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4<br />

I N D O N E S I E<br />

On était pris dans un de ces remous gigantesques qui agitent la<br />

mer même par temps calme. Pas plus affolé que ça, il est prêt pour<br />

<strong>le</strong> pire, dormant avec son gun et un sac à provision étanche au cas<br />

où il faudrait sauter du bateau. Son gun c’était une vieil<strong>le</strong> 7’6, pour<br />

shooter quand ça devient sérieux, et là ça devenait vraiment. Alors<br />

que <strong>le</strong> bateau lutte pour avancer, on se prend une vague de face qui<br />

s’écrase sur <strong>le</strong> pont avec fracas ! On prend un bon coup de gîte et<br />

en quelques secondes tous <strong>le</strong>s Indonésiens sont par terre. Lorsque<br />

l’un d’entre eux réapparaît avec un gi<strong>le</strong>t de sauvetage, c’est d’un<br />

coup la panique à bord. Les placards contenant <strong>le</strong>s rares gi<strong>le</strong>ts<br />

de sauvetages sont pris d’assaut. Les membres d’équipages, tout<br />

aussi paniqués, restent sans réaction. Les gens se battent pour <strong>le</strong>s<br />

gi<strong>le</strong>ts, derrières nous <strong>le</strong>s femmes en p<strong>le</strong>urs serrent <strong>le</strong>urs enfants<br />

dans <strong>le</strong>s bras. Le pont du bateau se recouvre de plus en plus de<br />

vomi… Mais qu’est-ce qu’on fout là ? On était parti en p<strong>le</strong>ine nuit,<br />

deux blancs sur un ferry rouillé, deux Français au milieu d’une fou<strong>le</strong><br />

d’indonésiens inconscients, gagnés par la panique.<br />

Jusque-là tout va bien…<br />

Direction <strong>le</strong> poste de pilotage pour y glaner quelques infos sur<br />

notre situation. Je m’aperçois qu’il n’y a pas grand monde<br />

sur cette passerel<strong>le</strong> hors d’âge, <strong>le</strong>s instruments de navigation<br />

indispensab<strong>le</strong>s sont bien là, un type fait <strong>le</strong> point sans noter sa<br />

position sur une carte, pendant qu’un autre tient la barre sans<br />

trop y croire. D’autres récitent des versets du coran, pendant que<br />

<strong>le</strong> capitaine, un type d’une vingtaine d’année flottant dans une<br />

chemise blanche trop grande pour lui, semb<strong>le</strong> très préoccupé.<br />

L’oreil<strong>le</strong> collée à son téléphone portab<strong>le</strong> il reste figé face à la<br />

mer. Du côté de la proue, trois marins tiennent à mains nues <strong>le</strong>s<br />

mousquetons qui retiennent la porte avant du ferry. Une folie<br />

quand on connaît <strong>le</strong> poids de la plaque, si el<strong>le</strong> venait à lâcher<br />

ce n’est pas avec <strong>le</strong>urs mains qu’ils pourraient la retenir. La<br />

situation semb<strong>le</strong> assez grave même si rien n’indique pour l’instant<br />

une fracture prochaine de la porte. Mais tout peut arriver très<br />

vite, tel<strong>le</strong>ment l’avant du bateau est chargé. L’eau des vagues<br />

arrose copieusement <strong>le</strong>s motos et <strong>le</strong>s camions dans la cal<strong>le</strong>,<br />

et la gîte du bateau commence à rendre <strong>le</strong>s choses de plus en<br />

plus préoccupantes. Ce ne sont plus que des yeux exorbités, des<br />

gens en p<strong>le</strong>urs, des visages figés, s’attendant au pire, certains<br />

s’agrippaient à moi au passage… La mosquée du bord déborde,<br />

tout <strong>le</strong> monde implore Allah, personne ne devait savoir nager,<br />

et l’idée de se retrouver jeté à la flotte ressemb<strong>le</strong> étrangement<br />

à la mort. Au loin, Bali est noyée dans un paquet de nuages<br />

gigantesques dont <strong>le</strong>s cou<strong>le</strong>urs variaient du gris foncé au noir<br />

vio<strong>le</strong>t avec des ref<strong>le</strong>ts orangers parcourus d’éclairs... Le vent<br />

fraîchit, l’horizon noircit encore, je voyais mal comment on allait<br />

passer au travers de tout ça.<br />

B o t t o m s o u s l a<br />

l è v r e d ’ A r g o l i n e<br />

p o u r G o n z o ,<br />

d i x i è m e t r i p à<br />

L o m b o k ,<br />

i l c o n n a î t l e<br />

c h e m i n d u b a r r e l !<br />

Les barques de sauvetages battent au vent contre <strong>le</strong>s flancs du<br />

navire, <strong>le</strong>s bâches qui nous protégent de la pluie battent dans tous<br />

