4 Maurice coLe Tr o i s tranches d e l a v i e d ’ u n gourou M a u r i c e , t o u j o u r s à l a r e c h e r c h e d u s h a p e u l t i m e . Texte et photos : Stéphane Robin
Maurice Co<strong>le</strong> est un génie, un gourou, un monde à lui tout seul. Maurice est un surfeur ultime, qui n’arrête jamais de penser a quoi ressemb<strong>le</strong>ra sa prochaine planche. Il est obsédé par la vague, la précision de la trajectoire, la vitesse et la technologie qui lui permettra de réaliser <strong>le</strong> ride <strong>le</strong> plus pur, <strong>le</strong> ride ultime. Les doigts dans la prise, Maurice a remporté <strong>le</strong>s compétitions <strong>le</strong>s plus prestigieuses d’Australie, mais il a subit une ségrégation à peine dissimulée de la part du milieu du surf white on white, qui l’a mis hors course. C’est en freerider pur et dur qu’il débarque à Hossegor au début des années 80, un lieu où il s’affirme comme <strong>le</strong> shaper mystique, celui qui fabriqua <strong>le</strong>s planches magiques du jeune Tom Curren. Des années plus tard, on <strong>le</strong> retrouve toujours avec plaisir, <strong>le</strong> rabot à la main à l’atelier de Surf Odyssey à Capbreton. Une bel<strong>le</strong> occasion de revenir sur une vie mouvementée, jusqu’à sa dernière obsession, la chasse aux plus grosses vagues de la planète. On ne <strong>le</strong> sait pas toujours, mais depuis quelques saisons, Maurice est devenu <strong>le</strong> tow-partner attitré de Ross Clark-Jones dans son incessante quête de découverte des plus bel<strong>le</strong>s vagues de la planète. Une obsession poussée jusqu’à l’extrême limite, puisque <strong>le</strong>ur dernière lubie (folie ?) pour trouver et surfer la plus grosse vague du monde : déva<strong>le</strong>r en p<strong>le</strong>in océan une vague scélérate, une de ces vagues fantômes qui frappent parfois en p<strong>le</strong>in océan, capab<strong>le</strong>s de cou<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s plus gros navires… Retour en sa compagnie sur <strong>le</strong>s moments clé de sa vie mouvementée de Gourou-Shaper. Premières influences, Dane Kealoha et sa démesure En 1973, Dane Kealoha devenait <strong>le</strong> meil<strong>le</strong>ur surfer des états-Unis, pendant ce temps-là, Maurice Co<strong>le</strong> shapait sa première planche dans un b<strong>le</strong>d paumé du Victoria (Australie). La génération du « surf all day, party all night » à laquel<strong>le</strong> appartenait Dane allait bientôt rattraper Maurice, pour l’entraîner loin du surf, dans un univers de drogue, de vio<strong>le</strong>nce et de décadence. Trois décennies et quelques plus tard <strong>le</strong> surf continue de driver <strong>le</strong>ur vie. Les deux hommes sont toujours aussi mystiques et imprévisib<strong>le</strong>s. L’un comme l’autre ne connaissent que la démesure. Et ce n’est pas un hasard si Dane a refait surface en 2002 pour tracter Garrett McNamara dans <strong>le</strong> plus gros tube jamais ridé à Jaws. « Dane, c’était <strong>le</strong> maître de Backdoor. Il restera un des surfers hawaiiens <strong>le</strong>s plus puissants et des plus stylés de l’histoire, complètement emprunt d’un héritage royal. Je me souviens bien des boys du North Shore, à l’époque tout <strong>le</strong> monde surfait des planches différentes. La première planche que je me suis fabriqué c’était une 5’10, par 20 1/2 et 3 1/4 , el<strong>le</strong> était verte, j’avais suivi <strong>le</strong>s influences de Wayne Lynch. El<strong>le</strong> avait un swallow tail, je crois que j’avais copié ça sur une planche de Ben Aipa. J’ai fait <strong>le</strong> tour du monde avec cette planche, el<strong>le</strong> marchait partout. Je suis allé en France, à Hawaii, à Bali, tout ça avec une seu<strong>le</strong> planche. J’ai surfé la Gravière fat, Backyards à 10-12 pieds solides, <strong>le</strong>s locaux appelaient ce spot « graveyard », tel<strong>le</strong>ment c’était vio<strong>le</strong>nt. Ce jour-là, il n’y avait pas grand monde à l’eau, j’y suis allé direct, j’ai pris deux ou trois grosses vagues et je me suis fait ramasser, mais la planche avait tenu <strong>le</strong> coup.» Tom Curren, <strong>le</strong> premier reverse V et LA 6’9 Magique « En 1991, j’ai fabriqué une planche très spécia<strong>le</strong> pour Tom Curren. Il avait déjà gagné son troisième titre de champion du monde sur mes planches, et cette fois-ci, c’est arrivé un peu par hasard. J’avais récupéré un préshape un peu voilé et fina<strong>le</strong>ment je l’ai shapé comme je pouvais, j’ai obtenu un léger vee renversé sous <strong>le</strong> pied arrière à la place du traditionnel vee qu’il avait sur ses autres planches. Tom a tout de suite adoré la planche, il m’a dit que c’était la planche la plus rapide qu’il aie jamais surfé. Un moment vraiment émouvant, car j’avais la sensation d’avoir découvert un truc génial pour faire des planches qui iraient encore plus vite. » «1991 toujours, on avait fait une session d’anthologie à la piste. Je surfais souvent avec une planche dont <strong>le</strong>s rails étaient noirs, et quand <strong>le</strong>s gars me voyaient sortir cette board, ils savaient que c’était sérieux, qu’il fallait sortir <strong>le</strong> gun. Ce jour-là, Tom avait une 6’1 et il n’arrivait pas à sortir de tubes, c’était gros et solide, il y avait un bon 6/8 pieds qui soufflait des barrels énorme dans 50 cm d’eau. En sortant, il m’a demandé de lui faire une planche. On a discuté un peu sur la plage, Tom savait ce qu’il voulait, on est allé manger une pizza, et une heure et demie après, j’avais la planche dans la tête. Une 6’9, cel<strong>le</strong> avec laquel<strong>le</strong> il fit des mirac<strong>le</strong>s, c’était une planche magique. El<strong>le</strong> marchait à toutes <strong>le</strong>s tail<strong>le</strong>s, il gagna la fina<strong>le</strong> de Bell’s Beach dans des petites vagues avec cette planche. C’était dingue de bosser avec ce mec ! Un jour, il m’invite à passer chez lui, et là je vois qu’il n’a que deux planches, une 6’1 et une 6’9, alors je lui ai demandé s’il n’en voulait pas plus ? Il m’a fait une liste de 6 planches de 6’0 à 8’3, après me 5