N° 268 - Portail de la Recherche et des Technologies en Wallonie

R ee c h ee r c h e e t dd é v e l oo p p e m ee n t t e c h n o l o g ii q u e
Le mag’ scientifique
www.athena.wallonie.be · Mensuel ne paraissant paraissant pas en juillet et août août · Bureau de dépôt Bruxelles Bruxelles X
268 ...
Février ... 2011 2010
L'ultime frontière:
expériences de mort
imminente
Pas de plan B pour les
espèces menacées !

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ATHENA 268 · Février 2011 > ÉDITO
Édito
À petits et grands feux...
Texte: Géraldine TRAN • Rédac’chef
En janvier dernier, le CRIOC rendait public son rapport 2010 sur la consommation de tabac. Quelques jours plus tard,
je lisais que la ville de New York interdisait la cigarette dans ses parcs, plages et autres lieux publics de plein air. Selon
Michael Bloomberg, maire valeureux, depuis l’abolition du tabac dans les restaurants et bars, les habitants vivraient
19 mois de plus en moyenne qu’en 2002 ! Ce n’est pas rien. Bien entendu, les fumeurs brandiront en moins de temps
qu’il ne faut pour le dire la carte de la liberté individuelle. Argument sur lequel tout le monde est d’accord, sauf que
comme le dit la Déclaration universelle des droits de l’Homme et du citoyen, la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres.
Car tout le monde n’a pas choisi de fumer. Ma liberté à moi, c’est d’essayer de vivre longtemps avec des poumons les plus sains
possible. Et à moins de rester cloîtrée chez moi, c’est peine perdue ! D’autres encore diront que dans ce cas, il faut aussi bannir les
voitures polluantes des villes et les substances chimiques de nos assiettes. Sauf que le secteur automobile fait sans cesse des progrès
considérables en la matière et que se déplacer reste une nécessité pour beaucoup.
Pareil pour la nourriture, libre à chacun de manger ce qu’il juge le mieux pour lui.
Erratum:
Dans le n° 267, dans l’encadré
page 39: il faut bien entendu lire
1 MeV = 10 6 électronvolts,
1 GeV = 10 9 électronvolts
et 1 TeV = 10 12 électronvolts
en lieu et place de 106, 109 et
1012. Toutes nos excuses...
Nulle volonté de ma part d’essayer d’en convaincre quelques-uns d’arrêter de fumer
(quoique), mais je tiens à préciser quelques chiffres: par an, 6 millions de morts du cancer
du poumon liées à la cigarette (= 2/3 de la Belgique), 600.000 morts dues au tabagisme
passif dont 165.000 enfants de moins de 5 ans (1); 18% des belges fument, soit
un belge sur quatre (2), 18.000 belges meurent chaque année du tabac (soit chaque
jour, le double des victimes de la catastrophe de Buizingen); en 2010, les ventes de
tabac ont augmenté de 8%, les jeunes belges de 15 à 29 ans fument 10% de plus que la
moyenne, etc. Bien sûr, il y a là-dessous des enjeux économiques mais...
Alors, la santé, c’est le bonheur ? Est-on obligé de mourir en bonne santé ? Pas
forcément, cela dépend de chacun. Mais chacun a l’obligation, en tant que citoyen
responsable, de vivre ses libertés sans empiéter sur celles des autres, et peu importe
de quoi il s’agit. Mais tout de même, chacun ses poumons ! Ma drogue à moi, c’est les
bonbons et je ne les lance pas dans la bouche des autres…
(1) Source: OMS (Organisation mondiale de la santé).
(2) Source: CRIOC (Centre de recherche et d’information des organisations de consommateurs).
ATHENA 268 · Février 2011
Tirée à 14 500 exemplaires, Athena est une revue
de vulgarisation scientifique du Service Public de Wallonie
éditée par le Département du Développement technologique
de la Direction générale opérationnelle Économie, Emploi
et Recherche (DGO6).
Place de la Wallonie 1, Bât. III - 5100 JAMBES
Elle est consultable en ligne sur http://athena.wallonie.be
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au 081/33.44.76
· par courriel à l’adresse
geraldine.tran@spw.wallonie.be

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Éditeur responsable
Michel CHARLIER,
Inspecteur général
Ligne directe: 081/33.45.01
michel.charlier@spw.wallonie.be
Rédactrice en chef
Géraldine TRAN
Ligne directe: 081/33.44.76
geraldine.tran@spw.wallonie.be
Graphiste
Nathalie BODART
Ligne directe: 081/33.44.91
nathalie.bodart@spw.wallonie.be
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Impression
Les Éditions européennes
Rue Thiefry, 82 à 1030 Bruxelles
ISSN 0772 - 4683
Collaborateurs
Jean-Michel Debry
Alain de Fooz
Paul Devuyst
Henri Dupuis
Philippe Lambert
Jean-Luc Léonard
Yaël Nazé
Théo Pirard
Jean-Claude Quintart
Christian Vanden Berghen
Dessinateurs
Olivier Saive
Vince
SOMMAIRE
Comité de rédaction
Laurent Antoine
Michel Charlier
Jean-Marie Cordewener
Actualités 04
Actualités
Échec à la grippe ? 10
Le Dossier
«Boyekoli Ebale*» 12
L’ADN de...
Anastassia Troupiotis - Tsaïlaki · Chimiste 16
Technologie
Livre numérique, lectures plus riches ! 18
Internet
11 situations, 11 solutions ! 22
Médecine
L’ultime frontière 26
Biologie 30
Santé
Apprivoiser les cicatrices du temps 34
Biodiversité
Pas de plan B pour les espèces menacées ! 38
Physique 42
Astronomie 44
Espace 46
Agenda 50
Couverture
Première
Crédit: Reporters / Photononstop
Quatrième
Ursus maritimus
Crédit: V. ABBOTT/Flick’r
SOMMAIRE
3

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ATHENA 268 · Février 2011 > ACTUALITÉS
Les feux
de la
flore
Texte: Jean-Claude QUINTART jc.quintart@skynet.be
«
Nous avons dans notre
organisme plus de bactéries
que de cellules. Cette
flore, notamment au
niveau du tube digestif,
colonisation de l’intestin tout en résistant
à l’acide de l’estomac et à l’action
de la bile ? Des questions délicates
dont les réponses étaient toujours
aléatoires mais auxquelles on peut
joue un rôle essentiel dans notre santé», désormais répondre grâce à la société
explique le docteur Jean-Pol Warzée, wallonne Vésale Pharma qui, avec son
de l’Institut Pasteur de Lille. Protéger partenaire allemand BRACE GmbH, a
cette richesse, faire la part entre bon- fait œuvre de pionnière en déposant
nes bactéries et bactéries pathogènes un brevet de portée mondiale sur la
est une notion récente, qui a le vent stabilisation des probiotiques, note
en poupe sous l’influence des probiotiques.
Les probiotiques sont des
Jean-Pol Warzée.
organismes vivants qui, administrés en Comme toujours, il fallait d’abord y
quantité adéquate, doivent apporter penser et ensuite, oser y aller ! Bap-
un plus à la santé. Si au début, leur quatisé Intelcaps®, «Le procédé s’appuie sur
lité laissait à désirer par rapport à leurs une technologie d’enrobage des pro-
allégations, aujourd’hui, le marché biotiques par une matrice stabilisante
est sous contrôle, notamment grâce à et nourrissante faite de micro-sphères.
l’European Food Safety Authority. Parallèlement, un enrobage, couche par
couche, les protège des influences exter-
En fait, la difficulté du maintien de nes et les stabilise à long terme. Ainsi
la qualité dans le temps réside en la armées, les micro capsules résistent aussi
fragilité des bactéries face aux agres- au taux d’acidité, permettant le passage
sions extérieures. Comment les pro- gastrique sans s’ouvrir, afin de délivrer
duire, les transporter et les stoker sans les probiotiques viables directement
en altérer la qualité ? Comment être dans l’intestin, leur organe cible», ajoute
certain que le produit sera libéré là où le docteur Thorsten Brandau de BRACE
il doit l’être et assumer sa mission de GmbH, à Alzeneau (Bavière).
D’où l’enthousiasme de Jehan Lienard,
président et fondateur de Vésale
Pharma, pour qui «Il est désormais
possible de manipuler les souches et
de les utiliser à l’instar d’un ingrédient
classique, sans perte de qualité». Et de
préciser: «Limité à la seule formulation
de poudres probiotiques lyophilisés,
notre procédé débouche sur une foule
de formulations: simples comprimés,
comprimés à croquer et même, à des
compositions associées à des substances
jusqu’ici mortelles pour les probiotiques
tels que les vitamines C ou les
minéraux comme le zinc, le citrate, etc.
Leur tenue à la chaleur et à l’humidité,
qui favorise leur conservation, ouvre
les portes de marchés jusqu’ici inaccessibles
comme les pays chauds d’Afrique
ou d’Amérique du Sud». Aussi, les plus
gros calibres de l’agroalimentaire et
des probiotiques sont-ils déjà intéressés
par les services du duo Vésale
Pharma/BRACE. Des géants du secteur
ont raté le train en laissant leurs
recherches confinées à l’univers de la
pharmacie, alors que Vésale Pharma
a osé se tourner vers un industriel,
spécialiste de l’encapsulation !
«Ce succès est celui d’un entrepreneur
qui, sans compétence initiale, a réussi
son projet en associant à sa vision un
entourage de qualité. Montrant que
les investis sements les plus lourds ne
sont pas toujours les plus productifs, ce
succès est aussi celui du “small is beautiful”,
à condition de choisir sa niche,
ses collaborateurs et partenaires. Enfin,
ce succès confirme une fois de plus les
compétences de la Wallonie en matière
de santé, qui occupe la troisième place
mondiale en terme de production par
tête d’habitant !», souligne avec satisfaction
Jean-Claude Marcourt, Viceprésident
et Ministre des Technologies
nouvelles du Gouvernement
wallon.
http://www.vesalepharma.be
et http://www.brace.de

Actus...
d’ici et d’ailleurs
Texte: Jean-Claude QUINTART • Photos: UCL(p.5), GREISCH (p.5), Techspace Aero (p.6), Iba (p.8)
NOUVELLES TECHNOLOGIES
Ils surfent
sur la vague
des ondes !
Les télécommunications sont partout
et forment un marché en
ébullition ! Pour que la Wallonie
y performe, l’Université catholique de
Louvain (UCL) a lancé une nouvelle
plate-forme baptisée Welcome, pour
Wallonia ELectronics and Communications
MEasurement. L’ambition ? Analyser,
tester et améliorer les nouvelles
technologies des télécommunications.
Tout un programme !
Fédérant en un seul lieu une centaine
de chercheurs issus de huit disciplines
différentes, doté d’une cinquantaine
d’outils technologiques, Welcome entend
favoriser l’interdisciplinarité, gagner du
temps dans les travaux, accentuer la
visibilité des chercheurs et prodiguer un
enseignement de qualité. «Ainsi armés,
nous pouvons conduire des recherches
de A à Z en matière de télécommunication.
De la création d’un circuit intégré
jusqu’à sa commercialisation en passant
par les mesures électroniques permettant
d’optimaliser son fonctionnement», explique
Isabelle Huynen, porte-parole.
Au quotidien, Welcome planche sur trois
domaines précis:
350 m² de surface de travail, 50 outils remarquables et
déjà plus de 1,5 million d’euros d’investissement
font de Welcome l’une des clés de voûte
de la recherche wallonne.
• Côté télécommunications, la plateforme
étudie notamment la propagation
des ondes gsm en vue de supprimer
les problèmes de réseau durant
les communications sans fil. «Nous analysons
la performance des ondes lors de
leur passage à travers divers matériaux
comme les murs de briques, les vitres, le
métal, les nano-composites ou en cas de
météo défavorable. Suivant les résultats,
nous tentons de renforcer ces ondes, via
des matériaux intelligents pour optimaliser
leur transmission et aboutir à
des communications limpides», note
Pascal Simon, manager technologique.
Qui précise: «Dans cette approche
d’amélioration du rapport signal/bruit,
nous essayons également de réduire la
consommation énergétique des émetteurs.
En améliorant la transmission des
ondes, nous minimisons leur puissance
d’émission, pour une plus grande autonomie
et un moindre échauffement».
• Au niveau biomédical, Welcome travaille
sur la mise au point de monitorings sans
fil en vue de suivre le patient à distance.
L’idée ici est de traiter des malades en
état de rester à domicile en leur évitant
aussi de faire des allers et retours
à l’hôpital. À ce sujet, Welcome a déjà
développé des capteurs de respiration
sans fil, offrant au patient une meilleure
capacité de mouvement.
• Enfin, dans le domaine spatial, la plateforme
participe à plusieurs projets portant
sur des capteurs de contrôle pour
engins spatiaux.
Des programmes de recherche et bien
d’autres encore qui en disent long sur les
intentions de l’UCL et dont les retombées
conforteront encore plus la Wallonie en
matière de télécommunications.
http://sites-test.uclouvain.be/welcome
Jean-Claude QUINTART · ACTUALITÉS
Greisch en Flandre
Géant de l’architecture, le
bureau Greisch (Liège) a été
retenu pour réaliser les études
du Vlaams Administratief Centrum de
Gent. Projet de l’atelier d’architecture
Poponcini & Lootens, cet ensemble de
quelque 40.000 m² comprendra une
tour de 22 étages et un immeuble bas
de 5 niveaux dégageant une portée de
48 m pour le passage des transports
en commun. «À cette complexité particulière
s’ajoute la recherche de principes
structurels limitant la descente de charges
sur les colonnes d’un parking existant»,
explique le bureau Greisch.
Titulaire de nombreux prix, crayon et
cerveau de bâtiments prestigieux et
d’ouvrages célèbres (dont le viaduc
de Millau), Greisch, avec le Vlaams
Administratief Centrum, gagne de
nouvelles lettres de noblesse dans la
ville des comtes de Flandre, celle qui
a vu naître un certain Victor Horta en
1861…
http://www.greisch.com
Le Vlaams Administratief Centrum
imaginé par le bureau Greisch
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ATHENA 268 · Février 2011 > ACTUALITÉS
15 millions d’euros pour
réduire les émissions de CO ²
du transport aérien,
tel est le nouveau challenge
de Techspace Aero.
Du vert dans le bleu
Après les programmes de réduction
d’émissions de CO ² destinés
à nos chères automobiles, c’est
maintenant au transport aérien d’aligner
ses projets. Même si les émissions totales
de CO ² de l’aviation civile ne comptent
que pour 2% dans les émissions
mondiales totales, les perspectives de
croissance du transport aérien, au cours
des vingt prochaines années, incitent à
la décision.
De la voiture à l’avion, le challenge est de
taille ! Soucieuse de maintenir son industrie
aérospatiale à la pointe du progrès,
la Wallonie prend à bras le corps ce problème.
Ainsi, Jean-Marc Nollet, Ministre
de la Recherche, vient d’octroyer à Techspace
Aero une subvention de 5,5 millions
d’euros en vue de développer des
moteurs plus verts.
Avec ce subside, le motoriste wallon,
qui investira quelque 15 millions d’euros
pour ses projets verts, développera des
compresseurs à basse pression plus effi-
caces, en réduisant la masse des moteurs
grâce à la mise au point de nouveaux
matériaux composites et à des simulations
numériques en aérodynamique et
en mécanique. L’ambition de Techspace
Aero est d’arriver à produire des pièces
de compresseurs 40% plus légères que
celles réalisées aujourd’hui en titane, soit
un gain de 30 kg par moteur. Sachant
qu’en aviation, chaque gramme gagné se
traduit immédiatement en économie de
carburant, on comprend l’engouement
de l’entreprise et du Ministre wallon de
la Recherche.
Techspace Aero, dont les origines
remontent à 1889 avec la création de
la Fabrique Nationale de Herstal (Liège),
compte actuellement 1.300 salariés dont
300 chercheurs. La firme wallonne, qui
développe et produit des modules, travaille
pour des géants de la motorisation
mondiale comme Pratt & Whitney, General
Electric, Snecma, etc.
http://www.techspace-aero.be
R & D
Ils persistent
et signent
Yves Leterme, Premier
Ministre du Gouvernement
fédéral et les Ministres
fédéraux Sabine Laruelle,
en charge de la Politique scientifique,
et Paul Magnette pour
le Climat et l’Énergie, ont signé
avec le Centre d’étude de l’énergie
nucléaire (SCK-CEN) et l’Institut
von Karman (VKI), un Memorandum
of understanding (MOU)
en vue de l’expérimentation
de techniques et composants
à utiliser sur le projet
MYRRHA. Pour rappel, MYRRHA
est une infrastructure unique au
monde développée pour les études
sur le traitement des déchets
nucléaires.
VKI réalisera dans ce cadre un
dispositif expérimental devant
simuler et valider les écoulements
du fluide colporteur du réacteur
de recherche MYRRHA. Il s’attèlera
également à la conception
des pompes de la boucle primaire
et collaborera encore à la réalisation
d’instruments de mesure et
d’un système de visualisation par
ultrasons des composants internes
du réacteur. Un boulot de
premier choix dont «Le défi vient
des conditions extrêmes dans lesquelles
le système doit opérer, à
savoir, dans un métal liquide et
soumis à des températures et des
radiations élevées», expliquent les
responsables du VKI.
Mondialement connu, l’Institut
von Karman est spécialisé en
dynamique des fluides. Avec une
centaine de personnes, il exécute
des études expérimentales et
numériques pour le secteur aérospatial.
Chaque année, il forme
aussi quelque 130 étudiants originaires
des différents pays de
l’Alliance atlantique. Il fête cette
année son 55 e anniversaire !
http://www.sckcen.be
et http://www.vki.ac.be

Cardio défi !
Rien de tel que de bons résultats
pour se requinquer le moral !
Surtout lorsque le programme
s’apparente à l’escalade de l’Éverest,
comme, par exemple, vouloir «retaper»
les cœurs malades ! Si nos mots sont
forts, ils traduisent pourtant parfaitement
ce que fait Cardio3 BioSciences
en programmant des cellules souches
d’un patient en cellules cardiaques
aptes à régénérer le cœur, après un
infarctus aigu du myocarde. Un défi
et un business en devenir grâce aux
résultats d’études précliniques montrant
une réduction de 70% de la taille
de l’infarctus !
Baptisé C3BS-GQR-1, le programme
initié par l’entreprise wallonne est une
solution cardiopoïétique conçue pour
traiter les patients atteints d’un infarctus
du myocarde, protéger le cœur,
induire la maturation des cellules souches
cardiaques et ainsi rétablir la force
de contraction du cœur diminuée par
les séquelles de l’infarctus. Ce développement
thérapeutique, mené en collaboration
avec les chercheurs de la Mayo
Clinic, diversifie la gamme de produits
régénératifs de Cardio3 BioSciences tout
en évitant le recours à l’injection de
cellules souches.
«Notre ambition est de traiter l’infarctus
du myocarde, au stade aigu, en protégeant
les tissus du cœur pendant la lésion
et en activant les cellules réparatrices présentes
dans le cœur du patient. Concrètement,
le programme C3BS-GQR-1 accroît
fortement le potentiel d’autoréparation
en augmentant la capacité régénérative
intrinsèque du cœur», note Christian
Homsy, directeur général.
On comprend d’emblée l’intérêt d’un
tel programme et la joie de ses acteurs
à la lecture d’une étude objective et
indépendante démontrant, par un
modèle d’infarctus du myocarde dans
un tissu animal comparable à l’homme,
que C3BS-GQR-1 réussit à protéger le
myocarde, à induire la mobilisation des
cellules souches cardiaques résidentes
et leur maturation en tissu fonctionnel.
Mesurée par résonance magnétique,
6 semaines après le traitement,
les résultats mettent en exergue une
réduction de 70% de la taille de la cicatrice
due à l’infarctus, une augmentation
de l’épaississement de la paroi du
cœur et de la force de contraction de la
paroi cardiaque. Qui plus est, des analyses
microscopiques ont validé l’effet du
cocktail cardiopoïétique sur la fonction
réparatrice des cellules souches cardiaques
endogènes.
Tout porte à croire que Cardio3 Bio-
Sciences est en train de gagner la partie,
avec les bénéfices que l’on imagine
pour les malades. En effet, «Si la réduction
de 70% de la taille de l’infarctus mise
en évidence dans cette étude préclinique
se confirme chez l’homme, elle révolutionnera
le traitement de l’infarctus du
myocarde au stade aigu. La perspective
de pouvoir augmenter de manière très
importante la fonction régénérative dans
le cœur blessé pourrait avoir un profond
retentissement sur l’avenir des patients»,
conclut Christian Homsy.
C3BS-GQR-1 sera développé en une
formule à libération prolongée, comme
produit autonome ou produit associé
à d’autres types de traitement comme
les stents (minuscules tubes métalliques
expansibles) coronaires libérant
des médicaments. Cardio3 BioScience
s’affirme donc aujourd’hui comme
le leader de la médecine cardiaque
régénérative.
http://www.c3bs.com
Jean-Claude QUINTART · ACTUALITÉS
Heureux Marc
Henneaux…
Qui, soutenu par le Conseil
européen de la recherche,
vient de décrocher un ERC
Advanced Grant pour son projet visant
à étudier plus en profondeur les symétries
de la gravitation et de la théorie
des cordes pour en approcher une
f ormation complète.
Attaché au Service de physique théorique
et mathématique de la Faculté
des sciences de l’Université libre de
Bruxelles (ULB), Marc Henneaux consacre
sa vie à la notion de symétrie.
«Pour le physicien, la matière s’exprime
en constituants élémentaires ou particules
élémentaires, interagissant entre
elles par les quatre forces fondamentales.
Si la théorie de la gravitation
quantique permet de comprendre la
physique des premiers instants suivant
le Big Bang ou des régions proches
du centre d’un trou noir, la théorie des
cordes offre, quant à elle, les meilleures
perspectives pour résoudre les défis
posés par la réconciliation de la gravitation,
de la mécanique quantique
et de l’unification des forces fondamentales»,
argumente avec passion
Marc Henneaux. «Des structures fascinantes
ont été mises en évidence dans
certains domaines de la gravitation.
Ces dernières proposent des symétries
en nombre infini décrites par des objets
mathématiques qui ne sont encore que
partiellement compris». Et que Marc
Henneaux veut comprendre et nous
expliquer ensuite…
http://www.ulb.ac.be
et http://erc.europa.eu
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ATHENA 268 · Février 2011 > ACTUALITÉS
Encore
et toujours IBA
Mais où s’arrêtera la wallonne Ion
Beam Applications ? Connue
pour inonder le monde avec
ses solutions de protonthérapie, la
société néo-louvaniste commence fort
cette année en annonçant la signature
d’un contrat avec la Clinique universitaire
Carl Gustav Carus de Dresde. Cette
nouvelle victoire commerciale est aussi
pour IBA l’occasion d’accrocher ici son
dixième contrat d’installation d’un centre
de thérapie par particules sur le vieux
continent.
Pièce maîtresse du réseau allemand de
santé, la Clinique universitaire Carl Gustav
Carus est avant tout un centre de recherche
à la pointe de l’art dont les développements
figurent parmi les plus avancés
en physique des particules et protonthérapie.
L’Université planche, par exemple,
sur de nouveaux dévelop pements de la
protonthérapie par le support de la technologie
de faisceau laser.
«D’où le besoin pour eux de compter sur
un accélérateur servant de standard de
référence afin de comparer leur nouveau
développement et donc à se tourner vers
nous et à retenir notre solution. Avoir été
sélectionnés par cette Clinique est un nouveau
sujet de fierté pour nous, sachant que
les deux institutions mettront en œuvre un
programme conjoint de Recherche et Développement
en vue de booster la protonthérapie.
Si c’est un honneur de participer à un
tel projet, nous sommes également ravis de
savoir que ce centre participera également
à rendre plus accessible la protonthérapie
à toujours plus de patients aux quatre
coins de l’Europe», note Pierre Mottet,
administrateur délégué d’IBA.
Déclarée meilleure radiothérapie dans
la lutte contre le cancer par l’excellente
diffusion de ses doses, la protonthérapie
a le vent en poupe. À ce jour, IBA a installé
24 centres cliniques de protonthérapie,
dont 11 traitent actuellement des
patients et 7 sont en phase de construction.
Avec ce résultat, la firme peut affir-
Coup d’crayon
Illustration : VINCE
1 e mondiale: un bébé est né d’une greffe d’ovaire entre sœurs non jumelles. Et ça s’est
passé aux cliniques Saint-Luc ! À la suite d’une maladie génétique, la mère de l’enfant
avait dû subir, en 1992, une chimio et une radiothérapie, ce qui avait provoqué une
ménopause prématurée de la jeune femme. Merci la science !
mer être à l’origine de plus de la moitié
des unités de protonthérapie dans le
monde. Et le marché est loin d’être tari !
En ciblant la plus grande partie de l’énergie
des protons sur une zone contrôlée
avec précision, directement au cœur de
la tumeur, la protonthérapie préserve
les tissus sains environnants. Aussi, des
doses plus élevées peuvent-elles être
envoyées sur la tumeur, sans accroître les
effets secondaires et autres aléas dans le
long terme. Une technique qui améliore
donc la qualité de vie des patients, hélas
encore trop peu nombreux à pouvoir
profiter de ce type de soin. Vu sous cet
angle, le contrat avec la Clinique universitaire
Carl Gustav Carus prend donc
un relief particulier. Sachez aussi que né
en 1789 à Leipzig et décédé en 1869 à
Dresde, Carl Gustav Carus, médecin et
artiste peintre, est connu pour ses études
en psychologie, notamment par
ses travaux en anatomie philosophique.
On lui doit en autre le Traité élémentaire
d’anatomie comparée, publié en 1835.
http://iba-worldwide.com
et http://www.mk3.uniklinikum-dresden.de
Le chiffre
Tel est le prix que demande
DNAVision pour un séquençage
du génome humain. «Cet
investissement fait de nous le
prestataire privé européen disposant
de la plus grande capacité
de séquençage, pouvant offrir une
prestation de qualité à un prix très
compétitif», note Jean-Pol Detiffe,
administrateur délégué de l’entreprise
wallonne.
Entreprise qui sera bientôt la
première au monde à proposer
le séquençage du génome
humain sous certification qualité
pour satisfaire aux exigences de
la recherche médicale et de la
médecine personnalisée.
http://www.dnavision.be
euros...

