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2 Maël se réveille en hurlant, en pleure. Son visage est trempe, sa ...

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2<br />

<strong>Maël</strong> <strong>se</strong> <strong>réveille</strong> <strong>en</strong> <strong>hurlant</strong>, <strong>en</strong> <strong>pleure</strong>. <strong>Son</strong> <strong>vi<strong>sa</strong>ge</strong> <strong>est</strong> <strong>trempe</strong>, <strong>sa</strong> peau <strong>est</strong><br />

flétrie. <strong>Son</strong> corps <strong>est</strong> faible, il <strong>en</strong> tremble <strong>en</strong>core. Il vi<strong>en</strong>t de faire un cauchemar,<br />

<strong>en</strong>core. Encore, et toujours.<br />

<strong>Son</strong> cœur s’emballe, il ne <strong>sa</strong>it plus où il <strong>est</strong>, il ne <strong>sa</strong>it pas qui il <strong>est</strong>. Il <strong>est</strong> perdu.<br />

Il a un souv<strong>en</strong>ir ou même une irruption, comme un flash qui lui revi<strong>en</strong>t. J-6 ce matin.<br />

L’inévitable <strong>se</strong> rapproche.<br />

Même s’il peut toucher du bout des doigts dimanche prochain, il lui <strong>se</strong>mble<br />

terriblem<strong>en</strong>t loin. Ils doiv<strong>en</strong>t <strong>en</strong>durer <strong>en</strong>core une <strong>se</strong>maine, avec d’innombrables<br />

précautions. Ils vont devoir être à l’affût, être doux alors que leur cœur réclame la<br />

v<strong>en</strong>geance.<br />

Le réveil affiche six heures. Heure pour laquelle <strong>Maël</strong> doit <strong>se</strong> lever. Il sort <strong>se</strong>s<br />

pieds de la couette, et cherche délicatem<strong>en</strong>t <strong>se</strong>s chaussons. Il les <strong>en</strong>file, la chaleur et<br />

la douceur qu’ils lui procur<strong>en</strong>t lui <strong>se</strong>rv<strong>en</strong>t à le ram<strong>en</strong>er dans ce petit nuage comme<br />

lorsqu’il joue de la guitare. Il souffle, et instantaném<strong>en</strong>t il <strong>pleure</strong>. Il ne <strong>sa</strong>it pas<br />

pourquoi, ni comm<strong>en</strong>t, mais il <strong>pleure</strong>. Il <strong>est</strong> bon parfois de <strong>pleure</strong>r. A vrai dire il <strong>pleure</strong><br />

constamm<strong>en</strong>t, il <strong>pleure</strong> tout le temps, de l’intérieur comme de l’extérieur. Mais pour<br />

une fois il <strong>pleure</strong> <strong>sa</strong>ns raisons, pour une fois il ne lui <strong>se</strong>mble pas que c’<strong>est</strong> à cau<strong>se</strong> de<br />

son père.<br />

Non, c’<strong>est</strong> quelque cho<strong>se</strong> de moins grand, mais à la fois qui lui troue le cœur, qui le<br />

perce ! C’<strong>est</strong> un adolesc<strong>en</strong>t comme les autres, et les histoires d’amour il <strong>en</strong> a plein le<br />

tiroir.<br />

Le garçon <strong>se</strong> sèche le <strong>vi<strong>sa</strong>ge</strong>, il doit r<strong>est</strong>er humble, avancer, et <strong>sa</strong>vourer une<br />

petite victoire. Il ouvre la porte, le couloir <strong>est</strong> <strong>en</strong>core plongé dans les ténèbres. Il<br />

<strong>en</strong>t<strong>en</strong>d <strong>sa</strong> mère lui préparer son petit déjeuner. <strong>Son</strong> père ronfle, <strong>en</strong>core, <strong>en</strong>core …<br />

Toujours ce quotidi<strong>en</strong>. S’il n’y avait pas ces ronflem<strong>en</strong>ts bruyants il <strong>se</strong> <strong>se</strong>rait cru<br />

presque au paradis. Il <strong>est</strong> sur un nuage, un joli bonheur. Extériori<strong>se</strong>r son chagrin, <strong>en</strong><br />

parler avec <strong>sa</strong> mère, lui faire partager la partielle v<strong>en</strong>geance qu’il médite, l’a soulagé.<br />

Il émerge dans la cuisine faiblem<strong>en</strong>t éclairée. Sa mère vi<strong>en</strong>t le pr<strong>en</strong>dre dans<br />

<strong>se</strong>s bras, elle lui fait de t<strong>en</strong>dre bai<strong>se</strong>r dans le cou, dans les cheveux, elle le <strong>se</strong>rre<br />

tellem<strong>en</strong>t fort contre elle, qu’ils ne peuv<strong>en</strong>t plus respirer.<br />

« Bonjour Maman », lui dit-il de <strong>sa</strong> petite voix douce et <strong>en</strong>fantine.<br />

Elle lui sourit t<strong>en</strong>drem<strong>en</strong>t, et l’invite à s’as<strong>se</strong>oir. Cela fait déjà longtemps qu’elle ne lui<br />

a pas sourit de cette manière. Une petite flamme s’allume dans l’organe vital de<br />

l’<strong>en</strong>fant.<br />

Il retrouve <strong>sa</strong> mère …<br />

<strong>Maël</strong> boit son breuvage doucem<strong>en</strong>t, appréciant ce temps partagé avec <strong>sa</strong> mère <strong>sa</strong>ns<br />

son père. Il <strong>se</strong> <strong>se</strong>nt heureux. Jusqu’au mom<strong>en</strong>t où il <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d les pas de son père<br />

résonner dans le couloir. Il <strong>se</strong> lève, embras<strong>se</strong> une dernière fois <strong>sa</strong> mère <strong>en</strong> lui<br />

chuchotant à l’oreille « Bi<strong>en</strong>tôt ».<br />

Leurs prunelles <strong>se</strong> raviv<strong>en</strong>t à tous les deux, ils <strong>se</strong>nt<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core plus int<strong>en</strong>sém<strong>en</strong>t la<br />

situation qui allait les lier pour la vie.<br />

<strong>Maël</strong> s’éclip<strong>se</strong> rapidem<strong>en</strong>t, manquant d’heurter son père, qui dort <strong>en</strong>core. Il <strong>se</strong><br />

réfugie dans la <strong>sa</strong>lle de bain.<br />

P<strong>en</strong>dant quelques minutes, il <strong>se</strong> regarde dans la glace. Qui <strong>est</strong>-il ? Il <strong>est</strong> un<br />

adolesc<strong>en</strong>t brun aux cheveux soyeux et doux avec des reflets d’une rous<strong>se</strong>ur


exqui<strong>se</strong>. Ses yeux bleus ont cette jolie forme amande, qui les att<strong>en</strong>drit plus que<br />

d’ordinaire. <strong>Son</strong> petit nez trône élégamm<strong>en</strong>t sur son magnifique <strong>vi<strong>sa</strong>ge</strong>. Puis vi<strong>en</strong>s<br />

les lèvres, de terribles lèvres pulpeu<strong>se</strong>s.<br />

<strong>Son</strong> corps, <strong>est</strong> <strong>en</strong>core faible, <strong>en</strong>fantin, mais chaque jour, chaque heure, il <strong>se</strong> <strong>se</strong>nt<br />

grandir, il <strong>se</strong>nt que <strong>se</strong>s muscles redoubl<strong>en</strong>t de volume. Il <strong>est</strong> cep<strong>en</strong>dant très <strong>se</strong>c.<br />

<strong>Maël</strong> mesure 1mètre 70 pour cinquante kilos.<br />

Ses bras <strong>sa</strong>illants vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t s’<strong>en</strong>cercler autour de son tor<strong>se</strong>, et dans la douche,<br />

t<strong>en</strong>drem<strong>en</strong>t calmé par l’eau tiède, terriblem<strong>en</strong>t dét<strong>en</strong>du, il <strong>se</strong> balance d’avant <strong>en</strong><br />

arrière.<br />

L’eau lui coule sur le <strong>vi<strong>sa</strong>ge</strong> lui <strong>en</strong>levant toutes ces cras<strong>se</strong>s qui le suiv<strong>en</strong>t depuis des<br />

déc<strong>en</strong>nies. L’eau le purifie tel le pardon, l’eau l’apai<strong>se</strong> telle la chanson.<br />

Il r<strong>est</strong>e ainsi sous l’eau à <strong>se</strong> bercer, <strong>sa</strong>ns bouger, ni p<strong>en</strong><strong>se</strong>r, ni parler, ni chanter. Il<br />

<strong>est</strong> simplem<strong>en</strong>t calme, doux, passif. Il dort éveillé.<br />

Il <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d son père allumer le télévi<strong>se</strong>ur. Il a dix minutes pour finir <strong>sa</strong> douche. Il sort<br />

précipitamm<strong>en</strong>t, <strong>se</strong> sèche manquant de tomber sur le carrelage froid et dur. Il pr<strong>en</strong>d<br />

<strong>se</strong>s affaires, et sort.<br />

La fraîcheur du couloir le glace, il frissonne, et court dans <strong>sa</strong> chambre. Il <strong>en</strong>file un<br />

caleçon, un vieux jean, une v<strong>est</strong>e <strong>en</strong> tweed, des mitaines. Il <strong>se</strong>coue <strong>se</strong>s cheveux<br />

bruns lui tombant dans les yeux. Il range <strong>sa</strong> <strong>se</strong>rviette au bord de <strong>sa</strong> f<strong>en</strong>être. <strong>Maël</strong><br />

étant très maniaque, fait son lit, range tout ce qu’il y a à ranger.<br />

Il pr<strong>en</strong>d son <strong>sa</strong>c, et avant de partir, il embras<strong>se</strong> t<strong>en</strong>drem<strong>en</strong>t <strong>sa</strong> guitare, lui promettant<br />

de rev<strong>en</strong>ir bi<strong>en</strong>tôt.<br />

Sa mère l’att<strong>en</strong>d à la porte d’<strong>en</strong>trée. Elle l’embras<strong>se</strong> t<strong>en</strong>drem<strong>en</strong>t, lui dit de bi<strong>en</strong><br />

<strong>se</strong> t<strong>en</strong>ir, de bi<strong>en</strong> travailler. En sous-<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dant, elle lui promet leur victoire prochaine,<br />

elle lui promet de faire tout son possible pour les sortir de là, si, <strong>se</strong>ulem<strong>en</strong>t si, il <strong>se</strong><br />

t<strong>en</strong>ait correctem<strong>en</strong>t.<br />

Il acquiesce d’un hochem<strong>en</strong>t de la tête.<br />

Il sort de leur petit appartem<strong>en</strong>t. L’ado <strong>se</strong> <strong>se</strong>nt libre, mais pas trop, son père<br />

peut toujours le rattraper. Ri<strong>en</strong> qu’à cette idée il s’<strong>en</strong>fuit, et <strong>se</strong> met à courir dans<br />

l’escalier, <strong>sa</strong>utant quelques marches.<br />

Il ouvre la porte de leur immeuble, et <strong>se</strong> <strong>se</strong>nt réellem<strong>en</strong>t libre. L’air frais vi<strong>en</strong>t <strong>se</strong><br />

coller à <strong>sa</strong> peau t<strong>en</strong>drem<strong>en</strong>t lavée. Ses cheveux <strong>en</strong>core humides <strong>se</strong> glac<strong>en</strong>t<br />

lourdem<strong>en</strong>t. Il inspire, et compte dans <strong>sa</strong> tête : J-6.<br />

Il marche, rythmé par le morceau de musique qu’il a décidé de jouer le soir<br />

même. Après quatre coins de rue, et deux carrefours, il s’arrête.<br />

Il a un r<strong>en</strong>dez-vous. Il s’ados<strong>se</strong> dos au mur, et colle <strong>sa</strong> tête. Il a froid, mais <strong>en</strong> même<br />

temps l’adrénaline le réchauffe. <strong>Son</strong> cœur palpite dans un fracas assourdis<strong>sa</strong>nt. Ses<br />

mains trembl<strong>en</strong>t, son corps <strong>en</strong>tier convul<strong>se</strong>. Il stres<strong>se</strong>, ah ça oui.<br />

