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nuit de la mort de Jean-Christophe de G. s’étaient mis à<br />
affleurer à ma conscience, sans que je cherche<br />
particulièrement à les reconstituer par un effort délibéré<br />
de la mémoire. Non, j’en revivais simplement des bribes<br />
dans mon demi-sommeil, laissant émerger quelques<br />
conjectures dans mon esprit – hypothèses et images –, en<br />
faisant appel à des zones différentes de mon cerveau,<br />
selon que j’avais recours au raisonnement pour élaborer<br />
des hypothèses, ou que j’en appelais au rêve pour<br />
invoquer des images. À quelques faits avérés et<br />
vérifiables advenus cette nuit-là, il m’arrivait d’ajouter de<br />
pures fantaisies, que j’intégrais librement à ma rêverie,<br />
combinant dans mon demi-sommeil des faits imaginaires<br />
à des lieux véritables, me déplaçant mentalement dans<br />
l’appartement de la rue de <strong>La</strong> Vrillière, dans lequel j’avais<br />
vécu plus de cinq ans avec <strong>Marie</strong>, entrant et sortant des<br />
pièces, ouvrant la fenêtre de la chambre et découvrant les<br />
murs d’enceinte de la Banque de France baignant dans<br />
une lumière jaune de réverbères parisiens, alors que je<br />
me trouvais pour l’heure calé dans le fauteuil d’un navire<br />
silencieux qui croisait <strong>sur</strong> une mer d’huile entre la côte<br />
italienne et les rivages de l’île d’Elbe.<br />
Je savais qu’il y avait sans doute une réalité objective<br />
des faits – ce qui s’est réellement passé cette nuit-là dans<br />
l’appartement de la rue de <strong>La</strong> Vrillière –, mais que cette<br />
réalité me resterait toujours étrangère, je pourrais<br />
seulement tourner autour, l’aborder sous différents<br />
angles, la contourner et revenir à l’assaut, mais je buterais<br />
toujours dessus, comme si ce qui s’était réellement passé