EMPLOI & FORMATION
Un espace pour le savoir
Le Gouvernement wallon, sur proposition de son Viceprésident
et Ministre des Technologies nouvelles, Jean-
Claude Marcourt, a décidé de participer à hauteur de
trois millions d’euros au financement de l’Espace du savoir, point
de rencontre des publics cibles du Campus Technologique de
Charleroi. Les valeurs de l’idée ? L’innovation et le décloisonnement
des forces de formation, d’enseignement, d’emploi, de
recherche et d’économie.
Le volet pratique s’articule autour d’un outil pédagogique,
fédérant énergies, savoirs, équipements techniques et scientifiques,
et financements en matières d’enseignement qualifiant,
formation professionnelle et recherche. Tous pour un et
un pour tous en vue d’être performant et crédible aux yeux du
monde économique.
La filière pédagogique de formation technologique s’adressera
aux demandeurs d’emploi, travailleurs, enseignants et
étudiants de 16 à 65 ans. Les promoteurs espèrent donner
annuellement plus de 1,5 million d’heures de formation à plus
de 3.000 personnes.
http://gouvernement.wallonie.be
«Plus tard, je serai...
Einstein ou Marie Curie»
Appel à projets
Vous travaillez dans une asbl, une
école, une école des devoirs,...
Vous adorez les sciences. Vous
avez envie d’y sensibiliser les jeunes (de
5 à 18 ans) et vous fourmillez de projets,
alors, dès le 3 mars, ruez vous sur le site
http://recherche-technologie.wallonie.be
et qui sait, votre projet se concrétisera
peut-être !
Une initiative organisée conjointement
par la Région de Bruxelles-Capitale, la
Communauté française et la Wallonie
destinée à tout personne morale (structure
ou entité sans but lucratif) désireuse
de réaliser un projet de sensibilisation
des jeunes aux sciences et aux carrières
scientifiques.
Jean-Claude QUINTART · ACTUALITÉS
En juillet 2007, Agoria lançait son projet de déménagement
du centre-ville vers l’Aéropole. Les besoins grandissants
de Technofutur déjà basé aux abords de l’aéroport,
seront le deuxième déclencheur du projet
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ATHENA 268 · Février 2011 > ACTUALITÉS
L’influenza A H1N1 est historiquement
la plus redoutée
parce qu’elle a fait entre 50
et 100 millions de morts
dans le monde en 1918 et
1919. Elle a en réalité tué plus de jeunes
gens (en infectant surtout les classes
d’âge de 16 à 40 ans) que la première
guerre mondiale. La souche grippale
H1N1 ne devait être isolée que 15 ans
plus tard, mais sa terrible réputation
devait hanter le reste du 20 e siècle et le
début du 21 e . La deuxième pandémie du
siècle dernier - la grippe dite asiatique
de 1957 - était liée à la souche H2N2 et a
tué entre 1 million et 1,5 million de gens
dans le monde. Et la troisième, celle de
Hong-Kong (souche H3N2) a fait entre
750.000 et 1 million de morts. On mesure
le progrès accompli dans le contrôle des
maladies quand on sait que la souche
H1N1 de 2009-2010 a entraîné la mort
de 18.138 personnes dans le monde, la
fin officielle de la pandémie ayant été
déclarée par l’OMS le 10 août 2010.
Échec à la
La souche H1N1, dont on avait beaucoup parlé en 2009, est très
présente cet hiver dans le cocktail viral de la grippe saisonnière.
Mais la terreur qu’elle inspirait depuis longtemps s’est largement
évaporée. Mieux: des scientifiques américains ont pu, en quelque
sorte, l’interroger à travers la réponse immunitaire de ses victimes.
Et ils en ont tiré ce qui pourrait devenir la promesse d’un vaccin
universel contre la grippe
grippe ?
Cette pandémie, qualifiée d’emblée de
«grippette» par le professeur Bernard
Debré, avait inspiré en France et dans
d’autres pays développés un réflexe de
précaution extrême, qui s’est en fin de
compte avéré excessif et onéreux. Ce
n’était pas la première fois. En 1976, aux
États-Unis, l’irruption de quelques cas de
grippe A H1N1 dans le New Jersey avait
semé la panique et conduit le président
Gerald Ford à ordonner la vaccination
de toute la population de l’Union. Mais
le virus s’était entre-temps évaporé et la
campagne a été arrêtée après quelques
accidents vaccinaux, certes rarissimes,
mais toujours très anxiogènes.
Fallait-il s’inquiéter particulièrement l’an
dernier de la résurgence de la souche
H1N1 ? Oui et non. Oui, parce que les
souches de la grippe A sont particulièrement
promptes à muter et que l’on ne
peut jamais savoir d’avance l’ampleur et
la gravité de leur contagion. Non, parce
qu’aujourd’hui, comme le résume un
Texte: Jean-Luc LÉONARD
jl.leonard@skynet.be
historien français de la médecine, Patrick
Zylberman, «nous disposons d’antiviraux
et de vaccins. Des antibiotiques permettent
de traiter les surinfections. Sans parler de
la surveillance épidémiologique, mise en
place depuis 1995, et des plans de réponse
épidémique prévus, même si tout n’est pas
parfait», nuance-t-il.
Cet hiver, la souche H1N1 était dominante
dans la grippe saisonnière qui a
frappé la Grande-Bretagne dès le mois
de septembre 2010. Elle a fait plus de
100 morts, dont une dizaine d’enfants.
Le pic de l’épidémie semble avoir été
atteint au début janvier 2011. Évolution
radicalement différente en Belgique:
chez nous, la grippe n’a dépassé son seuil
épidémique qu’à la mi-décembre (deux
bons mois plus tard que l’année précédente)
et était toujours en progression
à la mi-janvier, sans toutefois provoquer
de graves inquiétudes. Il est vrai que la
vaccination recommandée aux personnes
à risques et le recours éventuel aux
antiviraux de type Tamiflu permettent
désormais de juguler toute poussée épidémique.
L’Institut scientifique de santé
publique restait toutefois vigilant, particulièrement
à l’égard des écoles puisque
les enfants en âge scolaire étaient, chez
nous comme ailleurs, les cibles privilégiées
du virus.

L’espoir d’une
immunisation totale
Mais ce mois de janvier 2011 a aussi
amené un espoir nouveau, venu des
États-Unis, où la pandémie H1N1
de 2009 avait fait beaucoup plus de
victimes qu’en Europe. Quelque 60 millions
d’Américains avaient été contaminés,
la plupart sans suite fâcheuse. Et
un groupe de chercheurs de l’Université
de Chicago a observé que la réponse
immunitaire des victimes de la souche
avait été très puissante. En isolant les
gènes d’anticorps produits par les globules
blancs du système immunitaire
de 9 malades hospitalisés, les virologues
ont pu distinguer 86 anticorps différents.
Testés sur un ensemble de souches grippales,
5 de ces anticorps ont réagi non
seulement à toutes les formes du virus
H1N1 mais aussi au dangereux sous-type
H5N1 (celui de la grippe aviaire, qui a fait
des ravages très localisés mais meurtriers
en Asie ces douze dernières années).
«Les résultats de notre recherche sont un
peu comme le Saint Graal du vaccin antigrippe»,
a expliqué le principal auteur de
l’étude américaine, parue le 10 janvier
dans le Journal Of Experimental Medicine.
Professeur adjoint de médecine à
l’Université de Chicago, le D r Patrick Wilson
explique que l’étude réalisée par son
équipe montre «comment produire un seul
vaccin potentiellement capable de fournir
une immunité contre tous les virus de la
grippe dont certains éléments, remarquet-il,
n’ont pas varié depuis près d’un siècle».
C’est ainsi que la souche H1N1 de 2009
recèle des molécules très semblables à
celles d’autres souches plus anciennes de
la grippe A. Comme ces molécules stimulent
la réponse immunitaire, leur incorporation
dans un vaccin pourrait élargir
son éventail d’efficacité et peut-être,
éviter de devoir produire massivement
chaque année un vaccin spécifiquement
adapté à la nouvelle composition du
virus mais impuissant contre les autres
souches. Ce pourrait être le premier pas
vers un vaccin universel capable de sensibiliser
le système immunitaire humain
à toutes les variétés du virus Influenza.
Les hommes ont déjà vaincu un certain
nombre de maladies infectieuses qui ont
décimé leurs ancêtres, comme la peste,
la variole ou la poliomyélite. Ils auraient
pu aussi éradiquer la malaria, mais ils
ont eu plus peur du DDT - un insecticide
dont l’OMS a plusieurs fois reconnu
l’innocuité - que de cette maladie qui
a fait beaucoup plus de victimes que
la grippe espagnole et qui tue encore
près d’un million de personnes chaque
année. Il faut espérer que si la science
crée un jour un vaccin universel contre la
grippe, il ne sera pas saboté par un de ces
réflexes irrationnels dont
la nature humaine a
le secret...
En attendant,
sortez
couverts !
Jean-Luc LÉONARD · ACTUALITÉS
Glossaire grippal
Grippe A ou B
L’influenza (c’est le nom savant de
la grippe) dont il est question ici
est celle de type A. Elle est la plus
répandue et est commune aux
humains et à certaines espèces
animales, principalement les
oiseaux et les cochons. Elle est
aussi la plus dangereuse parce
que des combinaisons génétiques
inédites du virus peuvent prendre
en défaut l’immunité humaine, ce
qui provoque une pandémie. La
grippe de type B est exclusivement
humaine et généralement moins
grave. Il peut toutefois se produire
des combinaisons entre les souches
de type A et B. Il existe aussi une
grippe C, sporadique et bénigne.
16 H et 9 N
Les sous-types du virus de la
grippe A sont identifiés par la
combinaison de deux protéines
qui gouvernent sa réplication et
sa dissémination. Ces protéines
de surface sont l’hémagglutinine
(H) et la Neuraminidase (N). La
recherche a identifié 16 variétés
de H et 9 variétés de N qui
sont toutes présentes chez le
canard. Si l’on compte bien,
cela ferait théoriquement
144 combinaisons possibles,
lesquelles développent par
ailleurs une foultitude de variantes.
Les humains ne sont infectés jusqu’à
présent que par un petit nombre
de ces souches. Il s’avère que dans
la plupart des cas, le passage des
souches aviaires aux humains n’est
pas très efficace, ce qui est plutôt
rassurant. La crainte majeure reste
qu’une souche aviaire et une souche
humaine se recombinent chez un
tiers hôte (le porc, par exemple)
et donnent lieu à un virus inédit,
potentiellement ravageur. Mais la
panoplie pharmaceutique en progrès
permanent permettrait selon toute
vraisemblance de faire face à une
mauvaise surprise de ce genre.
Une pandémie
est une épidémie qui frappe une très
grande région, un continent, voire le
monde entier.
11

12
ATHENA 268 · Février 2011 > LE DOSSIER
«Boyekoli
Ebale*»
* «Nous avons étudié le fleuve»
Texte : Paul DEVUYST
1 2
Au ryhtme du
fleuve...
Photos: K. PANNECOUCKE,
B. WURSTEN/Jardin botanique national de Belgique/ fleurs (pp.12 et 14)
3 4

Au printemps 2010, une
équipe pluridisciplinaire
de 67 scientifiques
a, durant cinq semaines,
exploré les rives du
tumultueux fleuve Congo afin d’y étudier,
sur quelque mille kilomètres, les
richesses de la deuxième plus grande
cuvette tropicale au monde, après celle
d’Amazonie. Des spécialistes tant en
zoologie, botanique, géologie, hydrologie,
archéologie, cartographie qu’en
sciences humaines et linguistiques ont
navigué ensemble durant 40 jours grâce
à deux bateaux spécialement affrétés à
cette fin, remplis de matériel logistique
et scientifique et de nouvelles espèces
dénichées. Un seul exemple: avant
l’expédition, on connaissait à peine 185
espèces de lichens pour le pays tout
entier; l’expédition a permis à elle seule
d’en récolter près de 600 ! C’est dire si la
moisson a été riche.
«Congo Biodiversity
Initiative»
Leur but était d’étudier tous les habitats
accessibles du fleuve et de ses abords,
d’effectuer des mesures écologiques de
l’eau et de rassembler une collection
biologique de plantes et d’animaux très
divers. Il est évident que la préservation
de la biodiversité de cette région
n’est pas seulement d’une importance
écologique vitale, elle joue également
un rôle crucial dans le développement
économique de l’État congolais et de sa
population.
Cette expédition, réalisée dans le cadre
d’un Consortium dénommé «Congo Biodiversity
Initiative» entre le Musée royal
d’Afrique centrale, l’Institut royal des
Sciences naturelles de Belgique, le Jardin
botanique national de Belgique et l’Université
de Kisangani, a débouché sur
«Boyekoli Ebale» (qui signifie «Nous avons étudié le fleuve»
en lingala): ainsi appelée, une expédition scientifique belgocongolaise
qui a découvert des dizaines d’espèces nouvelles
sur les rives du fleuve Congo, mine de richesses naturelles
que l’on croyait inépuisable...
trois grands projets: la cartographie de
la biodiversité congolaise; la formation
et le perfectionnement du personnel
scientifique local ainsi que la collaboration
sur le long terme; et enfin, la création
d’un «Centre de surveillance de la
biodiversité» à Kisangani dans le courant
de cette année encore.
Pour Madame Pisani, directrice générale
de l’Institut royal des Sciences naturelles
de Belgique, «ce projet permettra
également de valoriser le travail réalisé
1. Lieki – Des nuages sombres alourdissent le ciel pendant qu’un enfant pêche dans la
Lomami.
2. Lilanda – Les villageois observent un mamba de Jameson (Dendroaspis jamesoni),
serpent venimeux, que l’on vient de capturer.
3. Rotheca
4. Kisangani – Pêcheur Wagenia. La tradition de la pêche à la nasse est en train
de disparaître. La plupart des hommes choisissent aujourd’hui des activités plus
lucratives, telle la recherche de diamants.
Paul DEVUYST · LE DOSSIER
par les scientifiques de l’expédition via
une plate-forme d’échange sur Internet,
un outil vivant qui ne demande qu’à
se développer au profit de l’expertise
congolaise en matière de biodiversité».
(http://www.congobiodiv.org)
À Kisangani
La mission de ce Centre de surveillance
de la biodiversité sera de suivre l’évolution
de la faune et de la flore des forêts
humides qui bordent le fleuve Congo.
Il abritera des collections biologiques
de cette région d’Afrique et parmi ses
premières richesses, on comptera les
collections historiques de la Faculté des
Sciences de l’Université de Kisangani
ainsi que les échantillons zoo logiques
et botaniques collectés lors des expéditions
internationales menées en 2009
et 2010, soit des milliers de pièces.
Parmi les missions du centre, relevons
la formation, dans ses laboratoires,
des zoologistes et botanistes spécialisés
dans l’étude de la biodiversité et
l’exploitation durable des forêts de la
République Démocratique du Congo.
L’une de leurs tâches consistera à
élaborer une liste de contrôle des espèces
répertoriées dans le bassin du fleuve
et à les cartographier régulièrement.
La première pierre du Centre a été
posée le 15 janvier dernier et, si tout se
déroule selon le timing prévu, il ouvrira
normalement ses portes en octobre
prochain.
L’herbier
de Yangambi
L’expédition «Boyekoli Ebale» fut également
l’occasion de redynamiser l’herbier
de Yangambi, situé à 90 km de Kisangani,
le plus grand d’Afrique. Il abrite 150.000
spécimens de plantes séchées, soit 6.500
espèces, ou encore 65% de la flore connue
de la République Démocratique du
Congo (RDC). La xylothèque (la collection
d’échantillons de bois) comporte quant à
elle 1.250 spécimens.
Les plantes vivantes y sont également
à l’honneur: à côté du jardin botanique
de 11 hectares, s’étend un arboretum
implanté dans les années 60. Outre toutes
13

14
ATHENA 268 · Février 2011 > LE DOSSIER
1. Sous de jeunes regards curieux,
l’herpétologue Zacharie dissèque
une grenouille.
2. Combretum Racemosum,
une liane pouvant atteindre 10 m
de long et 8 cm de diamètre, avec
des épines de 2 à 4 cm de long.
3. Thomas, botaniste allemand, coupe
les fleurs et les feuilles d’un arbre en
vue de les étudier.
4. Le potto (Perodicticus potto) est
un lémurien lent africain de
la famille des Lorisidae.
C’est un animal arboricole,
nocturne et solitaire.
4
1 2
les espèces d’arbres congolais intéressantes
sur le plan économique, il se compose
de onze parcelles plantées d’arbres, aménagées
chacune selon un schéma différent
et qui constituent aujourd’hui des
instruments idéaux pour étudier la production
de bois ainsi que la capture de
CO 2 par les arbres.
Yangambi compte également une aire
naturelle de 2.200 hectares jouxtant une
réserve de biosphère de 4.000 hectares,
constituée à 80% de forêt tropicale originelle,
intacte.
Premiers résultats
Bien qu’ayant déjà livré des trésors
d’informations scientifiques, des
milliers de photos, d’observations, d’enregistrements
et d’échantillons, il faudra
encore des mois, si pas des années,
aux chercheurs de l’expédition Boyekoli
Ebale pour analyser et exploiter les données
recueillies.
En ce qui concerne les végétaux, 1.222
espèces de plantes supérieures ont été
récoltées dont une centaine d’essences
ligneuses mais aussi 35 orchidées
conservées vivantes et 150 espèces
de champignons. Une toute nouvelle
plante de la famille du café a été découverte:
il s’agit d’une liane aux fleurs
velues très particulières et qui sera
appelée Keetia boyebalensis.
Les ichthyologues ont attrapé entre
5.500 et 6.000 poissons, ce qui représente
environ 200 espèces différentes
parmi lesquelles sans doute plusieurs
espèces nouvelles. Simultanément,
400 reptiles (40 espèces) ont été étudiés
de même que 500 amphibiens
(50 espèces). De leur côté, les ento-
mologistes ont récolté 10.000 insectes
et araignées, 156 espèces de libellules
dont certaines n’avaient jamais été
observées dans cette région et qui
appartiendraient à 6 nouvelles espèces.
D’autre part, 32 espèces de mouches
ont été découvertes, dont une d’espèce
nouvelle.
Les scientifiques ont attrapé au filet
594 chauves-souris (19 espèces) et
830 oiseaux (61 espèces). La recherche
se concentre maintenant sur le rôle
que jouent les espèces d’oiseaux et de
chauves-souris mangeurs de fruits dans
la dissémination des graines de plantes
supérieures porteuses de fruits. Ils
ont également collecté 19 espèces de
mammifères parmi lesquelles 2 espèces
de musaraignes qui n’avaient jamais été
observées auparavant en RDC.
Humainement
parlant
Les sciences humaines n’ont pas été
négligées. Les linguistes ont organisé
82 interviews à 9 endroits différents et
pu ainsi travailler sur 4 langues et 3 dialectes.
L’observation la plus importante
est que le lingala, une des quatre langues
nationales, est très répandu le long du
fleuve et semble supplanter les dialectes
locaux comme le wembe, le mboso et le
kisoko.
De leur côté, archéologues et paléobotanistes
ont essayé de reconstituer
l’histoire de la végétation et des cultures
du bassin du fleuve Congo par une
approche interdisciplinaire. La recherche
archéologique s’est portée principalement
sur la production de terres cuites
dans les villages le long du fleuve.
Ainsi plusieurs sites semblent «vieux»