Il l’aperçoit de loin. Ses cheveux blonds lui tombant voluptueu<strong>se</strong>m<strong>en</strong>t dans <strong>se</strong>s yeux<br />

bleus. Sa démarche <strong>est</strong> branlante, mais cep<strong>en</strong>dant très attirante. <strong>Son</strong> éternel v<strong>est</strong>e<br />

de cuir, <strong>sa</strong> préférée. <strong>Son</strong> cœur résonne de plus <strong>en</strong> plus fort, la silhouette qu’il désire<br />

tant <strong>se</strong> rapproche de lui, elle s’arrête à quelques c<strong>en</strong>timètres de lui.<br />

« - <strong>Maël</strong>… Bonjour. Lui murmure la personne dét<strong>en</strong>ant la clé de son cœur.<br />

- Pablo… ».<br />

Pablo s’approche t<strong>en</strong>drem<strong>en</strong>t des lèvres du garçon appuyé nonchalamm<strong>en</strong>t contre le<br />

mur de béton, et l’embras<strong>se</strong> t<strong>en</strong>drem<strong>en</strong>t, insérant avec délicates<strong>se</strong> <strong>sa</strong> langue dans<br />

<strong>sa</strong> bouche.<br />

Les deux garçons ont les prunelles ravivées, et le cœur branlant tant il bat. Pablo<br />

pr<strong>en</strong>d la main de <strong>Maël</strong>, et ils continu<strong>en</strong>t leur chemin vers le lycée…


Ils n’ont absolum<strong>en</strong>t pas peur du regard que leur porte les autres adolesc<strong>en</strong>ts.<br />

Ils sont au lycée, une autre m<strong>en</strong>talité, il n’y a ri<strong>en</strong> qui les dérang<strong>en</strong>t, ils s’assum<strong>en</strong>t,<br />

ils assum<strong>en</strong>t leur goût. Mais au lieu, d’être rejetés comme ils l’aurai<strong>en</strong>t été au<br />

collège, ils sont « populaires ». Cette clas<strong>se</strong> sociale <strong>est</strong> déjà instaurée dès leur plus<br />

jeune âge. Les filles à la mode, aim<strong>en</strong>t les garçons gays, ils ont le goût, le style<br />

comme dirait certaine.<br />

<strong>Maël</strong> <strong>en</strong> n’a ri<strong>en</strong> à faire de tout cela, de ces filles qui s’agglutin<strong>en</strong>t autour de lui. Tout<br />

ce qui l’importe c’<strong>est</strong> Pablo, et Mirabelle, <strong>sa</strong> meilleure amie.<br />

<strong>Maël</strong> lâche la main de Pablo devant leur lycée. Pablo ne veut pas montrer à <strong>se</strong>s<br />

copains qu’il sort avec <strong>Maël</strong>, après tout ce qu’il a pu dire sur lui.<br />

Au début, <strong>Maël</strong> et Pablo <strong>se</strong> dét<strong>est</strong>ai<strong>en</strong>t, jusqu’à qu’ils appr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t l’un et l’autre qu’ils<br />

étai<strong>en</strong>t gays. <strong>Maël</strong> <strong>en</strong> <strong>sa</strong>chant les p<strong>en</strong>chants <strong>se</strong>xuels de son « pire <strong>en</strong>nemi » <strong>se</strong>ntit<br />

soudain une attraction forte et int<strong>en</strong><strong>se</strong> à son égard. Ce fut réciproque. Ils <strong>se</strong><br />

dévorai<strong>en</strong>t des yeux avec int<strong>en</strong>sité.<br />

Un jour, ils n’avai<strong>en</strong>t pas cours tous les deux, et <strong>se</strong> retrouvèr<strong>en</strong>t dans la même<br />

impas<strong>se</strong>. Pour pas<strong>se</strong>r, ils <strong>se</strong> frôlèr<strong>en</strong>t, et <strong>se</strong> fut indubitablem<strong>en</strong>t le comm<strong>en</strong>cem<strong>en</strong>t de<br />

leur histoire qui dure depuis six mois.<br />

Cep<strong>en</strong>dant, ils ne veul<strong>en</strong>t <strong>se</strong> montrer au jour. <strong>Maël</strong> pour ne pas attirer les<br />

soupçons fait croire à tout le monde qu’il sort avec Mirabelle, et qu’il <strong>est</strong> « Bi ».<br />

Mirabelle supporte ainsi toutes les critiques qui fu<strong>se</strong>nt et par l’amour pour son<br />

meilleur ami, le protège coûte que coûte. Elle n’a pas d’amis mis à part lui.<br />

Mirabelle <strong>est</strong> <strong>sa</strong>ns doute la personne la plus merveilleu<strong>se</strong> que <strong>Maël</strong> a<br />

r<strong>en</strong>contrée. Il avait es<strong>sa</strong>yé de tomber amoureux d’elle. Il avait tout fait mais il ne<br />

pouvait lui r<strong>en</strong>dre la monnaie de son amour.<br />

Mirabelle a les cheveux bruns, voire noirs, et bouclés. Ses boucles légères lais<strong>se</strong>nt<br />

<strong>en</strong>trevoir un <strong>vi<strong>sa</strong>ge</strong> frais, somptueux, et gracieux. <strong>Son</strong> teint pâle fait ressortir à<br />

merveille <strong>se</strong>s yeux bleus, <strong>se</strong>s fines lèvres tellem<strong>en</strong>t rosées sont attirantes. <strong>Son</strong> corps<br />

d’<strong>en</strong>fant <strong>est</strong> aussi beau, féminin, et doux que celui d’une femme. Elle <strong>est</strong> une femme.<br />

Mirabelle toujours le sourire aux lèvres malgré <strong>se</strong>s <strong>se</strong>ntim<strong>en</strong>ts, att<strong>en</strong>d <strong>Maël</strong><br />

devant le platane, où un banc d’acier trône devant. Ce fut là leur premier lieu de<br />

r<strong>en</strong>contre. A leur première année de <strong>se</strong>conde, ils s’étai<strong>en</strong>t retrouvés côte à côte, et<br />

s’étai<strong>en</strong>t parlés instantaném<strong>en</strong>t.<br />

Il lui dépo<strong>se</strong> un bai<strong>se</strong>r sur le coin de la lèvre. Mirabelle frémit. Elle n’a pas l’habitude<br />

de <strong>se</strong>ntir <strong>se</strong>s lèvres, surtout lorsqu’un long week-<strong>en</strong>d les sépare. Elle a le cœur qui<br />

palpite, qui fait « boum, boum ». Elle ne compr<strong>en</strong>d pas et ne <strong>se</strong> po<strong>se</strong> pas de<br />

qu<strong>est</strong>ions.<br />

« Salut <strong>Maël</strong>, comm<strong>en</strong>t ça va ? » Lui demande t-elle de <strong>sa</strong> voix angélique.<br />

Il aimerait lui répondre que tout va mal, qu’il ne veut plus vivre si ce n’<strong>est</strong> que pour<br />

l’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre, et pour embras<strong>se</strong>r Pablo. Il a <strong>en</strong>vi de lui dire toutes ces cho<strong>se</strong>s, mais il <strong>en</strong><br />

<strong>est</strong> incapable, il a trop mal au cœur pour. Puis, il <strong>se</strong> croit déjà un homme, et pour lui,<br />

un homme ne montre pas <strong>se</strong>s <strong>se</strong>ntim<strong>en</strong>ts.<br />

Il aimerait y croire.<br />

Il ferme les yeux, hoche la tête.<br />

« - Pourquoi t’<strong>en</strong>têtes-tu à me m<strong>en</strong>tir, alors que je <strong>sa</strong>is avec pertin<strong>en</strong>ce que tu ne vas<br />

pas bi<strong>en</strong> ? Ca <strong>se</strong> lit sur ton <strong>vi<strong>sa</strong>ge</strong>. Tu ne me fais pas confiance c’<strong>est</strong> ça ? ».<br />

Elle réprime les <strong>sa</strong>nglots. Il ne <strong>sa</strong>it pas à quel point elle aime, il ne <strong>sa</strong>it pas tous les<br />

<strong>sa</strong>crifices qu’elle fait pour lui, il ne <strong>sa</strong>it ri<strong>en</strong>, ne voit ri<strong>en</strong>, et ne p<strong>en</strong><strong>se</strong> qu’à <strong>sa</strong> petite<br />

personne, mais … mais elle l’aime. Elle l’aime. Oui c’<strong>est</strong> cela le problème.<br />

Il l’aime lui aussi, mais différemm<strong>en</strong>t.


« - Je n’ai pas <strong>en</strong>vi de t’<strong>en</strong> parler, tu compr<strong>en</strong>ds ? Tu m’oppres<strong>se</strong>s, toujours sur mon<br />

dos, mais lâche-moi Bon Dieu ! »<br />

Il lui a presque hurlé dessus. Les larmes aux yeux. Il ne p<strong>en</strong><strong>se</strong> pas tout cela, jamais il<br />

ne pourrait p<strong>en</strong><strong>se</strong>r tout cela. Mais ces derniers évènem<strong>en</strong>ts altèr<strong>en</strong>t <strong>sa</strong> raison, il ne<br />

compr<strong>en</strong>d plus, il <strong>est</strong> paumé. Il <strong>se</strong> demande ce qu’il fait, où il <strong>est</strong>. <strong>Son</strong> cœur bat pour<br />

la v<strong>en</strong>geance, l’amour, la haine, et l’amitié. Trop de cho<strong>se</strong> contradictoire.<br />

Mirabelle, s’<strong>en</strong> va, presque <strong>en</strong> courant. <strong>Maël</strong> r<strong>est</strong>e là, planté au sol par on ne<br />

<strong>sa</strong>it quel moy<strong>en</strong>. Il regrette tout ce qui lui a dit, il regrette la personne qu’il <strong>est</strong>, il<br />

regrette l’amour qu’il ne lui donne pas. Il <strong>se</strong> hait, il <strong>se</strong> hait à un tel point que cela <strong>en</strong><br />

<strong>est</strong> aberrant.<br />

Il voudrait <strong>pleure</strong>r, mais pas là, pas devant tout le monde. Il avale son malheur, il<br />

souffle, ferme les yeux, les ouvre, et déjà les larmes ont disparu.<br />

La sonnerie ret<strong>en</strong>te, il r<strong>en</strong>tre <strong>en</strong> cours.<br />

La clas<strong>se</strong> paraît tellem<strong>en</strong>t vide, il ne compr<strong>en</strong>d pas. Il parcoure l’audi<strong>en</strong>ce de son<br />

regard d’homme. Une chai<strong>se</strong> vide. Celle à côté de lui… Mirabelle.<br />

Il <strong>se</strong>rre la mâchoire, s’assoit, et l’att<strong>en</strong>d …<br />

Les <strong>se</strong>condes pas<strong>se</strong>nt, interminables, lourdes, comme si <strong>sa</strong> vie <strong>se</strong> joue. Une<br />

<strong>se</strong>conde, puis une autre, et <strong>en</strong>core une autre, <strong>en</strong>core une, <strong>en</strong>core, une autre. Le<br />

temps pas<strong>se</strong> mais <strong>Maël</strong> r<strong>est</strong>e figé par la disparition mom<strong>en</strong>tanée de son amie. Il<br />

voudrait <strong>se</strong> lever, et l’appeler ou même lui courir après, la <strong>se</strong>rrer dans <strong>se</strong>s bras,<br />

comme il fai<strong>sa</strong>it <strong>en</strong>core il y a quelques jours…<br />

<strong>Maël</strong> <strong>se</strong>nt qu’il a changé, c’<strong>est</strong> évid<strong>en</strong>t. <strong>Son</strong> corps <strong>se</strong> dessine parfaitem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> un<br />

corps d’athlète. <strong>Son</strong> <strong>vi<strong>sa</strong>ge</strong> <strong>se</strong> recouvre petit à petit de poils noirs. Ses yeux<br />

s’agrandis<strong>se</strong>nt. Les mots qui sort<strong>en</strong>t de <strong>sa</strong> bouche, sont ceux d’un adulte.<br />

