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500' LECTURE DÛ SAMEDI 19 Mai s •!•]<br />
Chacun son métier.<br />
j j u<br />
Il y avait une l'ois un mari qui avait les fourmis<br />
dans'les jambes et ne ' trouvait jamais rien de fait à<br />
son goût sous son toit. Un jour qu'il s'en venait de<br />
faucher au bout du pré, il se mit en colère et grogna<br />
tellement que sa femme lui dit : « Pourquoi faire<br />
comme ça le raillant? Demain, nous changerons de<br />
besogne, tu travailleras ' à la maison et moi aux<br />
champs. J'entendrai chanter les oiseaux. » 11 accepta<br />
et riait dans son poil. On verrait bien si elle gagnerait<br />
beaucoup à l'échange. Pour lui, cès babioles de<br />
ménage, ce ne serait, rien. Belle besogne, qu'il dit,<br />
vingt femmes ne font pas en une journée autant de<br />
travail qu'un bon paysan comme moi en trois couples<br />
d'heures. •<br />
Dès la pique du malin, elle partit pour les'champs,<br />
la faux sur l'épaule. Lui, il battit la crème pour le<br />
beurre, mais au bout d'un petit moment, il eut la<br />
pépie et il n'avait pas envie de boire du lait, c'est<br />
bien trop doux pour un lier gosier. Il avait une rude<br />
gorge : .s'il n'avait pas autre chose, il avqit ça. Alors<br />
iijs'en fut à la cave tirer du cidre. '<br />
Pendant qu'il' remplissait la bouteille, il entendit<br />
qu'un goret trop vaillant entrait dans la maison<br />
comme c-hez lui. Il craignit qu'il ne renversât la baratte<br />
et courut le chasser, mais il oublia de remettre le<br />
fausset. Le cidre n'oublia pas de couler et il était<br />
pétillant comme un diable. La baratte était tombée<br />
et le cochon se barbouillait de crème; il avait la<br />
babine blanche comme si notre perruquier lui avait<br />
frotté le poil avec de la poudre.à savon. Le cochon<br />
trouvait que -la vie é.tait bonne. Quand il vit ça,<br />
l'homme fut moins content que . le cochon. Il-ne<br />
pensait plus à la barrique, il était colère comme un<br />
coq d'Inde. Il chassa le cochon et le poursuivit si vaillamment<br />
qu'il heurta du pied une barre de bois et il<br />
tomba dessus son nez qui était assez long.<br />
li se releva et tapa sur le goret si bravement avec<br />
sa barre-de bois que l'animal fut tué raide. Tant pis,<br />
ça ferait du boudin. Enfin, il remarqua qu'il avait<br />
passé le fausset dans la boutonnière de sa veste.<br />
Il descendit les marches de la cave quatre à quatre.<br />
Le cidre avait fait un petit étang oii l'on pouvait<br />
barboter. Ayant remis le fausset pour que le cidre<br />
ne rentre plus dans la barrique, m'est avis, il s'en<br />
remonta dans la cuisine. Il restait quand même de<br />
la crème. Il en remplit la baratte et recommença à<br />
lui bailler le fouet....<br />
Pendant qu'il barattait, il se souvint que la radie<br />
était à l'étable et qu'elle n'avait rien mangé ni de<br />
mouillé, ni de sec. Pas le temps de la : mener au pré.<br />
Sur la maison il y avait de l'herbe. Il eut l'idée d'y<br />
faire monter la vache. .Ce toit était appuyé à un coteau.<br />
Notre Jean-femme prit la baratte sur son dos.<br />
11 alla faire boire la pauvre bête.<br />
Comme il pliait l'échiné pour tirer l'eau du puits;la<br />
crème lui coula dans le cou et le graissa comme<br />
il faut.... Gommé il était devenu prudent, il pensa<br />
que la vache pourrait faire une-chute et se casser la<br />
barre du dos. Il monta près d'elle et lui passa une<br />
assez forte corde au cou et il eut l'idée d'en laisser<br />
tomber .un bout par le tuyau de la cheminée. Il se<br />
Ja lia au jarret et il fut bien tranquille pendant, un<br />
petit montent..<br />
Mais la vache, qui n'avait pas l'habitude de brouter<br />
.l'herbe du toit tomba, et son poids tira d'un coup<br />
l'homme par letuyau .de la cheminée... La femme,<br />
voyant que son homme raillant n'apportait pas à<br />
manger, s'en revint à la maison. Quand elle vit sa<br />
vache qui beuglait en ramant arec les piéds; elle<br />
pensa devenir .folle, coupa la corde et, du coup,<br />
l'homme dégringola sur la marmite.<br />
Cette journée lui suffit, et le lendemain, il alla<br />
faucher en chantant une brave petite chanson.<br />
OIIARI.KS Sn.vESTni;. (Prodige duciiur'..L'Ion, éditeur.)<br />
I. Voir dans la Remic littéraire du présent numéro-, p. '171,<br />