3
en ce qui concerne les terres cuites. Les
paléobotanistes ont entre autres récolté
sur ces sites du charbon de bois à partir
duquel ils détermineront l’âge et la
composition des espèces forestières.
Ils entendent ainsi déterminer quelles
espèces de bois étaient utilisées pour
le feu par le passé et comment l’activité
humaine influençait la végétation dans
son environnement et vice versa.
Ces premiers résultats démontrent le
succès de cette expédition multidisciplinaire
et le matériel récolté tout au
long de ce millier de kilomètres est
un apport important pour le nouveau
Centre de surveillance de la biodiversité de
Kisangani.
+
Paul DEVUYST · LE DOSSIER
Pour en savoir
plus
Exposition temporaire
(jusqu’au 13 mars)
présentée en trois volets
distincts (mais simultanés)
au Musée royal d’Afrique
centrale (Tervueren),
à l’Institut royal des Sciences
naturelles de Belgique
(Bruxelles) et au Jardin
botanique national
de Belgique (Meise).
Regards sur l’expédition
Fleuve Congo
http://www.africamuseum.be/
http://www.sciencesnaturelles.be/
http://www.br.fgov.be/index.php
http://www.congobiodiv.org
À gauche: les membres de l’expédition.
Ci-dessous, à Engengele, vue nocturne du village,
alors que les enfants regardent, depuis la berge, un film projeté
pour eux grâce au matériel informatique: événement
exceptionnel dans un village qui ne dispose
ni de l’électricité, ni de la télévision !
15

16
ATHENA 268 · Février 2011 > PORTRAIT
Nom: TROUPIOTIS -
TSAÏLAKI
Prénom: Anastassia
Âge: 24 ans
État civil: Célibataire
Enfants: Pas encore
Profession: Chimiste.
Doctorante au sein du
laboratoire de Structure
et Fonction des Membranes
Biologiques. Aspirante
F.N.R.S. (Bourse L’Oréal-
Unesco)
Formation:
l secondaire: Baccalauréat
scientifique au
Lycée Michelet (Vanves,
France)
l supérieur: Bachelier
et Master en Sciences
Chimiques à l’Université
libre de Bruxelles
Adresse(s):
S.F.M.B. - ULB
Campus Plaine CP 206/2
Boulevard du Triomphe
à 1050 Bruxelles
Tél: 02/650.53.78
L’ADN de...
Propos recueillis par Géraldine TRAN • geraldine.tran@spw.wallonie.be
Photos: BSIP/REPORTERS (fond), F. PFLUEGL (tubes p.17)
Côté pile
Chimiste, c’est une vocation que vous
avez depuis toute petite ? Comment
l’idée d’exercer ce métier vous est-elle
venue ?
Quand j’étais petite, je voyais la chimie
comme une science à la fois ludique et
passionnante. Les expériences, les couleurs,
le pouvoir de transformer une
matière en une autre: ce côté magique
a éveillé mon goût pour la chimie. Bien
sûr, ma vision a beaucoup évolué depuis !
Mes cours de chimie à l’école secondaire
m’ont permis de prendre conscience des
nombreuses facettes de cette science, tout
en mettant l’accent sur l’approche expérimentale.
Je pense que la manière dont
mes professeurs m’ont enseigné la chimie
a été déterminante pour le choix d’une
carrière scientifique.
Comment devient-on chimiste ?
J’ai fait des études de chimie à l’Université
libre de Bruxelles (5 ans). Le cursus
combine de nombreux cours théoriques
et du travail en laboratoire, deux
aspects complémentaires et, à mon sens,
essentiels dans le métier de chimiste.
Ces études ont également un caractère
pluridisciplinaire, avec une ouverture
vers la physique, la biologie ou encore la
géologie.
Quels sont vos rapports avec la
science ? Quels sont vos premiers
souvenirs «chimico-scientifiques» ?
Je pense que ma curiosité scientifique s’est
principalement développée grâce à des
émissions telles que «Les découvreurs»,
«L’histoire de la vie» et autres «C’est pas
sorcier» ! Vu mon intérêt pour la chimie
j’ai commencé, comme beaucoup, à jouer
à l’expérimentateur en herbe chez moi…
ce n’est que plus tard que j’ai découvert
que les réactions chimiques sont aussi à
l’origine du fonctionnement des organismes
vivants et que j’ai voulu comprendre
comment des interactions entre molécu-
les peuvent aboutir à des fonctions aussi
complexes que les sens, le langage, la
mémoire…
Quelle est la plus grande difficulté
rencontrée dans l’exercice de votre
métier ?
La plus grande difficulté est inhérente
à la recherche: c’est un travail dont les
résultats n’apparaissent que sur le long
terme et le chemin est souvent semé
d’embuches ! Mais pour que la recherche
soit intéressante il faut savoir se lancer
dans l’inconnu, le tout étant de garder sa
motivation et sa persévérance.
Vous êtes actuellement en 2 e année de
doctorat. Votre thèse porte sur l’étude
du fonctionnement de récepteurs
cellulaires. Pourquoi ce choix ?
Pendant mon mémoire de fin d’études,
j’avais déjà commencé à travailler sur les
récepteurs cellulaires. Il s’agit de protéines
qui se trouvent à la surface des cellules
et qui permettent de capter des signaux
extérieurs (molécules) pour transmettre
le message à l’intérieur de la cellule. Ce
langage moléculaire est à la base de la
communication entre les cellules et donc
du fonctionnement de l’organisme. Le
but de mon travail est de comprendre
comment ces récepteurs fonctionnent et
quels sont les facteurs qui les influencent.
Ces récepteurs étant d’importantes cibles
de médicaments, ces études pourraient,
à terme, avoir des applications dans le
domaine biomédical.
Quelle est votre plus grande réussite
professionnelle jusqu’à ce jour ?
Je ne suis qu’au tout début de mes
recherches donc c’est un peu difficile
de parler de réussite professionnelle à
ce stade. J’imagine que comme tout
chercheur, la plus grande réussite serait
d’apporter un élément nouveau pour la
science et utile pour la société, en par-

Anastassia TROUPIOTIS -
ticulier dans le domaine biomédical.
Pour ce qui est des satisfactions au jour
le jour, je pense que le travail de recherche
sort toujours grandi des interactions
avec d’autres chercheurs et d’autres
laboratoires.
Quels conseils donneriez-vous à un
jeune qui aurait envie de suivre vos
traces ?
Choisir une voie qui lui correspond vraiment,
un métier qui lui plaise. Cela peut
paraître évident mais je pense que beaucoup
ont peur de se lancer dans ce qu’ils
aimeraient vraiment faire. En chimie,
comme dans tout cursus, il y a parfois
des difficultés, une matière qui nous
réussit moins ou dont on ne voit pas tout
de suite l’utilité. Mais ça ne doit pas être
un obstacle insurmontable. Mon conseil
est de toujours prendre la peine d’essayer
et garder à l’esprit que les professeurs
et les anciens étudiants sont là pour les
aider.
Côté face
Je vous offre une seconde vie, quel
métier choisiriez-vous ?
Un métier qui offre plus de contact avec
les gens, plus de «terrain»… probablement
un travail dans l’humanitaire.
Je vous offre un super pouvoir, ce
serait lequel et qu’en feriez-vous ?
Celui de ralentir le temps…
Je vous offre un auditoire, quel cours
donneriez-vous ?
Un cours sur les récepteurs membranaires
et en particulier, leur rôle dans le
système nerveux.
Je vous offre un laboratoire, vous plancheriez
sur quoi en priorité ?
Je travaillerais sur les mécanismes
moléculaires responsables de maladies
neurologiques.
Je vous transforme en un objet, ce
serait lequel et pourquoi ?
Pas évident… pourquoi pas un appareil
photo, pour pouvoir capturer un maximum
de souvenirs.
TSAÏLAKI
+
Géraldine TRAN · PORTRAIT
Plus d’infos:
http://sfmb.ulb.ac.be/
atroupio@ulb.ac.be
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18
ATHENA 268 · Février 2011 > TECHNOLOGIE
Livre numérique,
lectures plus riches !
Texte : Alain de FOOZ • alain.de.fooz@skynet.be • Photos: AMAZON (p.21), ANTLETICS (p.21)

Après la musique, le monde de l’édition papier
aborde son virage numérique. Là où le MP3
remplace le CD, le livre électronique s’apprête
à détrôner nos chers bouquins. Et ce sera plus
qu’une transposition de support. Produit multimédia
à part entière, l’e-book pourra être enrichi
et partagé. Le lecteur sera invité à intervenir; il en
sera aussi le prescripteur via les réseaux sociaux.
Demain, la «solitude du lecteur» aura le goût des
madeleines de Proust...
Dans le monde de l’édition
francophone, Noël 2010
restera associé au lancement
par la Fnac, «premier
libraire français»,
de sa liseuse électronique - une tablette
de 15 cm sur 12 pouvant stocker au
minimum 2.000 ouvrages, équipée de
connexions 3G et Wi-Fi et proposée au
prix de 199 euros. Hachette Livre, Editis,
Gallimard, Albin Michel, La Martinière...
Tous les grands éditeurs français se sont
associés à ce lancement historique pour
le marché du livre; tous veulent voir
leurs catalogues de livres numérisés sur
le FnacBook, qui permet d’accéder directement
à la librairie en ligne de Fnac.com
et à ses 80.000 titres au format Epub ou
PDF et à quelque 750 bandes dessinées.
Aux États-Unis, le livre numérique représente
déjà 8% du marché; en France, ce
sera 5% à 10% en 2015, estime la Fnac.
15% surenchérit le cabinet Bain & Company.
Et ce ne devrait pas être au détriment
du livre physique, même si les ventes
«papier» s’essoufflent...
Selon l’IDATE, un institut d’analyse des
médias au sens large, rien n’arrêtera la
migration. Les contenus professionnels,
scientifiques et techniques ont ouvert
la voie; ils ont été suivis par la littérature
générale et plus tardivement, par
les genres contenant une iconographie
importante, comme la bande dessinée
ou la littérature pour la jeunesse. Néanmoins,
l’adoption des œuvres au format
numérique ne se produit pas à la même
vitesse selon les genres. Aujourd’hui,
trois genres enregistrent une part de
marché numérique nettement plus
importante que leur part de marché
physique: le polar, la science fiction et...
la littérature sentimentale !
D’ici à 2014, s’accordent les analystes, la
transition numérique ne devrait pas provoquer
globalement de destruction de
valeur. Certes, les ventes de livres imprimés
déclinent depuis plusieurs années
dans la plupart des pays et l’émergence
d’une offre numérique ne fera qu’accentuer
la tendance, surtout pour les
genres littéraires qui auront basculé plus
fin du papier ?
Supports physiques
et numériques vont
évoluer en parallèle[[La
rapidement. La fin du papier ? Supports
physiques et numériques vont évoluer
en parallèle, nous dit-on. Pourtant, on ne
fait presque plus d’encyclopédies papier
et tout ce qui est livres de cuisine ou guides
de voyages «basculent» rapidement
en version numérique. C’est encore plus
net pour les livres universitaires, en particulier
ceux de droit ou de médecine. En
fait, pour tout ce qui nécessite des mises
Alain de FOOZ ·TECHNOLOGIE
à jour régulières et qui s’apparente à des
bases de données documentaires, le
numérique est idéal.
Nouveau livre,
nouveaux usages
Aujourd’hui, le marché du livre numérique
demeure pour l’essentiel une transposition
du livre sur papier. D’ailleurs, le
catalogue numérique se compose majoritairement
de livres homothétiques,
alors que les livres enrichis et les créations
nativement numériques restent
anecdotiques. On voit aussi que les lecteurs
d’e-books sont les mêmes que les
lecteurs de livres traditionnels: ils achètent
les mêmes titres !
Mais ce n’est que momentané. À chaque
révolution technologique, on commence
par recréer ce que l’on faisait avant: aux
débuts de l’imprimerie, on reproduisait
des lettrines manuscrites; aux premiers
temps de la télévision, on filmait des
émissions radiophoniques, du théâtre
et des débats... jusqu’à ce que le média
invente sa propre forme. Car une technologie
n’est jamais neutre: par essence,
elle ouvre un monde nouveau, avec ses
propres qualités et défauts en comparaison
de l’ancien; il faut donc penser les
grandes tendances et les formes de vie
qu’elle induit.
Le support n’est pas tout. Avec le numérique,
c’est notre façon de lire qui va
changer. Par-delà les questions d’affi-
19

20
ATHENA 268 · Février 2011 > TECHNOLOGIE
chage du texte qui posent encore problème
sur certaines liseuses, on semble
négliger tout ce qu’on peut faire avec ce
texte, tout ce que le numérique permet
et que le papier ne permet pas: partager,
commenter, renvoyer, lier, et donc
enrichir.
La lecture ne sera plus aussi linéaire que
sur un texte imprimé. Elle deviendra protéiforme.
Pour un même texte, en effet,
on aura un ensemble de lectures parallèles
qui pourront être interrompues par
un lien, des annotations, des compléments
d’informations faits par d’autres
contributeurs. Le numérique introduit
la possibilité de retravailler le texte,
d’intervenir à plusieurs, d’introduire des
documents sonores, voire de la vidéo.
Le livre numérique se veut résolument
ouvert par opposition au format figé de
l’ouvrage imprimé. Jamais finie, l’œuvre
«vivra».
Éditeurs 2.0
L’irruption du numérique va changer
fondamentalement la chaîne de valeur
entre les différents acteurs: auteurs, éditeurs,
distributeurs, libraires, bibliothécaires...
et lecteurs.
Certains auteurs ont choisi le numérique
pour se rapprocher de leurs lecteurs,
n’hésitant pas à créer de nouveaux
modes de communication oscillant
entre «blog» et «atelier d’écriture». Au
menu, échanges et discussions en ligne.
Bref, ce lien, que l’auteur tentait de créer
lors d’une séance de dédicace dans une
librairie devant cinquante personnes,
peut connaître un essor tout différent
sur l’Internet, avec une audience bien
plus large.
Le rôle de l’éditeur sera tout autant
impacté. Il ne pourra plus se contenter
de sélectionner un manuscrit, de
l’imprimer et de le distribuer; il devra
s’impliquer davantage dans la diffusion
et la promotion du texte d’une façon
totalement différente de ce qui s’est
toujours fait avec le papier. Aujourd’hui
déjà, on voit se multiplier les sites d’éditeurs
dédiés à un auteur, avec des entretiens
et des vidéos; on voit aussi des
éditeurs réserver les textes «savants»
au papier et les notes sur un site web.
Ce faisant, les éditeurs prennent les
«majors» de la musique à contre-pied.
Plutôt que focaliser leurs efforts sur les
verrous technologiques à appliquer
au téléchargement légal, ils cherchent
à développer de nouveaux produits à
valeur ajoutée et surtout, de nouveaux
modèles économiques.
Les «éditeurs 2.0» devront réfléchir
aux nouveaux contenus à créer et à la
manière de contrôler leur distribution
sur les nouveaux supports. Lors du séminaire
«Le livre soluble dans le net ?» qui s’est
tenu à Gosselies le 29 septembre 2010,
l’exemple de publie.net a marqué les
esprits. Ce précurseur propose actuellement
plus de 350 textes contemporains,
récits, poésie et essais en ligne.
Prix maximum: 5,99 euros; le 6 e texte est
offert après 5 téléchargements. On peut
aussi s’abonner: 65 euros par an (lecture
seule) ou 95 euros (lecture + téléchargement)
avec accès illimité au site.
Lancé début 2008, le projet se veut une
coopérative d’auteurs, pour une édition
exclusivement numérique. «En gardant
le principe d’une rémunération partagée à
égalité entre l’auteur et la structure, publie.
net accueille aussi des collections, des inédits
de jeunes auteurs et se veut un laboratoire
de formes directement nées de l’outil
numérique», expliquait Marc Minon, un
de ses promoteurs.
+
Pour en savoir
plus
http://www.fnac.be
http://www.publie.net
http://www.babelio.be
http://www.amazon.fr
http://www.technofuturtic.be

Voici à quoi ressemble l’Amazon Kindle, ou
Kindle, l’appareil de lecture de livres électroniques
le plus populaire actuellement.
commercialisé par Amazon.com.
Prescripteur à travers
les réseaux sociaux
«Nous sommes tous des éditeurs ! Il suffit
de voir notre présence sur Facebook,
lançait, un rien provocateur, Pierre
Lelong, expert à Technofutur TIC. Nous
devenons de plus en plus participatifs,
et c’est tant mieux ! On note de plus en
plus d’auto-éditeurs. Rien qu’aux États-
Unis, qui n’est pourtant pas le pays le
plus avancé en édition, on a recensé quelque
750.000 livres auto-édités en 2009.
J’y vois un signe !»
Ce qui veut dire, encore, que le livre
numérique peut remettre le lecteur au
centre du dispositif, lui donnant un rôle
de prescripteur via les réseaux sociaux.
Demain, la «solitude du lecteur» aura le
goût des madeleines de Proust: certains
la regretteront, mais elle aura disparu !
Ainsi Babelio, un réseau social dédié
aux livres et à la lecture dans le monde
francophone. L’idée? «Dis-moi ce que
tu lis, je te dirai qui partage tes goûts!».
Fondé en 2007, le réseau Babelio
compte actuellement 20.000 membres,
une communauté qui s’est développée
de manière totalement virale, grâce
au bouche à l’oreille généré par ses
membres.
Permettant aux internautes de partager
et classer leurs lectures, le site propose
aux lecteurs de découvrir des nouveaux
titres en s’appuyant notamment sur un
moteur de recommandation. Ce qui veut
dire que le lecteur devient prescripteur,
résume Pierre Fremaux de Babelio. Dans
le tourisme, TripAdvisor.com est le portedrapeau
de ce nouveau modèle: ce site
web offre des opinions réputées «non
biaisées», aidant à planifier ses vacances.
Babelio sera-t-il à la littérature ce que
Trip Advisor est à la villégiature ? C’est bien
parti en tout cas.
Dans cette évolution, les libraires pourraient
être les plus mal lotis. Que pèsentils
face à ces nouveaux «barbares» que
sont les géants du commerce en ligne ?
Amazon, pour ne citer que le plus connu,
représente déjà 10% du marché du livre
aux États-Unis; il est aussi le promoteur
du Kindle, la liseuse aujourd’hui la plus
populaire...
À moins de reconsidérer le métier.
«Demain, la valeur ne sera plus liée aux
stocks et aux rayonnages, mais à la communauté,
aux lecteurs que l’on aura guidés,
fédérés, propose encore Pierre Lelong. Ce
sera vraisemblablement à travers des
réseaux sociaux, et plus exclusivement
dans un lieu dédié, inscrit dans
un territoire, une matérialité. Si le
livre est né avec le papier, je pense
qu’il poursuivra sa vie sous une
forme numérique, et donc interactive.
Après tout, quoi de plus
normal: le lecteur d’aujourd’hui est
déjà multimédia. S’il aime Giono
ou Pagnol, pourquoi le priver du
chant des cigales ?
+
Alain de FOOZ ·TECHNOLOGIE
Le p’tit plus
de la rédac’
sera le premier livre
à être édité uniquement
pour iPad en Belgique.
Les concepteurs limbourgeois
de ce livre pour enfants
en anglais espèrent ainsi que
celui-ci sera téléchargé aux
quatre coins du monde.
L’histoire met en scène une
fourmi qui parcourt le monde
pour découvrir différents
sports. L’auteur, John Veldeman,
a mis plusieurs années à écrire
l’histoire d’Archie Ant, à qui
il arrive toutes sortes
d’aventures. Trop long pour
l’édition «classique», c’est le
lancement de l’iPad qui lui a
donné l’idée de faire de son
récit une histoire interactive:
pendant que
les parents lisent l’histoire
à l’enfant, celui-ci peut
découvrir d’autres choses
en touchant l’écran.
Les mots que les enfants
ne comprennent pas,
par exemple, peuvent ainsi
être expliqués.
http://www.antletics.co.uk
21

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ATHENA 268 · Février 2011 > INTERNET
Texte : Christian VANDEN BERGHEN
http://www.brainsfeed.com
cvb@brainsfeed.com
Illustrations : O. SAIVE/CartoonBase
» Situation
Raccourcir
une adresse
Une adresse de type
http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2010/12/
10/97001-20101210FILWWW00665-internetla-creation-du-xxx-
reportee.php
• est difficile à dicter au téléphone;
• va se couper si on la colle dans un
document ou un mail;
• est impossible à mémoriser.
» Solution
?
Il existe de nombreuses solutions pour
raccourcir ce type d’adresse interminable.
Toutes fonctionnent sur le même
principe:
• pour une utilisation unique: on colle
la longue adresse dans un champ sur
une page Web;
11 situations,
11 solutions !
Les Trouveurs ont une méthode de recherche, mais ils disposent aussi
de bons outils pour se faciliter la vie quotidienne. En voici une dizaine
qui pourraient utilement figurer dans la boîte à outils de tout professionnel
du Web
• pour une utilisation régulière: on
installe un bouton (bookmarklet) dans
la barre d’outils du navigateur. Quand
on est sur une page dont on veut raccourcir
l’adresse, il suffit alors de cliquer
sur ce bouton pour générer une
adresse courte; le bookmarklet est
fourni par le service choisi.
» Astuce
Attention, les services de raccourcissement
d’URL ne garantissent pas la
pérennité de leurs outils et donc des URL
raccourcies. Il est conseillé de garder une
copie de l’adresse URL originale dans ses
favoris.
» Adresses
• Bitly - http://bit.ly/
• TinyURL - http://tinyurl.com/
» Pour en savoir davantage
• URL Shorteners: Which Shorte-
ning Service Should You Use ? -
http://selnd.com/ZuUw
• Pour retrouver l’adresse originale
à partir d’une adresse raccourcie,
utilisez CheckShortUrl -
http://checkshorturl.com/
Envoyer
de gros fichiers
par mail
» Situation
?
Combien de fois n’avons-nous pas voulu
envoyer de gros fichiers par email ?
Quand l’opération n’est pas arrêtée parce
que trop longue, c’est la boîte de courrier
électronique du correspondant qui
refuse les fichiers dépassant un certain
poids (en général

