai-<strong>je</strong> avant de<br />

m'endormir.


Chapitre 8 :<br />

9h48. Oh mon Dieu ! Je ne me suis pas réveillée ! J'ai loupé deux cours déjà ! Oh non ! Pourquoi<br />

moi ? Je me levée en sursaut. Ma douche fut brève, j'avalais un jus d'orange et pris une brioche dans mon<br />

sac au cas ou si j'avais une peti<strong>te</strong> faim. Je songeai à mon téléphone, à Lucas. Il a du m'at<strong>te</strong>ndre long<strong>te</strong>mps<br />

ce matin ! Oh quel malheur ! Pourquoi mon réveil n'a pas sonné. Et maman ? Où est-elle ? Normalement<br />

elle me réveille dans un cas pareil. Elle n'est pas à la maison. J'espère qu'elle est allée travailler. Je lui<br />

enverrai un message quand <strong>je</strong> serai au lycée. Ils at<strong>te</strong>ndront pour le mot d'excuse, pestai-<strong>je</strong>.<br />

J'arrivais par miracle pour la pause de dix heures, <strong>je</strong> sortis enfin mon téléphone du fond du sac.<br />

J'avais plusieurs appels en absence, plusieurs <strong>te</strong>xtos et messages vocaux. En bref, c'était l'anarchie.<br />

J'écoutais d'abord mon répondeur. «<strong>Amy</strong>, qu'est-ce que tu fais ? Je suis inquiet, rappelle-moi s'il <strong>te</strong> plait et<br />

ne tardes pas.» c'était Lucas ; «Allô ma puce c'est maman, <strong>je</strong> suis partie très tôt ce matin <strong>je</strong> <strong>te</strong> ramène une<br />

surprise ce soir. Je t'aime et travaille bien surtout.» ; «<strong>Amy</strong> c'est Félix, t'es passée où ? On va être en retard.<br />

Allez dépêche-toi !» ; «C'est Anaïs, <strong>je</strong> ne sais pas à quoi tu joues avec Félix, mais comme par hasard il n'est<br />

pas là quand tu n'es pas là. Arrê<strong>te</strong> ça tout de sui<strong>te</strong> <strong>je</strong> <strong>te</strong> prie. Ça risquerait de m'énerver.» Fin des messages.<br />

Je dois dire que le dernier est le plus drôle. Il faudrait que <strong>je</strong> la trouve celle-la, histoire de lui faire<br />

passer un quart d'heures plus ou mois sympathique, mais d'abord <strong>je</strong> dois rappeler Lucas et Félix. Lucas en<br />

premier.<br />

« _ <strong>Amy</strong> ! Enfin ! Qu'est-ce qu'il s'est passé ce matin ?<br />

_ Je ne me suis pas levée. Je suis désolée, ça ne m'était encore jamais arrivé. Le réveil n'a pas<br />

sonné. Je suis au lycée, on se voit toujours à midi ?<br />

_ Oui, bien sûr. Par contre, il y a un problème avec Félix <strong>je</strong> crois. Il toussota.<br />

_ Comment ça un problème ?<br />

_ Ce matin il est venu dans mon lycée, m'accusant de t'avoir fais sécher les cours. J'ai essayé de le<br />

raisonner, mais il ne voulait rien en<strong>te</strong>ndre.<br />

_ Il est où main<strong>te</strong>nant ?<br />

_ Laisse-moi finir. Un surveillant l'a vu dans le couloir quand il me hurlait dessus. Il a remarqué qu'il<br />

n'était pas du lycée et lui a dit de sortir au plus vi<strong>te</strong>. Il s'est emporté et se sont bagarraient. Résultat le<br />

surveillant est à l'hôpital et Félix au commissariat à côté de mon lycée.<br />

_ Oh non ! C'est pas vrai ! Pourquoi est-ce qu'il a fait ça ? Quel idiot ! Tu crois que <strong>je</strong> peux l'appeler ?<br />

_ Je ne sais pas, essaie toujours. On ne sait jamais. Bon, <strong>je</strong> dois <strong>te</strong> laisser, <strong>je</strong> rentre en cours. À tout à<br />

l'heure.<br />

_ D'accord. Moi aussi. À tout à l'heure. »<br />

Quelle poisse ! Et quel imbécile ! Qu'est-ce qui lui a prit de faire ça ? Je savais bien qu'il ne l'aimait<br />

pas, mais enfin... pas autant ! De là à entrer dans son lycée et frapper un surveillant. Il a vraiment été<br />

stupide cet<strong>te</strong> fois-là. Et Anaïs qui en rajou<strong>te</strong> une couche. Je soufflai. Quelle belle bande, ironisai-<strong>je</strong>.<br />

J'entrai en cours, mais l'esprit n'y était pas. J'envoyai un million de messages à Félix, tous en<br />

at<strong>te</strong>n<strong>te</strong>, mais j'insistai. À midi quand <strong>je</strong> rejoignis Lucas, <strong>je</strong> n'avais pas la tê<strong>te</strong> à discu<strong>te</strong>r. J'étais absen<strong>te</strong>,<br />

alors on était allé au commissariat. Il n'avait pas l'air ravi de cet<strong>te</strong> idée, mais tant pis. <strong>Amy</strong> la gentille fille<br />

qui fait plaisir à tout le monde avait ras le bol de faire des sourires en veux-tu en voilà.<br />

On y allait en scoo<strong>te</strong>r. Je pouvais évidemment dire au revoir à mon lissage bien fait et bonjour aux<br />

cheveux électriques. Je pestai en montant sur le véhicule.<br />

«_ Si tu râles, ça ne sert à rien qu'on y aille tu sais.<br />

_ Par pitié tais-toi Lucas et allons-y ! Je suis déjà d'assez mauvaise humeur comme ça, ne <strong>te</strong> sens<br />

pas obligé d'en rajou<strong>te</strong>r, t'es gentil. J'enfilai le casque.»<br />

Au commissariat :<br />

Il y avait la voiture des parents à Félix sur le parking. Je la reconnu à cause de la plaque


d'immatriculation. Il y avait ces trois lettres «AAF». Le premier A pour Anaïs, le deuxième pour <strong>Amy</strong> et le F<br />

pour Félix. Leur vieux truc datant de mon arrivée ici avait l'air de rouler, comme quoi tout était possible.<br />

J'entrai et Lucas lui restai près du scoo<strong>te</strong>r. Comme si quelqu'un allait lui voler sur le parking d'un<br />

commissariat... Ridicule. Enfin bref. Je fis au mieux pour me recoiffer et entrai. La mère de Félix se leva<br />

d'un coup en m'apercevant. Elle me prit dans ses bras, <strong>je</strong> ne comprenais pas pourquoi elle eu cet<strong>te</strong><br />

réaction. Son père se leva à son tour et me sourit. Spécial comme accueil. Je souris à contre cœur et on<br />

allait s'asseoir. Jéromine commença à parler.<br />

«_ <strong>Amy</strong> ma peti<strong>te</strong> chérie, il t'a appelé ? Tu as des nouvelles ?<br />

_ Euh non, il ne répond pas au téléphone c'est pour ça que <strong>je</strong> suis venue. Où est-il ?<br />

_ Les messieurs de la police ont dit qu'ils avaient un cas de délinquance plus grave à trai<strong>te</strong>r avant<br />

lui. Il est en cellule de dégrisement en at<strong>te</strong>ndant. Je ne sais pas ce qui lui a prit. Reprit le père.<br />

_ En cellule de dégrisement ? Il a bu ? J'étais choquée.<br />

_ Oui, il ne fait que ça depuis quelques <strong>te</strong>mps apparemment. Il a très mal vécu sa rupture avec<br />

Anaïs <strong>je</strong> crois bien. Tu sais il n'a eu qu'elle. Pauvre chérie. Ajouta la mère.<br />

_ C'est un homme non de non ! Il doit se relever. Aucune femme ne devrait le mettre dans cet état !<br />

C'est pitoyable ! Il va m'en<strong>te</strong>ndre cet idiot. Coupa Bernard. »<br />