Il crispe la mâchoire, et att<strong>en</strong>d que les heures pas<strong>se</strong>nt, défil<strong>en</strong>t <strong>en</strong> un instant. Il<br />

ferme les yeux et espère… mais qu’espère-t-il au fond ? Que Mirabelle lui<br />

pardonnera son égoïsme ? Qu’il arrivera à mettre fin à son malheur ? Qu’il dira <strong>en</strong>fin<br />

à Pablo ce qu’il <strong>en</strong> p<strong>en</strong><strong>se</strong> de toute cette histoire ? Il <strong>est</strong> démuni, affaibli. Il n’<strong>en</strong> peut<br />

plus. Il espère, il veut, mais <strong>en</strong> <strong>est</strong>-il capable ? Il a le galbe d’un homme, mais son<br />

intellectualité ne <strong>se</strong>mble pas <strong>se</strong> développer aussi bi<strong>en</strong>. Il r<strong>est</strong>e prostré dans son<br />

<strong>en</strong>fance. Il a peur de grandir, mais <strong>en</strong> même temps il ne veut pas grandir, s’épanouir,<br />

travailler, il veut vivre ce qu’on lui a volé.<br />

Le profes<strong>se</strong>ur de mathématiques, Madame Théodora <strong>se</strong> r<strong>en</strong>d compte de la<br />

passivité de son meilleur élève. Elle l’interroge. <strong>Maël</strong> <strong>se</strong>mble fatigué, exténué, elle<br />

voudrait bi<strong>en</strong> le convoquer une dixième fois, mais il lui répétera que ce sont <strong>se</strong>s<br />

voisins qui font du bruit toute la nuit. Une dixième fois elle feindra de croire au<br />

m<strong>en</strong>songe, et une dixième fois elle <strong>se</strong> dira qu’un jour elle pourrait aider ce garçon qui<br />

lui rappèle tant son petit frère.<br />

Madame Théodora le regarde att<strong>en</strong>drie, son état physique tant psychologique lui fait<br />

mal au cœur. Elle <strong>se</strong> demande, même si la répon<strong>se</strong> lui paraît évid<strong>en</strong>te, ce pourquoi<br />

<strong>Maël</strong> <strong>est</strong> si lugubre. Il lui <strong>se</strong>mble qu’il <strong>se</strong> fait tabas<strong>se</strong>r par <strong>se</strong>s camarades pour <strong>se</strong>s<br />

préfér<strong>en</strong>ces <strong>se</strong>xuelles. En effet, elle ne connaît pas de lui un comportem<strong>en</strong>t viol<strong>en</strong>t,<br />

et aussi persuadée qu’elle l’<strong>est</strong>, qu’il ne peut faire de mal à une mouche.<br />

<strong>Maël</strong> bafouille, il a le regard p<strong>en</strong>sif, pas celui qui survole les étoiles, mais le<br />

mauvais, le triste, le méchant.<br />

« <strong>Maël</strong> tu vi<strong>en</strong>dras me voir à la fin du cours ? ».<br />

Le garçon acquiesce de la tête, et ne cherche pas à compr<strong>en</strong>dre. Il r<strong>est</strong>e passif,<br />

parce que ces temps-ci tout <strong>est</strong> bizarre, et subtil. Il aimerait compr<strong>en</strong>dre ce petit<br />

manège qui <strong>se</strong> joue autour de lui. <strong>Son</strong> univers <strong>est</strong> <strong>en</strong> train de changer, son monde


tournoie plus vite que la lumière, il ne contrôle plus, tout part <strong>en</strong> vrille, <strong>en</strong> vrac, et <strong>en</strong><br />

vric. C’<strong>est</strong> le hic de trop.<br />

Ses yeux <strong>se</strong> rempli<strong>en</strong>t de larmes. Il <strong>est</strong> un homme, et un homme ne <strong>pleure</strong> pas.<br />

Il avale la boule logée dans <strong>sa</strong> gorge. Par mégarde, une larme ruis<strong>se</strong>lle sur <strong>sa</strong> joue.<br />

A son contact doux, réconfortant, et paradoxalem<strong>en</strong>t aussi dur que la pierre, il simule<br />

la fatigue, et baille un peu trop fort.<br />

Madame Théodora <strong>est</strong> irritée. Il <strong>est</strong> clair que pour elle, il y a un problème, elle lui dira<br />

tout ce qu’elle p<strong>en</strong><strong>se</strong> à la fin du cours, cep<strong>en</strong>dant elle continue <strong>sa</strong> leçon. Mais son<br />

att<strong>en</strong>tion <strong>se</strong> fixe toujours vers ce joli adolesc<strong>en</strong>t, au regard accrocheur et<br />

compatis<strong>sa</strong>nt. Elle aimerait le pr<strong>en</strong>dre dans <strong>se</strong>s bras, et le bercer.<br />

L’horloge fait le tour du cadran, la lassitude des mots qui résonn<strong>en</strong>t <strong>en</strong> fond<br />

dans la tête de <strong>Maël</strong> l’exaspère.<br />

Les élèves tous <strong>en</strong>fantins sort<strong>en</strong>t de la clas<strong>se</strong> <strong>en</strong> fai<strong>sa</strong>nt beaucoup de bruit. Madame<br />

Théodora les rappelle à l’ordre. <strong>Son</strong> degré d’énervem<strong>en</strong>t contre leur immaturité<br />

s’élève de jours <strong>en</strong> jours. Elle ne supporte plus ces lycé<strong>en</strong>s qui <strong>se</strong> dégrad<strong>en</strong>t petit à<br />

petit.<br />

Elle fait as<strong>se</strong>oir <strong>Maël</strong> sur une chai<strong>se</strong> <strong>en</strong> face de son bureau.<br />

<strong>Maël</strong> es<strong>sa</strong>ye de lui attacher de l’importance, mais son esprit vagabonde, tout <strong>est</strong> si<br />

confus…<br />

« - <strong>Maël</strong>, tu te doutes bi<strong>en</strong> de quoi je vais te parler.<br />

- Des Maths ? Qu<strong>est</strong>ionne-t-il bêtem<strong>en</strong>t.<br />

- Bi<strong>en</strong> sur que non, ton niveau <strong>est</strong> excell<strong>en</strong>t. Je voudrais te parler de ta vie<br />

intime. ».<br />

Comme une gifle sur <strong>sa</strong> joue, <strong>Maël</strong> sur<strong>sa</strong>ute, <strong>se</strong>s poils héris<strong>se</strong>nt, <strong>sa</strong> mâchoire <strong>se</strong><br />

crispe.<br />

« - Quoi ? Que <strong>sa</strong>vez-vous ? Lui demande-t-il.<br />

- Je <strong>sa</strong>is… ».<br />

<strong>Maël</strong> att<strong>en</strong>d les mots qui vont sortir, non il <strong>est</strong> impossible qu’elle ne peut <strong>sa</strong>voir <strong>se</strong>s<br />

préméditations, comm<strong>en</strong>t pourrait-elle ? Notre cher ami a le cœur qui bat à tout<br />

rompre.<br />

Madame Théodora pè<strong>se</strong> la lourdeur et la justes<strong>se</strong> de <strong>se</strong>s mots. Ça résonne, elle a<br />

peur de <strong>se</strong> tromper, de le vexer…<br />

« - Je suis au courant pour tes goûts <strong>en</strong> … matière de <strong>se</strong>xualité. »<br />

Comme une boule qui <strong>se</strong> dégage, les deux êtres <strong>se</strong> décontract<strong>en</strong>t. Madame<br />

Théodora ob<strong>se</strong>rve avec att<strong>en</strong>tion l’attitude du jeune homme, il n’a pas l’air perturbé.<br />

Elle <strong>est</strong> soulagée.<br />

Quant à <strong>Maël</strong>, il s’<strong>est</strong> fait du tord pour ri<strong>en</strong>.<br />

« - Oui, et ?<br />

- Je <strong>sa</strong>is aussi, que tes camarades te tap<strong>en</strong>t à cau<strong>se</strong> de tes préfér<strong>en</strong>ces, et je<br />

voulais te dire …<br />

- Quoi ? Que dîtes-vous ? ».<br />

<strong>Maël</strong> <strong>se</strong> lève furibond. Elle insinue que puisqu’il <strong>est</strong> gay il ne peut <strong>se</strong> déf<strong>en</strong>dre. Mais<br />

que <strong>se</strong> pas<strong>se</strong>-t-il dans <strong>sa</strong> tête ?<br />

Madame Théodora compr<strong>en</strong>d la rétic<strong>en</strong>ce du garçon à <strong>en</strong> parler, et lui fait face avec<br />

ardeur.<br />

« - Ce n’<strong>est</strong> pas parce que je suis gay que je ne <strong>sa</strong>is pas me déf<strong>en</strong>dre !<br />

- Je ne l’ai jamais insinué !<br />

- Oh bi<strong>en</strong> sur que si. Alors qu’avez vous voulu dire ?<br />

- Te parler de tes problèmes ! Crie-t-elle au-dessus de la voix de l’adolesc<strong>en</strong>t aussi<br />

grand et fort qu’un homme.


- Mais je n’ai pas de problèmes. Vous avez un problème ! Pourquoi voudriez-vous<br />

que j’ai un problème ? Toutes les <strong>se</strong>maines vous me convoquez, toutes les<br />

<strong>se</strong>maines vous me demandez si je vais bi<strong>en</strong>. Vous n’êtes qu’une pédophile ouais.<br />

Putain ! ».<br />

Un sil<strong>en</strong>ce de plomb tombe dans la clas<strong>se</strong>. Les deux êtres choqués par les mots qui<br />

vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t de surgir par mégarde. <strong>Maël</strong> n’<strong>en</strong> p<strong>en</strong><strong>se</strong> pas un traître mot, et pourtant c’<strong>est</strong><br />

bi<strong>en</strong> de <strong>sa</strong> bouche que cette phra<strong>se</strong> ignoble <strong>est</strong> sortie. Madame Théodora <strong>est</strong> son<br />

profes<strong>se</strong>ur préféré. Même si parfois elle <strong>est</strong> agaçante, il l’apprécie énormém<strong>en</strong>t. Ces<br />

temps-ci tout <strong>est</strong> …<br />

Je ne fais que traduire ces mots, son esprit m’a l’air conc<strong>en</strong>tré autour des<br />

évènem<strong>en</strong>ts à v<strong>en</strong>ir. Il <strong>se</strong> soucie trop du passé, de l’av<strong>en</strong>ir, il attache de l’importance<br />

à de futiles détails et il oublie de vivre.<br />

La jeune femme <strong>se</strong> po<strong>se</strong> des qu<strong>est</strong>ions. En effet, c’<strong>est</strong> une pédophile, pas<br />

dans le <strong>se</strong>ns pragmatique du mot, mais dans le <strong>se</strong>ns, où elle s’attache à <strong>se</strong>s élèves.<br />

Mais maint<strong>en</strong>ant c’<strong>est</strong> finit, elle arrête, plus de <strong>se</strong>ntim<strong>en</strong>ts, plus de bonheur. Qu’ils<br />

aill<strong>en</strong>t au diable tous ces pauvres adolesc<strong>en</strong>ts.<br />

<strong>Maël</strong> bais<strong>se</strong> le regard honteux. Il lui adres<strong>se</strong> un dernier regard avant de filer<br />

comme un criminel rongé par le remord. Elle le regarde partir <strong>en</strong> <strong>se</strong> promettant de ne<br />

plus l’aimer.<br />

Mirabelle <strong>est</strong> au C.D.I depuis bi<strong>en</strong> une heure. Elle a raté l’heure de<br />

mathématique, mais cela ne lui po<strong>se</strong> aucun problème. Elle ne peut affronter <strong>Maël</strong> <strong>en</strong><br />

face, après tout ce qu’il lui a dit. Ils ne <strong>se</strong> sont jamais disputés, elle a l’impression<br />

qu’il lui a tranché le cœur, le si<strong>en</strong> au pas<strong>sa</strong>ge. Elle fait <strong>se</strong>mblant de lire, mais au fond<br />

d’elle, elle <strong>pleure</strong>.<br />

Une grande main chaude <strong>se</strong> po<strong>se</strong> sur son épaule. Elle <strong>se</strong> retourne et tombe nez à<br />

nez avec Pablo. A vrai dire, elle dét<strong>est</strong>e Pablo ri<strong>en</strong> qu’à l’idée de le voir lui propage<br />

une vague de frisson dans le corps.<br />

Elle a tant pleuré pour <strong>Maël</strong> quand Pablo le dét<strong>est</strong>ait, quand il l’aimait, le repous<strong>sa</strong>it,<br />

le repr<strong>en</strong>ait.<br />

En réalité, leur relation <strong>est</strong> un manège constant et irrégulier. Ils ne <strong>se</strong> contrôl<strong>en</strong>t pas,<br />

et n’arriv<strong>en</strong>t à dompter les fauves qu’ils ont <strong>en</strong> eux.<br />