<strong>le</strong>s sens. Et puis tout d’un coup, <strong>le</strong>s rafa<strong>le</strong>s de vent ne viennent plus<br />

du même côté, on sent <strong>le</strong> bateau tourner sur lui-même. On avait <strong>le</strong><br />

vent dans <strong>le</strong> dos comme si on faisait demi-tour, comme si on prenait<br />

la fuite.<br />

Dans la passerel<strong>le</strong>, <strong>le</strong> capitaine semb<strong>le</strong> soulagé, il a décidé de<br />

changer de cap, il fallait rentrer au port, question de sécurité nous<br />

dit-il. Un changement de direction aussi subit cache sans doute<br />

quelque chose de pas catholique, mais personne ne cherche à<br />

savoir, du moment qu’on ne cou<strong>le</strong> pas à pic. Une heure et demie<br />

plus tard nous sommes enfin à quai, de retour à notre point de<br />

départ. Avant de descendre, je fais un tour du côté de la porte avant<br />

pour constater que <strong>le</strong>s vérins qui la retiennent sont tous en bout<br />

de course, à la limite de décrocher. Ils sont tel<strong>le</strong>ment tordus qu’il<br />

n’aurait pas fallu longtemps avant que l’un d’eux ne cède sous la<br />

pression. Quand on sait qu’un bateau comme ça cou<strong>le</strong> au fond en<br />

moins d’une minute, ça fait froid dans <strong>le</strong> dos… Ce ferry reprendra<br />

sans doute la mer dès que <strong>le</strong> temps se calmera, sans qu’aucune<br />

réparation soit effectuée, faute d’argent. Mais pour l’instant plus<br />

aucun navire n’aurait <strong>le</strong> droit de quitter <strong>le</strong> port pour un bon moment.<br />

Arrivés sur la terre ferme, la pression redescend diffici<strong>le</strong>ment, mon<br />

copilote est un vrai fada, la voiture valdingue dans tous <strong>le</strong>s sens, je<br />

me demande si j’avais bien fait de lui laisser <strong>le</strong> volant. J’avais pas<br />

trop <strong>le</strong> choix, je venais de cracher 300 000 rupiah à un flic véreux<br />

pour une histoire de permis de conduire pas en règ<strong>le</strong>. Devant nous<br />

la fumée noire des camions surchargés, un chien écrasé, un gosse<br />

qui dégueu<strong>le</strong> sur <strong>le</strong> bord de la route, <strong>le</strong> décor est posé. Il doit être<br />

10h du mat, on est de retour à Lombok, on zigzague entre <strong>le</strong>s<br />

bémos, <strong>le</strong>s charrettes tirées par des chevaux, <strong>le</strong>s types en vélo,<br />

ceux qui marchent. Kuta n’est plus qu’à 30km, mais ici ça ne veut<br />

pas dire grand-chose. On fait une pause dans un marché acheter<br />

des fruits, c’est un foutoir incroyab<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s vendeuses éta<strong>le</strong>nt <strong>le</strong>urs<br />

marchandises à même <strong>le</strong> sol dans la poussière. Il y a des déchets<br />

partout, mais ça nous fait du bien d’ava<strong>le</strong>r un truc frais après la nuit<br />

que l’on venait de passer. On ne réalise pas encore très bien de quel<br />

merdier on vient de se sortir, mais on avait eu chaud.<br />

À Kuta, <strong>le</strong> vent souff<strong>le</strong> en rafa<strong>le</strong>s, <strong>le</strong>s tui<strong>le</strong>s de notre bungalow s’envo<strong>le</strong>nt<br />

dans la poussière. La baie de Kuta est blanche, la hou<strong>le</strong> cyclonique<br />

rentre à peine, complètement écrasée par l’off shore. La plupart des<br />

surfeurs sont partis. Le cyclone, pourtant à plus de 1000 Km au large,<br />

aspire vio<strong>le</strong>ment l’air entre Bali et Lombok, on aurait pu tenter un<br />

retour en avion en abandonnant la voiture, mais on avait encore un<br />

peu de temps devant nous. Et puis la hou<strong>le</strong> finirait bien par rentrer.<br />

En attendant, on squatte <strong>le</strong>s coussins de l’Ashtari café sur <strong>le</strong>s<br />

hauteurs de Kuta, profitant de la vue imprenab<strong>le</strong>, bercés par une<br />

musique é<strong>le</strong>ctro.<br />

P a g e d e d r o i t e :<br />

K u t a L o m b o k ,<br />

l a b a i e v u d e<br />

l a t e r r a s s e d e<br />

L’ A s h t a r i c a f é ,<br />

l e s p o t d e c h i l l<br />

i n c o n t o u r n a b l e<br />

a p r è s l a<br />

s e s s i o n .<br />

O u t s i d e G r u p u k<br />

d é b u t d ’ a p r è s<br />

m i d i , m a i s i l y<br />

a t o u j o u r s u n<br />

a u s t r a l o a u<br />

f o n d d u<br />

b a r r e l .

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