Je ne comprenais plus rien. Félix buvait depuis sa rupture avec Anaïs. Il avait apparemment très<br />

mal pris le fait qu'elle l'ait trompé. Ça, ça comprend. Mais pourquoi s'en prendre à Lucas ? Ce n'était pas<br />

avec lui que tout ça s'était passé.<br />

«_ On vous a expliqué ce qu'il a fait ? Demandais-<strong>je</strong>.<br />

_ Oui, il est entré dans le lycée scientifique, a violenté un élève et frappé un surveillant. Énuméra<br />

Jéromine entre deux sanglots.<br />

_ Il ne l'a pas frappé Jéromine ! Il l'a étranglé, tabassé ! Ce pauvre <strong>je</strong>une et à l'hôpital. Il faudrait que<br />

tu arrê<strong>te</strong>s de surprotéger ton gamin ! C'est un homme main<strong>te</strong>nant tu comprends ? Il doit faire face à ses<br />

responsabilités ! Ce n'est plus enfant, quand est-ce que tu vas le comprendre ça ? Bernard se leva et sortit.<br />

_ <strong>Amy</strong>, tu sais, <strong>je</strong> crois que tu es sa seule amie dorénavant. Je ne sais plus quoi faire pour qu'il<br />

comprennes que la vie ne se limi<strong>te</strong> pas qu'à une personne, à un amour d'enfance. Bernard, c'est un homme<br />

gentil dans le fond. Mais on n'en peut plus de ses crises de nerfs, de ses arrestations... c'est trop. Elle était<br />

désemparée.<br />

_ Félix a déjà été arrêté !? Demandais-<strong>je</strong> choquée.<br />

_ Oui, bien sûr. Avec Anaïs il faisait souvent n'impor<strong>te</strong> quoi. J'étais con<strong>te</strong>n<strong>te</strong> quand il m'a dit que<br />

c'était fini avec elle, elle l'entraînait vers le bas. Main<strong>te</strong>nant j'ai peur qu'il ne puisse plus se relever. Il est<br />

faible et sans toi, il est seul.<br />

_ Excusez-moi de vous demander ça mais, est-ce qu'il voit un psychologue ?<br />

_ Il ne veut pas. Il dit qu'il est normal et n'a aucun problème. Je ne sais plus quoi faire. S'il continue il<br />

ira en prison. Là bas, il court à sa per<strong>te</strong>, j'en ai bien peur.»<br />

J'avais envie de crier dans les oreilles de cet<strong>te</strong> pauvre Jéromine qu'il fallait se réveiller bien avant.<br />

Le remettre dans le droit chemin dès la première incartade, mais là, c'était son état qui m'inquiétait plus<br />

que celui de mon ami. Comment pouvait-il faire endurer ça à sa mère? Cet<strong>te</strong> femme qui s'était presque<br />

tuée à la tâche pour lui, qui avait sacrifié tant de choses pour son fils unique. Et voilà comment elle était<br />

remerciée. Il me dégoûtait. J'embrassais Jéromine et lui dit que <strong>je</strong> l'appellerai ce soir sur son téléphone fixe,<br />

où que si elle préférait on discu<strong>te</strong>rait par mail si elle ne veut pas que Félix nous en<strong>te</strong>nde. J'inventai une<br />

excuse pour partir. En sortant <strong>je</strong> saluais Bernard qui fut surpris de mon départ. Lucas était toujours là, il<br />

m'at<strong>te</strong>ndait patiemment, comme il savait si bien le faire. Plus <strong>je</strong> m'approc<strong>hais</strong> de lui, plus mes yeux<br />

s'embuaient et moins <strong>je</strong> le voyais. J'at<strong>te</strong>rris dans ses bras presque violemment. Je crois qu'il n'avait pas<br />

compris pourquoi, mais il me prit dans ses bras. M'encercla contre lui et me laissa pleurer encore un peu. Je<br />

marmonnai que j'étais désolée, mais il n'en<strong>te</strong>ndait rien. Je pris une très grande respiration, si grande qu'il<br />

semblait que mes poumons allaient exploser. Encore une et j'arrêtais mes larmes. Je me décollai du torse<br />

de Lucas mais nos mains étaient liées. Je le regardais droit dans les yeux.


«_ Je suis désolée ! Je croyais que Félix était venu dans ton lycée pour <strong>te</strong> dire qu'il ne t'aimait pas,<br />

ou quelque chose comme ça. Mais non. Enfai<strong>te</strong> il a un problème. Je ne sais pas ce que c'est, mais <strong>je</strong> connais<br />

sûrement le pourquoi. Il faut que <strong>je</strong> retourne au lycée. Je dois parler à Anaïs. Tu peux m'amener ?<br />

_ Oui, oui bien sûr. Mais promets-moi de ne rien faire d'illégal. Ok ? Un ami au commissariat ça<br />

suffit, n'est-ce pas ?<br />

_ Oui, ne t'inquiè<strong>te</strong>s pas. J'aimerai jus<strong>te</strong> avoir des réponses à mes questions.<br />

_ Promets-le !<br />

_Promis ! Soufflais-<strong>je</strong>. Allez on se dépêche, <strong>je</strong> vais être en retard sinon. Ce matin aura suffit <strong>je</strong><br />

pense. Ris-<strong>je</strong> jaune.»<br />

En quelques minu<strong>te</strong>s nous étions devant le lycée. Lucas me déposa jus<strong>te</strong> devant Anaïs. Je<br />

descendis, lui rendis le casque, l'embrassai et il partit. Anaïs me regardait d'un air hautain. Je m'invitai dans<br />

sa nouvelle bande. Retirai la cigaret<strong>te</strong> qu'elle était entrain de fumer, l'écrasai avec mon pied et crachai<br />

dessus pour couronner le tout. Elle fit une grimace affreuse qui déforma tout son visage. Elle ressemblait<br />

désormais plus à une trainée, qu'à autre chose.<br />

«_ Qu'est-ce que tu fais ? Miss sain<strong>te</strong> ni touche ? Sa basse cour ricana.<br />

_ Je ne suis pas là pour toi si ce n'est que ça qui t'intéresse, <strong>je</strong> suis là pour Félix. Elle grimaça à<br />

nouveau. Je sais très bien que Morgane (sa sœur aînée) fait pousser du cannabis, et <strong>je</strong> suis sûre à 99% que<br />

tu as rendu ton cher ex petit-ami accroc !<br />

_N'im...<br />

_ Je n'ai pas fini. Coupai-<strong>je</strong>. Je <strong>te</strong> donne deux solutions, ce sera à toi de choisir. La première, tu<br />

dénonces ta sœur et tu <strong>te</strong> retrouves sans famille, moyen quand même, surtout que le cher fiancé de ta<br />

Morgane n'apprécierait pas être en manque, ce qui avantagerait Félix. Ou la deuxième solution tu vas au<br />

commissariat à côté du lycée scientifique comme une grande fille et tu leur racon<strong>te</strong>s tou<strong>te</strong> l'histoire.<br />

_ Tou<strong>te</strong> l'histoire ?<br />

_ Je <strong>te</strong> fais un rapide résumé. Toi et Félix, une longue histoire d'amour. Arrivés à l'adolescence tu lui<br />

fais découvrir la drogue, il devient dépendant. Il y a quelques <strong>te</strong>mps vous vous séparez, il n'a plus sa dose et<br />

essaie de la compenser avec l'alcool. Très vi<strong>te</strong> il perd les pédales. Comprendo ? M'énervai-<strong>je</strong>.<br />

_ On t'a déjà dis que tu faisais flipper ? Grogna une poule blonde.<br />

_ Oui, assez souvent. Et à toi on t'a déjà dit que risquait d'attraper froid dans une <strong>te</strong>nue pareille ?<br />

_ C'est ok. J'y vais quand au commissariat ?<br />

_ On va y aller ensemble, main<strong>te</strong>nant tout de sui<strong>te</strong>. Toi et moi seulement, <strong>te</strong>s volailles on n'en a pas<br />

besoin. Prends ton sac j'ai pas envie de ra<strong>te</strong>r tou<strong>te</strong> ma journée de cours ! »<br />

Au commissariat :<br />

Jéromine et Bernard étaient encore là. Ils furent surpris de me voir arriver avec un pareil spécimen.<br />

