DE L'INSTRUCTION PRIMAIRE - INRP

198 MANUEL GÉNÉRAL DE L'INSTRUCTION PRIMAIRE
Le certificat d'études à douze ans.
La liste des vœux en souffrance vient de se
raccourcir d'une unité. Aucun enfant âgé de
moins de douze ans ne pourra plus se présenter
au certificat d'études primaires.
Ce vœu si souvent formulé dans les congrès et
dans les , réunions d'Amicales d'instituteurs a
été pris en considération par le Parlement. La
Chambre, sur la proposition de. M. Ferdinand
Buisson, et le Sénat, sur le rapport de M. Maurice
• Faure, ont voté le texte suivant modifiant l'art. 6
de la loi du 28 mars 1882 :
a II est institué un certificat d'études primai-
« res élémentaires; il est décerné après un exact
men public auquel pourront se présenter les
« enfants ayant atteint au moins l'âge de douze
« ans révolus avant le premier jour du mois où
« ils subissent l'examen.
« Toutefois, et par application de l'article 29
« de la loi du 17 avril 1907 sur la sécurité de
« la navigation maritime, pourront être mis en
« possession du certificat d'études primaires élé-
« mentaires, dès l'âge de onze ans révolus, les
« enfants .désignés par. l'administration de la
« marine de leur quartier comme étant can-
« didats à l'inscription provisoire sur les regis-
« très de l'inscription maritime. »
Cette disposition nouvelle ajoute une année
et quelquefois deux au temps si court de la
scolarité, empêche beaucoup d'énfants d'être
employés trop tôt dans l'industrie et par cela
même favorise leur développement physique, et
enfin met en harmonie la loi scolaire .et la loi
sur le travail des enfants dans les établissements
industriels.
D'après le texte ancien, les élèves pouvaient
se présenter au C. E. P. dès l'âge de onze ans.
L'arrêté du 27 juillet 1882 disait dans son article 2
que les candidats devaient avoir au moins onze
ans à l'époque où l'examen aurait lieu. La date
de cet examen ayant varié, on établit que ces
onze ans devaient être révolus le I er octobre de
Vannée où se passe l'examen. De sorte qu'un
enfant, né dans la deuxième quinzaine de septembre,
pouvait passer au mois de juin l'examen
du C. E. P. c'est-à-dire à dix ans et neuf mois.
Avec le texte nouveau, le même élève ne pourra
plus se présenter qu'à douze ans et huit mois,
c'est-à-dire deux ans plus tard.
Tous les élèves ayant conquis le C. E. P. à
onze ans ne quittaient pas immédiatement
l'école, mais la possession de ce modeste diplôme
leur permettant de se soustraire à l'obligation
scolaire, beaucoup s'en allaient travailler dans
leur famille, aux champs ou à l'atelier, ou, ce
qui était plus grave et plus dangereux, dans des
manufactures ou des usines. Il y avait quelque
chose d'inhumain et d'antisocial à laisser ces
pauvres bambins de onze ans se livrer à un travail
excédant leurs forces et arrêtant par cela
même leur développement normal.
De plus, cela était illégal, la loi du 30 novembre
1892 interdisant l'emploi des enfants dans
les établissements industriels avant l'âge de
treize ans révolus ou de douze ans pour ceux
qui sont munis du C. E. P. Et encore cette loi
exigeait pour l'emploi de ces enfants la produc­
LE MOUVEMENT CORPORATIF
tion d'un certificat d'aptitude physique délivré
par un médecin.
Il y avait donc discordance entre les deux
lois. La concordance vient d'être heureusement
rétablie.
Toutes ces raisons et d'autres encore ont dû
frapper nos législateurs et les ont déterminés à
voter, sans qu'aucune opposition se manifeste,
le texte cité plus haut.
Quelles seront les conséquences du régime
nouveau? Au point de vue pédagogique, il est
inutile d'en montrer les avantages. Tous les instituteurs
savent que cette année supplémentaire
sera des plus profitables à l'éducation et à l'instruction
de leurs élèves.
Mais au point de vue industriel, une gêne né
va-t-elle pas être apportée dans certaines professions?
Je trouve la réponse dans le rapport adressé
au président de la République sur l'application
des lois réglementant le travail pour 1908,
rapport publié par le Bulletin de l'Office du
travail (n° de novembre 1909).
« Le nombre des enfants de douze à treize
« ans, rencontrés par les inspecteurs en 1908 a
« été de 5848, dont 2076 garçons et 3772 filles.
« De l'ensemble des rapports du service se
.< dégage l'impression que si l'on supprimait les
« dispositions quî permettent l'emploi des
« enfants de douze à treize ans dans l'industrie,
« cette mesure n'apporterait point un trouble appré-
« ciable dans les établissements qui les emploient
« actuellement et ne gênerait en rien leur apprenti
tissage. Elle aurait en outre cet heureux résul-
« tat de supprimer le certificat d'aptitude physi-
« que qui est actuellement délivré en termes si
« vagues qu'il ne constitue plus qu'une simple
« formalité.
« Le nombre de contraventions, qui était de
« 577 en 1907, a été de 470 en 1908. Ces contra-
« ventions ont été relevées surtout dans les
« verreries et cristalleries : 90; les briqueteries
« et tuileries : 55; la confection, couture et lin-
« gerie : 52 ; l'industrie de la soie : 22 ; l'industrie
« linière : 22.
« L'inspecteur divisionnaire de la circonscrip-
« tion de Nancy signale que l'usage se répand
« de plus en plus dans les usines de Meurthe-
« et-Moselle de n'admettre au travail que des
« enfants âgés de quatorze ans. Les industriels
« de la région estiment qu'avant cet âge, ils ne
« sont point assez développés pour se prémunir
« contre les chances d'accidents.
« L'inspecteur divisionnaire de Lille signale
« une exploitation particulièrement odieuse des |
« enfants en soùs-âge dans quelques établisse-
« ments de la région. Ces enfants, occupés |
« avant l'âge légal, ne reçoivent qu'un salaire
« inférieur, parfois de moitié, à celui des enfants
« de treize ans et sont pourtant astreints au
« même travail et à la même production.
« C'est à la sortie prématurée des enfants de
« l'école qu'il convient de faire remonter dans
a la circonscription de Lille et dans celle de
« Rouen la plus grande partie des çontraven-
« tions relevées pour emploi d'enfants avant
« l'âge. Les industriels, se plaçant au point de
« vue spécial du recrutement de leur personnel,
« font remarquer que s'ils n'embauchaient point