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potentiellement chargé d’une énergie invisible qui<br />
semblait pouvoir exploser à tout moment, un rien<br />
constamment nourri par de nouveaux éléments, épars,<br />
minuscules, anodins, qui <strong>sur</strong>venaient à intervalles<br />
réguliers pour relancer la tension et nous empêcher<br />
d’aller nous recoucher, l’arrivée d’une voiture de police<br />
dans la nuit, par exemple, qui s’était garée devant la<br />
Banque de France, deux ou trois gardiens de la paix qui<br />
en étaient sortis et avaient établi un vague cordon de<br />
sécurité devant la banque, ou encore, dix minutes plus<br />
tard, l’ouverture du lourd portail en bronze de la Banque<br />
qui s’était entrebâillé lentement, sans que rien ne s’en<br />
suive, un vigile avait simplement passé la tête dehors<br />
dans la nuit et ce fut tout, le lourd portail en bronze s’était<br />
refermé derrière lui, laissant à nouveau planer <strong>sur</strong> la rue<br />
déserte une menace diffuse d’autant plus efficace qu’elle<br />
était invisible. Je n’ai d’ailleurs jamais su ce qui s’était<br />
réellement passé, j’ai feuilleté les journaux dans les jours<br />
qui ont suivi, mais je n’ai jamais rien trouvé de relatif à<br />
l’incident, et je ne garde de cette nuit qu’un souvenir<br />
délicieusement sensuel de complicité silencieuse avec<br />
<strong>Marie</strong>.<br />
J’étais encore à trente mètres de l’immeuble, et je ne<br />
courais plus maintenant, je marchais vite, accélérant le<br />
pas et ralentissant tout à la fois, dans le même<br />
mouvement contradictoire, la même impulsion, la même<br />
foulée contrariée. Mon élan initial avait été brisé net par<br />
la peur que j’avais ressentie en apercevant les gyrophares<br />
devant l’immeuble de <strong>Marie</strong> et j’avais alors brusquement