Je leur expliquai le pourquoi du comment pendant que la chère brune décolorée faisait de même avec un<br />

agent. Les parents de Félix étaient sous le choc, ils ne comprenaient pas comment ce genre de choses<br />

avaient pu arriver sous leur toit sans qu'il ne s'en rendent comp<strong>te</strong>. Les policiers appelaient les parents<br />

d'Anaïs et pour vérifier les faits, la maison allait être perquisitionnée. Mon plan avait marché. Non<br />

seulement Anaïs allait payer les frais de la cure de désintoxication de Félix, mais Morgane allait être arrêtée<br />

pour possession et ven<strong>te</strong> de produits stupéfiants, tout ça à cause de sa peti<strong>te</strong> sœur.<br />

Jéromine et Bernard me remercièrent. Je leur demandai d'embrasser Félix pour moi quand il ira<br />

mieux. Quand <strong>je</strong> pus sortir du commissariat il était déjà l'heure de rentrer chez moi. Ce qui était bizarre<br />

c'est que <strong>je</strong> n'avais aucune nouvelle de Lucas. D'habitude à cet<strong>te</strong> heure-là, il m'appelait ou m'envoyait un<br />

message. J'en pris donc l'initiative. Il ne répondit pas au téléphone, alors <strong>je</strong> lui laissai un message, disant<br />

que <strong>je</strong> n'avais pas étais en cours cet après-midi et que l'on devait se voir.<br />

Je pris un bus pour rentrer, le commissariat était vraiment trop loin de chez moi. Je rentrai à la<br />

maison avec le sourire, parce que pour une fois les choses se déroulaient comme dans les films !


Chapitre 9 :<br />

– Mois du juillet :<br />

Enfin l'été ! De longs mois sont passés et tant de choses se sont passées.<br />

Anaïs était sous surveillance policière ou judiciaire, <strong>je</strong> ne sais plus comment on dit. Sa sœur et son fiancé<br />

étaient en prison. Félix en cure de désintoxication dans un centre spécialisé. Jeff et Anton vivaient à Aix<br />

ensemble. Mais il y avait des choses qui n'avaient pas changé, des choses qui étaient bien <strong>te</strong>lles qu'elles<br />

étaient. Maman et moi habitions toujours la même maison et Lucas avait toujours la même place dans<br />

mon cœur. Depuis qu'Anton était parti, Lucas restait souvent chez nous. Il y dormait parfois plusieurs jours.<br />

On allait au travail ensemble. Oh oui ! Lui et moi avions eu notre BAC avec la mention bien, tous les deux.<br />

Alors cet été on travaillait, assez dur pour pouvoir se payer les facultés que nous voulions intégrer. Lui en<br />

fac de médecine pour faire ses recherches sur le cancer et moi en fac de psychologie. On avait trouvé un<br />

travail dans un fast-food. Rien de très gracieux ou élégant, mais c'était pratique. En plus, comme on<br />

travaillait avec acharnement, on avait réussi à se garder trois jours pour le weekend. Les patrons étaient<br />

d'accord. Pendant ces jours de repos, nous allions chez Jeff et Anton. Mon meilleur ami donnait une fê<strong>te</strong> et<br />

il nous avait invité. J'étais heureuse à l'idée de les revoir, de voir à quoi ressemblait leur appar<strong>te</strong>ment. Mais<br />

ce que j'avais envie par dessus tout c'était que mon frère me prenne dans ses bras. Il me manquait trop ici.<br />

Dernier jour avant le départ. Nous finissions à onze heure et demi. Les autres salarié étaient<br />

d'accord pour que nous ayons les mêmes horaires. En bref tout était parfait dans ce travail, mise à part<br />

l'odeur de fri<strong>te</strong>s qu'on l'on avait dans le nez tou<strong>te</strong> la sain<strong>te</strong> journée. On déposait nos tabliers dans les<br />

vestiaires, saluait l'équipe et on partait ! Enfin !<br />

Autre chose que j'avais oublié de mentionner ! Lucas avait toujours ses deux roues... eh oui, les<br />

cheveux décoiffés et électriques m'avaient adopté sans mon accord. Je rêvais d'une voiture où l'on pourrait<br />

parler et écou<strong>te</strong>r la musique ! Mais Lucas avait fait l'effort d'aller au code avec moi et nous avions eu tous<br />

les deux notre permis. Enfin, on avait le permis, mais pas la voiture. Je pouvais encore rêver long<strong>te</strong>mps !<br />

À la maison, maman n'était pas là, mais elle avait laissé un mot. «J'aurai aimé pour dire au revoir<br />

avant le départ, mais <strong>je</strong> dois me rendre à la boutique. Ne fai<strong>te</strong>s pas trop de bêtises les enfants. Embrassez<br />

les deux tour<strong>te</strong>reaux de ma part. Gros Bisous.» En lisant le petit bout de papier, Lucas répéta pour la<br />

énième fois que j'avais une mère formidable, chose que j'avais remarqué depuis plus de dix-huit<br />

main<strong>te</strong>nant.<br />

On allait prendre une douche et ajou<strong>te</strong>r les produit de toilet<strong>te</strong>s dans notre valise avant de partir<br />

pour la gare SNCF. On était en avance de plus d'une demie heure.<br />

Je vis du coin de l'œil un photomaton et à cet instant un sourire en coin apparu. Je pris la valise<br />

d'une main et empoigna Lucas de l'autre en me dirigeant tout droit vers la machine. En comprenant ce<br />

que j'avais derrière la tê<strong>te</strong> mon cher et <strong>te</strong>ndre se mit à rire. Il riait <strong>te</strong>llement que <strong>je</strong> ne pu m'empêcher de le<br />

suivre dans son délire. Les gens devaient nous prendre pour des fous. Il priait pour ne pas que <strong>je</strong> fasses mes<br />

grimaces affreuses.<br />

«_ Mais si ! Fais des grimaces ! Sinon j'en vois pas l'intérêt !<br />

_ J'en veux au moins une ou on se fait un bisou.<br />

_ Bon, si tu veux !<br />

_ Je la mettrai dans mon por<strong>te</strong> feuille !<br />

_ Et moi les trois autres avec les grimaces.»<br />

Il ronchonna en disant que <strong>je</strong> n'étais pas vraiment très romantique et il n'avait pas tord. On mit nos<br />

pièces dans la boî<strong>te</strong> et on commença à poser. Nos tê<strong>te</strong>s étaient <strong>te</strong>llement déformées qu'on était plus mort<br />

de rire sur les clichés que grimaçant. Seule la photo de Lucas était belle, mais les miennes me plaisaient<br />

dans leur … <strong>je</strong> ne sais pas. Elles me plaisaient bien, c'est tout.


On retournait sur le quai trainant notre lourde valise. Il arriva avec quelques minu<strong>te</strong>s d'avance. On<br />

compostait les billets et après un peu d'at<strong>te</strong>n<strong>te</strong> on partait. J'envoyai un message à maman pour lui dire que<br />

tout c'était très bien passé et <strong>je</strong> lui joints une photo grimaçan<strong>te</strong>.<br />

Après cinq heures de train nous arrivions enfin à destination. Comme prévu, Anton nous at<strong>te</strong>ndait<br />

devant la gare. Dès que <strong>je</strong> le vis <strong>je</strong> lâchai mon compagnon et sautai dans ses bras. Il avait changé. Il était<br />

bronzé et semblait s'être musclé. J'étais <strong>te</strong>llement con<strong>te</strong>n<strong>te</strong> de le retrouver. Lucas descendit avec peine les<br />

escaliers, la valise sur l'épaule. On avait qu'à marcher quelques pas pour nous retrouver chez Anton et Jeff.<br />