Elle le dét<strong>est</strong>e plus qu’elle n’aime son meilleur ami, parce qu’il a honte, qu’il<br />

n’assume pas. Mais ce qu’elle hait chez lui par-dessus tout, c’<strong>est</strong> son côté<br />

« regardez-moi ». Chacun de <strong>se</strong>s actes <strong>est</strong> prémédité afin de plaire à la populace.<br />

« -Tu <strong>pleure</strong>s ? Lui demande-t-il. ».<br />

Elle ne veut pas de <strong>sa</strong> pitié, de <strong>sa</strong> compassion, de <strong>sa</strong> peine. Il ne peut <strong>se</strong> permettre<br />

de la juger ou de l’aider après tout le mal qu’il lui fait constamm<strong>en</strong>t.<br />

« - <strong>Maël</strong> ? ». Elle sèche <strong>se</strong>s larmes. Mirabelle ne désire qu’une cho<strong>se</strong> c’<strong>est</strong> qu’il s’<strong>en</strong><br />

aille, et <strong>en</strong> partant qu’il emporte <strong>Maël</strong>, que tous les deux aill<strong>en</strong>t loin, très loin, qu’ils ne<br />

revi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t plus jamais.<br />

<strong>Son</strong> cœur <strong>sa</strong>igne, mais où <strong>est</strong> son fabuleux sourire ?<br />

« - Je <strong>sa</strong>is que tu ne m’aimes pas, cela <strong>se</strong> voit. Mais tu es la meilleure amie du<br />

garçon que j’aime et… ».<br />

Elle n’écoute plus <strong>se</strong>s mots, elle aimerait tant lui rire au nez ou lui répliquer quelque<br />

cho<strong>se</strong> de poignant, mais elle <strong>en</strong> <strong>est</strong> incapable, de peur de faire souffrir <strong>Maël</strong>.<br />

« - Il ti<strong>en</strong>t beaucoup à toi, même, je crois plus qu’à moi. ». Elle a <strong>en</strong>vie de lui<br />

demander d’arrêter de dire des m<strong>en</strong>songes son nez <strong>en</strong>fle, et s’allonge.<br />

« - Il ne va pas bi<strong>en</strong> ces temps-ci… ».<br />

La goutte de trop …


« Comm<strong>en</strong>t peux-tu le <strong>sa</strong>voir ? Tu es plus préoccupé par ta réputation et tes amis,<br />

que par le garçon que tu aimes. ».<br />

Elle pr<strong>en</strong>d <strong>se</strong>s affaires, et part <strong>en</strong> courant. Elle ne veut pas <strong>pleure</strong>r, <strong>se</strong>ul moy<strong>en</strong> ;<br />

courir. Courir où ? Peu importe. Il faut qu’elle fuie ce monde, il faut qu’elle les fuie,<br />

<strong>sa</strong>ns <strong>se</strong> retourner, la tête haute, le regard adulte.<br />

Elle heurte quelqu’un et tombe à la r<strong>en</strong>ver<strong>se</strong>.<br />

Elle ferme les yeux et r<strong>est</strong>e allongée. Qu’il <strong>est</strong> si bon de ne p<strong>en</strong><strong>se</strong>r à ri<strong>en</strong><br />

d’autre qu’à la douleur physique. Elle a mal dans chaque parcelle de son corps, et<br />

même de son cœur. La jeune fille ne peut apai<strong>se</strong>r <strong>se</strong>s douleurs, alors elle les<br />

apprivoi<strong>se</strong>…<br />

Elle ouvre les yeux. <strong>Maël</strong>. Il l’aide à <strong>se</strong> relever. Elle n’<strong>est</strong> plus <strong>en</strong> colère, lui<br />

n’<strong>est</strong> plus peiné. Il retrouve <strong>sa</strong> Mu<strong>se</strong>, son inspiration, son épaule droite, <strong>sa</strong> meilleure<br />

amie. Il lui sourit.<br />

« J’aimerais tant changer pour toi Mirabelle, mais je suis égoïste, je te promets de<br />

changer les cho<strong>se</strong>s à l’av<strong>en</strong>ir, mais ne sois pas trop dure avec moi. Je <strong>sa</strong>is que ça<br />

fait deux ans que tu es souple avec moi, à chacun de mes caprices, mais je suis<br />

comme ça. Je te promets de tout faire pour changer. Mais ne me quitte pas, je t’aime<br />

trop pour ça. ». Lui annonce le garçon d’une voix claironnante.<br />

Elle le regarde du haut de <strong>se</strong>s un mètre soixante, clignote des yeux, et fond dans <strong>se</strong>s<br />

bras.<br />

<strong>Maël</strong> <strong>est</strong> surpris par ce câlin, il a le cœur qui bat, il a fait une bonne action. Il po<strong>se</strong> <strong>sa</strong><br />

main dans <strong>se</strong>s doux cheveux soyeux, et les bai<strong>se</strong> t<strong>en</strong>drem<strong>en</strong>t.<br />

« Je <strong>sa</strong>is comm<strong>en</strong>t tu es <strong>Maël</strong>, mais il <strong>est</strong> dur pour moi de ne ri<strong>en</strong> recevoir. Tu<br />

m’aimes à ta manière certes, je le <strong>sa</strong>is ça, mais je ne res<strong>se</strong>ns ri<strong>en</strong>… éclaire-moi juste<br />

un peu ».<br />

<strong>Maël</strong> lui promet de faire de son mieux <strong>en</strong> chuchotant.<br />

Il ouvre les yeux. Pablo.<br />

Il <strong>se</strong> ti<strong>en</strong>t droit comme « i », le regard effrayé, peiné ou <strong>en</strong> colère. Un affreux rictus<br />

dérange son <strong>vi<strong>sa</strong>ge</strong> d’une beauté extraordinaire. Il a la mâchoire crispée. Il <strong>se</strong> fait<br />

des films, il imagine des trucs, il imagine trop de cho<strong>se</strong>s.<br />

<strong>Maël</strong> des<strong>se</strong>rre son étreinte et <strong>se</strong> dirige vers lui. Pablo part <strong>en</strong> courant, lais<strong>sa</strong>nt le v<strong>en</strong>t<br />

emporter une de <strong>se</strong>s précieu<strong>se</strong>s larmes.<br />

L’adolesc<strong>en</strong>t <strong>se</strong> retourne vers <strong>sa</strong> meilleure amie, elle lui ordonne de le rattraper.<br />

Même si elle le dét<strong>est</strong>e, <strong>Maël</strong> l’aime…<br />

Le brun part à la poursuite du blond, et lui crie de s’arrêter, cep<strong>en</strong>dant il<br />

n’obéit pas, et court toujours plus vite. Ils comm<strong>en</strong>c<strong>en</strong>t tous les deux à s’essouffler.<br />

Pablo épuisé de toutes les manières quelles qu’elles soi<strong>en</strong>t, <strong>se</strong> po<strong>se</strong>nt contre un<br />

mur. Violemm<strong>en</strong>t, il tape le crépi, s’effleurant la peau.<br />

Il <strong>est</strong> sur d’avoir tout gâcher, que l’homme qu’il aime ; a retourné <strong>sa</strong> v<strong>est</strong>e pour <strong>sa</strong><br />

meilleure amie. Il <strong>est</strong> persuadé que <strong>sa</strong> pré<strong>se</strong>nce manque à <strong>sa</strong> moitié…<br />

<strong>Maël</strong> arrive essoufflé derrière lui. Il lui pr<strong>en</strong>d les épaules, et s’ados<strong>se</strong>nt contre<br />

elles.<br />

Pablo <strong>sa</strong>nglote.<br />

« - Qu’y a-t-il ?<br />

- Je n’ai pas été pré<strong>se</strong>nt, et voilà… voilà que maint<strong>en</strong>ant, tu retournes ta v<strong>est</strong>e, et<br />

devi<strong>en</strong>t un putain d’hétéro.<br />

- Mais que dis-tu ? Je ne suis pas hétéro !<br />

- Un Bi, alors ? ! Pire même. Mais tout ça c’<strong>est</strong> à cau<strong>se</strong> de moi, tout ça, si j’avais<br />

assumé notre putain d’histoire, si je t’avais aimé réellem<strong>en</strong>t comme je t’aime <strong>en</strong><br />

ce mom<strong>en</strong>t, tout ça ne <strong>se</strong>rait pas ainsi. <strong>Maël</strong>… ».


Pablo <strong>se</strong> retourne. <strong>Maël</strong> <strong>est</strong> furieux.<br />

« - Tu es pathétique. Tu doutes de mon amour à ton égard ? Mais comm<strong>en</strong>t peuxtu<br />

? Comm<strong>en</strong>t … ? Tu es minable, mais j’aurais du écouter Mirabelle, et ne jamais<br />

t’aimer. Tu <strong>sa</strong>is au moins ce que signifie aimer ? Mais, tu n’as pas le droit de me faire<br />

ça, tu n’as pas le droit de me pr<strong>en</strong>dre pour un autre, je croyais que tu me<br />

connais<strong>sa</strong>is. Mais si tu étais moins préoccupé par tes putains de potes, et ta<br />

merdeu<strong>se</strong> réputation, tu aurais vu que je n’étais tourné que vers toi.<br />

- Mais toi tu as Mirabelle bordel, moi, qui j’ai ? A part ces illusions ? Ri<strong>en</strong>, même<br />

pas une vraie amitié.<br />

- Tu m’avais moi, tu avais Mirabelle, elle était prête à t’accueillir à l’époque… tu es<br />

un égoïste, un putain d’égoïste gay refoulé. Je ne me ferais plus jamais avoir<br />

Pablo, plus jamais. Ne me regarde pas avec <strong>se</strong>s yeux de petits chi<strong>en</strong>s, je ne<br />

compte même plus le nombre de fois où tu m’as quitté. Mais la <strong>se</strong>ule différ<strong>en</strong>ce<br />

<strong>en</strong>tre toi, et moi, c’<strong>est</strong> que moi c’<strong>est</strong> définitif. ».<br />

<strong>Maël</strong> <strong>se</strong> retourne et gracieu<strong>se</strong>m<strong>en</strong>t s’<strong>en</strong> va ; la tête haute, malgré son cœur écorché.<br />

Il a fait le bon choix, il l’espère. Il <strong>sa</strong>it qu’il ne peut pas vivre <strong>sa</strong>ns lui, mais, il<br />

appr<strong>en</strong>dra, il y a Mirabelle… <strong>en</strong>core. Il a honte de lui impo<strong>se</strong>r <strong>en</strong>core un des <strong>se</strong>s<br />

chagrins.<br />

Il s’<strong>en</strong>fuit, tournant dos à la personne qu’il aime le plus. Comm<strong>en</strong>t pourra-t-il survivre<br />

<strong>sa</strong>ns <strong>sa</strong> bouffée d’oxygène ? Déjà il <strong>se</strong>nt qu’il meurt, que demain il ne <strong>se</strong> <strong>réveille</strong>ra<br />

pas. Il chancèle, son corps <strong>est</strong> lourd. Tout tourne autour de lui, plus ri<strong>en</strong> n’a de <strong>se</strong>ns.<br />

Il tombe. Il tombe dans son néant, dans les pommes <strong>en</strong> somme. Il fait noir et froid,<br />

mais il ne mérite que le terrible châtim<strong>en</strong>t qui lui arrive. Il s’<strong>en</strong> veut, regrette déjà,<br />

mais c’<strong>est</strong> fait, il ne peut rev<strong>en</strong>ir sur une décision.<br />

