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coup de maître<br />
Fina<strong>le</strong>ment, <strong>le</strong>s frontières entre <strong>le</strong> reggae et d’autres musiques<br />
sont plus floues que ce qu’il n’y paraît. Bob Mar<strong>le</strong>y disait que<br />
<strong>le</strong> reggae est une musique dure. Quand tu écoutes <strong>le</strong>s lives de<br />
Black Uhuru, au début des années 80, ça joue très sec, c’est<br />
nerveux, ils sont habillés en cuir… De la même manière, <strong>le</strong>s<br />
skinheads faisaient partie des premiers fans de reggae en<br />
Ang<strong>le</strong>terre.<br />
Est-ce fina<strong>le</strong>ment dans <strong>le</strong> dub que vous avez<br />
la plus grande marge d’expression col<strong>le</strong>ctive ?<br />
En tout cas, ce pour quoi nous sommes allés vers <strong>le</strong> dub, c’est<br />
pour l’espace de liberté que cela crée. Tu y as aussi bien <strong>le</strong><br />
côté roots de cette musique que son penchant é<strong>le</strong>ctronique.<br />
Ça nous laisse beaucoup de liberté. Dans notre cas, on a la<br />
chance de pouvoir faire d’autres choses ensemb<strong>le</strong>, notamment<br />
ce ciné-concert. Quand on revient, on a de l’énergie, de l’inspiration.<br />
C’est nécessaire pour éviter de stagner. Et puis, au<br />
moment où tu reprends la paro<strong>le</strong>, tu as peut-être un peu plus<br />
d’attention.<br />
Avec l’arrivée d’un nouveau chanteur, Jay Ree,<br />
tous vos titres sont chantés. Qu’est-ce que<br />
cela apporte à votre musique ?<br />
De la simplicité. On a toujours trouvé que faire du dub stricto<br />
sensus, en disant non à la voix, comportait <strong>le</strong> risque de tourner<br />
en rond à un certain moment. Jay Ree nous apporte une manière<br />
beaucoup plus simp<strong>le</strong> d’aborder notre musique. Il y a<br />
aussi une complémentarité entre lui et Jamika. El<strong>le</strong> vient des<br />
mots, de la poésie, et Jay Ree a pour lui son expérience de<br />
chanteur. Avec notre façon de fonctionner “work in progress”,<br />
chacun y trouve son compte et se pose comme il <strong>le</strong> sent.<br />
Le titre Over/Time a quelque chose de très<br />
puissant justement, avec une narration de<br />
Jamika qui lui donne un côté Melody Nelson<br />
version dub…<br />
Gainsbourg était assez tôt sensib<strong>le</strong> au talk over et Jamika<br />
s’inscrit complètement dans cette tradition de poésie dub, de<br />
slam. Ce qui est aussi intéressant par rapport à ce titre, c’est<br />
que l’on avait simp<strong>le</strong>ment <strong>le</strong> début du morceau et il a complètement<br />
pris forme au moment où on l’a enregistré. C’est un<br />
instantané de nous six en studio, ensemb<strong>le</strong> en train d’improviser<br />
et de vivre notre musique. Sa force vient aussi de là.<br />
24 LONGUEUR D’ONDES N°64<br />
Tous ces changements ont-ils modifié votre<br />
façon d’enregistrer ?<br />
On a toujours eu des processus différents. Jusque Living in<br />
monochrome, on se débrouillait dans un esprit DIY à fond.<br />
À partir de Living, on avait un label (UWe) qui nous permettait<br />
d’al<strong>le</strong>r dans un studio professionnel. On a appris beaucoup de<br />
choses avec <strong>le</strong>s techniciens, mais nous n’avions pas autant<br />
accès à la production que lorsqu’on était entre nous. On a<br />
voulu revenir à quelque chose d’un peu plus DIY, pour toute la<br />
phase de mix avec notre culture reggae-dub d’intervention<br />
sur <strong>le</strong>s morceaux. Ça reste une musique de remix où la matière<br />
musica<strong>le</strong> est comme une matière à sculpter.<br />
Hasard du ca<strong>le</strong>ndrier ou coïncidence, votre coffret<br />
5+1 est sorti en même temps que la 100 e<br />
référence du label lyonnais Jarring Effects.<br />
Quel regard portez-vous la scène dub FR, une<br />
dizaine d’années après son éclosion ?<br />
Déjà, quand on entendait par<strong>le</strong>r de scène dub française il y a<br />
dix ans, on se méfiait un peu. C’était risqué de par<strong>le</strong>r de<br />
“scène” : trois-quatre groupes n’allaient pas faire un mouvement.<br />
Je trouve aujourd’hui qu’il y a un problème de renouvel<strong>le</strong>ment<br />
sur <strong>le</strong> plan musical, mais aussi par rapport aux<br />
groupes. À part High Tone et Brain Damage, ce mouvement<br />
n’en a pas révélé beaucoup. Certains ont été placés de force<br />
dans cette scène comme Meï Teï Shô ou Le Peup<strong>le</strong> de l’Herbe<br />
alors que <strong>le</strong>ur musique est bien plus large que ça. Le dub live,<br />
c’est Mad Professor qui se trimbal<strong>le</strong> avec ses conso<strong>le</strong>s et ses<br />
magnétos sur scène.<br />
L’étiquette vous a quand même servi à une<br />
époque.<br />
Oui… Le point commun qu’il y a entre tous ces groupes-là, c’est<br />
que tout <strong>le</strong> monde venait plus du rock alternatif que du reggae.<br />
C’était au début des années 90, juste après <strong>le</strong> rock fusion<br />
qui a facilité la rencontre entre <strong>le</strong>s sty<strong>le</strong>s. Le côté instrumental<br />
est aussi très important. Pas besoin d’un frontman qui te dit<br />
ce que tu as à faire. Tu es là pour balancer <strong>le</strong> son, c’est tout.<br />
Mais je pense que l’étiquette nous enferme. El<strong>le</strong> permet d’identifier<br />
<strong>le</strong>s groupes, mais il faut toujours se méfier des chapel<strong>le</strong>s.<br />
En même temps, <strong>le</strong> dub, c’est ce que l’on faisait, ce que l’on<br />
fait encore, et sans doute ce que l’on fait de mieux ! i<br />
“e<strong>le</strong>ctric soul”<br />
Yotanka / Differ-Ant<br />
La douceur angevine chère<br />
à Du Bellay a semb<strong>le</strong>-t-il<br />
apaisé <strong>le</strong>s esprits de nos<br />
dubbers. Le spoken word de<br />
Jamika et la ligne de basse<br />
fata<strong>le</strong> de Scars <strong>le</strong> signifient<br />
d’entrée. Le duo basse /<br />
batterie frappe de nouveau<br />
fort sur No idol. On y découvre<br />
la voix chaude de<br />
Jay Ree. Première impression<br />
impeccab<strong>le</strong>. Après un<br />
Mind control typique de la<br />
maison, <strong>le</strong> trip hop de Stay<br />
et <strong>le</strong> progressif Yuri’s portho<strong>le</strong><br />
dévoi<strong>le</strong>nt toute la<br />
richesse d’influence du<br />
groupe. L’album monte en<br />
intensité. Winston McAnuff<br />
puis Jamika nous plongent<br />
en apnées dub narratives,<br />
Chewin’ mi mic la joue<br />
dubamuffin et la complainte<br />
Man made machine achève<br />
<strong>le</strong> récital.<br />
Sortie <strong>le</strong> 24 septembre