Ils habitaient au centre ville, au cinquième étage d'un vieil immeuble. C'était plutôt pas mal vu d'en bas. À<br />

l'intérieur, c'était propre et frais contrairement à la chaleur ambian<strong>te</strong> qu'il y avait à l'extérieur. Dans<br />

l'appar<strong>te</strong>ment, Jeff était sur son ordina<strong>te</strong>ur. Quand il en<strong>te</strong>ndit la por<strong>te</strong> s'ouvrir, sa tê<strong>te</strong> passa par dessus<br />

l'écran. Il avait un sourire d'enfant. Il lâcha son activité et nous sautait dessus. Son étrein<strong>te</strong> était <strong>te</strong>llement<br />

for<strong>te</strong> que <strong>je</strong> crus qu'il allait m'étouffer. On riait tous les trois, comme avant et c'était bon, <strong>te</strong>llement bon de<br />

se retrouver. Leur petit nid était propre et ça sentait bon la lavande.<br />

Je les charriais un peu pendant qu'ils nous faisaient visi<strong>te</strong>r. Lucas et moi allions dormir dans leur<br />

bureau aménageait en chambre de fortune avec un ma<strong>te</strong>las gonflable. Lucas pu enfin se débarrasser de la<br />

valise. La fê<strong>te</strong> se passait demain.<br />

«_ Ce soir j'aimerai qu'on aille faire un tour en ville et manger dans le restaurant d'un ami à Jeff. Ça<br />

vous va ? Demandait Anton enthousias<strong>te</strong>.<br />

_ Oui, oui bien sûr.»<br />

Je savais qu'Anton me demandait parce qu'il savait que d'ordinaire j'étais beaucoup mieux chez<br />

moi, devant un vieux film qu'à l'extérieur où des gens me voyaient, me regardaient. Mais, j'avais décidé de<br />

faire un effort. Après tout, depuis que j'avais rencontré Lucas, j'avais beaucoup changé. Lui, <strong>je</strong> ne sais pas.<br />

Je l'ai toujours connu <strong>te</strong>l qu'il était. Avec ses sau<strong>te</strong>s d'humeur, cer<strong>te</strong>s, mais inchangé. A-t-il remarqué mon<br />

évolution ? Et pourquoi me pose-<strong>je</strong> ces questions idio<strong>te</strong>s main<strong>te</strong>nant ? Suis-<strong>je</strong> une idio<strong>te</strong> ? Peut-être.<br />

M'enfin, là n'était pas la question. Il était <strong>te</strong>mps que <strong>je</strong> me <strong>je</strong>t<strong>te</strong> sur ce ma<strong>te</strong>las gonflable, histoire de<br />

décompresser après un voyage in<strong>te</strong>rminable !<br />

Les trois garçons étaient dans le salon, ils buvaient un verre de cet<strong>te</strong> boisson énergisan<strong>te</strong> qu'on<br />

en<strong>te</strong>ndait toujours parlé à la radio et à la télévision. Paraitrait-il qu'elle donne des ailes !<br />

Vous y croyez vous ? À une boisson qui nous ferait voler ? Si jamais moi, j'avais ce pouvoir, <strong>je</strong> ne sais<br />

pas où j'irai. Enfai<strong>te</strong>. Si. Je sais. J'irai le plus haut possible. Si haut que <strong>je</strong> ne pourrais presque plus respirer. Si<br />

haut que <strong>je</strong> me brulerai les ailes par les rayons du soleil. Si haut que <strong>je</strong> verrai si «Le Ciel» ; «Le Paradis»<br />

exis<strong>te</strong>nt réellement. Et qui sait, peut-être que <strong>je</strong> retrouverai papa et Ingrid, se buvant un verre ensemble en<br />

parlant de maman. Pathétique non ? Un peu si, <strong>je</strong> l'avoue.<br />

Pourquoi est-ce que <strong>je</strong> pense à ça main<strong>te</strong>nant ? Les voyages ne sont-ils vraiment pas fait pour moi ?<br />

Ai-<strong>je</strong> un problème avec les trains ? Là. Main<strong>te</strong>nant. Tout de sui<strong>te</strong>. Je pense à une chanson. Non, à un slam.<br />

Un slam d'un type qui se fait appeler «Grand Corps Malade». Tout le monde le connaît. Tout le monde<br />

connait au moins un morceau de son si célèbre slam. «Les voyages en train finissent mal en général» dit-il.<br />

Peut-être. Et c'est peut-être pour ça que <strong>je</strong> me met à penser comme une schizophrène. Je ne sais pas. Je<br />

sais seulement que c'est possible. Non, <strong>je</strong> sais que c'est fort probable.<br />

«_ <strong>Amy</strong> ? Une canet<strong>te</strong> de Redbull ? Crie mon frère. J'ai envie de lui dire non, parce que <strong>je</strong> n'aime pas<br />

ça, mais oui, parce que j'aimerai voir, sentir, l'effet que j'aurai si <strong>je</strong> bois une canet<strong>te</strong> entière.<br />

_ Euh, oui. D'accord. J'arrive.»<br />

Je me levai avec du mal parce que <strong>je</strong> m'étais affalée comme une arrière grand-mère obèse qui<br />

souffrirait d'arthri<strong>te</strong>. Je ris au fond de moi et essaie tant bien que mal de retirer ce sourire béa de mon<br />

visage, mais en vain. Ils me prendront pour une folle. Une fois de plus.


Ils ne le remarquèrent même pas en fin de comp<strong>te</strong>. Tant mieux. Je bus la canet<strong>te</strong> d'un trait. Ça avait<br />

un goût vraiment atroce ce machin gazeux.<br />

Je ne savais pas ce que l'on allait faire pendant l'après-midi, mais j'étais tout à coup enthousias<strong>te</strong>.<br />

Je ne savais pas pourquoi, alors <strong>je</strong> repensais à Grand Corps Malade. Enfai<strong>te</strong>, il avait tord. Enfin, à moitié.<br />

Parce que mon voyage en train à moi, ne s'était pas mal <strong>te</strong>rminé.<br />

On mangeait un morceau de pizza aux alentours d'une heure de l'après-midi avant d'aller faire le<br />

tour de la ville. C'était plutôt sympa, mais il y faisait trop chaud. En montant les escaliers d'une église, <strong>je</strong><br />

suffoquais, si fort que les personnes qui me croisaient devaient croire que j'allais mourir sur place.<br />

En y repensant, mourir à l'église, ça ferait faire des économies, pensai-<strong>je</strong>. Quel humour noir<br />

j'avais... quand <strong>je</strong> sortis la peti<strong>te</strong> blague, très fière de moi, aucun de mes compagnons ne rient. Je le pris<br />

assez bien, puisque moi-même la trouvai ridicule. Maman me disait souvent que <strong>je</strong> devais tourner ma<br />

langue sept fois dans la bouche avant de parler, <strong>je</strong> compris pourquoi. Si elle avait été là, elle aurait dit que<br />

<strong>je</strong> venais de perdre l'occasion de me taire. Ça, elle me le disait souvent. Car, <strong>je</strong> disais souvent n'impor<strong>te</strong><br />

quoi, et à tout va. J'étais des fois à la limi<strong>te</strong> de me saouler tou<strong>te</strong> seule. Il fallait quand même le faire.<br />

…<br />

Le soir-même<br />

Tout à l'heure après l'église, on est rentrés à l'appar<strong>te</strong>ment. Tout le monde prit une douche et on<br />

s'habillait pour le restaurant. L'ami de Jeff avait un restaurant pizzeria qui avait ouvert il y a de ça quelques<br />

semaines. On était invités pour une seconde inauguration avec seulement les intimes cet<strong>te</strong> fois-ci.<br />

Quand on est arrivés devant, <strong>je</strong> trouvais la façade magnifique. Sam, le patron, l'ami de Jeff,<br />

m'avouait qu'il était peintre taggueur à ses heures perdues et qu'il avait peint les murs de son bâtiment.<br />

C'était très réussi. Le dessin représentait l'océan. Je n'avais jamais rien vu d'aussi réussi. Je me demandais<br />

ce que ma prof d'arts dirait en voyant ça. Sûrement que ce n'était pas de l'art véritable, mais seulement un<br />

gribouillage de rue pour une façade minable de restaurant.<br />

Je secouais la tê<strong>te</strong> pour arrê<strong>te</strong>r de penser à cet<strong>te</strong> hideuse bonne femme squelettique. Je préférais<br />

mille fois mieux la compagnie de Lucas à la sienne dans mon esprit. On allait s'assoir tous les quatre d'un<br />

un coin du restaurant. J'avouais à mon amoureux que c'était les endroits que <strong>je</strong> préférais dans ces lieux. Là,<br />

on personne ne nous voit ou presque et là ou on voit tout le monde. Il acquiesça et me fit un très beau<br />

sourire. Assis l'un en face de l'autre, Jeff et Anton semblaient être si heureux que j'en oubliais presque tous<br />

les problèmes auxquels nous venions de faire face cet<strong>te</strong> année. J'aimais penser que tout se finirait bien<br />

comme dans les films ou les con<strong>te</strong>s pour enfants.<br />

Me revoilà divaguant sur mes idées d'utopie. <strong>Amy</strong>, réveille-toi, les utopies ne sont que des rêves.<br />