» Solution
Ceux qui disposent d’un service
d’hébergement pour leur site Web peuvent
«uploader» le fichier en question
dans leur espace de stockage et communiquer
l’URL de ce fichier à leurs
destinataires.
Ceux qui ne disposent pas de cette
solution ou qui ne souhaitent pas l’utiliser
peuvent faire transiter les fichiers
volumineux par le Web, sans passer
par le courrier électronique. Le fichier
est «uploadé» depuis leur PC en attendant
que le correspondant vienne en
prendre livraison. Lui-même est averti
par un mail qu’un fichier l’attend à telle
adresse. Cette solution est particulièrement
adaptée lorsqu’on doit adresser
un fichier lourd à plusieurs destinataires.
Cela évite d’encombrer les boîtes aux
lettres de tous ses destinataires.
» Astuce
Lorsque les fichiers volumineux sont destinés
à une diffusion large et sont plutôt
des documents (vidéos, photos, présentations,
rapports...), il peut être pertinent
de les publier dans des médias sociaux
comme Youtube et Dailymotion (vidéo),
Slideshare et Scribd (présentations et
rapports) ou FlickR et Picassa (photos).
Ces solutions apporteront quelques
avantages:
• les documents seront visibles du
grand public et de certains moteurs
de recherche;
• ces documents seront facilement
intégrables dans votre site Web (blog)
ou dans ceux de vos suiveurs.
» Adresses
• Senduit - http://www.senduit.com/
• Send Big Files - http://www.sendbigfiles.
com/
» Remarques
Il est recommandé de lire attentivement
les conditions d’utilisation du service,
notamment pour s’assurer des points
suivants:
• que les droits sur les fichiers et leurs
contenus, que pourraient s’arroger les
fournisseurs de ces services, ne soient
pas trop éloignés de ce que vous
attendez en matière de propriété
intellectuelle;
• que la durée de disponibilité des
fichiers en ligne vous convient;
• que les limites en matière de taille des
fichiers transférés ne vous posent pas
de problème.
Collaborer
à la création
d’un document
» Situation
?
Vous devez travailler, avec des collègues
ou partenaires pas forcément de la même
entreprise, à la création de documents.
Et vous ne disposez pas d’un espace de
travail collaboratif en entreprise. Pour
autant, vous souhaitez éviter les pertes
de temps et d’énergie que représentent
les multiples échanges par email des différentes
versions du document.
Christian VANDEN BERGHEN · INTERNET
» Solution
La solution va passer par l’utilisation de
services de bureautique en ligne qui
permettent la création collaborative de
document. Ces services permettent de
choisir de partager soit des documents
(à l’unité), soit des répertoires entiers
avec ses collaborateurs. Chacun peut
donc accéder aux documents en cours
de préparation
» Adresses
• Google Docs - http://docs.google.com
• Zoho - http://www.zoho.com
» Remarque
Pour mettre en place une collaboration
avec ces outils, il est bien entendu
nécessaire que chacun des membres
de l’équipe soit inscrit auprès du service
sélectionné.
Partager une liste
d’URL en ligne
» Situation
Je souhaite partager une liste d’adresses
de pages Web avec des collègues ou simplement
créer une liste d’adresses accessible
en ligne. Par exemple, parce que je
travaille sur un dossier et que je collecte
des URL qui pourront intéresser mes collaborateurs
ou qu’il est pertinent de rassembler
les URL relatives à ce dossier.
» Solution
La solution la plus simple consiste à utiliser
un outil permettant de lister des
adresses sur une page Web qui fournit
ensuite une adresse à partager.
» Adresse
• Urlist - http://urli.st/
?
23

24
ATHENA 268 · Février 2011 >INTERNET
» Remarques
Même si ce service peut faire penser
aux solutions de bookmarking en ligne
déjà bien connues, comme Delicious ou
Diggo, Urli.st s’en distingue sur différents
aspects:
• chaque liste créée est indépendante
et peut vivre en autonomie;
• les membres de la communauté Urli.
st peuvent collaborer sur la création
d’une liste de liens;
• chaque membre de la communauté
peut gérer de nombreuses listes
différentes.
Notons que pour profiter pleinement
des fonctionnalités de Urli.st, il convient
de s’inscrire. L’opération d’inscription est
très facile, surtout si on a déjà un compte
Google ou Twitter. En effet, Urli.st va
s’appuyer sur ces comptes (et récupérer
les données dont il a besoin).
Conserver ses
signets en ligne
» Situation
?
La plupart des utilisateurs du Web
conservent leurs favoris (marque-pages,
signets) dans leur navigateur. Cette habitude
présente plusieurs inconvénients:
• les favoris sont «liés» à l’ordinateur
sur lequel se trouve le navigateur. Ils
ne sont donc pas disponibles sur un
autre ordinateur, par exemple à la
maison;
• les favoris ne sont pas partagés: dans
un même service, la plupart des
collègues recherchent et stockent les
mêmes favoris, d’où perte de temps
et surtout d’efficacité puisque chacun
pourrait bénéficier des découvertes
des autres;
• en cas de vol ou de crash de l’ordinateur,
les favoris seraient perdus avec
ce que cela représente comme charge
de travail à reconstituer.
» Solution
La solution consiste à conserver ses
favoris en ligne.
Plusieurs avantages:
• les favoris peuvent être partagés (tous
ou certains);
• plus de risque de perdre son travail;
• les favoris peuvent être commentés,
tagués et annotés;
• ils sont accessibles à partir de
n’importe quel ordinateur connecté à
Internet;
• ils sont protégés par login et mot de
passe.
» Adresses
• Diigo - http://www.diigo.com/
• Delicious - http://www.delicious.com/
» Remarque
Outre des adresses de favoris, Diigo permet
également de sauver des extraits de
pages Web, de partager ses trouvailles
sur Twitter, etc... Bref un outil utile si vous
surfez et lisez beaucoup sur Internet.
Créer rapidement
une page Web
» Situation
Vous souhaitez mettre très rapidement
un document en ligne sous la forme
d’une page Web pour partager l’adresse
avec des collègues ou simplement pour
pouvoir y accéder facilement par la suite.
» Solution
La solution la plus simple est de créer une
page Web, ce qui ne demande aucune
compétence technique. Il suffit de taper
son texte ou de le coller. Certaines sont
de simples pages Web et peuvent être
protégées par mot de passe. D’autres se
présentent comme un journal en ligne
et fonctionnent avec ou sans connexion
pour se synchroniser ensuite.
» Adresses
• Shrib - http://www.shrib.com/
• Notepad.cc - http://notepad.cc/
• MotoDiary - http://motodiaryapp.com/
Se créer une base de
données d’articles
en ligne
» Situation
Vous surfez régulièrement et vous
découvrez toute une série d’articles et
de documents intéressants. Il est évidemment
risqué de les placer dans vos
favoris car ces articles peuvent disparaître
ou devenir inaccessibles.
» Solution
?
?
Pourquoi ne pas vous créer une base
de données gratuite contenant tous ces
articles ? Avec Google Mail (Gmail), il est
très simple de se créer une base de données
documentaire gratuite.
Première étape, créer une nouvelle
adresse Gmail (http://mail.google.com/) en
choisissant un nom caractéristique. Cette
nouvelle adresse sera consacrée exclusivement
à alimenter la base de données.
Chaque fois qu’un article ou une partie
de document mérite d’être conservé,

sélectionnez ce qui vous intéresse et
collez-le dans un message en y ajoutant
la source et l’adresse de la page. Indiquez
dans le champ «subject» l’information
nécessaire, et envoyez le tout à l’adresse
créée.
Gmail permet de classer les documents
acquis grâce à des libellés. Leur emploi
est très bien expliqué dans l’aide (http://
tinyurl.com/mst33z) en ligne de Gmail.
Ensuite, vous pourrez bénéficier de toute
la puissance de recherche de Google
pour chercher dans la base de données
ainsi créée.
» Adresse
• Gmail - http://mail.google.com/
Générer un nuage
de mots
» Situation
Vous avez déjà vu ces nuages de mots
qui illustrent certains blogs et qui permettent
de prendre très rapidement
connaissance du contenu d’une page ou
d’un document.
Voici le nuage de mots du présent
article:
» Solution
?
Un nuage de mots est très simple à réaliser
avec un outil comme Wordle:
• cliquez sur Create you own;
• collez le contenu de la page dont vous
souhaitez analyser les mots. Vous
pouvez aussi lui indiquer l’adresse de
la page possédant un fil RSS et cliquer
sur «Go»;
• après quelques instants s’affiche un
nuage comportant les mots principaux
de votre texte.
Pour le personnaliser:
• cliquez avec le bouton droit sur le
nuage pour éliminer les mots qui ne
doivent pas apparaître;
• cliquez sur «Randomize» pour obtenir
d’autres formes et présentations.
» Adresse
• Wordle - http://www.wordle.net/
Convertir
n’importe quel
document en PDF
» Situation
Vous ne disposez pas d’Acrobat pour
convertir vos documents au format PDF.
Que faire ?
» Solution
De très nombreuses solutions de conversion
existent. Elles sont gratuites et
proposent généralement une version
payante plus perfectionnée.
» Adresses
• DoPDF - http://www.dopdf.com/ (logiciel
à installer)
• PDF Converter - http://www.freepdfconvert.com/
(en ligne)
Disposer d’une boîte
de documents
en ligne
» Situation
Comment avoir sous la main de gros
fichiers ou des dossiers ? Comment les
transférer entre vos différents ordinateurs
? Comme beaucoup de gens le
font encore, vous vous adressez peut-
être des mails avec le fichier attaché ? Ou
vous utilisez une clé USB ?
» Solution
?
?
La solution la plus simple est de disposer
d’une boîte en ligne, protégée par login
et mot de passe, et dans laquelle vous
déposez fichiers et dossiers.
Christian VANDEN BERGHEN · INTERNET
Cette boîte en ligne peut être structurée
avec des dossiers et des sous-dossiers.
Chaque fois qu’un document doit être
rendu disponible pour être utilisé sur un
autre ordinateur ou accessible lorsqu’on
est en déplacement, il suffit de le glisser/
déposer dans cette boîte et quelques
secondes après, la boîte qui se trouve sur
votre (vos) ordinateur(s) et celle qui se
trouve en ligne se synchronisent.
Pour réaliser cela, allez sur DropBox et
téléchargez l’application pour créer un
login et un mot de passe. Ensuite, allez
en ligne, connectez-vous à votre compte
et là vous pourrez créer des dossiers. La
version gratuite vous permet de stocker
2 GB de documents.
» Adresse
• DropBox - http://www.dropbox.com/
» Remarque
DropBox peut aussi synchroniser des
documents avec un smartphone ou un
iPad.
Capturer un écran
» Situation
Vous souhaitez créer un mode d’emploi
pour un programme, expliquer à
quelqu’un comment fonctionne une
application ou simplement conserver
des parties d’un écran pour illustrer un
billet dans un blog ou un article.
» Solution
Outre les solutions payantes comme
Snagit (http://www.techsmith.com/snagit/),
le Web nous propose une série d’outils
permettant de découper des parties
d’écran dont certains permettent de les
retravailler, de les annoter, etc.
» Adresses
• GreenShot - http://getgreenshot.org/
• Snippy - http://www.bhelpuri.net/
Snippy/ (basique).
Et maintenant, à vous de jouer !
?
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26
ATHENA 268 · Février 2011 > MÉDECINE
Texte : Philippe LAMBERT
ph.lambert.ph@skynet.be
Photos: J. NYBERG (p.26), Ph.LAMBERT (p.28)
L’ultime
Éprouver le sentiment de quitter son corps, percevoir
une lumière éclatante au fond d’un tunnel, voir son passé défiler
devant soi, être persuadé d’avoir été en relation avec des défunts
ou avec un être mystique, se sentir en communion avec l’Univers...
De tels vécus ne sont pas rares, surtout quand on frôle l’ultime
frontière. Au-dessus de ces expériences de mort imminente plane
encore une part de mystère. Et si leur origine était purement neurologique...
Environ 10% des personnes
ayant survécu à un arrêt
cardiaque rapportent une
«expérience de mort imminente»
(NDE - Near-Death
Experience, en anglais). Mais le nombre
de cas est peut-être sous-évalué. «Certains
patients pourraient avoir oublié ce
vécu subjectif, un peu comme on oublie
un rêve», indique le professeur Steven
Laureys, maître de recherches au Fonds
national de la recherche scientifique
(FNRS), responsable du Coma Science
Group au sein du Centre de recherches
du cyclotron de l’Université et du CHU
de Liège. En outre, il arrive que des personnes
relatent une expérience de mort
imminente en dehors de tout arrêt cardiaque
ou respiratoire. Leur vie n’a donc
pas été en danger et à aucun moment,
elles n’ont sombré dans le coma. «Un
stress très important peut parfois suffire»,
commente Steven Laureys.
Il se pourrait par ailleurs que les souvenirs
de NDE soient faux, imaginés. Dans une
étude présentée récemment au congrès
annuel de la Société européenne de neurologie,
les chercheurs du Coma Science
Group montrent au contraire qu’ils ont
toutes les caractéristiques de souvenirs
réels. Reste alors le nœud gordien: la
cause des NDE. Les tenants des théories
spirituelles, où l’esprit - l’âme - est

considéré comme immatériel et séparé
du corps, postulent notamment que les
expériences de décorporation (Out-of-
Body Experiences - OBE) décrites dans un
tiers des NDE assoient le bien-fondé de
leurs croyances. Mais voilà, il a été mis en
évidence qu’une stimulation de la région
temporo-pariétale droite du cerveau
peut provoquer un vécu d’OBE.
Faut-il y voir la preuve définitive que
le ressenti d’une expérience de sortie
hors du corps (et plus largement toute
NDE) est étroitement lié au fonctionnement
cérébral, que tout vient du cerveau
? D’aucuns le réfutent, mais leur
argumentation est pauvre sur le plan
scientifique.
Désireux de combattre les interprétations
«magiques» des NDE et peu convaincus
par les théories psychologiques tentant
de les expliquer, Steven Laureys et son
équipe ont initié des recherches afin
d’en explorer le versant neuro-anatomique
chez des patients ayant survécu à un
arrêt cardiaque. Ils recourent à un vaste
éventail de moyens: imagerie par résonance
magnétique structurelle (IRM)
et fonctionnelle (IRMf), tomographie
par émission de positons (PET), électroencéphalographie
à haute densité,
exploration neuropsychologique standardisée.
Leur hypothèse est que chaque
composante d’une NDE - tunnel et
lumière, symbiose avec le cosmos, OBE,
etc. - est imputable à l’atteinte spécifique
d’une région cérébrale en raison de
l’anoxie (manque d’oxygène) inhérente à
tout arrêt cardiaque.
Pour qu’on parle de NDE, il n’est pas
nécessaire d’avoir «vécu» tous les épisodes
caractéristiques du phénomène,
mais certains d’entre eux. La sensation
de quitter son corps, par exemple, se rencontre
en moyenne dans un tiers des cas.
Percevoir une lumière brillante au fond
d’un tunnel ou voir défiler sa vie, idem.
En d’autres termes, toutes les expériences
de NDE ne sont pas semblables.
La vie après la vie
Le travail des chercheurs liégeois
consiste donc à essayer de mettre en
relation les caractéristiques des NDE
rapportées par les patients participant
à leurs études (1) avec d’éventuelles
lésions résiduelles dans les régions céré-
brales susceptibles d’être responsables
du vécu peu commun qu’ils relatent. «La
sensibilité des techniques d’imagerie nous
permet de rechercher, même des années
après un épisode de NDE, de minuscules
cicatrices, une infime activité épileptique,
de petits œdèmes ou de légers dépôts de
sang témoignant de microlésions dans
telle ou telle région cérébrale», précise
Steven Laureys.
Des choses troublantes ont été racontées
à propos de certaines NDE. Ainsi,
d’aucuns affirment qu’une fois réanimés,
des patients ont pu reconstituer les
conversations et les actes du personnel
médical occupé à les maintenir en vie et
même décrire ce qui s’était passé dans
les pièces voisines. Mais la relation de cas
isolés pèse de peu de poids en science;
la crédibilité passe par la méthodologie
scientifique contrôlée et la loi du nombre.
Car il faut faire la part du hasard
statistique, des interprétations peu
rigoureuses et de la fumisterie. D’autant
que les NDE ont parfois suscité les récits
d’«illuminés de bonne foi» ou tracé le
sillon d’un opportunisme mercantile. Tel
auteur vous dira avoir acquis le don de
parler aux fées. Tel autre vous enseignera
la manière de prendre connaissance de
vos vies antérieures... Manipulation ?
Autopersuasion ?...
Pour certains, les expériences de mort
imminente constituent la preuve de
l’existence d’une vie après la mort. D’où
le titre du best-seller du psychologue et
médecin américain Raymond Moody: La
vie après la vie (1975). Quelles que soient
les convictions de chacun à propos de
l’âme et de l’au-delà, il ne devrait échapper
à personne que ce raisonnement
repose sur des sables mouvants.
En effet, par
définition, aucun
de ceux qui ont
rapporté un vécu
(bien réel) de NDE
n’a connu la mort
au moment de cette
expérience hors
du commun, sinon
il n’aurait pu relater
ensuite son histoire.
Aussi les NDE ne nous
permettent-elles de
tirer la moindre conclusion
au sujet d’un au-delà
auquel, par ailleurs, chacun
reste libre de croire ou
de ne pas croire.
+
Philippe LAMBERT · MÉDECINE
(1) L’équipe du Coma science
Group cherche à recueillir le
témoignage de personnes
ayant vécu une NDE, même
ancienne.
Contact:
Vanessa CHARLAND
Tél.: 04/366.23.16
ou 04/366.23.62
E-mail:
v.charland@student.ulg.ac.be
Le p’tit plus
de la rédac’
Au-delà est l’histoire de trois
personnages hantés par la mort
et les interrogations qu’elle
soulève. George est un Américain
d’origine modeste, doté d’un
«don» de voyance qui pèse sur lui
comme une malédiction. Marie,
journaliste française, est confrontée
à une expérience de mort
imminente, et en a été durablement
bouleversée. Marcus est
quant à lui un jeune londonien
à qui la mort enlève le frère
jumeau. George, Marie et Marcus,
guidés par le même besoin de
savoir, la même quête, vont finir
par se croiser pour tenter de
répondre au mystère de l’au-delà.
Il va de soi que
ce film reste une
fiction, éloignée
de tout fondementscientifique,
mais qui
pose néanmoins
la même
question que
se posent les
scientifiques
à savoir:
et après ?
27

28
ATHENA 268 · Février 2011 > MÉDECINE
I N T E R V I E W
Par le jeu de l’interview, laissons maintenant Steven Laureys, nous
guider vers un «tunnel de lumières»...
La main de Dieu ?
Les récits de NDE sont-ils culturellement
marqués ?
Les caractéristiques des phénomènes
rapportés semblent constantes à travers
les différentes cultures. En revanche, leur
interprétation varie au gré des croyances,
des religions et des convictions philosophiques.
Attention ! Il n’y a pas que les
croyants qui font des NDE et en ressortent
convaincus de l’existence de Dieu. On
recense aussi des témoignages d’athées
qui se convertissent après une telle expérience,
mais aussi des témoignages de
croyants qui n’y voient pas la main de
Dieu. Bref, si elles sont le plus souvent
colorées par les grandes croyances philosophiques
et religieuses de départ, les
interprétations des NDE par ceux qui les
ont vécues se révèlent néanmoins très
variées et parfois inattendues.
Un vécu de NDE a nécessairement
des implications à long terme.
Qu’observe-t-on généralement ?
Un changement dans la façon dont les
personnes concernées appréhendent
la vie. Elles se déclarent moins matérialistes,
davantage tournées vers la spiritualité
mystique, plus altruistes, moins
effrayées par la mort. Quelquefois, elles
changent de profession.
Toutefois, les NDE furent longtemps
taboues, y compris au sein de la communauté
scientifique, de sorte que les
patients étaient peu enclins à en parler.
Les choses ont-elles évolué aujourd’hui ?
Sans conteste. Nonobstant, l’intégration
de ce type de vécus dans la vie quotidienne
reste parfois problématique,
notamment en raison de l’opinion et du
comportement de l’entourage à l’égard
de ces expériences.
Réaction à une
menace de mort ?
Les théories explicatives des NDE
peuvent être regroupées en trois
catégories: les approches spirituelles,
psychologiques et neurologiques.
Si vous êtes réfractaire aux premières,
que vous qualifiez de «magiques»,
vous êtes peu convaincu par les
secondes. Que postulent-elles ?
Il existe plusieurs interprétations psychologiques
des NDE. Selon l’une
d’elles, ces expériences consisteraient
en une forme de dépersonnalisation, en
un sentiment de perte du sens de la réalité
qui servirait de moyen de défense
devant une menace de mort. En quelque
sorte, notre inconscient bâtirait
de toutes pièces une «fable» pour nier
l’imminence de notre disparition. Selon
d’autres théories psychologiques, les
NDE reposeraient sur un état de dissociation
entre deux pôles: d’une part, les
sensations physiques et les émotions;
d’autre part, l’identité de soi.
Cela étant, de nombreuses théories neurologiques
ont également été proposées.
Toutes ne sont pas plausibles. Ainsi,
il en est une qui assimile ces expériences
subjectives à des hallucinations consécutives
à l’administration de certaines
drogues durant la phase de réanimation.
Le professeur Steven Laureys,
maître de recherches au Fonds national
de la recherche scientifique (FNRS),
responsable du Coma Science Group
au sein du Centre de recherches du cyclotron
de l’Université et du CHU de Liège.