Il espère néanmoins que Pablo <strong>se</strong>ra as<strong>se</strong>z intellig<strong>en</strong>t pour rev<strong>en</strong>ir. Il a besoin de lui.<br />

Une gifle érafle son <strong>vi<strong>sa</strong>ge</strong>. Il sur<strong>sa</strong>ute, <strong>se</strong> <strong>réveille</strong>. Une chevelure brune et<br />

épais<strong>se</strong> lui tombe dans les yeux. Mirabelle…<br />

Il <strong>se</strong> redres<strong>se</strong> doucem<strong>en</strong>t, effrayé par l’arrivée d’une migraine quelconque. La jeune<br />

fille l’aide à <strong>se</strong> relever. Elle l’<strong>en</strong>lace, elle a tout compris de ce qu’il lui arrive, elle a<br />

tout <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du, elle l’a <strong>se</strong>nti… Elle les connaît tellem<strong>en</strong>t …<br />

<strong>Maël</strong> éclate <strong>en</strong> <strong>sa</strong>nglot, une larme ruis<strong>se</strong>lle tel le fleuve de la vie, longeant les<br />

courbes discrètes de son <strong>vi<strong>sa</strong>ge</strong>, pas<strong>sa</strong>nt l’obstacle buccal qui rejette des sons<br />

étriqués, v<strong>en</strong>ant <strong>se</strong> loger dans son cou, et parcourir tout le r<strong>est</strong>e de son corps. Ainsi,<br />

chaque membre <strong>est</strong> paralysé par le mal qui l’<strong>en</strong>vahit.<br />

Mirabelle le pr<strong>en</strong>d dans <strong>se</strong>s bras, et force <strong>sa</strong> mâchoire pour ne pas <strong>pleure</strong>r. <strong>Son</strong><br />

cœur <strong>est</strong> <strong>en</strong> lambeaux lorsqu’elle le voit <strong>pleure</strong>r. Il <strong>est</strong> si fragile, et faible, il <strong>est</strong> si<br />

doux, et <strong>en</strong>fantin. Il n’a pas le temps de grandir, il ne peut pas grandir, tout <strong>est</strong> trop<br />

dur, tout <strong>est</strong> si compliqué.<br />

Elle pres<strong>se</strong> son corps faible contre celui du jeune homme. Elle espère que ce contact<br />

aussi futile soit-il réchauffera leurs cœurs à tous deux.<br />

Et voilà qu’elle <strong>pleure</strong>, elle ne résiste pas à l’impétueu<strong>se</strong> boulle qui <strong>se</strong> forme dans <strong>sa</strong><br />

gorge d’adolesc<strong>en</strong>te.<br />

Elle relève la tête, et aperçoit au loin Pablo. Tout aussi détruit, anéanti, que<br />

son ami. Il a le regard remplit de peine, les yeux rempli<strong>en</strong>t de chagrin, le corps<br />

faiblard. Il les regarde, il a mal. Elle le remarque à la façon qu’il a de p<strong>en</strong>cher la tête.<br />

Il lui jette un dernier regard significatif. Implicitem<strong>en</strong>t il lui demande de bi<strong>en</strong> s’occuper<br />

de l’homme de <strong>sa</strong> vie. Elle hoche la tête.<br />

Mirabelle oublie un instant la haine qu’elle éprouve à son égard, pour supprimer les<br />

brides de malheur qui le parsèm<strong>en</strong>t au gré du v<strong>en</strong>t.<br />

Elle <strong>en</strong>fouit <strong>sa</strong> tête dans le cou <strong>trempe</strong> de <strong>Maël</strong>, <strong>en</strong> réalité elle dit à Pablo de partir.


Il exécute. Il admire tant Mirabelle, qui a su toujours être bonne.<br />

Il a tout gâché, il <strong>en</strong> <strong>est</strong> consci<strong>en</strong>t. Il <strong>est</strong> accablé, moro<strong>se</strong>. Déjà <strong>se</strong>s veines sont<br />

empreintes de <strong>se</strong>s g<strong>est</strong>es mortuaires. Déjà son cou a la trace de l’exécution. Déjà<br />

son corps <strong>est</strong> criblé d’une balle de plomb.<br />

Il a perdu <strong>Maël</strong>, il a perdu <strong>Maël</strong>. Il a tout perdu… Il s’<strong>est</strong> perdu, il a perdu l’amour,<br />

<strong>Maël</strong>, la vie. Il la lui <strong>se</strong>nt glis<strong>se</strong>r <strong>en</strong>tre les doigts.<br />

Il ne supporte plus l’adolesc<strong>en</strong>ce, pourvu que cela <strong>se</strong> termine, et vite.<br />

Il <strong>se</strong> pas<strong>se</strong> une heure de <strong>pleure</strong> et une vie de chagrin. Voilà ce qui att<strong>en</strong>d<br />

<strong>Maël</strong>.<br />

Il <strong>est</strong> démunit, cette fois-ci n’<strong>est</strong> pas comme toutes les autres fois, il y a trop de truc<br />

dans <strong>sa</strong> tête, trop de cho<strong>se</strong> compliqué. Il y a son père, ah oui son g<strong>en</strong>til père ! Il<br />

l’avait oublié l’espace d’un instant.<br />

Puis, il y a Mirabelle, et surtout, oui, surtout, l’es<strong>se</strong>ntiel Pablo. Il n’y a plus Pablo <strong>en</strong><br />

vérité, mais il <strong>se</strong>nt, il <strong>est</strong> persuadé que c’<strong>est</strong> la fin, la vraie, que plus jamais il ne<br />

pourrait <strong>se</strong>ntir son corps doux et chaud contre le si<strong>en</strong> …<br />

Mirabelle, et <strong>Maël</strong> <strong>se</strong> relèv<strong>en</strong>t <strong>en</strong> sil<strong>en</strong>ce. Il n’y a pas de mots pour employer<br />

ce tel chagrin. Ils bais<strong>se</strong>nt les yeux, ne veul<strong>en</strong>t pas <strong>se</strong> regarder. La jeune fille, tapote<br />

l’épaule de son acolyte. Elle lui fait compr<strong>en</strong>dre, qu’elle <strong>est</strong> là, que ça va s’arranger,<br />

et qu’au pire, ce n’<strong>est</strong> pas la mort physique. Ils <strong>sa</strong>v<strong>en</strong>t tant bi<strong>en</strong> que mal, l’un et<br />

l’autre que tout cela ne sont que des m<strong>en</strong>songes. Mais ils y croi<strong>en</strong>t, parce que la vie<br />

<strong>est</strong> rêche, et qu’elle les sèche. Ils y croi<strong>en</strong>t, pour avoir un infime espoir, ils veul<strong>en</strong>t<br />

croire <strong>en</strong> une force qui les pous<strong>se</strong> vers l’avant. Ils s’imagin<strong>en</strong>t une protection ultime,<br />

ils p<strong>en</strong><strong>se</strong>nt que leur croyance les mènera au bonheur. Ils ont trop peur de ne ri<strong>en</strong><br />

croire, de ne ri<strong>en</strong> p<strong>en</strong><strong>se</strong>r, d’être laissés à la dérive. Ils veul<strong>en</strong>t imaginer qu’après tout<br />

ça, il y a une récomp<strong>en</strong><strong>se</strong>.<br />

Mais la <strong>se</strong>ule récomp<strong>en</strong><strong>se</strong> de la vie, c’<strong>est</strong> la mort…<br />

Ils <strong>en</strong> ont consci<strong>en</strong>ces, mais ils viv<strong>en</strong>t, pourquoi ? Ils <strong>se</strong>ront oubliés dans une<br />

c<strong>en</strong>taine d’année, personne ne p<strong>en</strong><strong>se</strong>ra à eux, <strong>en</strong> <strong>se</strong> di<strong>sa</strong>nt qu’il les aime plus que la<br />

vie ne peut le permettre.<br />

Leur vie <strong>est</strong> insignifiante, absurde, et inutile, ils le <strong>sa</strong>v<strong>en</strong>t, mais tant qu’y être, vivre …<br />

Ils <strong>se</strong> déplac<strong>en</strong>t <strong>en</strong> harmonie, leur pas rythmé dans une jolie symphonie clique<br />

au sol, leur souffle <strong>se</strong> coordonne pour ne faire que le chant de la gloire, leur main<br />

s’effleure pour marquer les pau<strong>se</strong>s.<br />

<strong>Maël</strong> repr<strong>en</strong>d légèrem<strong>en</strong>t confiance <strong>en</strong> lui, et malgré son cœur amoché, il continue la<br />

vie.<br />

Ils r<strong>en</strong>tr<strong>en</strong>t <strong>en</strong> cours, ils <strong>se</strong> demand<strong>en</strong>t pourquoi. Ils répond<strong>en</strong>t <strong>en</strong> même<br />

temps qu’il le faut. C’<strong>est</strong> la vie. Elle joue, <strong>se</strong> déroule…<br />

Ils s’install<strong>en</strong>t comme si de ri<strong>en</strong> n’était, ils souri<strong>en</strong>t, <strong>en</strong> réalité ils pleur<strong>en</strong>t. Ils font<br />

croire à tous ceux qui les <strong>en</strong>tour<strong>en</strong>t qu’ils ne sont pas malheureux, et qu’ils n’ont<br />

aucune raison de le croire. <strong>Maël</strong> ferme les yeux, il les ouvre <strong>se</strong>ulem<strong>en</strong>t à la fin du<br />

cours de français. Mirabelle, lui a copié <strong>se</strong>s leçons.<br />

Ils sort<strong>en</strong>t tous les deux dans la même léthargie <strong>se</strong>ntim<strong>en</strong>tale, et s’<strong>en</strong>gouffr<strong>en</strong>t<br />

dans le <strong>se</strong>lf bondé.<br />

Ils peuv<strong>en</strong>t décompres<strong>se</strong>r, ils pas<strong>se</strong>nt comme incognitos. Ici, personne ne fait<br />

att<strong>en</strong>tion aux autres ; <strong>se</strong>ul ce qui importe la nourriture. Tels des charognards, ils sont<br />

affamés, ils <strong>se</strong> pous<strong>se</strong>nt, <strong>se</strong> doubl<strong>en</strong>t, pour manger les premiers. Ils ne sont que des<br />

vauri<strong>en</strong>s.<br />

<strong>Maël</strong> et Mirabelle, s’installe à une table, où sur leur plateau <strong>se</strong> trouve une pomme et<br />

un verre d’eau. Ils n’ont pas faim, ils <strong>sa</strong>uv<strong>en</strong>t malgré tout, les appar<strong>en</strong>ces.