«_ Qu'est-ce que <strong>je</strong> vous sers ? La voix de Sam coupa mes pensées philosophiques.<br />

_ Oh, euh une pizza margueri<strong>te</strong> pour moi s'il vous plait.»<br />

Les garçons commandèrent des plats tous aussi copieux les uns que les autres. À se demander<br />

comment est-ce qu'ils faisaient pour ne pas ressembler à des ballons de baudruche. Lucas était un gars très<br />

musclé, très carré. Un fou de protéines. À côté de lui <strong>je</strong> devais ressembler à une minuscule souris. Mais<br />

j'aimais ça. J'aimais sentir que j'étais protégée, en sécurité à ses côtés. En une peti<strong>te</strong> année il avait grandi<br />

et était devenu beaucoup plus épais que le jour de notre rencontre. Par contre Anton et Jeff eux, étaient<br />

très longs et très minces. Pas maigres non, mais très fins. Anton avait prit de maman, moi de papa.<br />

Hilarant vous ne trouvez pas ? J'étais musclée et bien en chaire, et lui mince. Cherchez l'erreur...<br />


On était rentrés aux alentours de minuit. Après avoir mangé au restaurant, Jeff nous mena dans un<br />

pub. Le genre d'endroit où <strong>je</strong> ne pensais pas pouvoir y mettre les pieds sans montrer ma car<strong>te</strong> d'identité.<br />

Mais finalement non. Était-ce parce que j'étais entourée de trois asperges ? Aucune idée, mais <strong>je</strong> rentrais<br />

facilement. On buvait un verre, on dansait un peu et on rentrait parce que demain il allait falloir préparer la<br />

fê<strong>te</strong>. Pour la première fois depuis long<strong>te</strong>mps, j'étais enthousias<strong>te</strong> à l'idée de préparer une soirée.<br />

Une fois en pyjamas, <strong>je</strong> rejoignis Lucas dans notre ma<strong>te</strong>las gonflable. Il n'y avait pas besoin de drap<br />

pour nous couvrir <strong>te</strong>llement il faisait chaud. On avait placé un ventila<strong>te</strong>ur dans la pièce <strong>te</strong>llement c'était<br />

irrespirable. Il n'y avait aucun courant d'air, on étouffait presque.<br />

«_ Je n'arrive pas à dormir ici. Râlai-<strong>je</strong>.<br />

_ Moi non plus. Quelle chaleur ! Ajouta Lucas.<br />

_ Je vais me servir un verre d'eau. Tu viens ?»<br />

On se levait tous les deux vers la cuisine. J'allumais la lumière et lui la climatisation. Mes yeux se<br />

posèrent sur la pendule. 1H37. Comment pouvait-il faire aussi chaud à une heure pareille ? J'ouvris le<br />

réfrigéra<strong>te</strong>ur qui me rafraîchit à peine la por<strong>te</strong> tirée. On s'assit en face l'un de l'autre, à même le carrelage<br />

frais, en tailleur, le verre d'eau devant chacun de nous. Qu'il était beau. Vraiment. Sans exagération. Il était<br />

vraiment parfait. Je vis sa fosset<strong>te</strong> quand il se mit à sourire tout à coup.<br />

«_ Pourquoi est-ce que tu souris ? Demandai-<strong>je</strong>.<br />

_ J'en ai envie. C'est toi. Tu me fais sourire à chaque fois que <strong>je</strong> <strong>te</strong> regarde.<br />

_ Ah oui ? J'ai une bille de clown peut-être ? Pestai-<strong>je</strong>.<br />

_ Mais non ! Rit-il. Je ne suis pas hilare à chaque fois que <strong>je</strong> <strong>te</strong> vois. Banane. Tu ne comprends pas,<br />

c'est trop subtile pour ton petit cerveau de littéraire. Plaisanta-t-il.<br />

_ Mon petit cerveau de littéraire me permet de penser et de croire que dans quelques instants ton<br />

avant bras risquerait de gou<strong>te</strong>r à ma mâchoire.<br />

_ Ta mâchoire ? Tu veux me mordre ?<br />

_ Oui ! Dis-<strong>je</strong> accompagné d'un hochement de tê<strong>te</strong>. Je suis féroce. Et puis j'ai de très bonnes dents.<br />

Si j'étais toi, <strong>je</strong> ne me chercherai pas trop.<br />

_ Est-ce que ce seraient des menaces ?<br />

_ Ça y ressemble en tout cas, tu ne trouves pas ? Dis-<strong>je</strong> en jouant avec me sourcils et en lui faisant<br />

un très large sourire narquois.»<br />

D'un mouvement rapide et très bref il prit mon verre et le sien pour me lancer leur con<strong>te</strong>nu en<br />

pleine figure. J'étais trempée. De la tê<strong>te</strong> aux pieds. À ce moment là, il explosa de rire, mais se reprit vi<strong>te</strong> et<br />

mit sa main devant sa bouche pour ne pas réveiller mon frère et son concubin.<br />

Puéril. Il était puéril. Mais Dieu comme j'aimais ça. Pour me venger, <strong>je</strong> me <strong>je</strong>tais sur lui (qui était<br />

déjà avachit sur le sol <strong>te</strong>llement il riait). Je le mouillais avec mes cheveux et mon <strong>te</strong>e shirt. Il arrêta de rire et<br />

eu la même réaction que moi il y a quelques instants. La surprise et la différence de <strong>te</strong>mpérature entre<br />

l'eau et la chaleur ambian<strong>te</strong> le firent trembler, et moi aussi. Allongés par <strong>te</strong>rre, on se regardait, d'un air<br />

pathétique.<br />

Après ça, on passait un rapide coup de serpillère pour enlever les traces que l'on venait de faire.<br />

Rangeait les verres dans le lave-vaisselle et retournait se coucher sans le moindre bruit.<br />

«_ J'ai faim. Annonça Lucas à peine arrivé dans la chambre.<br />

_ C'est une blague ? Demandai-<strong>je</strong> sérieuse.<br />

_ Non, non. J'ai vraiment faim.<br />

_ Mais tu as TOUJOURS faim ! Ris-<strong>je</strong>.<br />

_ C'est vrai. Je vais prendre quelques biscuits, tu en veux ?<br />

_ Mon esprit en veut, mais mon estomac n'en veut pas, alors non. Merci.»


Il me lançait un drôle de regard et partit à la conquê<strong>te</strong> de biscuits fourrés au chocolat. Il n'avait pas<br />

intérêt de mettre des miet<strong>te</strong>s sur le ma<strong>te</strong>las, sinon <strong>je</strong> n'allais pas pouvoir dormir avant qu'il n'y en ait plus<br />

une seule. De quoi gâcher une nuit, en quelques sor<strong>te</strong>s.<br />

Deux minu<strong>te</strong>s plus tard seulement, il revint presque en courant sur la poin<strong>te</strong> des pieds. Son ombre<br />

me faisait penser à celle d'une ballerine qui aurait jouer au rugby pendant tou<strong>te</strong> son enfance. Je ris presque<br />

aux éclats quand il pointa le bout de son nez dans la pièce. Il ne comprit pas, mais Lucas était habitué à ce<br />

que j'ai de drôles de crises de fou rires. «Tu es folle, mais <strong>je</strong> fais avec !» Voilà ce qu'il répétait. Mais, il fallait<br />

admettre, que côté fou allié il n'était pas mal non plus. On formait un couple assez étrange enfai<strong>te</strong>. Du<br />

moins, assez pour que la plupart des gens ne nous comprennent pas. On était enfantins et pourtant très<br />

matures. Discrets, mais fous. Solitaires et fêtards. Tous comp<strong>te</strong>s faits, on était étranges.<br />