Or des NDE peuvent survenir en dehors
du cadre médical, par exemple lorsque
des personnes échappent à la noyade.
Pour l’heure, les théories neurologiques
les plus pertinentes associent les diverses
composantes des NDE à un dysfonctionnement
de régions cérébrales spécifiques
ayant été lésées, par exemple,
à la suite d’un traumatisme crânien ou
du manque d’oxygène provoqué par un
arrêt cardiaque.
Des objets parlants
Le principal reproche que vous
adressez aux théories spirituelles
des NDE est évidemment de ne reposer
sur aucune démonstration rigoureuse...
Jusqu’à preuve du contraire, personne
n’a jamais pu mettre en évidence un
phénomène conscient sans activité neuronale.
D’aucuns ont beau jeu d’émettre
des allégations «magiques», en tirant
argument du fait que la science n’a pas
tout compris de la conscience. Un cas
d’abus intellectuel bien connu est celui
du cardiologue clinicien néerlandais Pim
Van Lommel, auteur de best-sellers, qui
utilise les NDE pour affirmer que le cerveau
n’est qu’une sorte de «récepteur
de radio» et que la conscience, dissociée
du corps, est présente dans toutes
les cellules humaines. Je l’invite alors à
aller plus loin, à appliquer la méthode
scientifique afin d’effectuer des mesures
et de démontrer le bien-fondé de
ses assertions. C’est évidemment là que
le bât blesse ! Il me paraît trop facile de
se juger dispensé de faire la preuve de
ce qu’on avance, tout en prétendant se
baser sur des études scientifiques qui,
dans les faits, sont inexistantes ou non
contrôlées.
En 1907, un médecin américain nommé
Duncan MacDougall, a eu l’idée de
peser six individus juste avant et juste
après leur mort. Il a observé chez eux
une diminution de poids de l’ordre de
21 grammes entre les deux pesées. Il
a ensuite reproduit l’expérience sur
quinze chiens, mais n’a décelé chez eux
aucune variation pondérale. Mû par
une vision matérialiste de l’âme, il en a
alors tiré comme conclusion que celleci
quittait le corps des êtres humains au
moment du décès et que seul l’Homme
en possédait une.
Il est apparu que ses travaux étaient
entachés d’approximations - échantillon
restreint, imprécision des mesures... -, et
jamais son hypothèse n’a pu être confirmée
par la suite. Mais, au moins, il a
essayé de tester son hypothèse, contrairement
à ceux qui se réfèrent aux NDE
pour soutenir qu’il existe une âme extérieure
au corps. Et parfois avec de graves
conséquences ! Car quelqu’un comme
Piet Van Lommel va jusqu’à prétendre
que l’individu en état de mort cérébrale
reste conscient. Idée qui exerce un effet
désastreux sur le don d’organes. Or, aux
Pays-Bas, les délais d’attente pour les
transplantations sont particulièrement
longs.
Pour étayer la thèse d’une âme
extérieure au corps, certains, dont
Pim Van Lommel, se fondent principalement
sur le fait que nombre de personnes
ayant connu une expérience
de décorporation affirment avoir vu
la scène de leur réanimation d’une
position sur élevée. Qu’en pensezvous
?
Tout indique que l’origine du phénomène
est purement physiologique. En 2002,
des chirurgiens de l’hôpital universitaire
de Genève ont provoqué une OBE chez
une patiente épileptique en stimulant
involontairement la région temporopariétale
droite de son cerveau. Et cinq
ans plus tard, une équipe anversoise
obtint expérimentalement le même
résultat en stimulant la même région au
moyen d’électrodes implantées.
Par ailleurs, en Scandinavie, l’idée est
venue à certains chercheurs de dissimuler
des images à proximité du plafond
de blocs opératoires. Si elles avaient été
détectées par des patients, cela aurait
suggéré que la conscience est probablement
dissociable du corps. Mais personne
n’a jamais fait état de leur présence...
Une expérience internationale de même
nature, regroupant 25 établissements
hospitaliers, a été lancée en 2008. Pour
l’heure, avec le même résultat négatif.
Lésions cérébrales
Votre hypothèse explicative
des NDE, rappelons-le, est que
chacune de leurs composantes est
imputable à l’atteinte spécifique
d’une région cérébrale en raison
Philippe LAMBERT · MÉDECINE
d’un trauma ou du manque d’oxygène
qu’elle a subi à la suite de l’arrêt
cardiaque du patient. À partir de
quels éléments bâtissez-vous cette
approche du problème ?
Nous venons d’évoquer le cas des OBE,
qui peuvent être provoquées par un dysfonctionnement
de la région temporopariétale
droite. Il est bien documenté
également que la région temporo-pariétale
gauche, aisément lésée en cas de
mauvaise oxygénation, est impliquée
dans la sensation d’une présence à proximité
de soi. La région temporo-pariétale
est une région associative multimodale
qui intègre les différentes informations
sensorielles (visuelles, auditives, proprioceptives
et autres) et qui, par là même,
joue un rôle crucial lorsqu’il faut opérer
la distinction entre soi et autrui.
On sait par ailleurs que des patients épileptiques
dont le foyer épileptogène
se situe dans l’hippocampe, structure
dont on connaît l’importance dans les
phénomènes de mémorisation, peuvent
avoir le sentiment de revivre leur vie en
un éclair, comme dans certaines NDE.
Or l’hippocampe est très sensible au
manque d’oxygène.
Autre exemple: le cortex pariétal postérieur,
qui souffre beaucoup lui aussi en
cas d’anoxie, a été identifié comme étant
le support de la sensation que l’on peut
éprouver d’une union avec le cosmos ou
d’un accès à une expérience spirituelle.
C’est ce qui ressort notamment d’études
en IRMf réalisées en 2009 chez des religieux
par des chercheurs de l’Université
de Californie.
En cas d’arrêt cardiaque ou de traumatisme
crânien, tout le cerveau souffre,
mais particulièrement certaines régions
qui, n’étant irriguées que par de petites
artérioles, sont les plus vulnérables au
manque d’oxygène. Ce sont elles dont
nous suspectons l’implication dans les
phénomènes de NDE.
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ATHENA 268 · Février 2011 > BIOLOGIE
Entre Terre
et mer,
D’abord des dinosaures
aquatiques au sang chaud
(étrange pour des reptiles, non ?)
toujours aussi fascinants.
Il y a ensuite de tout petits
poissons zébrés, hôtes connus
des aquariums de nos maisons
mais également des labos
de recherche. Sur la terre ferme,
il y a eu l’homme de Neandertal:
notre ancêtre était-il
aussi intelligent que nous, Homo
sapiens ? Il a en tous cas
sans doute été épargné par les
problèmes de surpoids que nous
connaissons aujourd’hui. Car
attention, surpoids et mortalité
font plutôt bon ménage ! Et puis
il y a celle qui nous porte: la Terre,
tantôt frileuse, tantôt fiévreuse.
Que nous réserve t-elle ? Enfin,
au départ de tout cela, il y a
l’infiniment petit: la cellule et avec
elle, le fantasme presque réalisé
de pluripotence et d’éternelle
continuité...
il y a...
Texte : Jean-Michel DEBRY • j.m.debry@skynet.be • Photo : Janet (p.30)
Reptiles au sang chaud
Les grands sauriens du secondaire
- les dinosaures, par conséquent -
étaient des reptiles poïkilothermes.
En d’autres termes, ils ne
pouvaient pas réguler leur température
interne. On pense même que ce
paramètre aurait précipité leur fin après
la chute de la météorite géante, il y a
65 millions d’années. L’obscurcissement
prolongé du ciel après la libération
d’une masse considérable de cendres et
poussières aurait entraîné une réduction
importante de la température terrestre.
Celle-ci aurait eu raison d’une partie de
la flore abondante et par effet indirect,
de ses consommateurs.
On est toutefois de plus en plus
persuadé aujourd’hui que certains des
mastodontes pouvaient en partie au
moins réguler leur température interne,
en raison de leur masse et de la surface
de peau offerte au rayonnement
solaire. Une étude récemment publiée
laisserait à penser que dans un contexte
équivalent, quelques-uns des grands
reptiles qui ont colonisé les eaux des
mers, fleuves et océans auraient été
doués de ce même contrôle thermique.
Cela aurait été le cas des ichtyosaures et
des plésiosaures; les mosasaures (voir
ci-dessus - dont le nom est lié à celui
de notre Meuse) n’ayant pas eu cette
bonne fortune.
D’où vient cette information ? D’une
hypothèse déjà ancienne: d’abord, ces
grands prédateurs pouvaient assurer
un métabolisme élevé y compris dans
des fonds maritimes et océaniques
relativement froids. Ensuite, des analyses
de l’isotope 18 de l’oxygène viennent
d’être effectuées dans l’émail des dents
de ce qu’il reste de ces grands sauriens
disparus. Il semblerait, à l’issue de calculs
évidemment savants, que ces animaux
auraient entretenu une température
corporelle élevée, de l’ordre de 35°C
+/- 2. C’est ce qui leur aurait permis
d’effectuer des déplacements rapides et
prolongés à la recherche de proies. Quant
aux mosasaures, ils n’en auraient pas eu
réellement besoin: ils chassaient à l’affut.
Tous ont néanmoins disparu, qu’ils aient
eu le «sang» chaud ou froid. À 65 millions
d’années - au moins - de distance,
cela n’offre évidemment plus qu’un
intérêt scientifique relatif. Sauf pour les
spécialistes du genre, bien entendu.
Science 2010; 328: 1361-1362
et 1379-1381.

Des liens cellulaires étroits
La raison pour laquelle certaines
tumeurs cancéreuses primitives
disséminent dans le corps
et d’autres pas, reste un motif d’interrogation
pour nombre d’oncologues.
C’est encore plus vrai lorsqu’il s’agit de
types de cancers particulièrement proches
par les processus mis en œuvre
et les tissus atteints. Partant, cela
devient également un terrain d’exploration
idéal pour tenter précisément
d’identifier ce qui fait la différence
entre les aptitudes expansives de l’un
et celles, plus «casanières», de l’autre.
Le cancer lymphoblastique à cellules
T (T-ALL) et la leucémie T-lymphoblastique
(T-LBL) sont de ces types-là.
Étudier les gènes qui les gouvernent
pourrait constituer une bonne approche
des différences majeures qui les
concernent. C’est exactement ce que
viennent de faire des chercheurs qui
ont choisi un modèle animal particulier:
le poisson-zèbre, hôte habituel
des petits aquariums. Outre le fait que
ce petit poisson a acquis son statut de
modèle expérimental depuis longtemps,
il est aussi - en partie au moins
Le volume ne dit pas tout
À
une époque où on est sur le point d’identifier la séquence
entière de son génome, l’homme de Neandertal - notre
plus proche cousin disparu - concentre une attention
soutenue de la part des paléontologues. On sait qu’il nous était
semblable à plus d’un titre. La parole lui manquant sans doute
encore, il avait néanmoins une vraie vie sociale et même développé
des rites, notamment funéraires. On sait aussi que sa
capacité crânienne était identique en volume à la nôtre, sinon
légèrement supérieure. Nous était-il égal en intelligence ? On
peut suspecter qu’avant longtemps, le débat restera
ouvert. Cela n’empêche pas les spécialistes de
tenter de trouver une réponse à cette lancinante
question qui, il faut bien le reconnaître,
n’intéresse vraiment qu’eux.
Précisément, des chercheurs viennent
d’aborder la question. Ils ont étudié l’évolution
comparée de la boîte crânienne de
néandertaliens, d’humains actuels et de chimpanzés
à différents âges. Ce qu’ils ont remarqué,
c’est qu’à la naissance, tant pour les Homo sapiens
que les Neandertalensis, l’enveloppe osseuse de la
tête a la même forme et la même contenance. C’est
juste après qu’une différence fondamentale semble survenir.
Là où le crâne néandertalien a tendance à s’allonger, celui
- transparent. C’est spécialement utile
pour suivre, par simple transparence,
l’évolution et au besoin, la dissémination
de tumeurs.
Les deux types de tumeurs ont été
induits chez quelques uns de ces animaux,
qui ont ensuite fait l’objet d’un
suivi. L’expression des gènes l’a également
été et c’est à ce niveau que
l’étude a porté ses fruits. Les scientifiques
ont en effet mis en évidence,
pour les poissons atteints de la première
forme (T-LBL), une activation de
gènes (BCL-2, S1P1 et ICAM1) qui interviennent
dans l’activation de liens de
cohésion intercellulaire. De tels liens
sont évidemment de nature à maintenir
la cohésion locale de la tumeur
et d’empêcher sa diffusion dans les
vaisseaux sanguins. En revanche, si la
tumeur passe du type T-LBL à T-ALL,
on note une activation des gènes qui
codent pour la famille des protéines
kinases AKT, lesquelles sont intimement
mêlées à l’activation des processus
cellulaires: synthèse protéique,
transport du glucose, etc.
de l’homme moderne prend sa forme sub-sphérique, grâce à
l’absence de soudure immédiate. Les parties du cerveau qui
bénéficient de la possibilité d’extension sont les zones pariétale
(ou médiane supérieure) et temporale. C’est également
le cas de la région occipitale. Or, c’est précisément dans les
premières citées qu’est située l’intégration des informations
sensorielles et où se forment les reproductions abstraites de
l’environnement. On peut très logiquement en déduire que si
des modifications sensorielles ont pu effectivement en bénéficier,
cela a également dû être le cas du comportement
d’ensemble.
De telles conclusions fédèrent-elles tous les spécialistes
? Bien sûr que non, ce serait trop simple.
Pour certains d’entre eux, pour intéressantes
que soient les thèses avancées, elles ne sont
que faiblement supportées par les lois de la
statistique. Il est vrai que les séries étudiées
ne concernaient que 60 crânes de chimpanzés,
58 d’humains de tous âges et 9 seulement de
Néandertaliens, ces derniers étant le plus souvent
à reconstruire d’abord. La question reste
donc ouverte, mais on progresse, assurément.
Science 2010 ; 330 : 900-901.
Jean-Michel DEBRY · BIOLOGIE
C’est par conséquent une libération
des liens de cohésion entre les cellules
et une activation de tout ce qui touche
au développement des cellules qui
mène les processus à se diffuser dans
l’organisme. Ces informations sont
importantes: en identifiant des cibles
potentielles d’action spécifique, celles-ci
vont permettre la mise en œuvre
- on l’espère au moins - de traitements
totalement sur mesure dont on attend
une efficacité plus grande. C’est en
tout cas l’intention. Pour ce qui est des
résultats pratiques, il faudra par contre
encore attendre un peu.
Science 2010 ; 330 : 891.
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ATHENA 268 · Février 2011 > BIOLOGIE
La question
du mois
Quel intérêt y a-t-il à
congeler du sperme
de… poisson zèbre ?
Le GIGA (groupe Interdisciplinaire
de Génoprotéomique
Appliquée) basé à Liège, a récemment
fait savoir qu’il maîtrisait dorénavant
la technique de congélation de
la laitance de ce petit poisson d’aquarium.
Les chercheurs n’auraient-ils
donc rien d’autre de plus intéressant
à faire ?
Qu’on ne s’y trompe pas: il s’agit d’un
outil scientifique qui vient d’être
mis au point. Le poisson zèbre (voir
page précédente) est aussi un modèle
d’étude scientifique largement utilisé
dans de nombreux laboratoires. Il peut
notamment faire l’objet de mutations
orientées, souvent chèrement acquises,
qui peuvent aussi évoluer spontanément
dans le temps. Quelle est
donc la meilleure façon de maintenir
une lignée animale en l’état pendant
tout le temps nécessaire à sa conservation
? Par congélation dans l’azote
liquide (-196°C): cela vaut pour les
embryons (rats, souris) et aussi pour le
sperme, comme c’est le cas évoqué ici.
Cette démarche permet notamment
de faire l’économie de coûteux
élevages pour maintenir la lignée intéressante:
on décongèle le sperme, on
féconde des œufs et c’est reparti !
Un dernier détail: l’obtention du précieux
sperme est indolore pour le petit
(et charmant) poisson; il suffit de presser
l’abdomen des mâles à un endroit
précis et le tour est joué. Le volume
récolté est toutefois à la mesure de
l’animal: il se mesure en microlitres !
GIGA, newsletter n°6; janvier 2011.
Ni trop ni trop peu: juste ce qu’il faut
Ce n’est évidemment pas un
scoop: la population des
pays industrialisés a, depuis
une vingtaine d’années, une nette
tendance au surpoids, sinon à l’obésité.
On en vient à penser que ce
glissement pondéral concernerait
aujourd’hui la moitié de la population,
ce qui constitue tout de même
une réelle source d’inquiétude d’un
simple point de vue épidémiologique.
Qui dit surpoids et obésité
dit également - souvent - diabète de
type II, maladies cardiovasculaires et
pathologies articulaires.
Les causes de cette situation
sont connues: des
prédispo sitions génétiques
au stockage graisseux, mais
également et surtout, une
nourriture trop riche, trop abondante
et un manque singulier de dépense
physique et d’exercice. Le résultat est
donc celui auquel on peut logiquement
s’attendre dans un tel cas de
déséquilibre: ce qui est consommé
et qui n’est ni excrété ni dépensé est
accumulé au titre de réserves pour
des temps à venir plus difficiles; des
temps qui, heureusement tout de
même, ne sont plus réellement au
programme de nos sociétés plutôt
bien régulées.
Le surpoids pèse donc de façon de
plus en plus massive sur la santé à
long terme de nos sociétés. Encore
faut-il pouvoir établir un lien entre
une courbe de croissance pondérale
et une mortalité elle aussi croissante.
C’est à la mise en évidence d’un tel
lien qu’un travail récent a porté. Il a
reposé sur l’évaluation de 1,46 million
d’Américains blancs adultes des
deux sexes, de tous poids et de tous
âges (19 à 84 ans). Ils ont été suivis
pendant une moyenne de dix ans,
période au cours de laquelle plus de
160.000 décès ont été enregistrés.
L’index de masse corporelle (IMC) de
chaque individu a été calculé et mis
en rapport avec le risque de mortalité.
Pour rappel, l’IMC est établi en
divisant le poids (en kilos) par le carré
de la taille. Il est généralement admis
qu’un poids «normal» correspond
à un IMC compris entre 20 et 25. À
titre d’exemple, cela représente pour
une femme, un poids de 57 Kg pour
1,65 m ou 65 Kg pour 1,70 m. Cela fixe
les idées. Au-delà de 25, on évoque le
surpoids, l’obésité correspondant à
une valeur de 30 et plus.
Afin d’établir une courbe de risque,
les auteurs ont calculé la mortalité
observée rapportée à chaque
tranche de 5 unités d’IMC.
Si une valeur de 1 est attribuée
aux valeurs de références
(20 à 25), on a montré
que le risque de mortalité
augmente ensuite de façon exponentielle
à mesure qu’on s’en écarte. Il est
par exemple de 1.13 pour les valeurs
de 25 à 30, de 1.44 entre 30 et 40 et
2.51 entre 40 et 50. Cette dernière
tranche, fort éloignée du standard il
est vrai, correspond à des femmes de
plus de 100 Kg pour 1,65 m. Pour ces
dernières, le risque de mortalité à âge
égal est donc deux fois et demi plus
élevé que si elles avaient un poids
en relation avec leur taille. C’est à
méditer...
On aura donc remarqué qu’il existe un
lien étroit entre l’IMC qui nous caractérise
et une morbidité pouvant mener
plus rapidement à un décès. Cela
devrait suffire à justifier un meilleur
contrôle de son poids, en particulier
par un exercice physique accru. Et
qu’on ne tente pas de sombrer dans
l’excès inverse: la courbe de risque
augmente aussi pour des valeurs de
l’index inférieur à 20. Comme toujours,
c’est un sain équilibre qui est à
viser.
N Engl J Med 2010; 363 (23): 2211-
2219.

Des cellules vraiment «souches» ?
On se souvient de l’émoi créé dans le monde scientifique
il y a une dizaine d’années par la possibilité de cultiver
des cellules embryonnaires in vitro pour en faire la
base de régénération de tout tissu malade où dénaturé. Il a fallu
assez vite déchanter pourtant: non seulement on s’est rendu
compte que ces cellules «embryonnaires» étaient susceptibles
de produire des tumeurs, mais une interdiction d’exploiter
des embryons à la seule fin d’en faire une source de cellules -
et non des enfants - a été assez généralement promulguée
par voie légale dans nombre de pays. On a donc reporté son
attention de façon unilatérale sur les cellules souches «adultes»,
celles qui, dans nos différents tissus, assurent homéostasie et
régéné ration. Puis, en 2006, une découverte venait relancer cet
espoir abandonné de «pluripotence», c’est-à-dire de la possibilité,
pour une cellule, de générer tous les types de cellules du
corps. Ce miracle devenait possible grâce à l’introduction, dans
n’importe quelle cellule - même hautement différenciée - de 3
ou 4 gènes la rendant à une forme de virginité première ou si
on préfère, à un stade totalement indifférencié. Embryonnaire,
par conséquent.
Depuis, l’enthousiasme est une fois encore un peu retombé. On
s’est en effet rendu compte que ces cellules dédifférenciées par
injection de gènes (appelés iPS pour Induced pluripotent cells)
ont tout de même tendance à régénérer préférentiellement le
type cellulaire qu’elles étaient à l’origine. Pas totalement gênant,
mais tout de même… On a donc cherché à savoir pourquoi il
en était ainsi et la réponse est récemment venue de quelques
Ah... Cette Terre !
Inutile de revenir sur la problématique
du réchauffement climatique qui
anime nombre de contemporains
comme jamais. Des milliers d’humains
inquiets tâtent en permanence le pouls
de la planète comme si, subitement, elle
menaçait de connaître une fièvre définitive
et non contrôlable. L’intention est
louable, mais c’est un peu oublier que la
même planète a connu dans un passé pas
si lointain quelques errements - peut-être
pas «globaux», mais tout de même - de
la même ampleur que ce qu’on connaît
aujourd’hui, sinon pire. Et si on remonte
davantage le temps encore, on retrouve
des phases de réchauffement bien supérieures.
L’homme n’y était pas et ne peut
donc avoir laissé la trace d’observations
objectivables.
Une de ces phases de réchauff ement est
celle que les spécialistes du paléo climat
appellent le MECO, le Middle Eocene Climatic
Optimum, survenu au milieu de
l’Éocène il y a 40 millions d’années environ.
Si on peut en parler aujourd’hui, c’est
qu’il en reste une trace dans les sédiments
marins; qui tient au classique ratio entre
deux formes de carbone: les isotopes 12C
et 14C. Tout relève de l’hypothèse: s’il y a
eu réchauffement, il y a eu libération massive
de gaz à effet de serre, quelle qu’en
soit la cause, et donc, libération de CO 2 .
Or, il s’établit un équilibre entre ce gaz
atmosphérique et sa forme dissoute dans
les mers et océans, et s’il y en a effectivement
là, on doit identifier une présence
assez massive de carbone dans les organismes
qui élaborent leur structure à
partir du carbone fourni. On peut dès lors
aussi évaluer l’âge du carbone prélevé en
établissant le ratio évoqué ci-dessus.
Jusqu’ici, tout semble concorder. Il y
aurait donc eu, pendant une période
longue (400.000 ans environ) une phase
de réchauffement importante. Si elle
a été longue, cela signifie qu’elle a eu
une cause inscrite dans le temps; autre
chose par conséquent que la chute d’une
météorite massive, par exemple. Pour
l’heure, les spécialistes pensent que cette
phase pourrait correspondre au soulèvement
d’une mer située entre l’Inde
et la Chine actuelle; qui aurait donné la
chaîne de l’Himalaya, mettant à disposition
de l’atmosphère les gaz nés de la
dégradation des anciens fonds marins.
études menées à leur sujet.
L’explication est simple;
elle ne tient pas aux gènes
eux-mêmes mais aux petites
marques biochimiques
qui orientent leur fonctionnement;
ces subtils contrôles
qui constituent ce qu’on appelle l’épigénétique. En d’autres
termes, la cellule iPS, même rendue à un stade «embryonnaire»
originel, a gardé la mémoire de ce qu’elle était à l’origine.
Elle a donc tendance à y revenir spontanément de façon
préférentielle.
Cela signifie-t-il la fin de cette potentialité ? Évidemment non;
les scientifiques ont déjà prévu la parade. Elle tient notamment
à des cultures prolongées au cours desquelles on traite - si
nécessaire - les cellules avec l’un ou l’autre produit chimique
comme le 5-azacytidine. Leur rôle ? Enlever de l’ADN les petits
radicaux méthyles qui, à son niveau, contribuent à assurer le
contrôle épigénétique évoqué.
Tout cela relève, on l’a compris, de la haute technologie. Avant
de passer à toute utilisation thérapeutique, il faudra d’abord
prendre le temps de s’assurer que ces artifices n’induisent pas
d’effets néfastes. Il serait en effet mal venu d’ajouter un effet
pervers à une thérapie induite.
Médecine/science 2010; vol.16, n°11; 902-903.
Ce réchauffement-là était-il important ?
Assurément; on estime que la température
des mers et océans était de 4°C
supérieure à ce qu’elle est aujourd’hui.
Rapporté à la part de CO 2 volumétrique
par million (ppmv), on pense qu’elle était
située entre 1.000 et 2.000 avec des pics
probables à 4.000. Pour mémoire, on
estime à 390 ppmv la même valeur pour
les mers et océans d’aujourd’hui. La planète
a donc subi des réchauffements
majeurs dans un temps lointain, certes,
mais bien après ce bouleversement
qui a fait disparaître les grands sauriens
(dinosaures).
Y en aura-t-il d’autres ? C’est bien possible
et même vraisemblable. Faut-il le rappeler,
le MECO aurait duré 400.000 ans. On
a donc le temps de voir venir au cas très
peu probable où nous serions
à la veille d’un réchauffement
de même
ampleur !
Science 2010;
330: 763-
764.
Jean-Michel DEBRY · BIOLOGIE
33