Au lycée il faut toujours paraître heureux, il faut toujours sourire, aimer, faire<br />

<strong>se</strong>mblant.<br />

Comme s’ils avai<strong>en</strong>t la p<strong>est</strong>e, personne ne <strong>se</strong> place à leur table de quatre places.<br />

Mais, ils n’<strong>en</strong> ont ri<strong>en</strong> à faire, pour l’heure <strong>se</strong>ul le chagrin de <strong>Maël</strong> monopoli<strong>se</strong> leur<br />

p<strong>en</strong>sée. Aucun n’o<strong>se</strong> regarder l’autre, aucun n’o<strong>se</strong> parler. Ils ne veul<strong>en</strong>t pas <strong>se</strong><br />

toucher. Voilà leur chagrin ; dénudé de mots.<br />

Chaque consomme, chaque voyelle leurs transperc<strong>en</strong>t le cœur, ils doiv<strong>en</strong>t <strong>se</strong> taire<br />

pour mieux <strong>se</strong> reconstruire. Puis les mots, leurs mots, ne <strong>se</strong>rv<strong>en</strong>t à ri<strong>en</strong>. Ils ne sont<br />

d’aucune utilité mis à part s’<strong>en</strong>foncer plus bas.<br />

La sonnerie ret<strong>en</strong>te. Les deux adolesc<strong>en</strong>ts <strong>se</strong> lèv<strong>en</strong>t, vont po<strong>se</strong>r leurs plateaux, et<br />

vont <strong>se</strong> ranger. Ils march<strong>en</strong>t la tête baissée, le corps lourd, les épaules voûtées,<br />

l’esprit détourné, le cœur amoché.<br />

Ils r<strong>en</strong>tr<strong>en</strong>t dans une nouvelle clas<strong>se</strong>, ils s’assoi<strong>en</strong>t tous les deux à de<br />

nouvelles places, mais toujours à côté, toujours liés, <strong>en</strong><strong>se</strong>mble, complém<strong>en</strong>taire, duo<br />

…<br />

Dans un sil<strong>en</strong>ce mortuaire, poreux, triste, et basic, le cours comm<strong>en</strong>ce.<br />

Voilà des mots, des sons qui leur trou<strong>en</strong>t le cœur d’une flèche patiemm<strong>en</strong>t aiguisée.<br />

Jeanne profite de la si<strong>est</strong>e de son mari pour quitter la maison. Elle lui lais<strong>se</strong> un<br />

mot, lui indiquant qu’elle <strong>se</strong> trouve au c<strong>en</strong>tre commercial, pour lui acheter un pack de<br />

bière.<br />

Elle n’o<strong>se</strong> pr<strong>en</strong>dre la voiture, de peur d’éveiller des soupçons de la part de son mari.<br />

Elle hèle docilem<strong>en</strong>t un taxi, et s’<strong>en</strong>gouffre dans l’habitacle de cuir.<br />

Un homme aux yeux grossiers, et à la moustache ét<strong>en</strong>due lui demande <strong>sa</strong> direction.<br />

« A la pharmacie la plus lointaine, mais pas trop… ».<br />

Elle ne veut pas <strong>se</strong> montrer, et désire aller loin pour ne pas <strong>se</strong> faire reconnaître. Si<br />

jamais elle r<strong>en</strong>contrait quelqu’un qui connais<strong>sa</strong>it son mari, ce quelqu’un irait lui dire<br />

qu’il l’avait vu acheter une boîte de somnifère… il lui po<strong>se</strong>rait des qu<strong>est</strong>ions, elle <strong>se</strong><br />

ferait tabas<strong>se</strong>r <strong>en</strong>core, il fouillerait son <strong>sa</strong>c, et la tuerait… C’<strong>est</strong> le récit de son<br />

histoire.<br />

Cette adrénaline la parcoure mais elle <strong>sa</strong>it ardemm<strong>en</strong>t qu’ils vont échouer. Que quoi<br />

qu’il arrive, il les retrouvera toujours. Certainem<strong>en</strong>t pas physiquem<strong>en</strong>t, mais<br />

psychologiquem<strong>en</strong>t. Il les hantera par son simple esprit.<br />

La cour<strong>se</strong> dure quinze minutes, et coûte une tr<strong>en</strong>taine d’euros. Elle demande<br />

au taxi de l’att<strong>en</strong>dre. Il hoche la tête, comme agacé.<br />

Jeanne court, et r<strong>en</strong>tre dans la pharmacie faiblem<strong>en</strong>t remplie. Elle recouvre son<br />

<strong>vi<strong>sa</strong>ge</strong> d’une écharpe de toile orangée. Elle ne voit personne susceptible de<br />

connaître. Elle <strong>est</strong> légèrem<strong>en</strong>t soulagée, mais son cœur bat à tout rompre, il bat si<br />

int<strong>en</strong>sém<strong>en</strong>t qu’elle doit <strong>se</strong> contrôler pour n’éveiller aucune att<strong>en</strong>tion.<br />

La queue <strong>est</strong> courte, brève. Elle s’avance vers le comptoir, une femme blonde aux<br />

épais sourcils, aux lèvres bousillées, et au teint farouche, lui demande<br />

nonchalamm<strong>en</strong>t <strong>sa</strong> commande. Jeanne œuvre pour donner un son différ<strong>en</strong>t de <strong>sa</strong><br />

voix, mais n’y parvi<strong>en</strong>t très peu. La femme hoche la tête, irritée de ne <strong>se</strong>rvir qu’une<br />

pauvre cli<strong>en</strong>te demandant des somnifères. En réalité elle s’<strong>en</strong>nuie à mourir, et un<br />

peu d’adrénaline ne lui ferait pas de mal.<br />

« Votre carte vitale », demande la pharmaci<strong>en</strong>ne à forte poitrine.<br />

Jeanne exécute. Elle ouvre son <strong>sa</strong>c, sort <strong>sa</strong> carte, et la t<strong>en</strong>d à la jeune femme.<br />

Celle-ci l’insère dans le boîtier, et ouvre les yeux d’étonnem<strong>en</strong>t. Un cri de stupeur<br />

sort de <strong>se</strong>s cordes vocales. Elle a le regard perdu, et effrayé. Elle <strong>se</strong> retourne et <strong>se</strong><br />

dirige vers le couloir derrière le comptoir.


Jeanne <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d des cris de paniques. Tout le monde s’affère vers la caissière<br />

évanouie. Une audi<strong>en</strong>ce de murmure s’élève dans le long couloir terni par l’âge.<br />

Une femme brune <strong>en</strong> blou<strong>se</strong>, parle à une rous<strong>se</strong> gigantesquem<strong>en</strong>t grande.<br />

« - Elle m’a dit, que la femme de son ex, qui la battait, v<strong>en</strong>ait de lui pas<strong>se</strong>r<br />

commande. Elle a eut peur qu’elle vi<strong>en</strong>ne <strong>se</strong> v<strong>en</strong>ger, et toute la viol<strong>en</strong>ce subite <strong>est</strong><br />

ressortie, automatiquem<strong>en</strong>t.<br />

- En même temps, elle couche avec n’importe qui, alors elle n’a qu’à s’<strong>en</strong> pr<strong>en</strong>dre à<br />

elle-même.<br />

- Hum, <strong>en</strong> plus <strong>sa</strong> blondeur <strong>est</strong> atroce… ».<br />

Blabla. Blabla. Blabla.<br />

A quoi cela <strong>se</strong>rt que les g<strong>en</strong>s parl<strong>en</strong>t si ce n’<strong>est</strong> que pour dire des absurdités ?<br />

Jeanne compr<strong>en</strong>d la réaction de la jeune fille. Elle pique la boîte de somnifère<br />

sur le comptoir, pr<strong>en</strong>d <strong>sa</strong> carte et file discrètem<strong>en</strong>t.<br />

Elle a la haine qui monte <strong>en</strong> elle, pour s’évanouir dans <strong>se</strong>s larmes. Elle dét<strong>est</strong>e son<br />

mari, elle le hait, mais cela lui fait terriblem<strong>en</strong>t mal qu’il a pu la tromper. Elle a<br />

toujours été fidèle malgré son comportem<strong>en</strong>t, elle a toujours fait ce qu’il désirait, elle<br />

a toujours voulu son bonheur, et <strong>sa</strong> compassion. Jamais, elle ne voulait lui cau<strong>se</strong>r de<br />

tords, et <strong>en</strong>core moins une souffrance quelconque. Il la fait souffrir, il mourra…<br />

Sur cette fatale et téméraire décision, elle <strong>en</strong>tre dans le taxi, et r<strong>en</strong>tre chez<br />

elle, le cœur tambourinant, la peau moite, les <strong>se</strong>ns dé<strong>sa</strong>ctivés, l’esprit <strong>en</strong>gourdi. Elle<br />

n’a plus de raison…<br />

Dans les couloirs sombres et ternes, où emp<strong>est</strong>e une odeur d’urine animale,<br />

Jeanne r<strong>en</strong>contre son fils, un éternel <strong>en</strong>fant qui devi<strong>en</strong>t homme. Il a les épaules<br />

voûtées. Le chagrin pè<strong>se</strong> férocem<strong>en</strong>t sur son corps docile, et fragile. Il a le teint<br />

jaunit, voire pâle. Elle ne le reconnaît plus ou pas.<br />

Elle reti<strong>en</strong>t <strong>se</strong>s larmes devant le dé<strong>sa</strong>rroi de son fils, la chair de <strong>sa</strong> chair, le <strong>sa</strong>ng de<br />

son <strong>sa</strong>ng.<br />

La t<strong>en</strong>dre mère, le pr<strong>en</strong>d dans <strong>se</strong>s bras. Il éclate <strong>en</strong> <strong>sa</strong>nglot. Et chaque son étriqué<br />

lui trou irrémédiablem<strong>en</strong>t le cœur. Des larmes <strong>se</strong> délect<strong>en</strong>t de <strong>se</strong>s yeux arrondis par<br />

la haine.<br />

Elle <strong>se</strong> détache de son <strong>en</strong>fant, et aperçoit le <strong>vi<strong>sa</strong>ge</strong> maculé de blessure. Elle <strong>est</strong><br />

horrifiée, et pire <strong>en</strong>core elle a la haine.<br />

<strong>Son</strong> cœur bat, bat, bat, bat, bat, bat, bat, bat …<br />

« - <strong>Maël</strong>, que s’<strong>est</strong>-il passé ? ».<br />

Le garçon éclate <strong>en</strong> <strong>sa</strong>nglots, et <strong>se</strong> conti<strong>en</strong>t de ne plus <strong>se</strong> dévoiler. Elle <strong>en</strong>cercle son<br />

<strong>vi<strong>sa</strong>ge</strong> angélique de <strong>se</strong>s douces mains de maman.<br />

Elle lui dit de <strong>sa</strong> voix t<strong>en</strong>dre et mielleu<strong>se</strong>, qu’il peut, et qu’il doit tout lui dire. Qu’il lui<br />

<strong>est</strong> interdit d’avoir honte !<br />

Il s’essuie le nez, respire, souffle, sèche <strong>se</strong>s affreu<strong>se</strong>s larmes, et comm<strong>en</strong>ce :<br />

« Je suis Gay, j’aime les hommes. Depuis toujours, tout petit. Ca ne <strong>se</strong> voit pas, je le<br />

<strong>sa</strong>is, je ne le porte pas sur mon dos, mais j’aime les hommes. Bi<strong>en</strong> que ce soit un<br />

sujet tabou, je n’ai pas peur de le dire, et <strong>en</strong>core moins de l’affirmer. Je pourrai le<br />

crier, j’aime les hommes, oui j’aime leur corps t<strong>en</strong>dre et athlétique, j’aime leur cheveu<br />

court. J’aime les hommes Maman, mais pas les hommes, mais un homme. Et cet<br />

homme, cet adolesc<strong>en</strong>t, cet <strong>en</strong>fant, ce garçon, Pablo, m’aime aussi, mais … mais<br />

tout <strong>est</strong> compliqué. Nous sommes si différ<strong>en</strong>ts, et pourtant très amoureux. Je me suis<br />

battu, pas avec lui, pas avec un autre, un garçon comme ça au ha<strong>sa</strong>rd dans la rue.<br />

Je me suis battu contre moi-même. Je me suis tapé la tête contre le mur, contre le<br />

trottoir, tu <strong>sa</strong>is pourquoi ? Seulem<strong>en</strong>t pour m’affliger la peine physique que je lui fais


subir psychologiquem<strong>en</strong>t. Et tout ça, tout ce malheur, à cau<strong>se</strong> d’un certain homme, et<br />

on <strong>en</strong> n’a jamais parlé, jamais, à part hier soir, et depuis tout tourne dans mon esprit.<br />

Tout tourne, parce qu’<strong>en</strong>fin je vais pouvoir me v<strong>en</strong>ger, <strong>en</strong>fin, je vais pouvoir le faire<br />

souffrir, mais le pire, le pire, c’<strong>est</strong> ce que ça me boulever<strong>se</strong> tellem<strong>en</strong>t, que j’ai <strong>en</strong>vi de<br />

lui dire, j’ai <strong>en</strong>vi de lui montrer de quoi je suis capable. Que le fils qu’il n’a pas aimé,<br />

<strong>est</strong> fort, et tal<strong>en</strong>tueux, tel qu’il mourra de <strong>se</strong>s mains. Je me v<strong>en</strong>gerai, je me v<strong>en</strong>gerai<br />

de ma d<strong>est</strong>ruction qu’il amorce tous les jours, je me v<strong>en</strong>gerai de <strong>se</strong>s actes et de <strong>se</strong>s<br />

mots péremptoires. Je me v<strong>en</strong>gerai de son <strong>vi<strong>sa</strong>ge</strong> démoniaque, et de son sourire<br />

narquois, je me v<strong>en</strong>gerai de lui, ce barbare, je me v<strong>en</strong>gerai parce qu’il le faut.<br />