Lucas grignota une demie douzaine de biscuits avant de se coucher. Il avait fait at<strong>te</strong>ntion à manger<br />

au dessus du paquet. C'est qu'il était in<strong>te</strong>lligent le petit pensais-<strong>je</strong> en me moquant gentiment. Il<br />

m'embrassait <strong>te</strong>ndrement. Son haleine était chocolatée. Après ce baiser. On s'endormit dans les bras l'un<br />

de l'autre. Voilà comment deux amoureux enfantins finissent leur soirée.<br />

…<br />

Le lendemain matin<br />

Quand j'ouvris les yeux ce matin-là, Lucas n'était plus à côté de moi. Mon bras entourait son<br />

oreiller. Je le reniflais et sentis son odeur. C'était comme s'il était encore là.<br />

Je m'étirais quelques instants et le rejoignis dans la cuisine. Il avait une tê<strong>te</strong> fatiguée, si bien qu'il<br />

ne me vit même pas entrer dans la pièce. Je raclais ma gorge. Son oreille se leva. Il se retournait et me vit<br />

enfin. Je lui souris et allais at<strong>te</strong>rrir dans ses bras pro<strong>te</strong>c<strong>te</strong>urs. Il eut du mal à décrocher un sourire. Je savais<br />

qu'il n'était pas du tout matinal. Je le laissais reprendre ses esprits tout seul et ne parlais pas. Avant de me<br />

détacher de notre étrein<strong>te</strong>, <strong>je</strong> l'embrassais furtivement sur ses lèvres.<br />

Ses yeux mi-clos me regardaient en direction du réfrigéra<strong>te</strong>ur. Je souris en cachet<strong>te</strong>, en repensant<br />

à la veille au soir. Je pris le lait, en fit couler quelques gout<strong>te</strong>s dans un bol, ajoutais du chocolat en poudre et<br />

mis le tout au micro-ondes. Une minu<strong>te</strong> après, l'alarme re<strong>te</strong>ntissait. Il fronça les sourcils. Je souris en le<br />

voyant râler. Je pris mon bol et m'installa à côté de lui, à côté de mon Lucas.<br />

Peut-être seulement une minu<strong>te</strong> après, il leva enfin la tê<strong>te</strong>, prit ma main dans la sienne et dit.<br />

«_ J'ai très mal dormi cet<strong>te</strong> nuit. J'espère que toi non.<br />

_ Euh, non. Ça va. Pourquoi tu as si mal dormi ?<br />

_ La chaleur, les ronflements de ton frère et toi qui ne faisais que bouger.<br />

_ Oh ! Je suis désolée, et pour les ronflements, j'ai pris l'habitude moi …<br />

_ Cet après-midi, <strong>je</strong> vais m'ache<strong>te</strong>r des bouchons d'oreilles <strong>je</strong> pense.<br />

_ C'est une possibilité. Ris-<strong>je</strong>.<br />

_ C'était infernal ! Vraiment. J'ai cru que <strong>je</strong> n'arriverai jamais à dormir.<br />

_ Encore désolée. Soupirais-<strong>je</strong> dans son oreille en l'embrassant dans le cou.»<br />

Il me souffla que ce n'était pas grave et nous finissions notre petit dé<strong>je</strong>uner. Je n'aimais pas qu'il se<br />

réveille avant moi. D'ordinaire j'étais la première levée. De cet<strong>te</strong> façon, <strong>je</strong> lui préparais son petit-dé<strong>je</strong>uner.<br />

Mais cet<strong>te</strong> nuit, il a du si peu dormir... J'espérais sincèrement qu'il n'allait pas trop être fatiguée pour la fê<strong>te</strong><br />

de ce soir. Ça serait dommage.<br />

Jeff et Anton n'apparurent pas avant midi. Et à mon grand étonnement, ils ne se levaient pas. Non,<br />

ils revenaient de courses. Leurs bras fins étaient chargés. Nous les aidions à se débarrasser. Ils avaient


acheté des dizaines, non des vingtaines de bou<strong>te</strong>illes de boissons en tout genre, des paquets d'apéritifs,<br />

des pizzas et des hamburgers surgelés, des olives ver<strong>te</strong>s aussi, sans oublier la vaisselle en plastique. Cet<strong>te</strong><br />

fê<strong>te</strong> allait finalement être plus énorme que ce que j'imaginais.<br />

L'après-midi, Lucas et moi allions à la pharmacie pour ache<strong>te</strong>r ses bouchons d'oreilles et à la gare<br />

pour allé ache<strong>te</strong>r nos billets retours. Quand on était de retour à l'appar<strong>te</strong>ment, tout était sans dessus<br />

dessous. Enfin, presque. Les meubles étaient poussés ou dans les pièces qui ne seraient pas occupées<br />

pendant la soirée, la table et les différents vitrines serviraient de buffet. Le frigo était plein à craquer. On<br />

les aidait à faire cuire et couper en plusieurs morceaux les pizzas et les hamburgers, à piquer chaque olive<br />

avec un cure dents, à nettoyer le sol ranger les ob<strong>je</strong>ts cassants. Et puis enfin à mettre en marche la sono. La<br />

musique, c'était le job de Jeff. Il ne voulait pas que quelqu'un autre que lui ne touche à son matériel. Soit.<br />

Vers dix sept heures tout était presque prêt. On, allait s'habiller en conséquence et faisions<br />

chauffer les derniers mets.<br />

À dix huit heures tren<strong>te</strong>, quelqu'un sonna. C'était le premier invité.<br />

Lucas, Jeff et Anton étaient très élégants. Mon double avait mis un pantalon fin en coton, noir et une<br />

chemise blanche. On eut dit un surfeur australien à cause de sa <strong>te</strong>nue et de ses cheveux clairs qui<br />

tombaient sur son visage, cachant par la même occasion ses si beaux yeux bleus. Je ne saurais jamais<br />

pourquoi est-ce qu'il cache aussi belles prunelles. Quand il fut prêt Lucas ne me lâc<strong>hais</strong> plus d'une semelle.<br />

Je le charriais en répétant qu'il était jaloux, mais il main<strong>te</strong>nait que non, que c'était seulement parce qu'il<br />

trouvait qu'il avait eu un mauvais compor<strong>te</strong>ment ce matin et qu'il s'excusait. Peut-être la raison, j'aimais<br />

qu'il res<strong>te</strong> avec moi presque constamment. Sa présence était rassuran<strong>te</strong>.<br />

Mon frère et mon meilleur ami étaient assortis. Tous les deux avec une chemise d'été unie. L'un<br />

l'avait bleue ver<strong>te</strong>, l'autre orange abricot. Des couleurs vives. Voilà avec quoi ils étaient chaque jours<br />

habillés. (Un contras<strong>te</strong> comparé à Lucas et moi qui n'aimions que le noir et le blanc ou les couleurs <strong>te</strong>rnies).<br />

Leurs pantalons étaient très simples et identiques par contre, en coton beige ou peut-être blanc cassé, <strong>je</strong><br />

ne sais pas. Ils étaient mignons tous les deux, ensemble.<br />

Ils nous avaient par contre prévenus, la majorité des invités étaient des hommes. Pas forcément<br />

des homosexuels, mais des hommes. Cet<strong>te</strong> révélation n'enchantait pas vraiment ma moitié, mais moi elle<br />

me rassurait. Après tout, <strong>je</strong> n'avais jamais vu comment Lucas réagissait lorsqu'il était à une fê<strong>te</strong> avec un tas<br />

d'autres filles, plus belles les unes que les autres.<br />

En pensant à ça, <strong>je</strong> remarquais que, moi aussi malgré mes con<strong>te</strong>stations, j'étais jalouse.<br />

Enfin, <strong>je</strong> ne dirais pas ça. Je dirais plutôt prévoyan<strong>te</strong>. Je ne prenais aucun risque, de peur. Peur de quoi ?<br />

Peur de perdre Lucas ou de me rendre comp<strong>te</strong> qu'il était comme tous les autres, ce que <strong>je</strong> savais très bien<br />

au fond de moi, mais <strong>je</strong> me mentais.<br />

Ah non <strong>Amy</strong> ! Ne commence pas à penser à ce genre de choses. Ça va être une sacrée soirée.<br />

Écla<strong>te</strong>-toi du mieux que tu pourras surtout. Et rappelle-toi que ton Lucas n'est pas comme les autres. C'est<br />

lui. C'est celui que tu as choisi. Celui qui t'aime et que tu aimes. Celui qui ne <strong>te</strong> fera jamais de mal.<br />

Oublie <strong>te</strong>s inquiétudes !<br />

Mon amoureux et moi étions présentés. La sonnet<strong>te</strong> re<strong>te</strong>nti encore. Que la fê<strong>te</strong> commence !


