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<strong>le</strong> voyage m’a libéré” annonce-t-il au détour d’une phrase, un<br />
sourire énigmatique et discret aux lèvres. Depuis qu’il est rentré,<br />
Syrano est différent. Toujours aussi révolté, inspiré, al<strong>le</strong>rgique aux<br />
compromis. Mais éga<strong>le</strong>ment apaisé. Serein. Affranchi. L’envie prend<br />
alors de remonter, avec lui, <strong>le</strong> fil de ses rencontres. Libéré de<br />
quoi ? Comment ? Qu’a-t-il découvert, de vil<strong>le</strong>s en continents, sur lui et<br />
sur <strong>le</strong>s autres ? Les réponses se trouvent en partie dans son quatrième<br />
disque, tout comme dans <strong>le</strong> livre de réf<strong>le</strong>xions qui l’accompagne. Bienvenue<br />
sur <strong>le</strong> chemin des Cités d’émeraude.<br />
La musique, Langage universeL<br />
Pendant deux ans, il a sillonné près d’une dizaine de pays : Brésil, États-<br />
Unis, Madagascar, Tunisie, Arménie… Partout, il va à la rencontre de musiciens.<br />
Chaque fois, il <strong>le</strong>ur propose de jouer avec <strong>le</strong>urs propres<br />
instruments une partie des morceaux qu’il a composés sur la route, et<br />
<strong>le</strong>s enregistre. En Chine, il tombe ainsi sur un multi-instrumentiste, qui<br />
l’invite d’abord à boire <strong>le</strong> thé, manger, et cela deux jours durant… avant<br />
de lui présenter son orgue à bouche, ses flûtes, et de se mettre à jouer.<br />
À Madagascar, il croise des percussionnistes de génie, qui ne connaissent<br />
rien au solfège. “Dans <strong>le</strong>s deux cas, nous ne parlions pas la même langue,<br />
mais nous avons communiqué grâce à la musique, de manière tota<strong>le</strong>ment<br />
instinctive et spontanée” raconte-t-il. De quoi balayer ses comp<strong>le</strong>xes de<br />
musicien autodidacte qui, en France, bridaient parfois sa créativité. “Tout<br />
est devenu plus simp<strong>le</strong>. Je me suis mis à écrire dans <strong>le</strong>s parcs, <strong>le</strong>s avions,<br />
n’importe où !” Au retour, il s’enferme pendant des mois pour mixer <strong>le</strong>s<br />
enregistrements qu’il a ramenés. Le résultat : dix-huit morceaux métissés<br />
et savoureux, où <strong>le</strong>s flûtes d’Asie se mê<strong>le</strong>nt à la douceur d’un doudouk<br />
d’Arménie ou à la joie bondissante de cordes latinos.<br />
20 LONGUEUR D’ONDES N°64<br />
Syrano<br />
homme du monde<br />
Pour composer son quatrième album, <strong>le</strong> musicien est allé<br />
à la rencontre d’artistes et groupes des cinq continents.<br />
Sur la route, il a récolté bien plus que ce qu’il imaginait<br />
trouver. Son écriture et sa réf<strong>le</strong>xion, poétiques et sans<br />
concession, en sont revenues bou<strong>le</strong>versées.<br />
b AENA LÉO | a JULIEN BENHAMOU<br />
Libérer L’enfant<br />
Longtemps Syrano s’est inspiré de ses b<strong>le</strong>ssures d’enfance pour dessiner<br />
des comptines bou<strong>le</strong>versantes de poésie claire obscure. Les b<strong>le</strong>ssures<br />
sont toujours là, mais <strong>le</strong> voyage <strong>le</strong>s a transcendées : “Je suis un introverti,<br />
j’ai longtemps eu peur d’al<strong>le</strong>r vers <strong>le</strong>s autres.” À l’étranger, ses<br />
inhibitions tombent. Il se découvre un incroyab<strong>le</strong> appétit de rencontres,<br />
aborde des inconnus au hasard des rues. “Le dépaysement m’a aidé à<br />
me dépasser et à voir <strong>le</strong>s choses différemment : <strong>le</strong> regard que je posais<br />
sur <strong>le</strong>s autres, un peu méfiant, a changé.” En entrant dans la peau de<br />
l’étranger immergé dans une culture inconnue, il oublie ses peurs et<br />
prend de la distance avec l’enfant souffrant. “J’ai compris que c’est aussi<br />
grâce à mes cicatrices que je suis devenu ce que je suis. Je <strong>le</strong>s ai acceptées.”<br />
La lumière calme et apaisée émanant de ses titres vient probab<strong>le</strong>ment<br />
de là. Ses textes, eux, témoignent d’une maturité nouvel<strong>le</strong>.<br />
À La recherche<br />
de La cité perdue<br />
Sa soif de voyage a éga<strong>le</strong>ment été nourrie par une doub<strong>le</strong> envie. D’abord,<br />
cel<strong>le</strong> de vérifier si <strong>le</strong>s thèmes qu’il aborde dans chacun de ses précédents<br />
albums (la révolte face aux compromissions, <strong>le</strong> désir de liberté), valaient<br />
aussi quelque chose à l’étranger. Ensuite, cel<strong>le</strong> de partir à la recherche<br />
de civilisations nouvel<strong>le</strong>s et envoûtantes, façon explorateur des temps<br />
modernes. Sa première intuition s’est révélée juste. Mais la seconde a<br />
été déçue. “J’ai vite réalisé que la mondialisation a tout abîmé, partout<br />
Dès que <strong>le</strong>s hommes sont entassés dans <strong>le</strong>s vil<strong>le</strong>s, <strong>le</strong>s mêmes vio<strong>le</strong>nces<br />
et la même bêtise ressurgissent, quel que soit <strong>le</strong> lieu.” Une prise de<br />
conscience doublée d’une autre, à première vue contradictoire : “Les<br />
individus, eux, peuvent en revanche changer, apprendre de <strong>le</strong>urs erreurs,<br />
mettre en application <strong>le</strong>s va<strong>le</strong>urs perdues au niveau col<strong>le</strong>ctif. Ce paradoxe<br />
m’a bou<strong>le</strong>versé.” Ces réf<strong>le</strong>xions, il n’a pas pu <strong>le</strong>s mettre toutes dans ses<br />
chansons. “La forme n’est pas adaptée : il me fallait plus de place.” Alors,<br />
il s’est mis à écrire. D’abord sur un blog, puis sur <strong>le</strong> papier. “Cela a fini<br />
par donner un livre” sourit-il.<br />
Pour son prochain disque, Syrano repartira sur <strong>le</strong>s routes, encore.<br />
Direction Fukushima, Jérusa<strong>le</strong>m, d’autres vil<strong>le</strong>s encore, qui ont toutes<br />
en commun de sou<strong>le</strong>ver en lui questions, dou<strong>le</strong>urs, révoltes. L’album<br />
s’appel<strong>le</strong>ra Mysterium tremendum. C’est <strong>le</strong> nom que l’on donne à<br />
l’instant où <strong>le</strong>s hommes, aussi terrorisés que fascinés par la nature,<br />
inventent la religion.<br />
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