Maman, je t’aime, tu le <strong>sa</strong>is ça ? Oui, tu le <strong>sa</strong>is, alors ne p<strong>en</strong><strong>se</strong> pas avec l’amour que<br />

tu éprouves pour lui, parce que je <strong>sa</strong>is que tu l’aimes, mais p<strong>en</strong><strong>se</strong> avec l’amour que<br />

tu éprouves pour moi, et la haine qu’il t’<strong>en</strong>voi. Tu <strong>sa</strong>is que j’ai raison, et que c’<strong>est</strong> la<br />

meilleure solution. Les scélérats ne mérit<strong>en</strong>t que le cachot. ».<br />

Sur ces derniers mots courtois, qui tomb<strong>en</strong>t tel une rédemption l’adolesc<strong>en</strong>t s’<strong>en</strong> va<br />

le dos redressé, le regard droit et fier, le cœur allégé, l’amour égayé. Il sort et <strong>se</strong> met<br />

à courir.<br />

Tandis que, la mère perturbée par <strong>se</strong>s propos quasi similaires s’assoit sur une<br />

marche noircie. Elle <strong>pleure</strong>, <strong>sa</strong>ns bruit, non de haine, non de viol<strong>en</strong>ce, non de<br />

tristes<strong>se</strong>. Mais de soulagem<strong>en</strong>t. Comme un poids qui <strong>se</strong> dél<strong>est</strong>e d’elle-même, elle<br />

soupire. Cep<strong>en</strong>dant, elle ne veut guère lais<strong>se</strong>r son fils <strong>en</strong>courir les risques après la<br />

mort préméditée de son mari, malgré leur <strong>se</strong>ntim<strong>en</strong>t similaire, et presque<br />

complém<strong>en</strong>taire.<br />

Elle <strong>se</strong> <strong>se</strong>nt moins lourde, parce qu’elle partage le poids du chagrin que supportait<br />

son fils, et qu’elle-même <strong>en</strong>richis<strong>sa</strong>it, et sout<strong>en</strong>ait.<br />

Elle éprouve les mêmes <strong>en</strong>vies que <strong>sa</strong> moitié, ri<strong>en</strong> que cela, ri<strong>en</strong> que cette idée lui<br />

donne des ailes. Oui, elle <strong>se</strong> <strong>se</strong>nt poussée des ailes.<br />

Et plus ri<strong>en</strong> ne l’arrêtera, plus ri<strong>en</strong> ne peut l’arrêter, déjà elle <strong>se</strong>nt la gloire<br />

s’ag<strong>en</strong>ouiller devant elle.<br />

Elle <strong>se</strong> relève apaisée, et gravit une quinzaine de marche la dirigeant vers son<br />

fléau. Elle retrouve le sourire, la bonté du cœur et du corps.<br />

Elle <strong>en</strong>tre dans l’appartem<strong>en</strong>t sombre, et laid. Elle po<strong>se</strong> <strong>se</strong>s cour<strong>se</strong>s sur la table de la<br />

cuisine, et contemple avec haine son mari assit confortablem<strong>en</strong>t sur leur canapé de<br />

cuir p<strong>en</strong>dant que <strong>sa</strong> famille prémédite <strong>sa</strong> fin.<br />

Elle lui dit bonsoir, pour paraître. Mais il ne répond pas. Il r<strong>est</strong>e muet devant <strong>se</strong>s<br />

maux, <strong>se</strong>ul, ce qui l’intéres<strong>se</strong> son programme télévi<strong>se</strong>r. Une série stupide, retraçant<br />

la vie stupide de g<strong>en</strong>s stupides.<br />

Elle s’approche de lui, et lui fait remarquer qu’elle n’a pas trouvé son pack de bière<br />

préféré, inv<strong>en</strong>tant un prétexte.<br />

Elle s’embourbe dans son m<strong>en</strong>songe et met <strong>en</strong> péril leur plan, mais son mari ne<br />

daigne ni répondre, ni écouter. Quelle grâce qu’il soit stupide !<br />

La sonnerie ret<strong>en</strong>te. Jeanne sur<strong>sa</strong>ute. Cela doit être son fils.<br />

Elle court vite à la porte d’<strong>en</strong>trée, <strong>en</strong>cl<strong>en</strong>che les verrous. Et tombe nez à nez avec la<br />

blonde de la pharmacie.<br />

Elle a le teint pâle, jaunie, fatigué. Elle paraît cinquante ans, alors qu’elle <strong>en</strong> demeure<br />

bi<strong>en</strong> moins.<br />

<strong>Son</strong> corps <strong>est</strong> faible, <strong>sa</strong> peau fripée, <strong>se</strong>s yeux… <strong>se</strong>s yeux emprunts d’une haine,<br />

d’une viol<strong>en</strong>ce, féroce et terrible.


Jeanne, attristée devant la vue de cette femme que son mari a détruite, siffle de<br />

rage. Elle a la rage. Contre son mari, et contre la femme qui vi<strong>en</strong>t mettre son projet<br />

<strong>en</strong> péril.<br />

Elle referme discrètem<strong>en</strong>t la porte, <strong>en</strong> pr<strong>en</strong>ant les précautions de parler doucem<strong>en</strong>t.<br />

Jeanne regarde la maîtres<strong>se</strong> de son mari, indignée par la pré<strong>se</strong>nce de celle-ci. Elle<br />

n’accepte pas ce comportem<strong>en</strong>t, mais <strong>en</strong> la voyant affalée de fatigue, elle pr<strong>en</strong>d sur<br />

elle. Ses nerfs peuv<strong>en</strong>t lui jouer des tours, mais elle ti<strong>en</strong>dra pour pré<strong>se</strong>rver son<br />

<strong>se</strong>cret.<br />

Elle att<strong>en</strong>d que celle-ci parle, mais <strong>se</strong>ules des larmes coul<strong>en</strong>t de <strong>se</strong>s yeux. Jeanne<br />

pr<strong>en</strong>d son souffle, et <strong>se</strong> lance :<br />

« - Je <strong>sa</strong>is qui vous êtes.<br />

- Je <strong>sa</strong>is, <strong>en</strong>fin je m’<strong>en</strong> doute. Mais, madame, je <strong>sa</strong>is que ma v<strong>en</strong>ue chez vous <strong>est</strong><br />

… mal accueillie…<br />

- Mal accueilli ? ! Je suis indignée, voilà tout. Je suis indignée <strong>en</strong> vers mon mari qui<br />

me trompait p<strong>en</strong>dant que je lui préparais un bon petit plat. Je suis indignée parce<br />

que vous o<strong>se</strong>z v<strong>en</strong>ir chez nous, après le mal que vous me faîtes, je suis indignée<br />

parce que, je vais dire quoi à mon <strong>en</strong>fant, quand il me demandera qui vous<br />

êtes ? ».<br />

Jeanne cache les appar<strong>en</strong>ces, elle fait croire à la belle vie, et à l’amour au <strong>se</strong>in de <strong>sa</strong><br />

famille.<br />

« - Vous aimez votre mari ? », demande la jeune fille d’un air surpris.<br />

« - Bah bi<strong>en</strong> sûr !<br />

- Même s’il vous maltraite ? »<br />

La femme détruite, détruit l’autre femme anéantie.<br />

Jeanne explo<strong>se</strong>, son chagrin sort, il s’évacue. Que cela lui fait du bi<strong>en</strong> ! Elle aimerait<br />

ne pas <strong>pleure</strong>r dans ce couloir sombre, proche de son mari, dans les bras de <strong>sa</strong><br />

maîtres<strong>se</strong>, mais il <strong>est</strong> impossible de tout cont<strong>en</strong>ir.<br />

<strong>Son</strong> chagrin s’évanouie dans <strong>se</strong>s larmes, et cela lui procure une telle <strong>se</strong>n<strong>sa</strong>tion,<br />

qu’elle ne peut s’<strong>en</strong> pas<strong>se</strong>r.<br />

« - Je peux vous aider. Je vous assure, je peux vous trouver de l’arg<strong>en</strong>t ou même,<br />

vous trouvez un logis. Ne r<strong>est</strong>ez pas avec lui, il vous tuera. », Chuchota t<strong>en</strong>drem<strong>en</strong>t<br />

la blonde.<br />

Jeanne, lui souffle à l’oreille de partir, elle lui donne r<strong>en</strong>dez-vous demain à quatorze<br />

heures à la mairie. Ainsi, elles pourront discuter.<br />

La femme aux aguets, <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d les pas de son mari. Elle pous<strong>se</strong> violemm<strong>en</strong>t la<br />

femme, l’obligeant à <strong>se</strong> rattraper à la rambarde pour ne pas glis<strong>se</strong>r dans les<br />

escaliers. Elle lui dit de partir, elles <strong>se</strong> retrouveront le l<strong>en</strong>demain.<br />

Jeanne ne sèche pas <strong>se</strong>s larmes, et va feindre la comédie.<br />

Le vieil ours ouvre la porte, r<strong>en</strong>ifle, et lui demande qui s’était.<br />

Jeanne lui répond qu’un notaire <strong>est</strong> v<strong>en</strong>u lui annoncer la mort de <strong>sa</strong> tante. Elle feint<br />

de <strong>sa</strong>ngloter, riant <strong>en</strong> réalité.<br />

Il <strong>est</strong> si bête, si stupide, qu’il croit tout ce qu’on lui dit.<br />

« Va, préparer à manger, puis c’<strong>est</strong> bi<strong>en</strong> que tu <strong>pleure</strong>s, tu pis<strong>se</strong>ras moins, la note<br />

d’eau bais<strong>se</strong>ra. Bon dieu qu’<strong>est</strong>-ce que tu utili<strong>se</strong>s de l’eau quand tu chies ! ».<br />

Elle <strong>se</strong> retourne vers lui, hésitant à lui crier dessus, à l’insulter, mais <strong>en</strong>core une fois,<br />

elle contrôle <strong>se</strong>s nerfs, et acquiesce d’un hochem<strong>en</strong>t de la tête, trop prononcé, pour<br />

n’être qu’un simple oui.<br />

Elle <strong>en</strong>tre dans la <strong>se</strong>ule pièce qui n’<strong>est</strong> presque pas marqué de la pré<strong>se</strong>nce de<br />

son mari ; la cuisine. Elle comm<strong>en</strong>ce à préparer à manger, méditant l’av<strong>en</strong>ir qui allait<br />

leur être ré<strong>se</strong>rvé, à elle, et son <strong>en</strong>fant.