Chapitre 10 :<br />

Vingt heures. Tous les invités sont là. Tout le monde a été présenté. Ça y est, ça commence<br />

vraiment. Le son montait un peu plus à chaque heure. Tout le monde dansait, parlait, buvait, mangeait,<br />

discutait, faisait connaissance. Tout le monde sauf Jeff et Lucas. Qui eux, préféraient restés scotchés à la<br />

sono. Je me retrouvais donc seule au milieu de tou<strong>te</strong> cet<strong>te</strong> peuplade.<br />

«_ Lucas, lâche un peu cet ordina<strong>te</strong>ur et viens avec moi !<br />

_ Oui, <strong>je</strong> reviens dans deux minu<strong>te</strong>s.<br />

_ Tu m'as dis ça il y a un quart d'heure...<br />

_ Oui, oui. C'est bon. J'arrive. Râlait-il.<br />

_ Non, c'est bon. Si c'est une corvée de passer une soirée avec moi, alors res<strong>te</strong> avec Jeff. Merci !»<br />

On devait crier pour se faire comprendre dans ce brouhaha constant. Lucas leva les yeux au ciel et<br />

me suivit à mon insu près de la grande baie vitrée. Je pris une grande bouffée d'air. (et non, pas d'air frais<br />

pour <strong>Amy</strong> !) Lucas passaient ses bras autour de ma taille.<br />

«_ Excuse-moi. Essaya-t-il de murmurer dans mon oreille.<br />

_ Qu'est-ce que tu as dis ? Beuglais-<strong>je</strong>.<br />

_ Excuse-moi. Dit-il en hurlant, si fort que quelques personnes s'étaient retournées.<br />

_ Ce n'est pas grave. Res<strong>te</strong> avec Jeff. C'est ton ami.<br />

_ Oui, c'est mon ami, mais c'est avec toi que <strong>je</strong> veux danser, pas lui.<br />

_ Encore heureux ! Alors pourquoi est-ce que tu m'as laissé seule pendant trois heures ?<br />

_ Pour ça. Dit-il en se retournant et en faisant un signe à Jeff toujours assis au même endroit.»<br />

C'était «The Mortican's Daugh<strong>te</strong>r» de Black Veil Brides. Cet<strong>te</strong> chanson était si belle.<br />

«_ Je ne comprends pas... ajoutai-<strong>je</strong>.<br />

_ Donne-moi ta main <strong>Amy</strong> Grey.»<br />

Je lui <strong>te</strong>ndis. Il la saisit et il nous mena jusqu'au milieu du salon. Ses bras m'encerclèrent. On<br />

commençait à danser. J'avais ma tê<strong>te</strong> sur sa poitrine, j'en<strong>te</strong>ndais son cœur battre. Comme le matin-même<br />

<strong>je</strong> pris en grande bouffée de son parfum et en enivrais mes narines. Il me reparlait.<br />

«_ J'ai cherc<strong>hais</strong> ta version préférée de la chanson pendant trois heures. Dit-il. Voilà ce que j'ai fais.<br />

Oui, Jeff est mon ami, mon meilleur ami. Mais toi, toi tu as une plus grande importance à mes yeux. J'aurai<br />

préféré passer ses trois heures avec toi, mais <strong>je</strong> n'aurai peut-être, sûrement pas eu cet instant magique<br />

avec toi. Je veux que tu <strong>te</strong> souviennes de cet instant tou<strong>te</strong> ta vie. Je veux que cet<strong>te</strong> soirée soit gravée dans<br />

ta mémoire jusqu'au dernier jour de ta vie, jusqu'à <strong>te</strong>s derniers instants. <strong>Amy</strong>, <strong>je</strong> ne <strong>te</strong> le dis pas autant que<br />

toi, mais <strong>je</strong> t'aime. Je t'aime à en mourir. Vraiment. Je n'ai jamais dis ça à qui que ce soit. Mais tu es cet<strong>te</strong><br />

personne qui fait que même si <strong>je</strong> dé<strong>te</strong>s<strong>te</strong> le réveil, j'ai envie de me lever pour <strong>te</strong> voir sourire. Tu es celle que<br />

<strong>je</strong> veux à mes côtés quand <strong>je</strong> me couche le soir. Tu es cet<strong>te</strong> personne là. Celle avec qui <strong>je</strong> veux mourir. Si<br />

jamais quelque chose devait t'arriver, <strong>je</strong> ne me le pardonnerai jamais. Je tiens à toi plus qu'à n'impor<strong>te</strong> qui.<br />

Et tu es la femme de ma vie. Oui, <strong>je</strong> sais, j'ai dix huit ans, <strong>je</strong> suis <strong>je</strong>une, <strong>je</strong> n'ai pas beaucoup eu de filles. Mais<br />

ça m'est égal. Je t'aime comme jamais quelqu'un ne pourra, n'a pu ou n'aime quelqu'un. J'ai l'impression à<br />

cet instant précis d'être un lover ou un chan<strong>te</strong>ur de r'n'b qui aurait raté sa carrière et ce serait mit au slam,<br />

mais ça m'est égal. Seule toi m'impor<strong>te</strong>. »<br />

Cet<strong>te</strong> phrase «seule toi m'impor<strong>te</strong>» elle y était. Il le disait dans mon rêve. Il le disait. Mes bras se<br />

serrèrent plus fort encore. J'avais envie de pleurer. Oui. Mais il ne le fallait pas. J'allais avoir l'air<br />

complè<strong>te</strong>ment ridicule. Cet<strong>te</strong> déclaration, elle vaut mieux que n'impor<strong>te</strong> qu'elle autre déclaration d'amour.<br />

Mon Lucas valait cent fois celui de mon rêve. Je l'aimais. Je l'aimais comme personne ne pouvait l'aimer.<br />

«_ Je t'aime au moins autant que toi Lucas. Ne me quit<strong>te</strong> jamais.»


Chapitre 11 :<br />

Je menai ma peti<strong>te</strong> vie avec Lucas et c'était très bien ainsi. Ce soir nous allions manger tous les<br />

deux au restaurant, histoire de se ressourcer. J'aimais me retrouver seule avec lui, <strong>je</strong> respirai le bonheur et<br />

la plénitude. Cet<strong>te</strong> soirée avait été organisé depuis déjà pas mal de <strong>te</strong>mps et maman pour l'occasion avait<br />

acheté la robe qui me faisait rêver depuis déjà un bon moment. À chaque fois que nous passions devant la<br />

vitrine du magasin qui la vendait, <strong>je</strong> bavais. Elle était pourtant assez simple ; fai<strong>te</strong> de coton uniquement,<br />

noire, très longue (elle at<strong>te</strong>rrissait sur mes chevilles) et elle s'accrochait à la nuque. Elle était parfai<strong>te</strong> et<br />

désormais à moi. Je décidai de por<strong>te</strong>r un cache-cœur blanc et une paire de sandales pla<strong>te</strong>s de la même<br />

couleur pour casser le noir du vê<strong>te</strong>ment. Lucas allait passer vers dix neuf heures tren<strong>te</strong>. À six heures j'étais<br />

déjà tou<strong>te</strong> excitée et déjà prê<strong>te</strong>. Je me recoiffai un million de fois et maman souriait me voyant si heureuse<br />

et moi, ça me plaisir qu'elle sourit de nouveau. Maman était cet<strong>te</strong> personne-la, oui, celle qu'on aime du<br />

plus profond de son cœur, celle qu'on protégera malgré tous les problèmes qui pourraient arrivés. Celle<br />

qu'on aimerait jusqu'à la fin, celle pour qui on serait capable de tout. Maman <strong>je</strong> ne l'aimais pas, non, c'était<br />

beaucoup plus fort que ça. C'était indémontrable, inexplicable. Un jour, <strong>je</strong> sais que <strong>je</strong> devrais partir, mais<br />

pas demain, ni le lendemain, le surlendemain non plus, et tous les autres jours qui suivent jusqu'à quelques<br />

années. Non, on était trop complémentaires et <strong>je</strong> n'imaginais pas que nous soyons séparées. Non, jamais.<br />

