La Vérité sur Marie

symbolique indélébile, je pouvais en refaire mentalement
le parcours depuis le corps de Marie où elles avaient pris
leur source et les suivre à la trace tout au long des
endroits où je m’étais rendu par la suite cette nuit, car
j’avais dû les transporter avec moi partout où je m’étais
déplacé, depuis la chambre du petit deux-pièces de la rue
des Filles-Saint-Thomas, sur le palier de l’immeuble, dans
les escaliers, et bientôt dans la rue, dans Paris, dans la rue
Vivienne, dans la rue Croix-des-Petits-Champs, dans
l’orage et la pluie, comme si l’eau et le feu avaient
accompagné la course folle de ces particules de sang
invisibles que je transportais sur mon doigt dans la nuit
pour rejoindre Marie.
Je regardais ces quelques gouttes de sang séché sur
mon lit, je savais très bien de quoi il s’agissait, mais, dans
une sorte de vertige et de confusion mentale, j’associai
alors ce sang à Jean-Christophe de G., comme si ce sang
était son sang, comme s’il y avait, dans mon lit, quelques
gouttes du sang de Jean-Christophe de G., un sang que
Jean-Christophe de G. aurait perdu cette nuit dans
l’appartement de Marie, un sang qui lui appartenait, un
sang masculin – un sang de drame, de violence et de mort
– et non pas le sang féminin que c’était, non pas un sang
de douceur, de féminité et de vie, mais un sang de
désastre, et, dans un brusque accès de frayeur
irrationnelle – ou de lucidité –, je compris alors que si
Jean-Christophe de G. venait à mourir cette nuit, j’allais
devoir m’expliquer sur la présence de ce sang sur mes
draps, j’allais devoir dire comment il se faisait qu’il y avait