<strong>Maël</strong> <strong>est</strong> essoufflé. Des gouttes de sueur perl<strong>en</strong>t sur son front. <strong>Son</strong> corps<br />

révul<strong>se</strong>, tous<strong>se</strong>. Il <strong>est</strong> fatigué, et trouve refuge sur un banc <strong>en</strong> bois. Le garçon es<strong>sa</strong>ye<br />

tant bi<strong>en</strong> que mal de p<strong>en</strong><strong>se</strong>r à autre cho<strong>se</strong> qu’à Pablo. Mais il lui <strong>est</strong> impossible de le<br />

rayer définitivem<strong>en</strong>t de son esprit. Il conjure le ciel de le lais<strong>se</strong>r retrouver son amour,<br />

mais une parole <strong>est</strong> une parole.<br />

Il souffre comme le feu le consume. Il souffre d’aimer aussi puis<strong>sa</strong>mm<strong>en</strong>t.<br />

Il sort une cigarette et « tire une barre »,. Il <strong>se</strong> dét<strong>en</strong>d peu à peu. Lais<strong>sa</strong>nt, sur<br />

son <strong>vi<strong>sa</strong>ge</strong> des larmes coulées, au lieu de la haine qui s’év<strong>en</strong>tre dans <strong>se</strong>s traits. Il<br />

rejette la fumée.<br />

Il a mal au cœur, mais il ne compr<strong>en</strong>d pas la douleur, elle lui <strong>est</strong> insupportable.<br />

Il ferme les yeux, et s’imagine avec Pablo, main dans la main sous un arbre,<br />

dans une clairière totalem<strong>en</strong>t somptueu<strong>se</strong>, mélange de parfum, et de couleur.<br />

Une main <strong>se</strong> po<strong>se</strong> sur la si<strong>en</strong>ne. Il <strong>se</strong>nt <strong>sa</strong> chaleur comme si c’était la réalité. Il sourit,<br />

toujours les yeux fermés. Puis, il <strong>est</strong> <strong>se</strong>coué, un claquem<strong>en</strong>t lui torture la joue. Il n’y a<br />

pourtant pas de v<strong>en</strong>t dans son songe.<br />

Il ouvre les yeux.<br />

Il aperçoit du coin de l’œil, madame Théodora.<br />

<strong>Son</strong> <strong>vi<strong>sa</strong>ge</strong> rayonne, tel un astre dans le ciel. Ses yeux bruns ont cette forme tant<br />

convoitée qui fait de leur dim<strong>en</strong>sion une infinie de beauté. <strong>Son</strong> nez légèrem<strong>en</strong>t aplati<br />

sur le dessus, trône tel un maître, sur <strong>se</strong>s fines lèvres <strong>en</strong>glouties de rouge à lèvre de<br />

couleur rouge. Ses cheveux châtains s’agglutin<strong>en</strong>t <strong>se</strong>nsuellem<strong>en</strong>t dans son cou.<br />

S’il n’aimait pas les hommes, <strong>Maël</strong> <strong>se</strong>rait volontiers tomber amoureux d’elle.<br />

La jeune femme, regarde l’adolesc<strong>en</strong>t meurtri avec att<strong>en</strong>tion. De son ton<br />

maternel, dépourvu de sévérité, et emprunt de douceur, elle lui dit :<br />

« - Excu<strong>se</strong>-moi <strong>Maël</strong>, pour ma réaction, et mes idées absurdes de tout à l’heure. Je<br />

vais me confier à toi, mais surtout ne le dis à personne.<br />

- A qui voudrez-vous que je le di<strong>se</strong> ?<br />

- Je l’ignore.<br />

- Qu’avez-vous à me confier, madame Théodora ?<br />

- Appelle-moi Juliette, <strong>en</strong> privé s’il te plaît.<br />

- Bi<strong>en</strong>, Juliette.<br />

- En fait, cela va te paraître bizarre, mais tu me rappelles mon frère, physiquem<strong>en</strong>t,<br />

tant que psychologiquem<strong>en</strong>t. La même beauté, le même regard médusé, la<br />

même convoiti<strong>se</strong> des mathématiques, le même état d’esprit. Il était comme toi.<br />

- Que lui <strong>est</strong>-il arrivé ?<br />

- Il a disparu. On ne <strong>sa</strong>it pas s’il a été kidnappé ou alors s’il a fugué, mais voilà<br />

<strong>se</strong>ize ans qu’il a disparu.<br />

- C’<strong>est</strong> triste…<br />

- Oui, mais ça ne me ferait moins mal, s’il n’avait pas disparu le jour de ta<br />

nais<strong>sa</strong>nce, et s’il te res<strong>se</strong>mblait moins.<br />

- Vous êtes <strong>en</strong> train de dire que je suis la réincarnation de votre frère ?<br />

- Non, non, absolum<strong>en</strong>t pas. Je suis <strong>en</strong> train de t’expliquer ce pourquoi je t’attache<br />

tant d’importance…<br />

- Cela me rassure. ».<br />

Le garçon regarde Juliette, maint<strong>en</strong>ant d’un air <strong>en</strong>fantin. Ses yeux s’emplis<strong>se</strong>nt de<br />

larmes pour ne lais<strong>se</strong>r que leur reflet paraître.<br />

« - Ca ne va pas ? Tu peux me le dire. J’<strong>en</strong> ai besoin. Je vis tous les jours,<br />

constamm<strong>en</strong>t dans l’espoir de le retrouver. Parle-moi, parce qu’<strong>en</strong> tant que David, et<br />

<strong>en</strong> tant que <strong>Maël</strong>, j’ai besoin de t’aider. ».


<strong>Maël</strong> ne <strong>sa</strong>it que dire. Il montre <strong>se</strong>ulem<strong>en</strong>t son <strong>vi<strong>sa</strong>ge</strong> maculé, <strong>se</strong>s multiples<br />

cicatri<strong>se</strong>s, <strong>se</strong>s chaussures bousillées.<br />

« Tu t’es battu ? ». Il tourne la tête de droite à gauche pour dire non.<br />

« Tu t’es mutilé ? ». Il exécute le même g<strong>est</strong>e, dans une l<strong>en</strong>teur abominable.<br />

« On te bat ? », Hésite un instant Juliette, avant de le dire haut et fort. <strong>Maël</strong> ne<br />

répond pas. Il ferme les yeux.<br />

Juliette a compris.<br />

« Qui ta mère ? ». <strong>Maël</strong> sourit, et dit non de la tête.<br />

« Ton père, alors ? ». L’adolesc<strong>en</strong>t éclate <strong>en</strong> <strong>sa</strong>nglot.<br />

Juliette ne <strong>sa</strong>it pas quoi faire, et <strong>en</strong>core moins dire. Doit-elle le pr<strong>en</strong>dre dans <strong>se</strong>s<br />

bras ? C’<strong>est</strong> un garçon il réagira mal.<br />

Elle po<strong>se</strong> <strong>sa</strong> main droite sur son épaule gauche et la cares<strong>se</strong> t<strong>en</strong>drem<strong>en</strong>t.<br />

« Je vais <strong>en</strong> parler au directeur ! ». Annonce-t-elle démunie par le chagrin du garçon<br />

<strong>se</strong>mblable à son frère.<br />

« - Non, non, je ne veux pas, non, Juliette, ne faîtes pas ça. Je vous ai parlé <strong>en</strong> tant<br />

que Juliette, pas <strong>en</strong> tant que Madame Théodora. Je vous l’interdis, je nierai. Ne dîtes<br />

ri<strong>en</strong> ! ». Débite <strong>Maël</strong> le souffle court.<br />

« Bi<strong>en</strong>, bi<strong>en</strong>, promis. ».<br />

Juliette bai<strong>se</strong> le front de l’<strong>en</strong>fant, lui donne r<strong>en</strong>dez-vous demain à la même heure, et<br />

s’<strong>en</strong> va.<br />

Elle ne veut guère lui montrer <strong>sa</strong> faibles<strong>se</strong> qui l’a tue chaque jour. Il lui <strong>est</strong><br />

insupportable de contempler un instant de plus son « frère ».<br />

Le jeune garçon ou pourrais-je dire le jeune homme ( ?) gravit les marches<br />

taciturne qui font tournoyer son monde. La noirceur des murs lui rappelle le côté<br />

sombre de son cœur. Chaque jour, p<strong>en</strong>dant cette longue <strong>se</strong>maine, il es<strong>sa</strong>iera de<br />

s’<strong>en</strong>durcir ou plutôt d’<strong>en</strong>durcir ce fameux côté sombre, afin de faire de la fin de la vie<br />

de son père ; un <strong>en</strong>fer.<br />

Il pous<strong>se</strong> la porte d’<strong>en</strong>trée, lance un « c’<strong>est</strong> moi » monotone, et file dans <strong>sa</strong><br />

chambre. Il jette sur son vieux lit <strong>sa</strong> v<strong>est</strong>e de tweed, pr<strong>en</strong>ds <strong>sa</strong> guitare <strong>en</strong> bois clair.<br />

Et gratte doucem<strong>en</strong>t les cordes qui vibr<strong>en</strong>t au toucher de <strong>se</strong>s doigts. Déjà il <strong>se</strong>nt son<br />

corps convul<strong>se</strong>r, son malheur <strong>se</strong> répandre dans l’atmosphère. Il <strong>se</strong> lance dans un<br />

son <strong>en</strong>diablé, tuant chaque parcelle de son mal, l’accablant de coups et de tords. Il<br />

sue, <strong>se</strong>s doigts gratt<strong>en</strong>t, son corps bouge. Il <strong>se</strong> libère d’un fardeau. La musique<br />

l’évacue. Sa musique, ri<strong>en</strong> qu’à lui. L’espace d’un instant il <strong>se</strong> l’approprie, comme un<br />

<strong>en</strong>fant capricieux. C’<strong>est</strong> un <strong>en</strong>fant quand il joue de la musique, plus ri<strong>en</strong> ne peut<br />

l’arrêter, son unique jouet. Il <strong>se</strong> <strong>se</strong>rt de son instrum<strong>en</strong>t pour retourner <strong>se</strong>s émotions<br />

<strong>en</strong> deux, pour les extraire, les purifier, et <strong>se</strong> les injecter une nouvelle fois. Oui, il <strong>se</strong><br />

purifie, comme un chréti<strong>en</strong> avec l’eau <strong>sa</strong>inte.<br />

<strong>Son</strong> corps s’anime, le pouls de la guitare fait trembler <strong>sa</strong> poitrine. Il a des spasmes, il<br />

a des spasmes de bonheur. Il <strong>pleure</strong> tant le son <strong>est</strong> bon, il <strong>pleure</strong> tant la vie lui a<br />

donné un cadeau merveilleux.<br />

Il gratte une dernière fois les cordes, qui <strong>se</strong> défont sous <strong>se</strong>s doigts de maître.<br />

Il tombe sur son lit, <strong>en</strong> sueur, le cœur chantant, l’esprit défaillant.<br />

Il ferme les yeux.<br />

Il les réouvre parce que <strong>sa</strong> porte a été <strong>en</strong>foncée. <strong>Son</strong> père aux traits colérique,<br />

lui pr<strong>en</strong>d <strong>sa</strong> guitare et la jette dans tous les <strong>se</strong>ns, <strong>hurlant</strong>, criant, vociférant. Derrière,<br />

<strong>sa</strong> mère <strong>pleure</strong>, crie, hurle.


Elle <strong>se</strong> ti<strong>en</strong>t au coude de son mari, es<strong>sa</strong>yant de l’empêcher de taper son fils. Il la<br />

rejette violemm<strong>en</strong>t, elle s’écra<strong>se</strong> tel un moustique sur la porte de bois. Le bruit qui<br />

résonne ne suffit pas au bourreau d’arrêter.<br />

<strong>Maël</strong> s’<strong>est</strong> levé <strong>en</strong>tre temps, et s’<strong>est</strong> réfugié derrière son lit. <strong>Son</strong> père le contourne, et<br />

le frappe violemm<strong>en</strong>t au <strong>vi<strong>sa</strong>ge</strong>, le fai<strong>sa</strong>nt <strong>sa</strong>igner. L’<strong>en</strong>fant s’écroule sur le sol, et <strong>se</strong><br />

met à <strong>pleure</strong>r toutes les larmes de son corps.<br />

« Que je ne sois plus déranger p<strong>en</strong>dant que je regarde la télé, c’<strong>est</strong> clair ? Vauri<strong>en</strong>s<br />

qu’ils sont ! ». Il siffle de rage et retourne dans le <strong>sa</strong>lon.<br />

La mère <strong>se</strong> relève difficilem<strong>en</strong>t, ayant mal dans tout le corps. Elle va voir son fils.<br />

Jeanne contemple avec mal, les dégâts que son mari a causés à son fils. Elle <strong>est</strong><br />

emprunt à la viol<strong>en</strong>ce, mais elle <strong>se</strong> contrôle, ne pas explo<strong>se</strong>r. J-6.<br />

« - Mon cœur, mon cœur, je suis désolée, j’ai es<strong>sa</strong>yé de lui <strong>en</strong> dissuader. Ecoute-moi<br />

bi<strong>en</strong>, écoute-moi, non, non tu ne le tueras pas. Ecoute-moi <strong>Maël</strong>, j’ai r<strong>en</strong>contré une<br />

femme qui va nous aider, je l’ai r<strong>en</strong>contré aujourd’hui. Je la vois demain, elle va nous<br />

aider, elle va nous aider crois-moi. Non, ne <strong>pleure</strong> plus, chut, ne fais pas de bruit.<br />

C’<strong>est</strong> bi<strong>en</strong>tôt finit… chut, chut… ».

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