«_ Maman sers-moi fort contre toi. Sers-moi si fort que <strong>je</strong> m'étoufferai presque. Sers-moi comme si<br />

demain n'existait pas. Sers-moi jusqu'à ce que la respiration m'en soit coupée. Maman ! Sers-moi comme<br />

un nourrisson qui viendrait d'at<strong>te</strong>rrir dans ce monde de fou.»<br />

Notre étrein<strong>te</strong> avait du être la plus longue de tou<strong>te</strong>s et la plus <strong>te</strong>ndre. La plus belle. Je l'aimais<br />

<strong>te</strong>llement. Ce moment-là était si beau que <strong>je</strong> laissai échapper quelques larmes du plus profond de mon<br />

âme. Elle était tout pour moi, tout. Je respirai pour elle, <strong>je</strong> vivais pour elle. C'était la femme la plus parfai<strong>te</strong><br />

à mes yeux.<br />

Elle séchait mes larmes qui coulaient le long de mes joues, comme elle savait si bien le faire et<br />

m'embrassa le front, comme lorsque j'étais peti<strong>te</strong> et que <strong>je</strong> me plaignais pour quelques raisons que ce soit.<br />

En me rappelant de tout ça, <strong>je</strong> me rappelais une chanson d'un artis<strong>te</strong> franco-africain, Corneille. Il disait<br />

dans un refrain, que Dieu devait être une femme, si tou<strong>te</strong> fois il existait... et maman se rapprochait si bien<br />

de la perfection, qu'elle devait être sa réincarnation ici-bas.<br />

On frappait à la por<strong>te</strong>. Dix neuf heures quinze était affiché sur la pendule du salon. Il était en<br />

avance. Je me levai pour le rejoindre, courtoisement il avait apporté un bouquet de fleurs à ma chère<br />

ma<strong>te</strong>rnelle. Elle fut touchée et le remercia du ges<strong>te</strong>. Il me complimenta sur ma <strong>te</strong>nue et ma coiffure, <strong>je</strong> le<br />

remerciai, un peu gênée. Lui portait un <strong>je</strong>an brut foncé droit, une paire de baskets de ska<strong>te</strong> en très bon<br />

état, sûrement des neuves (<strong>je</strong> ne les avais encore jamais vues) et une chemise noire. Quelques mèches de<br />

cheveux passaient devant ses yeux. Il était encore plus que magnifique, mais ce que <strong>je</strong> préférais pas dessus<br />

tout, c'était son attitude. Il était toujours là à veiller sur moi, sur maman aussi. Les <strong>je</strong>unes adul<strong>te</strong>s comme<br />

lui étaient rares et j'appréciais son caractère avant tout.<br />

Main<strong>te</strong>nant qu'il avait la voiture, <strong>je</strong> n'allais plus être décoiffée par le casque et le vent, <strong>je</strong> lui fis part<br />

de ma remarque. Il sourit en disant que <strong>je</strong> trouvais toujours le moyen de râler. Maman nous embrassa tous<br />

les deux et nous obligea à passer la plus belle de nos soirées. Elle nous fit signe de la por<strong>te</strong> quand la voiture<br />

s'éloignait dans la ruelle.<br />

Pendant le tra<strong>je</strong>t, Lucas me parlait de Jeff et Anton. Tous les deux avaient toujours leur vie paisible<br />

à Aix et ils comptaient venir pendant les vacances. J'étais con<strong>te</strong>n<strong>te</strong> de pouvoir les revoir. Devant autant<br />

d'enthousiasme Lucas reprit la parole.<br />

« _ Tu sais, ce soir on va dans un endroit très spécial ! Un endroit où <strong>je</strong> n'ai jamais amené de filles, ni<br />

de garçons. Rit-il.<br />

_ Et comment as-tu connu cet endroit ? Et puis surtout, c'est où ? Parce que <strong>je</strong> ne crois pas être<br />

déjà passé par là.<br />

_ C'est particulier. Ce sont mes parents qui nous avaient amené ici un jour avec ma sœur. Enzo


n'était pas encore né.<br />

_ Ah ! Les alentours font un peur quand même. Tu ne trouves pas ?<br />

_Depuis tout ce <strong>te</strong>mps, tu ne me fais toujours pas confiance ? Demanda-t-il en riant nerveusement.<br />

_ Si ! Bien sûr que si ! Tu sais très bien que <strong>je</strong> <strong>te</strong> suivrai n'impor<strong>te</strong> où, les yeux fermés.»<br />

Il sourit de nouveau, ouvrit un peu plus sa fenêtre, montait le son de la chanson qui passait. Notre<br />

chanson «The Mortican's Daugh<strong>te</strong>r» de Black Veil Brides. C'était sur cet<strong>te</strong> chanson que l'on avait dansé la<br />

dernière fois ensemble, <strong>je</strong> me rappelai cet instant magique à la fê<strong>te</strong> de Jeff. Nous nous regardions en<br />

même <strong>te</strong>mps comme si on se posait mutuellement la même question : «Tu t'en rappelles toi aussi?» alors<br />

qu'on connaissait très bien la réponse tous les deux. Il déposa sa main droi<strong>te</strong> sur ma jambe avant de me<br />

caresser la joue et de la reposer sur le volant. Deux minu<strong>te</strong>s plus tard nous arrivions, le restaurant se<br />

trouvait près d'une sor<strong>te</strong> d'étang, <strong>je</strong> ne saurai pas dire. C'était beau et très intime, il n'y avait même pas une<br />

demie douzaine de voitures sur le parking. Nous étions très bien accueillis et notre table était dans un coin<br />

du restaurant à l'abri de tous les regards comme j'aimais. Nous nous installions tranquillement et<br />

commandions quelques minu<strong>te</strong>s seulement après notre arrivée.<br />

Nous primes la spécialité du restaurant, des raviolis sans viande. Je compris alors pour il m'avait<br />

aussi amené aussi. Ici, ils faisaient des repas végétariens. C'était un petit clin d'œil qui me touchait<br />

vraiment.<br />

Cet<strong>te</strong> soirée avait été la meilleure de tou<strong>te</strong>s. La discussion ne cessait jamais et nous étions plus que<br />

jamais complices. Comme prévu il n'avait pas bu une seule gout<strong>te</strong> d'alcool et moi non plus. Il devait être<br />

sobre pour pouvoir nous ramener en vie jusqu'à chez nous.<br />

Enfin...<br />

Sur la rou<strong>te</strong> du retour, un camion ci<strong>te</strong>rne doubla une voiture sur une ligne droi<strong>te</strong>. Alors qu'il<br />

accélérait, un bruit sourd me perça les tympans. Il creva une roue, dériva et s'écrasa littéralement sur notre<br />

voiture. Il me faisait peur, à approcher si dangereusement. Pendant la dérive du véhicule, <strong>je</strong> n'arrivais plus<br />

à parler, <strong>je</strong> ne pus pas non plus crier. Tout se passait au ralenti.<br />

_____<br />

Maman, <strong>je</strong> t'aime. Je suis désolée de mourir main<strong>te</strong>nant. Sois for<strong>te</strong>. J'embrasserai papa pour toi,<br />

fais de même pour Anton s'il <strong>te</strong> plait. Je t'aime <strong>te</strong>llement. Je dirai à Ingrid à quel point elle <strong>te</strong> manque.<br />

Lucas, Lucas mon amour, j'ai beau <strong>te</strong> regarder <strong>je</strong> n'arrive pas à m'exprimer, <strong>je</strong> t'aime, tu le sais ! On se<br />

retrouve tout à l'heure. Fais at<strong>te</strong>ntion à toi mon amour.<br />

_ <strong>Amy</strong> ! Baisse la tê<strong>te</strong> !<br />

Pourquoi veux-tu que <strong>je</strong> fasse ça ? On va mourir. Prends-moi dans <strong>te</strong>s bras. Je t'aime. Embrassemoi<br />

pour la dernière fois. Sers-moi moi fort avant de mourir. Je t'aime. Je t'aime. Je t'aime...<br />

FIN

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