le compte rendu de l'ouvrage Prodifje du cœur, par notre<br />
collaborateur J. Mouriès.<br />
ROTURE, E. TOUTE Y. LECTURES PRIMAIRES.<br />
La tempête.<br />
Un "des^ j»ais était brisé à six ou huit pieds du<br />
pont, et gisait, étendu dé côté, au milieu d'une masse<br />
de voiles et de cordages,_En ce moment, un grand<br />
cri s'éleva du. rivage, dominant le vent et la mer :<br />
les vagues'avaient balayé le pont, emportant avec<br />
elles, dans l'abîme bouillonnant, les hommes, les<br />
planches, les cordages, faibles jouets pour sa fureur !<br />
Le second mât restait encore debout:<br />
encore debout.<br />
Il'y avait, une cloche â bord, et, tandis que le vaisseau<br />
se démenait comme une créature reduite â la<br />
folie par le désespoir, la cloche sonnait sans repos le<br />
glas funèbre de ces infortunés. Le navire-s'abîma de<br />
nouveau dans les-eau*, puis il reparut : "deuk des<br />
liommes avaient été engloulis. L'angoisse des témoins<br />
de cette scène déchirante augmentait toujours. Les<br />
hommes gémissaient en joignant les mains; les<br />
femmes' cr'aiént et'détournaient la tête. On courait çà<br />
et là sur Ja plage, là ou tout secours était impossible.<br />
Moi-même, je conjurais un groupe' de matelots que je<br />
connaissais, de ne pas laisser cés-deux victimes périr<br />
ainsi sous nos yeux.<br />
Tout à coup, je vis le peuple s'agiter sur.la grève,<br />
il s'entr'ouvrait pour laisser passer quelqu'un. C'était<br />
Ham qui arrivait en courant de toutes ses forces.<br />
Un nouveau cri retentit autour.de nous; nous vîmes<br />
la voile cruelle envelopper à coups répétés celui<br />
des .de.ux qu'elle,, put. atteindre, et s'élancer vers<br />
l'homme au courage indomptable qui restait-seul au<br />
mât. .<br />
Bientôt je revis Ham debout, seul, en costume de<br />
matelot, une corde à la main, enroulée autour du<br />
poignet, une autre à la ceinture-; pendant que les plus<br />
rigoureux se saisissaient de celle qu'il venait do leur<br />
jeter à ses pieds.<br />
Le navire allait se briser. Je vis qu'il allait se<br />
fendre par le milieu, et que la vie de cet 'homme,<br />
abandonné au haut du mât, ne lenait plus qu'à un fil ;<br />
pourtant il y restait fermement attaché.<br />
Ilam regardait là mer, debout et immobile, avec le<br />
silence d'une foule sans haleine derrière lui, et devant<br />
lui la tempête, attendant qu'une vague énorme se<br />
retirât pour l'emporter. Alors il fit un signe à ceux<br />
qui tenaient la corde attachée à sa ceinture, -puis<br />
S'élança au milieu des flots, et il commença contre<br />
eux la lutte, perdu sous des monceaux d'écumè, puis<br />
rejeté sur la grève. On se dépêcha dê le retirer.<br />
Il était blessé. Je vis, d'où j'étais, du sang sur son<br />
visage, mais lui', il ne sembla pas s'en apercevoir. 11<br />
eut l'air de donner à : la hâte quelques instructions<br />
pour qu'on le laissât plus libre, autant que je pus<br />
en jugej- par un mouvement de son bras, puis il<br />
s'élançà'dc n'ouveau. '.<br />
Il s'avança vers le navire naufrage, luttant, contre<br />
les flols, s'élevânt avec leurs' collines, retombant au<br />
fond de leurs Vallées,' repoussé .vers le rivage, puis<br />
ramené vers le vaisseau, hardiment et "vaillamment.<br />
La distance n'était rien, mais la l'i#ce du vent et'de<br />
la mer rendait la lutte mortelle. Enfin, il approchait<br />
du navire, il en était si- près, qu'encore un effort et<br />
il allait s'y accrocher, lorsque, voyant une montagne<br />
immense, verte, impitoyable, rouler de derrière le<br />
vaisseau vers le rivage, il s'y précipita d'Un bond<br />
puissant; le vaisseau avait disparu!<br />
Je vis sur la mèr quelques fragments épars. En<br />
courant à l'endroit oit on l'attirait sur le rivage, je<br />
n'aperçus plus que de-faibles débris, comme si c'étaient<br />
seulement les fragments de (fuelque misérable futaille.<br />
La consternation était peinte sur tous' les visages. On<br />
tira Ham à mes pieds... insensible... mort. La.grande<br />
vague l'avait frappé à mort; son noMe cœur avait<br />
pour toujours cessé do battre.<br />
D'après Ï)ICKKNS.- Traduction P. Lorain.<br />
IDavid-Copperfield, Hachette, èdit).<br />
Coiit*s' Un volume in-16, 1 >A<br />
préparatoire illustré, cartonné.<br />
« Hausse : 40 °/0