34
ATHENA 268 · Février 2011 > SANTÉ
Apprivoiser
les cicatrices
du temps
Texte : Philippe LAMBERT
ph.lambert.ph@skynet.be
Photos: L. CANTOS (p.34), Ph.LAMBERT (p.35),
T. RIBEIRO (p.36)
On connaît la boutade...
Un homme demande
à son médecin s’il peut espérer
vivre vieux en contrôlant
son alimentation, en arrêtant
de fumer, en ne buvant plus
d’alcool et en s’adonnant
avec grande parcimonie
aux plaisirs de l’amour.
Alors, le praticien lui répond:
«Je n’en sais rien, mais ce qui
est certain, c’est que ça va vous
paraître très long.»
Mais, au fond, pourquoi
vieillissons-nous ?
L
es miroirs sont là, qui
reflètent la lente érosion
de nos vies, ces premiers
cheveux argentés, ces
rides qui tracent le sillon
de l’inexorable. Pour étirer la flèche du
temps, reculer les limites de la longévité
de l’espèce, sans doute faudrait-il en
remodeler le patrimoine génétique. Par
contre, l’espérance de vie ne cesse de
croître, avec ses possibles conséquences
délétères dans la sphère socioéconomique.
C’est une façon d’aborder la
question. Mais il en est une autre, plus
optimiste, que privilégie le démographe
américain Frank Notestein. Que dit-il
en substance ? Vu dans son ensemble,
le problème du vieillissement n’en est
absolument pas un, c’est simplement
une façon pessimiste de considérer un
grand triomphe de l’humanité.
C’est ici qu’entre en scène la biogérontologie.
Son objectif ? Par l’élucidation
des processus de vieillissement, permettre
à un maximum de personnes de vivre
une vieillesse en bonne santé. Elle ambitionne
donc de différer le moment de
l’apparition des maladies pour lesquelles
l’âge constitue l’un des principaux facteurs
de risque: dégénérescence cérébrale,
diabète de type 2, ostéoporose,
atrophie musculaire, altération de la vue,
problèmes cardiovasculaires, déclin des
fonctions immunitaires, fragilité de la
peau... Parallèlement, elle vise à retarder
la perte d’autonomie, le glissement vers
la dépendance.
Sénescence
réplicative
En 1961, les biologistes américains Leonard
Hayflick et Paul Moorhead publient
The serial cultivation of human diploid
cell strains. Cet article porte sur la mise
en culture de fibroblastes humains issus
de poumons fœtaux. Qu’en ressort-il ?
Que la multiplication des fibroblastes
en culture se ralentit après deux à dix
mois, puis s’arrête - c’est la «sénescence
réplicative». Parallèlement, les cellules
sont affectées de modifications morphologiques
et biochimiques.
Après cette découverte décisive, Leonard
Hayflick s’efforça d’apporter d’autres
pierres à l’édifice de la biogérontologie.
Il compara notamment le comportement
de cellules issues de différentes
espèces de mammifères. Et sembla avoir
mis en évidence que le nombre maximal
de divisions cellulaires in vitro variait en
fonction de l’espèce considérée et qu’il

existait une corrélation étroite entre ce
potentiel de divisions et la longévité de
celle-ci. De ses travaux, il ressortait, par
exemple, que des fibroblastes de rats
nouveau-nés pouvaient se diviser 22
ou 23 fois en culture, alors que le nombre
maximal de divisions de fibroblastes
humains était de l’ordre de soixante.
On a montré depuis lors que ce sont
les conditions de culture qui favorisent
les cellules humaines, car ces dernières
sont mieux défendues face à la présence
d’une quantité d’oxygène plus importante
dans l’atmosphère (des laboratoires)
que dans les tissus. Oxygène
qui endommage l’ADN, favorisant ainsi
l’arrêt de la prolifération des cellules.
Cela étant, pour Hayflick, ce qui se passait
in vitro se passait aussi au cours du
vieillissement normal de l’organisme.
Cette idée, qui ressortissait alors à l’intime
conviction, a été confortée depuis pour
sa découverte de 1961, en particulier
par la théorie des télomères dont nous
allons reparler.
Investissement
énergétique
L’existence suggère donc un compte à
rebours. En quelque sorte, nous serions
dépositaires d’un certain capital de divisions
cellulaires; une fois cette dotation
originelle épuisée, la mort frapperait
inévitablement à notre porte. Mais, à l’inverse
du développement embryonnaire,
le vieillissement n’est pas orchestré par un
programme inscrit dans notre génome.
Certes, de nombreux gènes affectent la
longévité moyenne de chaque espèce
et, au sein d’une même espèce, des facteurs
héréditaires influent sur la durée
de vie. Mais de là à parler de programmation
génétique, il y a une marge que
ne franchissent plus les spécialistes de
biogérontologie.
Alors, pourquoi vieillissons-nous ?
Comme l’expliquent Olivier Toussaint,
maître de recherches au Fond national
de la recherche scientifique (FNRS),
professeur aux Facultés universitaires
Notre-Dame de la Paix (FUNDP) de
Namur, et Béatrice Rayet, coordinatrice
de deux projets européens basés dans
la capitale wallonne, WHY WE AGE (1) et
LINK-AGE (2), une approche séduisante
est celle de Tom Kirkwood, directeur de
l’Institut pour le vieillissement et la santé à
l’Université de Newcastle: la théorie du
soma disponible.
Dans un DVD réalisé aux FUNDP, le
chercheur britannique la résume ainsi:
«L’essence de cette idée est que tout se
rapporte à l’énergie, à la façon dont les
cellules utilisent l’énergie afin de produire
leurs macromolécules de façon précise.
En fonction des différents types cellulaires
de l’organisme, la stratégie varie. Pour les
cellules germinales, qui doivent assurer
la génération suivante, il est fondamental
d’utiliser l’énergie pour produire une
descendance avec exactitude. Pour les
cellules somatiques de l’organisme, c’est
une autre histoire. Rappelez-vous: dans
la nature, les animaux meurent jeunes.
Ils sont tués par un prédateur, ils meurent
d’une infection... Tout ce qui est nécessaire,
c’est que les cellules somatiques
conservent une cohésion suffisamment
longtemps pour que l’animal survive dans
les limites raisonnables de son espérance
de vie au sein de son environnement
naturel. Et c’est pourquoi, j’ai appelé ce
concept la “théorie du soma disponible”.
Sous la pression de la sélection naturelle,
nos gènes ont évolué pour traiter notre
corps, notre soma, comme “jetable”.»
Selon Olivier Toussaint et Béatrice Rayet,
cette approche est pertinente. Différentes
études ont confirmé, d’une part que
les espèces dotées d’une longue espérance
de vie doivent investir davantage
d’énergie dans les systèmes de maintenance
et de réparation de leurs cellules
somatiques et, d’autre part, que
les cellules germinales jouissent d’une
meilleure protection que leurs homologues
somatiques.
Compte à rebours
Les cellules doivent être appréhendées
comme des entités autoorganisées.
La perte d’efficacité des systèmes de
maintenance et de régulation qu’elles
Nom: TOUSSAINT
Prénom: Olivier
Profession:
Chercheur
• Au Fond national de la recherche
scientifique (FNRS) - Unité de recherche
en biologie cellulaire
• Au NAmur Research Institute for LIfe
Sciences (NARILIS)
Chargé de cours aux FUNDP de
Namur
Nom: RAYET
Prénom: Béatrice
Philippe LAMBERT · SANTÉ
Bio express
Profession:
Chercheuse
Coordinatrice adjointe de LINK-AGE
et de WHYWEAGE, actions de coordination
financées respectivement par
les 6 e et 7 e programmes-cadres de la
Commission Européenne
(www.link-age.eu
et www.whyweage.eu ).
35

36
ATHENA 268 · Février 2011 > SANTÉ
(1) Arrivé à son terme en
décembre 2010, WHY
WE AGE visait à définir
les axes prioritaires de la
biogérontologie pour les
prochaines années.
(2) LINK-AGE, qui s’est terminé
en mai 2010, était un
outil de communication
des avancées réalisées en
biogérontologie.
(3) Élisabeth Blackburn, de
l’Université de Californie,
Carol Greider, de la Johns
Hopkins University,
et Jack Szostak, du
Massachusetts General
Hospital de Boston, ont
obtenu en 2009 le prix
Nobel de médecine et
physiologie pour leurs
travaux sur les télomères
et la télomérase.
mettent en œuvre pour lutter contre les
stress qu’elles subissent serait le principal
moteur du vieillissement des tissus.
Le vieillissement normal serait le fruit
des carences qui s’accumulent progressivement
au niveau de l’organisation de
la cellule sous le poids
des agressions, ainsi
que proposé dès 1991
par Olivier Toussaint.
«La théorie de Kirkwood
s’applique tout à fait
aux altérations physiologiques
qui ont lieu au
cours du vieillissement
et nous plongent dans un état de fragilité
physique, indique le professeur Toussaint.
Par exemple, nous devenons beaucoup
plus sensibles au virus de la grippe
avec l’avancée en âge. De même, un état
d’inflammation s’installe lorsque nous
vieillissons et il freine considérablement
notre guérison quand survient un épisode
aigu, telle une pneumonie.»
Mais quels sont les mécanismes moléculaires
qui, agissant au sein de nos
cellules, sont à l’origine des dégradations
dont nos tissus et organes vont
être frappés au fil du temps ? Il en existe
de divers ordres. Par exemple, le fait
Pourquoi
vieillissons-nous ?
Question de
télomères ou de
radicaux libres ?
que des lésions s’accumulent dans les
«centrales énergétiques» cellulaires,
les mitochondries, occasionnant une
baisse de leur productivité. Autre élément:
la multiplication de mutations
dans le génome en raison d’une perte
d’efficacité des systèmes de maintenance
de l’intégrité de l’ADN. Ou encore
l’accumulation, dans la cellule, de protéines
chimiquement modifiées par des
réactions telles que l’oxydation.
Toutefois, les deux théories mécanistiques
les mieux balisées à l’heure
actuelle sont celles des télomères et
des radicaux libres. À l’extrémité des
chromosomes se trouvent des séquences
itératives de bases de l’ADN adénine
(A), guanine (G) et thymine (T),
revêtant la forme TTAGG. Le nombre de
ces séquences TTAGG, baptisées télomères,
varie selon les espèces. À chaque
division cellulaire, un fragment de
télomère est perdu, sauf dans le cas des
cellules cancéreuses, dont on sait qu’elles
se divisent indéfiniment. Pourquoi,
contrairement aux autres, conserventelles
l’intégralité de leurs télomères ?
En raison de l’action régulatrice d’une
enzyme qui y resynthétise ces fragments
d’ADN: la télomérase (3).
En se réduisant par étapes succes sives,
notre «stock» de télomères agirait en
quelque sorte comme un compte à
rebours qui amputerait petit à petit le
temps (le nombre de
divisions cellulaires)
qu’il nous reste. En
cela, la théorie des
télomères croiserait la
route ouverte par les
travaux de Leonard
Hayflick.
«En dépit de ce que
certains ont pu imaginer au début des
années 90, une cure de jouvence à base de
télomérase ne serait pas une bonne solution,
commente Olivier Toussaint. Un tel
traitement se solderait par l’induction de
cancers. Aux États-Unis, des inhibiteurs
de la télomérase font d’ailleurs l’objet
d’essais cliniques en oncologie.»
L’autre théorie majeure du vieillissement
a trait aux radicaux libres, ces
formes réactives et toxiques de l’oxygène
qui, soumettant les cellules à un
stress oxydatif, peuvent y occasionner
d’importants dommages. En outre, la
théorie des radicaux libres a partie liée

avec celle des télomères, dans la mesure
où le raccourcissement télomérique est
d’autant plus important que le stress
oxydatif est élevé et la capacité antioxydante
de la cellule, faible.
Marqueurs
de fragilité
Permettre à un maximum de personnes
de vieillir en bonne santé, voilà,
rappelons-le, la mission prioritaire que
s’est assignée la biogérontologie. C’est
dans cette optique qu’a été initié le
projet SENEGENE, financé par la Région
wallonne. Y participent des chercheurs
des FUNDP, de l’Université de Liège et
de l’Université catholique de Louvain.
Objectif: la détection et la valorisation
de marqueurs de fragilité immunologique
chez les seniors. Les chercheurs
comparent sur le plan moléculaire, au
moyen des techniques de la protéomique
et de la génomique, des personnes
âgées en bonne santé à d’autres
présentant une pathologie en lien avec
une certaine fragilité immunologique -
décompensation cardiaque, fracture du
col du fémur...
«Nous nous efforçons d’identifier des
marqueurs moléculaires d’intérêt prédictif,
de manière à permettre aux praticiens
d’anticiper une éventuelle dégradation
prochaine de l’état de santé de certains
de leurs patients âgés, explique Olivier
Toussaint. C’est ainsi que nous avons
découvert récemment un marqueur
utilisable pour des tests diagnostiques
ayant trait aux modifications du système
immunitaire et à l’état pro-inflammatoire
des seniors: le raccourcissement télomérique
dans les cellules périphériques
sanguines.»
La biogérontologie explore de nombreux
territoires, notamment à travers un
foisonnement de projets financés par les
programmes-cadres européens. Ces études
s’intéressent entre autres au rôle joué
par la mitochondrie dans le processus de
vieillissement des différents organismes,
à l’effet du vieillissement sur la fonctionnalité
des protéines, à la dérégulation du
système immunitaire apparaissant avec
l’âge, aux processus de vieillissement
et de développement contrôlés par les
récepteurs nucléaires, à l’élasticité des
tissus lors du vieillis sement, aux mécanismes
responsables de la fibrose progressive
d’un organe chez la personne âgée,
aux biomarqueurs du vieillissement
humain ou encore à la faiblesse musculaire
liée à l’âge.
La grande famine
d’Amsterdam
Le programme LIFESPAN, centralisé à
Leiden, ambitionne d’élucider les mécanismes
sous-tendant les liens entre
développement et vieillissement. En
effet, contrairement à l’opinion communément
admise il y a à peine quelques
années, le premier peut influer sur le
second. «Les personnes ayant souffert
dans leur jeunesse de la grande famine
dont Amsterdam fut frappée durant la
Seconde Guerre mondiale présentent
des modifications épigénétiques qui les
rendent plus vulnérables aux pathologies
liées au vieillissement», dit Béatrice
Rayet. En d’autres termes, les enfants
qui ont eu faim vieillissent moins bien
que les autres. Plus frappant encore:
dans les modèles animaux, de telles
modifications épigénétiques se transmettent
de génération en génération.
Philippe LAMBERT · SANTÉ
Coordonné par le professeur Claudio
Franceschi, de l’Université de Bologne, le
projet GEHA (GEnetics of Healthy Aging -
2004-2010) est sans doute l’un des plus
ambitieux jamais entrepris sous l’égide
de la biogérontologie. Rassemblant
11 pays européens (25 laboratoires) et
la Chine, il a fait appel à 13.000 volontaires
européens et à un petit nombre
de volontaires chinois. Au niveau de
l’Europe, la population des 13.000 participants
était formée de 5.300 paires
de frère et sœur de plus de 90 ans et
de 2.400 sujets contrôles plus jeunes.
Chacune de ces personnes a accepté
de donner un peu de son sang afin de
permettre une analyse génétique à
grande échelle, le but étant d’identifier
les particularités génétiques (polymorphismes)
associées à une longue vie
en bonne santé physique et mentale,
à l’écart des graves pathologies de la
personne âgée.
GEHA est aussi une étude multidisciplinaire
à laquelle ont participé des biologistes
moléculaires, des démographes,
des gériatres, des épidémiologistes, des
bio-informaticiens et des statisticiens.
Chaque volontaire a été invité à répondre
à un questionnaire relatif à son statut
médical, à sa situation socio économique,
à ses habitudes de vie, etc. Des modèles
mathématiques et statistiques ont été
élaborés pour combiner ces informations
avec les données génétiques. Reste
à attendre la publication des résultats.
Dans son laboratoire invisible, le temps,
lui, continue à battre la mesure.
37

38
ATHENA 268 · Février 2011 > BIODIVERSITÉ
Pas de
Un groupe international
d’experts sera bientôt
constitué pour favoriser
une meilleure interface entre
la science et la politique en vue
d’apporter aux décideurs
des évaluations et scénarios
sur l’évolution future
de la biodiversité
Texte : Paul DEVUYST
Photos : V. ABBOTT/Flick’r (p.38),
A. GROBE/Ara (p.39),
H. GUTIÉRREZ/Colibri (p.39),
B. GRATWICKE/Grenouille (p.39),
NOAA/Corail (p.39),
L. DE VOLDER (p.41)
Alors que l’Année internationale
de la biodiversité
se terminait,
l’Assemblée générale des
Nations Unies donnait
son feu vert à la création d’un groupe
international d’experts dont la mission
est d’évaluer l’érosion des espèces et
proposer des solutions pour l’enrayer.
La mise en place de cette «Plate-forme
intergouver nementale de la biodiversité
et des écosystèmes» (IPRES, en anglais)
a été confiée par les participants à la
Convention sur la diversité biologique,
qui s’est tenue à Nagoya en octobre dernier,
au Programme des Nations Unies
pour l’environnement (PNUE). La création
de ce groupe de scientifiques est à
l’image de ce qui avait été fait en 1998 à la
plan B
pour les espèces menacées !
naissance du Giec (le Groupe d’experts
intergouvernemental sur l’évolution du climat)
chargé d’éclairer les gouvernements
sur le réchauffement de la planète.
Il aura finalement fallu plusieurs rencontres
intergouvernementales pour que
soit validé ce projet. La communauté
scientifique a maintenant les yeux tournés
vers Nairobi où se tient, en ce mois
de février, le conseil d’administration
du PNUE qui devrait fixer la date de la
réunion plénière prévue cette année
encore et qui établira de manière définitive
les modalités de fonctionnement
et les arrangements institutionnels de ce
nouvel outil. La création d’une telle plateforme
était attendue de longue date par
les scientifiques, soucieux d’endiguer
l’appauvrissement de la biodiversité. En
effet, selon l’ONU, le rythme actuel de
perte d’espèces dûe aux activités humaines
est «plus de cent fois supérieur à celui
de l’extinction naturelle».
La nature,
combien ça vaut ?
Une question se faisait de plus en plus
insistante ces dernières années: faut-il
s’intéresser à la valeur des services rendus
par les écosystèmes ? Faut-il donner
un prix à la nature ?
Commandé par l’Europe à un groupe
de travail piloté par l’économiste indien

