10 LONGUEUR D’ONDES N°64
Philippe Petit 11 LONGUEUR D’ONDES N°64 musique non stop Le monde musical est Petit. En trois décennies ce Marseillais l’a défriché en long et en large. Auditeur compulsif, journaliste radio et papier, fondateur du label culte Pandemonium Records et désormais concepteur de voyage sonore. <strong>le</strong>s titres ne fondent pas l’œuvre, mais quand même ils l’instal<strong>le</strong>nt. Ainsi va la trilogie The extraordinary ta<strong>le</strong> of a <strong>le</strong>mon girl qui pousse <strong>le</strong> bon goût jusqu’à sortir en coffret viny<strong>le</strong> avec inserts signées d’artistes. Ces BO virtuel<strong>le</strong>s à tendance lynchienne réussissent l’osmose entre étapes incontournab<strong>le</strong>s, repères musicaux pour l’auditeur et <strong>le</strong>s surprises du chef. “L’agent de voyage musical”, comme se définit Philippe Petit, a-t-il un secret ? “Pas de recette, je crois que beaucoup pourraient entendre <strong>le</strong> disque même s’ils ne connaissent pas tous <strong>le</strong>s repères ou clins d’œil. Je <strong>le</strong>s fais pour <strong>le</strong>s partager. Mon rô<strong>le</strong> n’est pas de donner des c<strong>le</strong>fs, mais de tenter de tracer un chemin. Certains y trouveront <strong>le</strong>ur voie, mais on ne rentre dedans que si on <strong>le</strong> veut vraiment. Le principe est <strong>le</strong> même en littérature, cinéma, peinture, tout médium qui demande réf<strong>le</strong>xion, on en perçoit l’essence si on fait l’effort de la trouver.” Beau programme, mis en son à l’aide d’une workstation Roland Fantom G6 contenant plus de 1000 sons d’instruments exploités au clavier, mais aussi un psaltérion é<strong>le</strong>ctrique, un cymbalum et diverses guitares fabriquées par des amis luthiers dont l’expérimentateur Yuri Landman “afin de privilégier <strong>le</strong> touché acoustique.” Avant de composer, Philippe Petit a eu plusieurs vies, toutes dédiées à sa passion pour la musique. Journaliste pour moult revues (Abus Dangereux, Best) et intervieweur - excusez du peu - de Nirvana, Fugazi, Neurosis, <strong>le</strong>s Pixies, etc., l’homme fut et reste un passeur à écouter aujourd’hui sur <strong>le</strong>s ondes de Radio Grenouil<strong>le</strong> (88.8 FM en région marseillaise). Enfin et surtout, Philippe Petit a fondé feu Pandemonium Records, <strong>le</strong> label français phare de la noise. 41 disques enre- b VINCENT MICHAUD | a PIRLOUIIIIT gistrés parmi <strong>le</strong>squels Condense, Burning Heads, Unsane, <strong>le</strong>s Bästard, Spaceheads. Bip-Hop, qui lui succède en 2000, se vouera à la scène é<strong>le</strong>ctro stylée avec entre autres Schneider TM, Ultra Milkmaids, Scanner… Aujourd’hui, l’homme se consacre à ses propres créations. Alors comment passe-t-on du rô<strong>le</strong> de passeur à celui de faiseur ? “J’étais heureux du rô<strong>le</strong> que je jouais puisque nous n’étions fina<strong>le</strong>ment que trop peu à aider <strong>le</strong>s musiciens. J’avais l’impression d’avoir fait <strong>le</strong> tour et surtout mes confrères, patrons de labels, passaient <strong>le</strong>ur temps à récriminer contre <strong>le</strong> piratage. Je ne retrouvais plus la passion. Après 25 années au service de la musique d’autrui, et ne voulant surtout pas considérer cette activité juste comme un business, j’ai eu envie de privilégier <strong>le</strong>s miennes et envisager mon action sous un autre ang<strong>le</strong>.” Philippe Petit se donne autant au service de ses créations qu’à cel<strong>le</strong>s des autres. Il enchaîne <strong>le</strong>s sorties, en solitaire ou en collaboration car “avoir de la culture n’a jamais freiné, c’est plus l’usage que l’on en fait qui peut poser problème.” Sur ces projets, on retrouve Graham Lewis de Wire, Alan Vega, Scanner. Rock planant pour Strings of Consciousness From beyond love (Staubgold). Un côté gothique aussi prolongé en juil<strong>le</strong>t avec Empires should burn… signé ASVA et Philippe Petit où l’on entendra Edward Ka-Spel et Jarboe. Ce réseau s’est constitué au fil des ans et nourrit <strong>le</strong>s possibilités : “Leur ta<strong>le</strong>nt me fait rebondir. Pour un autodidacte comme moi, la meil<strong>le</strong>ure façon d’al<strong>le</strong>r de l’avant reste la collaboration. Je vois plus cela comme un partage, comme dans la vie : la meil<strong>le</strong>ure façon de t’épanouir est de regarder vers <strong>le</strong>s autres.” i coup de chapeau triloGie “the extraordinary ta<strong>le</strong>s of a <strong>le</strong>mon girl” Aagoo Records L’alchimie de ces trois chapitres se résume en l’art de faire voyager l’auditeur, <strong>le</strong>itmotiv de Philippe Petit. Ainsi <strong>le</strong> premier vo<strong>le</strong>t Oneiric rings on grey velvet recè<strong>le</strong> 8 mouvements… en mouvement, c’est <strong>le</strong> moins que l’on puisse dire. Cette bande-son onirique ou cauchemardesque, c’est selon, ravira tous <strong>le</strong>s amateurs de Gustav Malher ou de Bernard Herrmann. D’ail<strong>le</strong>urs, la “psychose” est garantie dès la deuxième piste, avant que l’hommage ne se meut en une longue plainte industriel<strong>le</strong>, mi-angoissée, mi-féerique. Le deuxième vo<strong>le</strong>t (Fire walking to Wonderland) creuse un peu plus cet allant bruitiste, prenant un air de performance. Enfin, Hitch-hiking thru bronze mirrors, à venir en septembre, sera selon son géniteur “plus aéré, multipliant instruments et humeurs, à la manière du premier 33 tours de Moondog.”