Pavan Sukhdev, le fruit de trois années
d’étude entend démontrer l’intérêt
qu’il y a à évaluer ce que peut coûter
la non-préservation de la biodiversité.
«Cette nouvelle approche peut réinitialiser
la boussole de l’économie et ouvrir
une nouvelle ère dans laquelle la valeur
des services de la nature est rendue visible
et devient une composante explicite du
processus de décision dans le monde politique
comme dans le monde des affaires»,
devait expliquer Pavan Sukhdev.
Cette étude estime que la dégra dation
des écosystèmes mondiaux coûte
une fortune à l’économie mondiale:
23.500 milliards d’euros chaque année,
soit la moitié du PIB mondial. Autrement
dit, la nature c’est comme la santé, ça n’a
pas de prix mais quand on la perd, on
mesure combien il en coûte de ne pas
la ménager.
Un exemple ? Des chercheurs ont estimé
la valeur de la pollinisation des arbres
et des plantes par les abeilles dans un
pays comme la Suisse. Ces butineuses
sont l’indispensable chaînon d’une production
agricole estimée à 213 millions
de dollars par an, soit cinq fois plus que
la valeur du miel qu’elles fournissent.
Dans le monde, la disparition des insectes
pollinisateurs se traduirait par des
pertes estimées, selon une équipe de
l’Institut national français de la recherche
agronomique, à 153 milliards de
dollars (soit 9,5% de la production agricole
mondiale). Ces chiffres et quelques
autres, peu rassurants, figuraient dans
les rapports sur l’économie des écosystèmes
et de la biodiversité présentés à
la conférence de Nagoya.
Le rapport TEEB, de Pavan Sukhdev (1),
est à la biodiversité ce que le rapport
Stern est au changement climatique:
une tentative de mesure des coûts
de l’inaction face à la dégradation de
l’environnement. Il vise à rendre économiquement
visibles les services
rendus par la nature et qui passent
largement inaperçus pour la plupart
des décideurs économiques, un exercice
extrêmement complexe en ce qui
concerne la biodiversité car au-delà
de services directement «productifs»
tels que les plantes utilisées par
l’industrie pharmaceutique ou les insectes
pollinisateurs, les écosystèmes sont
également des habitats pour les espèces
animales et végétales et des régulateurs
de l’environnement (stockage
de carbone dans les végétaux, microorganismes
dans les sols qui digèrent
une partie de la pollutions, etc.).
Ce document ne propose donc pas
«LE» chiffre qui agglomérerait toutes
les variables, mais une série d’éclairages
ponctuels. En outre, leurs auteurs ne
sont ni naïfs ni idéologues: il est impossible,
ni même souhaitable, d’attribuer
une valeur monétaire à tous les services
rendus par les écosystèmes, et donc
de fixer «un prix» des compensations
pour leur perte. À combien estimer un
paysage où l’on aime se promener ?
Une valeur
contentieuse
Il est évident que le chiffre d’affaires de
certains secteurs économiques est très
directement lié à la biodiversité. C’est
notamment le cas de l’industrie pharmaceutique.
Aux États-Unis, 10 des 25
médicaments les plus vendus sont dérivés
de la biodiversité. C’est également
vrai pour le tourisme. Outre-Atlantique,
la pêche récréative représente quelque
37 milliards de dollars et un million
d’emplois.
Dans leur synthèse, les membres de la
commission Sukhdev citent également,
à titre d’exemple, une décision de la
municipalité de New York qui, en donnant
des subventions (1 à 1,5 milliard de
dollars) pour éviter des pollutions à des
agriculteurs se trouvant en amont de la
ville, a économisé la construction d’une
station d’épuration d’une valeur
comprise entre 6 et 8 milliards de
dollars.
Mais comment évaluer ce qui
n’a pas d’utilité apparente pour
la société ? Quel est le prix à payer
pour protéger, par exemple, les
baleines de l’Antarctique ? Les montants
évoluent rapidement dans des
fourchettes gigantesques et l’idée ne
résiste pas longtemps au bon sens. Le
débat se décale: la destruction d’un site
doit-elle toujours être compensée par
un autre investissement dans la nature ?
La grande question reste donc de savoir
s’il est légitime de défendre la nature
avec des valeurs monétaires ?
«La notion de prix en ce qui concerne
la nature n’a aucun sens», estime
Paul DEVUYST · BIODIVERSITÉ
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ATHENA 268 · Février 2011 > BIODIVERSITÉ
Jacques Weber, économiste au Centre
de coopération internationale pour le
dévelop pement. Il plaide au contraire
pour renoncer à donner des valeurs et
concevoir des méthodes de calcul des
coûts de maintenance ou de restauration
de la disponibilité des services écologiques.
Mais Jacques Weber n’est pas
très optimiste: «Nous sommes conscients
de livrer un combat qui tient du baroud
d’honneur: plus la mise à prix de la nature
avancera, plus son caractère de propriété
commune sera en danger de privatisation»,
assure-t-il (2).
Le «Belgian Ecosystem
Services»
Ce document, qui fait la synthèse de
milliers d’études, avance également une
série de conseils aux décideurs comme
par exemple, d’améliorer les comptes
nationaux en y incluant les richesses
qu’offre le capital naturel de chaque
pays. Autrement dit, chaque état devrait
faire ses propres calculs !
La Belgique est un des sept pays (avec
la Commission européenne) à avoir
financé le TEEB et a lancé, en 2010, une
série de projets (pour un budget total de
860.000 euros) coordonnés par la Politique
scientifique fédérale (Belspo) sous le
nom de Belgian Ecosystem Services (BEES),
et qui consiste à faire l’inventaire des
données et méthodologies existantes.
En outre, la Politique scientifique fédérale
finance deux autres projets de deux ans:
l’un sur les services liés aux eaux douces,
QUELQUES MOTS CLÉS
» Biodiversité: désigne la diversité
naturelle des organismes vivants.
L’article 2 de la Convention sur la
diversité biologique (1992) la définit
comme «la variabilité des organismes
vivants de toute origine, y compris,
entre autres, les écosystèmes
terrestres, marins et autres écosystèmes
aquatiques et les complexes
écologiques dont ils font partie; cela
comprend la diversité au sein des
espèces et entre espèces ainsi que
celle des écosystèmes».
l’autre sur les services périurbains. En
mettant autour d’une même table de
travail sociologues, économistes, juristes
et écologistes, cette administration fédérale
espère pouvoir dégager des outils
d’évaluation efficaces.
Plus de maladies
infectieuses ?
On pourrait penser que le recul de la
biodiversité, c’est-à-dire la diminution
globale du nombre d’espèces vivantes,
entraîne ipso facto une raréfaction des
espèces susceptibles de transmettre
des virus, bactéries et autres parasites,
et qu’ainsi, le risque de prolifération de
maladies infectieuses diminuerait. Or,
selon une étude réalisée par treize chercheurs
américains et anglais et publiée
en décembre 2010 dans la revue Nature,
c’est tout le contraire qui est observé.
Cette étude fait en effet apparaître que
depuis 2005, pour une douzaine de
pathologies au moins (dont la maladie
de Lyme, le paludisme, la fièvre du Nil
ou certaines fièvres hémorragiques),
l’érosion de la biodiversité s’est accompagnée,
pour certaines affections, d’un
plus grand nombre de cas de transmission
à l’homme mais aussi aux animaux,
aux plantes ou aux coraux.
En réalité le tableau clinique est fort
complexe. D’un côté, les inventaires
mondiaux font état d’un déclin d’environ
35% des populations d’oiseaux, de
mammifères, d’amphibiens, de reptiles
et de poissons depuis les années 1970.
» Convention sur la diversité biologique
(CDB): traité international
adopté lors du Sommet de la Terre
à Rio de Janeiro en 1992, avec trois
buts principaux: la conservation de la
diversité biologique (ou bio diversité);
l’utilisation durable de ses éléments
et le partage juste et équitable des
avantages découlant de l’exploitation
des ressources génétiques. Elle est
entrée en vigueur le 29 décembre
1993, signée par 193 pays (sans les
États-Unis). La convention a pris une
importance particulière en 2010 à
De l’autre, plus de 300 maladies infectieuses
nouvelles ont été recensées
depuis 60 ans, chiffre prenant en compte
l’apparition de nouvelles souches
(comme le staphylocoque doré résistant
aux antibiotiques), le passage de
pathogènes à l’homme (le virus du sida
ou celui du syndrome respiratoire aigu
sévère) ou encore leur déplacement
géographique. Établir une corrélation
directe entre les deux phénomènes
serait simpliste car la transmission d’une
maladie infectieuse dépend d’un faisceau
d’interactions où entrent en jeu des
pathogènes (microbes ou parasites), des
vecteurs (moustiques, tiques, pucerons,
mammifères), des espèces réservoirs et
aussi l’environnement.
Les exemples rapportés dans Nature
sont éloquents. C’est ainsi qu’à l’est des
États-Unis, les tiques propageant la bactérie
responsable de la maladie de Lyme
(une cause d’handicaps physiques et
cérébraux parfois mortels) se nourrissent
du sang de souris à pattes blanches
ou d’opossums. Or, les populations
d’opossums, très rarement porteurs de la
bactérie et jouant le rôle d’une «espèce
tampon», ont chuté du fait de la destruction
des forêts (incendies, constructions),
laissant le terrain libre aux souris à pattes
blanches qui sont, elles, d’excellents
réservoirs bactériens.
Un enjeu à divers
éléments
Plusieurs mécanismes sont donc à
l’œuvre. D’abord, l’érosion de la biodi-
l’occasion de l’Année internationale
de la biodiversité.
» Union internationale pour la
conservation de la nature (UICN):
est la principale ONG mondiale consacrée
à la cause de la conservation de
la nature. Elle a été fondée le 5 octobre
1948 et réunit 83 États, 114 agences
gouvernementales, plus de 1.000
ONG et 11.000 experts et scientifiques
de plus de 160 pays. Elle emploie plus
d’un millier de personnes travaillant à
travers le monde sur près de 500 pro-

versité touche aussi les prédateurs et
les compétiteurs des espèces porteuses
de pathogènes, qui se multiplient
donc. Ensuite, il s’avère que les espèces
les plus résistantes à la détérioration de
leur milieu, celles qui s’adaptent et survivent,
sont aussi celles qui constituent les
meilleures réservoirs et les plus efficaces
transmetteurs d’agents infectieux. Cela,
en vertu de processus biologiques qui
restent à élucider.
D’autres éléments interviennent cependant
encore dans le développement
des maladies infectieuses: la croissance
démographique, la multiplication des
jets. L’UICN est également l’organisme
consultatif référent auprès du Comité
du patrimoine mondial pour l’étude
de l’inscription des sites naturels à la
liste du patrimoine mondial, ainsi que
l’évaluation de l’état de conservation
de ces sites.
» Espèces menacées: selon la classification
établie par l’Union internationale
pour la conservation des la
nature (UICN), une espèce est déclarée
«menacée d’extinction» si elle répond
à des critères précis (disparition de
échanges commerciaux, l’élevage intensif
et le réchauffement climatique qui
modifie la distribution géographique des
espèces vectrices et hôtes de pathogènes.
Le déclin de la biodiversité s’ajoute
à ces facteurs.
La conservation des espèces devient,
ainsi, un objectif de santé publique. «Les
liens entre biodiversité et maladies sont
maintenant suffisamment clairs, écrivent
les chercheurs anglo-saxons, pour
rendre plus urgents les efforts de préservation
des écosystèmes naturels et de leur
diversité».
l’habitat, déclin important de sa population,
érosion génétique, surexploitation
des sols, chasse ou pêche trop
intensive, etc.). L’UICN (www.uicn.org)
dresse chaque année une liste rouge
de ces espèces animales et végétales.
Fin 2009, elle en comportait 17.291,
soit 36% des 47.677 répertoriées, soit
un oiseau sur huit et un mammifère
sur quatre.
» Empreinte écologique: il s’agit de
«la mesure en hectares de la superficie
biologiquement productive
Paul DEVUYST · BIODIVERSITÉ
(1) «The Economics
of Ecosystems and
Biodiversity» (TEEB) par
Pavan Sukhdev (dir. PNUE).
Accessible sur le site
http://www.teebweg.org
+
(2) «La Vie, quelle surprise !»,
par Robert Barbault et
Jacques Weber, aux éditions
du Seuil, France.
Pour en savoir
plus
http://www.ipbes.net
http://www.biodiversity.be
nécessaire pour pourvoir aux besoins
d’une population humaine de taille
donnée». Pour répondre au mode
de vie de l’humanité, il faudrait près
d’une planète Terre et demie, selon le
Global Footprint Network, qui a créé
cet indicateur. Cette empreinte aurait
augmenté de 22% en dix ans.
41

42
ATHENA 268 · Février 2011 > PHYSIQUE
Molybdène
contre
graphène
Des chercheurs de l’École
polytechnique fédérale
de Lausanne viennent
de réaliser un semi-conducteur
en molybdénite.
De quoi relancer
la course aux transistors
du futur
Inutile de rappeler l’importance
des transistors, composants
majeurs de l’électronique,
constitués par un assemblage
de semi-conducteurs. Essayer
d’en réaliser de plus petits, de moins en
moins gourmands en énergie, est une
constante depuis leur invention par des
scientifiques de la Bell Telephone à la fin
de l’année 1947. Une sorte de Graal (un
de plus !) poursuivi par de nombreuses
équipes de physique du solide à travers
le monde.
Pour comprendre comment fonctionne
un semi-conducteur, un petit détour par
le phénomène de conduction électrique
n’est pas inutile. Le courant électrique se
matérialise par le déplacement de petits
«grains» de nature différente selon les
Texte : Henri DUPUIS • dupuis.h@belgacom.net
Photos : A. VIALLE (p.42), VINCE (Schéma p.43), École polytechnique fédérale de Lausanne (p.43)
milieux. Ainsi, dans les métaux, ce sont
les électrons qui portent l’électricité
et la capacité des métaux à conduire
l’électricité ne dépend que du nombre
d’électrons susceptibles de conduire le
courant. Autrement dit, cela ne dépend
que de la nature du métal. Dans l’eau
salée, ce sont les ions (positifs du
sodium, négatifs du chlore, issus de la
décomposition du sel) qui contribuent
au transport des charges électriques.
Dans ce cas, la conductivité va dépendre
de la salinité: plus l’eau est salée, plus
il y a d’ions et plus la conductivité sera
grande. Mais tous les corps ne sont
pas aussi conducteurs que le métal.
Certains sont isolants (ils ne véhiculent
pas le courant électrique) et d’autres
sont «entre les deux»: ce sont les semiconducteurs
comme on les a appelés
dès 1910.
Pendant longtemps, les physiciens les
ont ignorés, incapables d’expliquer les
phénomènes qui s’y déroulent. En fait,
les porteurs de charges électriques y
sont plus rares que dans les conducteurs
et surtout, leur quantité est variable,
dépendant de la température et de la
pureté du matériau. On sait que dans un
atome isolé, les électrons se répartissent
en niveaux d’énergie discrets. Dans un
cristal (ensemble d’atomes), comme il
y a des interactions entre atomes, ces
niveaux s’élargissent en bandes: il y a des
bandes permises et d’autres interdites.
Et les électrons se placent sur les
différentes bandes en commençant «par
le bas» (état de plus basse énergie vers
les plus hautes). On appelle bande de
valence celle où se situent les électrons
qui participent à la cohésion du cristal.
La bande suivante est appelée bande
de conduction. Les électrons qui s’y
trouvent - s’il y en a - sont des électrons
libres. Ils participent à la conduction
électrique.
Dans un isolant, tous les électrons
participent aux liaisons chimiques; il n’y
a donc pas d’électrons libres et pas de
conduction électrique. Dans les métaux,
bande de valence et de conduction se
touchent (elles se chevauchent même),
les électrons ne sont pas liés, ils peuvent
passer de la bande de valence à la bande
de conduction et circuler: le phénomène
de conduction est possible (la bande de
conduction se remplit partiellement).
Dans des semi-conducteurs comme le
germanium ou le silicium, la bande de
valence est également pleine et celle
de conduction vide. Mais il se passe
un phénomène particulier: lorsqu’on
chauffe ces cristaux (c’est-à-dire qu’on
fournit de l’énergie), un petit nombre
d’électrons (n) sont excités, quittent la
bande de valence, franchissent la bande
interdite (la distance séparant bande de
conduction et bande de valence, appelée

«gap», est moindre que dans le cas d’un
isolant - voir schéma) et occupent la
bande de conduction. Bien entendu,
ce faisant, ils laissent des manques, des
trous (en nombre p = n) dans la bande de
valence. Mais ce nombre n est très petit.
Ces électrons sont donc très sensibles
aux variations extérieures. C’est pourquoi
on dope les semi-conducteurs purs
par des impuretés. Ainsi, on dope par
exemple le germanium ou le silicium
en y introduisant des atomes d’arsenic.
Ce type de semi-conducteur est alors
appelé de type n (on a ajouté des atomes
dont des électrons peuvent facilement
«sauter» dans la bande de conduction).
Si au contraire, on ajoute des atomes
(par exemple de bore) dont une liaison
est pendante, qui peuvent attirer des
électrons de valence, on va créer des trous
dans la bande de valence. Logiquement,
on a appelé ces semi-conducteurs des
semi-conducteurs de type p.
Et un transistor n’est rien d’autre qu’un
assemblage de semi-conducteurs de ces
types: soit une structure n-p-n (un semiconducteur
de type p en sandwich entre
deux semi-conducteurs de type n) soit,
p-n-p.
Loi de Moore
En théorie, tout cela est bel et bien.
Mais en pratique, il faut réaliser
physiquement de tels dispositifs. Et c’est
ici qu’intervient une des plus curieuses
lois, non de la physique, mais de la
technologie (sa validité dépend en effet
des performances technologiques de
l’être humain), celle de Moore. Celui-ci
a observé, dès 1964, que le nombre de
transistors pouvant être intégrés dans
une puce électronique double tous les
18 mois. Autrement dit, la technologie
parvient à miniaturiser les semiconducteurs
- et à en accroître
les performances - au point de
respecter cette loi, jamais démentie
jusqu’à aujourd’hui. Mais on sait qu’on
va bientôt en atteindre la limite, lorsqu’il
ne sera plus physiquement possible
de réduire la taille des transistors
(on n’arrivera plus à les graver sur le
silicium).
Pour reculer ce moment, les chercheurs
ont tout d’abord placé beaucoup d’espoir
dans le graphène, matériau composé de
feuillets d’atomes de carbone disposés
en structure hexagonale. Chaque feuille,
épaisse d’un atome, peut par exemple
être roulée sur elle-même comme
du papier à cigarette, formant ainsi
un nanotube de carbone, très utilisé
aujourd’hui en nanotechnologies. En
2008, des physiciens de l’Université de
Manchester avaient d’ailleurs réussi à
graver un transistor sur du graphène
et non plus sur du silicium. Le voici
donc déjà détrôné par la molybdénite,
un minéral qu’on trouve en grande
quantité. Le molybdène qu’on en extrait
est surtout connu aujourd’hui pour
former, avec l’acier, un alliage qui rend
ce dernier plus résistant à la chaleur (les
mèches de votre foreuses contiennent
sans doute du molybdène !). Les
chercheurs suisses, dans un article paru
dans Nature Nanotechnology (1), ont
montré qu’il était possible de réaliser un
semi-conducteur à base de MoS 2 . Dans
un feuillet de cette matière, épais de
0,65 nanomètre, les électrons semblent
se déplacer aussi facilement que dans
une couche de silicium de 2 nanomètres
d’épaisseur. Un gain d’un facteur 3, c’est
une avancée énorme. D’autant que ce
genre de transistor se révèlerait aussi
moins gourmand en énergie, bien moins
cher et plus facile à fabriquer que ceux à
base de graphène !
Henri DUPUIS · PHYSIQUE
Cristal de Molybdène pur
d’environ 20 grammes
et molécule de graphène
(1) «Single-layer
MoS 2 transistors,
B. Radisavljevic et al.
Nature Nanotechnology
(2011) doi:10.1038/
nnano.2010.279.
Représentation d’un transistor
formé d’une couche de MoS 2
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ATHENA 268 · Février 2011 > ASTRONOMIE
À la Une
du Cosmos
Texte : Yaël NAZÉ • naze@astro.ulg.ac.be • http://www.astro.ulg.ac.be/news
Ce mois-ci, on a battu deux fois
le record de l’objet le plus lointain connu.
Après un amas dont la lumière
a voyagé 12,6 milliards d’années,
voici une galaxie dont la lumière
a voyagé 13,2 milliards d’années.
Leur découverte indiquerait que l’Univers
était alors moins peuplé qu’on ne le pensait.
Photo: HST
Une fillette de 10 ans,
astronome amateur, a découvert
une supernova dans UGC 3378 :
c’est la plus jeune personne
à le faire !
Photo: DJ Lane
En utilisant au même moment les sondes
Venus Express et Cluster, une équipe
de chercheurs (dont des belges) a pu mieux
contraindre les propriétés des magnétosphères
terrestre et vénusienne.
Du coup, l’interaction Vénus-vent solaire
est mieux comprise.
Photo: ESA
Nos orages sont plus
violents qu’on ne le
pense ! Le télescope
spatial Fermi a montré
que certains produisent
des éclairs gamma,
qui sont à l’origine de jets
d’antimatière !
Photo: Fermi

Le télescope Kepler poursuit sa moisson
d’exoplanètes. Au menu ce mois-ci:
54 candidates se trouvant dans la zone habitable
(dont 5 d’une taille similaire à celle de la Terre)
et un système composé de 6 planètes
plus grandes que la Terre (au pire,
de la taille d’Uranus) et tournant assez près
de leur étoile (au pire, deux fois plus près
que la Terre du Soleil).
À l’heure actuelle, Kepler a découvert
plus de 1.200 candidats exoplanetes...
À confirmer bien sûr !
Photo: Nasa
Spectacle en vue ?
Un nombre anormal de comètes
a frôlé le Soleil le mois passé,
ce qui pourrait présager de l’arrivée d’un astre
bien plus spectaculaire.
Photo: Soho
Le SDSS vient de dévoiler la plus grande image du ciel -
il faudrait un demi-million de télévisions
pour la voir en pleine définition...
Photo: SDSS
La définition d’une planète par l’IAU reste controversée,
mais voici déjà une nouvelle question existentielle:
qu’est-ce qu’une galaxie ?
Cette fois, vous pouvez donner votre avis sur
http://www.surveymonkey.com/s/WLRJMWS
Yael NAZÉ · ASTRONOMIE
Gros buzz ce mois-ci sur Internet et dans les médias:
les signes du zodiaque ne correspondent plus aux constellations, tout ça à cause
de la précession, et il existe une 13e constellation du zodiaque.
Rien de neuf pourtant: la précession est connue depuis deux millénaires
et les frontières définitives entre constellations datent d’un siècle !
Pour éviter le «réchauffé» et en apprendre bien plus:
http://www.lesia.obspm.fr/perso/philippe-zarka/GlobsPZpro/reflexions.html
Photo: A. Wesley
Photo: Nasa
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ATHENA 268 · Février 2011 > ESPACE
Texte: Théo PIRARD
theopirard@hotmail.com
Photo: China Internet
Pourquoi cette volonté de la Chine
de s’affirmer dans l’espace ?
On a affaire à une civilisation très dynamique
qui est fière d’un prestigieux
passé. Elle est à l’origine de quatre grandes
inventions qui ont révolutionné la
vie sur Terre: la boussole, l’imprimerie, le
papier et la poudre explosive. Au début
de ce 21e siècle, on est en présence d’une
force de plus d’1,3 milliard de Chinois
qui a encore un long chemin à parcourir
pour maîtriser les technologies d’avantgarde,
mais qui progresse vite.
Chaque année, ils sont plus d’un million
d’ingénieurs et de chercheurs à être
diplômés des universités, académies et
instituts polytechniques en Chine. Grâce
à des bourses, 10% partent compléter
leur formation à l’étranger. Les autorités
de Beijing sont conscientes que l’espace
L’accès à l’espace fait partie de l’héritage de Mao Tsé-Toung
(1893-1976), le 1er président de la République populaire de
Chine. Le 24 avril 1970, en pleine «révolution culturelle»,
un missile de l’Armée Rouge chinoise place un satellite musical de
173 kg autour de la Terre. Ce lancement fait de la Chine communiste
le 5e État spatial capable de mettre des engins sur orbite. Après la
Russie (1957), les États-Unis (1958), la France (1965) et le Japon (1970)
Quatre décennies plus tard, Beijing, avec Shanghai, se trouve à la tête
d’une puissance de plus en plus présente au-dessus de nos têtes.
En 2010, les Chinois ont fait jeu égal avec les Américains en procédant
à 15 lancements réussis de satellites à partir de trois complexes différents.
Cette année, ils projettent d’effectuer une vingtaine de mises sur
orbite et de tester un module de station (Tiangong-1). La Chine est en
passe de devenir n°2 sur la scène spatiale, derrière l’Amérique,
mais devant l’Europe et la Russie...
et ses défis constitue un formidable
stimulant de matière grise pour les jeunes
générations. Elles veulent en faire un
fleuron du régime communiste, un succès
exemplaire de son appareil militaroindustriel,
l’embryon de compétences
dans les technologies d’avant-garde.
Où en sont actuellement les
Chinois dans la conquête spatiale
?
Les systèmes produits par l’industrie
chinoise, s’ils sont moins coûteux, ont à
démontrer leur efficacité et leur fiabilité
sur le long terme. Cette industrie,
stimulée par le business global, entend
être compétitive en innovant. Elle mise
notamment sur la maîtrise de l’espace
pour renforcer, améliorer et accroître
ses acquis. Ses efforts en recherche et
dévelop pement, comme c’est le cas
aux États-Unis, se font suivant deux
axes parallèles, subtilement interconnectés:
la stratégie militaire et la politique
commerciale contribuent ensemble
à l’éclosion de produits, services et
emplois à grande valeur ajoutée. Depuis
1970, la Chine a procédé aux lancements
de 140 satellites, parmi lesquels trois
vaisseaux habités Shenzhou et deux sondes
d’exploration lunaire. Le spatial est
devenu un sujet de fierté pour le parti
communiste au pouvoir.
Que nous réserve la Chine spatiale
durant les années qui viennent ?
L’Académie des Sciences chinoise a
publié en 2010 une feuille de route - un
document de 100 pages - qui définit
un programme spatial jusqu’en 2050.
Les Chinois veulent être présents sur
tous les plans: la connaissance de l’Univers,
l’étude de la vie extra-terrestre, la
connaissance de notre étoile, des senseurs
à hautes performances, des communications
à haut débit… Quelques
repères spectaculaires balisent la route
chinoise vers les étoiles: une station
habitée en permanence pour 2020, une
base lunaire dès 2030, une expédition de
taïkonautes vers Mars en 2050 ! L’Europe
n’affiche pas de telles ambitions…
Du centre spatial de Jiuquan, la fusée
Longue Marche 2F lance les vaisseaux
Shenzhou et Tiangong. Deux lancements
sont prévus cette année.

B.Usoc:
Centre belge
de contrôle de missions spatiales
Texte: Théo PIRARD • Photos: CNES
L’équipe d’ingénieurs que
dirige le Dr Didier Moreau
est chargé d’assurer les trois
fonctions principales du
B.Usoc:
• fournir aux scientifiques l’information
la plus complète possible quant aux
possibilités de recherche spatiale, les
opportunités de vol pour des expériences
à réaliser, la disponibilité des
instruments des différentes missions
prévues. Toute cette information est
mise à disposition dans une banque
de données;
• apporter le support technique et opérationnel
pour les expériences financées
par les Service public fédéral de
Programmation Politique Scientifique
au travers du programme Prodex de
l’Esa. Ce support concerne la microgravité,
la télédétection, la science
solaire, l’innovation technologique...
Ainsi, le B.Usoc fonctionne comme
un intermédiaire ou interface avec les
partenaires industriels qui mettent au
point l’instrumentation scientifique. Il
aide le chercheur dans l’élaboration
des dossiers techniques, pour la définition
et la vérification des tests de
qualification;
• coordonner les opérations de téléscience
lors de la préparation des
missions spatiales et pour le déroulement
d’expériences ou d’observations
en orbite.
Le B.Usoc participe notamment à l’élaboration
et à l’envoi des télécommandes
vers les expériences en orbite, à l’archivage,
au traitement et à la transmission
des données. Il est d’ailleurs l’un des
quatre Usocs principaux composant
l’infrastructure terrestre des centres
opérationnels de l’Iss en Europe. Avec le
savoir-faire qu’il a développé et acquis au
cours de ses expérimentations, le centre
affiche la plus longue continuité d’opérations
en temps réel avec la station habitée
autour de la Terre. À ce titre, il a démontré
sa flexibilité et son efficacité pour mener à
bien des recherches pour des expérimentateurs
fort différents lors des missions de
Frank De Winne: Odissea en novembre
2002, Oasiss (de mai à novembre 2009).
Grâce au B.Usoc, ce sont 37 expériences
qui ont été ou sont gérées en temps réel
à partir de sa salle de contrôle lors de six
missions, à caractère international.
Reconnaissance d’un
savoir-faire
Le 24 novembre dernier, le Cnes (Centre
national d’études spatiales) français
a transféré au B.Usoc, le centre de
mission scientifique pour son microsatellite
Picard d’observation du Soleil
(variations de la forme du disque, sondages
de son intérieur par la méthode
de l’ héliosismologie, influences de ses
caprices sur notre climat). C’est la première
fois que la gestion d’un microsatellite
du Cnes est confiée à une institution
hors Hexagone.
Théo PIRARD · ESPACE
Au 3e étage de l’Institut d’Aéronomie Spatiale
de Belgique, se trouve le B.Usoc ou
Belgian User Support and Operation Centre.
Entendez le centre belge pour le support
technique des utilisateurs et pour les
opérations dans l’espace. Créé en 1997 par
la Politique scientifique fédérale (Belspo)
dans le cadre notamment de la participa-
tion de la Belgique au programme d’ex-
ploitation de la Station Spatiale Inter-
nationale (Iss), le centre a, depuis 2002,
démontré une belle activité au service de la
communauté des chercheurs et ingénieurs.
Au travers de 37 expériences qui ont été
ou qui sont gérées en temps réel à partir
de sa salle de contrôle lors de six missions,
à caractère international, dans l’Iss.
Le lancement de Picard - du nom d’un
astronome français, l’abbé Jean Picard
(1620-1682) - avait eu lieu le 15 juin
2010 depuis la base russe de Yasny, à la
frontière russo-kazakhe. Le B.Usoc s’est
équipé et préparé pour cette nouvelle
responsabilité en coopérant avec la
société d’informatique spatiale, Spacebel,
qui a développé le centre de mission
scientifique. Pendant au moins cinq ans,
il va gérer l’instrument de l’observatoire
solaire Picard, contrôler son état de santé,
prendre en charge sa programmation,
veiller à l’acquisition et au traitement des
données, ainsi qu’à la diffusion des informations
concernant les effets que l’activité
de notre étoile a sur le climat terrestre.
Pas de quoi s’ennuyer, c’est sûr !
Première image du Soleil obtenue par
le micro-satellite Picard : elle a été réalisée
à partir des données que le télescope
Sodism a recueillies le 22 juillet 2010.
C’est le type d’informations traitées
au B.Usoc.
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ATHENA 268 · Février 2011 > ESPACE
Une Europe
Ce sont les instances politiques
de l’Union - Conseil,
Commission, Parlement
– ainsi que l’Esa, qui sont
chargées de relever les défis
du futur spatial européen. Comme l’a
rappelé la Commission Industrie & Entrepreneuriat
dans un document d’octobre
2010 sur la stratégie industrielle au
service d’Europe 2020, «l’espace est un
moteur pour l’innovation et la compétitivité
au service des citoyens». La politique
spatiale doit répondre aux besoins de
trois secteurs clés: le sociétal, au moyen
des retombées issues de l’exploration et
des applications de l’espace; l’économique,
vu que le spatial est un stimulant de
la connaissance et un moteur de l’innovation;
et le stratégique, avec l’apport
de l’espace au rôle de l’Union comme
acteur global.
spatiale...
bicéphale
Texte: Théo PIRARD • Photo: Nasa
Texte: Théo PIRARD · Photos: Esa, Nasa
Plus spécifiquement, la technologie
spatiale contribue à mieux comprendre
le changement climatique avec le programme
Gmes (Global Monitoring for
Environment & Security) et l’armada Sentinel
de satellites d’observation et à assurer
la sécurité de tous grâce au système
Gnss (Global Navigation Satellite System)
qui utilise les relais Egnos et la constellation
Galileo. Il est impératif de sécuriser le
fonctionnement de ces infrastructures en
orbite via le programme Ssa (Space Situational
Awareness) pour la surveillance de
l’environnement spatial (débris naturels,
restes et épaves de satellites et lanceurs,
influences des rayonnements solaire et
cosmique,…)
Mais la mise en œuvre de systèmes
dépend des ressources allouées par les
pouvoirs publics. La Commission a com-
Brève
spatiale...
d’ici et d’ailleurs
Depuis le 1er décembre 2009,
le fonctionnement de l’Union
européenne est régi par le Traité
de Lisbonne, signé et ratifié
par les 27 États membres.
Ce document officialise, dans son
article 189, l’importance d’une
politique et d’un programme
européen dans l’espace.
En fait, on a affaire à une Europe
bicéphale face à l’odyssée
spatiale. Sans compter le rôle
que veut jouer chaque pays via
une agence nationale ou une
délégation gouvernementale.
muniqué, le 18 janvier, un examen à miparcours
des programmes de navigation
par satellite. Elle reconnaît sa faiblesse
dans cette communication: «Le cadre
budgétaire de l’Union, fonction de perspectives
financières limitées dans le temps,
autorise difficilement les reports d’une
période à l’autre et rend malaisée une
planification à long terme. Or, cette planification
est indispensable pour des projets
dont la durée s’étale sur plusieurs décennies.
Il faut envisager la mise en place de
mécanismes et d’instruments budgétaires
permettant de faire face à cette situation.»
Ce problème pose par ailleurs la délicate
question du pilotage de l’Europe dans
l’espace.
En quête de l’antimatière de l’Univers.
L’avant-dernier vol du Space
Shuttle - mission Sts-134, du 24 avril au
5 mai - servira à amener sur l’Iss l’instrument
Ams-02 (Alpha-Magnetic Spectrometer)
de 6,7 t. Cet équipement scientifique,
qui sera le plus important à bord
de la station, aura besoin de 2,5 kW pour
fonctionner. C’est la première «grande
expérience» du Cern (Centre européen
pour la recherche nucléaire) dans
l’environ nement spatial. Préparé, testé et
intégré dans ses installations de Genève,
Ams-02 (http://www.ams02.org) est le

Le juriste
Antonio Tajani
pour l’Union
Né le 4 août 1953 à Rome, le juriste
et journaliste Antonio Tajani est
Commissaire européen depuis mai
2008. Le 9 février dernier, la Commission
Barroso II lui a confié la direction
«Entreprises et Industrie». Il est
chargé de gérer les deux grands
programmes d’applications spatiales
de l’Union européenne, qui sont au service de ses
politiques sur l’ensemble de la planète: le système Gmes de
monitoring global pour l’environnement et la sécurité (avec les
satellites Sentinel de l’Esa et d’Eumetsat), ainsi que la constellation
Galileo pour la navigation civile par satellites. Ces deux
programmes représentent à ce jour un investissement de quelque
6 milliards d’euros.
À la veille de son entrée dans ses nouvelles fonctions, Antonio
Tajani avait déclaré au quotidien français La Tribune : «La "politique
spatiale européenne" existe désormais juridiquement grâce
au nouveau traité de Lisbonne. C’est pour cela que toute la politique
de l’espace va passer sous l’autorité du même Commissaire».
Il promettait de faire une communication sur l’espace «pour
dessiner une stratégie européenne.» Cette communication, qui
était prévue avant la fin de l’année, est reportée au début de
cette année. On devrait savoir comment le Commissaire Tajani
voit la gouvernance du programme spatial européen. Celuici,
rappelons-le, n’a pas attendu le Traité de l’Union: il a pris
forme et est mis en œuvre, depuis 35 ans, grâce à l’Esa (Agence
spatiale européenne), dont l’expertise en matière de coopération
internationale suscite l’admiration et l’intérêt dans le
monde entier.
résultat d’une coopération exemplaire
entre 600 physiciens de 56 institutions
dans 16 pays (dont la Chine et Taïwan !).
L’objectif ? Découvrir où se cache
l’antimatière dans l’infiniment grand.
Les laboratoires de physique, tels que
le Cern, en produisent alors qu’elle n’est
pas encore mise en évidence dans l’Univers.
Des observations récentes suggèrent
que les atomes, malgré le fait qu’ils
soient à la base de tout ce qui nous
entoure, ne constituent que 5% de la
masse de l’Univers, le reste provenant de
la matière sombre (25%) et de l’énergie
noire (70%). L’identification
de la matière
noire et la compréhension
de sa
nature sont
devenues
deux des
questions
les plus
importantes
de la physique
des particules.
L’ingénieur
Jean-Jacques Dordain
pour l’Esa
Théo PIRARD · ESPACE
Deux «Monsieur Espace»
pour l’Europe
Texte: Théo PIRARD • Photo: E.BOURGOIS (J-J. Dordain)
Né le 14 avril 1946 à Hordain,
sur la frontière franco-belge,
cet ingénieur de l’École centrale
de Paris est entré à l’Esa (Agence
spatiale européenne) en 1986.
Avant d’en devenir le directeur
général en 2003 - une fonction
qu’on lui a renouvelée jusqu’en
2015 -, il a pu se familiariser avec ses nombreux
programmes: microgravité et utilisation de la station spatiale;
stratégie, planning et politique internationale; direction des
lanceurs (programme Ariane 5). Il se révèle un travailleur infatigable,
un expert pertinent, un acteur pleinement engagé dans
le dévelop pement des activités spatiales en Europe. Il aime le
répéter: «Je focalise mon intérêt sur ce que je fais le jour même,
pour que demain soit encore plus intéressant. Pour l’espace en
général et pour l’Europe en particulier.»
Il participe aujourd’hui au débat politique sur la gouvernance
et la stratégie de l’Europe spatiale. Sur les problèmes discutés
par les États membres, il y voit des aspects internes à l’Europe:
«Il faut aller au-delà de ces discussions de village, car le monde
bouge rapidement. Il ne s’agit pas de faire la même chose autrement,
mais de faire plus autrement, en se mettant au service des
politiques de l’Union». Le 14 janvier, lors de sa rencontre traditionnelle
avec la presse, Jean-Jacques Dordain s’interrogeait sur
ce que l’Union serait en mesure de financer à partir de 2014:
«Il n’y a pas encore de consensus sur le budget total de l’Union et
on ignore quelle portion sera allouée à l’espace. Dans ce consensus,
la priorité doit être donnée à l’exploitation des systèmes Galileo
et Gmes.»
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ATHENA 268 · Février 2011 > AGENDA
Sorti de PRESSE
Total recall
Flammarion
Vous aimeriez ne rien oublier ? En
finir avec les trous de mémoire, les
souvenirs approximatifs, les post-it et
les feuilles volantes ? Garder une trace
infaillible de vos conversations, vos
lectures, vos voyages... sans
prendre de notes ? Transmettre
l’intégralité de votre
expérience à vos proches
et pourquoi pas, accéder à
l’immortalité ?
Bienvenue dans le monde
de TOTAL RECALL...
En dépit d’une couverture
«à la Matrix», il ne
s’agit pourtant pas
ici d’un ouvrage de
science-fiction, nous
prévient-on. «C’est l’aventure bien
réelle d’un génie de l’informatique qui
décide de se doter d’une mémoire numérique,
plus complète que la vraie.»
Le concept ? Devenir l’archiviste de sa
propre vie, transformée en base de données
géante et exempte de tout papier.
Les étapes: se doter des outils nécessaires
(ordinateur, GPS, appareil photo
numérique, caméra, scanner, téléphone
portable,...); numériser tout ce qui a été
accumulé jusque là (carnets, photos,
musiques,...); poursuivre par le lifelogging
(enregistrement continu de son
quotidien) et organiser scrupuleusement
le tout.
Il s’agit donc de la présentation enthousiaste
d’un concept révolutionnaire,
accessible à tous, inscrit dans une ère
résolumment virtuelle dominée par
l’envie du «tout savoir, tout maîtriser».
Qui soulève par là un tas de questions
Gordon BELL - Jim GEMMEL
sociétales sur le fondement des nouvelles
technologies et sur l’avenir, avec un
constat: l’information, c’est le pouvoir !
Gordon Bell est ingénieur et chercheur
en informatique et l’un des pionniers de
la technologie numérique. En 1995, il a
rejoint Microsoft où il a lancé, avec Jim
Gemmel, le programme de recherche
MyLifeBits, consacré à l’enregistrement
et à la numérisation des données personnelles.
Pas étonnant par conséquent
que la préface soit signée Bill Gates,
qui voit sans cesse de nouvelles portes
s’ouvrir devant lui !
Traduction de l’anglais par Christophe
Rosson pour Flammarion.
http://www.editions.flammarion.com
http://www.totalrecallbook.com
À vos AGENDAS !
Printemps des Sciences
Du 28 mars au 3 avril 2011
Le Printemps des Sciences est de retour:
pendant une semaine, les curieux
s’adressent aux curieux ! Dans toutes les
grandes villes de Wallonie et à Bruxelles,
des milliers de passionnés qui ont fait
de leur curiosité leur métier - les scientifiques
des universités, hautes écoles et
asbl - vous accueillent pour découvrir,
expérimenter, partager, échanger… Les
activités sont prévues aussi bien pour les
petits d’hommes en pleine découverte
du monde, les jeunes en questionnement,
les citoyens assoiffés de connaissances
ou les simples curieux des choses
du monde.
Émerveillement, étonnement, questionnement
et réflexions seront au rendez-
vous, juste pour le plaisir de comprendre
et d’explorer, pour redécouvrir le monde...
Une semaine qui s’annonce donc aussi
passionnante que les précédentes !
Pour cette 11 e édition, les organisateurs
du Printemps des Sciences ont décidé de
mettre les matériaux à l’honneur. Quelles
sont en effet ces matières qui nous
composent ou qui nous entourent ?
Qu’elles soient vivantes ou inertes, communes
ou rares, utilisées depuis la nuit
En Wallonie et à Bruxelles
des temps ou encore en gestation dans
l’imagination des chercheurs, elles recèlent
mille et un secrets…
Où ? Partout en Wallonie et à
Bruxelles
Tarif ? La plupart des activités sont
gratuites!
Pour qui ? Pour tous, «de 7 à 77 ans» !
Infos ? Réseau Scité
Tél.: 04/366.96.96
Mail: info@sciences.be
Programme complet disponible
sur le site:
http://www.printemps-des-sciences.be/

Colloque sur les enfants en difficultés d’apprentissage
Le samedi 26 mars 2011
Parce que tous les enfants ont le droit
d’apprendre, l’école «Les Carrefours»
organise un colloque consacré aux
enfants en difficultés d’apprentissage.
L’enseignement spécialisé Les Carrefours
est constitué de trois entités séparées
ayant chacune des objectifs bien
spécifiques et s’adressant à des élèves
dont les problèmes sont différents.
Ici, les enfants sont suivis à l’aide de
méthodes adaptées aux difficultés de
chacun. Les élèves sont accueillis dans
un climat de confiance, de compréhension
de leurs échecs. Nous essayons de
leur redonner une façon positive de se
percevoir. Il est important de rétablir
le dialogue avec l’adulte, de créer une
réconciliation entre l’élève et la matière:
il doit se sentir bien.
Les enseignants qui travaillent dans
l’école en ont fait le choix et sont épaulés
par des logopèdes, psychomotri-
Festival du Film scientifique de Bruxelles
Du 21 au 25 mars 2011
Vous êtes chercheur ? Étudiant?
Élève de secondaire ? Passant?
Passante ? Curieux ? Passionné ?
Rêveur ?... Qui que vous soyez, venez
fêter les sciences !
Le FFSB se veut accessible à tous,
varié et en marge des sciences actuelles !
Il vous promet de l’émerveillement,
des questionnements, du rêve,
de la poésie et vous invite à lever
le voile sur les secrets des sciences
d’aujourd’hui ! Depuis la physique
nucléaire jusqu’aux sciences de
l’environnement en passant par la géologie
ou encore l’informatique, venez
découvrir ou redécouvrir une vision
ciennes, kinésithérapeutes, enseignants
aidant individuellement les enfants. Ces
personnes assurent une approche de
tous les aspects de la personnalité et
des difficultés de l’enfant, solutionnant
ce qui peut freiner l’apprentissage des
techniques scolaires de base.
Au programme de ce colloque figureront
quelques sommités du monde
médical, notamment le Dr Mazeau
(neuropsychologue infantile à Paris),
le Dr Deconinck (neuropédiatre à
l’HUDERF) et le Dr Gentaz (Directeur de
recherche au CNRS de Grenoble).
objective, rationnelle et passionnée du
monde qui vous entoure.
Une évènement unique à Bruxelles,
une façon agréable d’apprendre, de
rencontrer et de partager, qui a déjà
une certaine popularité dans d’autres
grandes capitales comme Paris, Berlin,
ou Lisbonne,... Au travers de projections,
de conférences et de débats, le
FFSB vous invite à un voyage au cœur
de la science !
La science pour tous ! Et dans tous ses
états ! Ne ratez pas le départ!
Où ? Auditoire J de la Faculté de
médecine de l’ULB - Route de Lennik, 808
à 1070 Bruxelles.
Pour qui ? Les professionnels
ou étudiants du monde médical et
paramédical.
Tarif ? (Lunch compris)
Étudiant: 20 euros; professionnel:
30 euros. (Après le 20 mars: respectivement
25 et 35 euros).
Infos ?
Mail: colloque26@gmail.com
Tél.: 02/647.25.58
À Bruxelles...
http://lescarrefours.jimdo.com
http://www.amisek.be
À Bruxelles...
Où ? Salle Delvaux - ULB Solbosch -
Av. P. Héger, 20 (Bât. F1)
à 1000 Bruxelles
Pour qui ? Pour tous !
Tarif ?
Projections: 1,50 euro pour les adultes;
1 euro pour les étudiants et demandeurs
d’emploi;
Pack semaine: 9 euros pour les adultes
et 6 euros pour les étudiants et demandeurs
d’emploi.
Infos ? Sur le site Internet:
http://www.ffsbxl.be
Géraldine TRAN · AGENDA
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http://athena.wallonie.be
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DE L’ÉCONOMIE, DE L’EMPLOI ET DE LA RECHERCHE