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“ NOS CLIENTS SONT TOUS UNIQUES” - Alstom

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05<br />

2010<br />

AT<br />

©<br />

Contribution d’<strong>Alstom</strong> Transport<br />

au futur ferroviaire<br />

<strong>“</strong> <strong>NOS</strong> <strong>CLIENTS</strong><br />

<strong>SONT</strong> <strong>TOUS</strong><br />

<strong>UNIQUES”</strong><br />

ENTRETIEN AVEC<br />

SIR RICHARD BRANSON


Interview<br />

<strong>“</strong>Nos clients sont tous uniques”<br />

Entretien avec<br />

Sir Richard Branson,<br />

fondateur du groupe Virgin<br />

Pages 2-7<br />

Dossier<br />

L’Inde, nouvel Eldorado ferroviaire ?<br />

Pages 8-19<br />

Société<br />

Dépasser les égoïsmes nationaux<br />

pour fédérer l’Europe des transports<br />

Entretien avec Guy Bourgeois<br />

Pages 20-25<br />

Technologie<br />

La pendulation, plus vite, moins cher<br />

Pages 26-33<br />

Événements<br />

Pendolino Helsinki-Saint-Pétersbourg<br />

– Le premier forum tram-train –<br />

Citadis par Christian Lacroix –<br />

Citadis de Reims<br />

Pages 34-39<br />

Développement durable<br />

Et pourquoi pas un tramway ?<br />

À portée de toutes les villes…<br />

Pages 40-41<br />

Paroles et design<br />

Architecture et design,<br />

les liaisons heureuses<br />

Entretien avec<br />

Jean-Michel Wilmotte<br />

Pages 42-49<br />

Culture<br />

Des trains chez Léonard de Vinci<br />

Pages 50-55<br />

Voyage<br />

Orient-Express : le Sérénissime<br />

Pages 56-63<br />

Invité<br />

<strong>“</strong>L’éternité est dans l’intensité<br />

de l’instant”<br />

Entretien avec Joël de Rosnay<br />

Pages 64-67<br />

AT Magazine est une publication de la direction de la communication d’<strong>Alstom</strong> Transport. © - ALSTOM 2010. ALSTOM, le logo ALSTOM et toute version alternative sont des marques de fabrique,<br />

de commerce et de service d’ALSTOM. TGV est une marque déposée par SNCF. Les autres noms mentionnés, déposés ou non, appartiennent à leurs propriétaires respectifs. Les données techniques et autres<br />

contenues dans le présent document sont fournies à titre informatif seulement. ALSTOM se réserve le droit de réviser ou de modifi er ces données à tout moment et sans préavis. Dépôt légal : 3 e trimestre 2010.<br />

Directeur de la publication : Christine Rahard. Directeur de la rédaction : Virginie Hourdin. Rédacteur en chef : Laurence Caillet. Rédacteur en chef adjoint : Émilie Pervin. Les articles et illustrations publiés dans<br />

ce numéro ne peuvent être reproduits sans autorisation préalable. Conception-édition : In Fine. Infographie : idé. Photos : © <strong>Alstom</strong> Transport – Arnaud Février – Gérard Uféras – TOMA/C. Sasso – TOMA/P. Eranian –<br />

M. Hunesh – M. Raffi ni – Jogood – Paolo Pandullo – Éric Dumoulin – Virgin – Milepost 92 1/2 – Pascal Tournaire/Wilmotte & Associés SA – 3DRoomservice/Wilmotte & Associés SA – Museo Nazionale della Scienza<br />

e della Tecnologia Leonardo da Vinci – Bruno Lévy – Dave Bartruff/Corbis – Steve Raymer/Corbis – Jeremy Horner/Corbis – Piyal Adhikary/epa/Corbis – Kapoor Baldev/Sygma/Corbis. DR. Imprimé en France sur<br />

Satimat Green, papier à 60 % de fi bres recyclées et 40 % de fi bres vierges certifi ées FSC (Forest Stewardship Council).


Retrouvons-nous<br />

à Innotrans<br />

Comme les autres secteurs de l’économie, le transport ferroviaire<br />

européen traverse une période d’incertitude. Plus que jamais, c’est<br />

le moment pour tous les acteurs de la profession de redoubler<br />

d’effi cacité, d’imagination et d’audace pour bâtir les meilleures<br />

stratégies de relance. Dans ce contexte, <strong>Alstom</strong> et Transmashholding<br />

ont ainsi choisi leurs relais de croissance et concrétisé leur projet<br />

de partenariat noué un an plus tôt. Grâce à cet accord, <strong>Alstom</strong><br />

prend pied dans le plus vaste marché d’Europe et participera à la<br />

modernisation du réseau.<br />

Cette année, Innotrans sera l’occasion pour toute la profession de<br />

se retrouver, d’échanger, de comparer… <strong>Alstom</strong> est impatient d’y<br />

rencontrer les opérateurs ferroviaires, de les écouter et d’évoquer<br />

avec eux l’évolution des attentes de leurs clients, des concepts et<br />

des technologies, des marchés et des modèles économiques.<br />

À leurs côtés, <strong>Alstom</strong> se réjouit de faire du transport ferroviaire un<br />

levier majeur de développement durable.<br />

Philippe Mellier<br />

Président d’<strong>Alstom</strong> Transport


interview<br />

2<br />

<strong>“</strong> <strong>NOS</strong> <strong>CLIENTS</strong><br />

<strong>SONT</strong> <strong>TOUS</strong> <strong>UNIQUES”</strong>


ENTRETIEN AVEC<br />

SIR RICHARD BRANSON,<br />

FONDATEUR<br />

DU GROUPE VIRGIN.<br />

LE GROUPE VIRGIN EN BREF<br />

Créé par Sir Richard Branson en 1970,<br />

le groupe Virgin est une organisation<br />

de capital-risque présent dans<br />

de multiples secteurs d’activité :<br />

téléphonie mobile, transport<br />

(aérien, ferroviaire), voyage, services<br />

fi nanciers, médias, musique<br />

et bien-être. La marque Virgin est<br />

l’une des marques les plus reconnues<br />

et respectées dans le monde.<br />

Chiffres clés :<br />

• 11 milliards de livres sterling<br />

de recettes en 2008<br />

• environ 50 000 employés<br />

dans 29 pays<br />

• plus de 200 sociétés dans<br />

le monde<br />

Virgin a créé plus de<br />

200 sociétés dans le monde<br />

et couvre des secteurs aussi<br />

différents que le voyage,<br />

l’art de vivre, les médias, la<br />

téléphonie mobile, la musique,<br />

les services bancaires et<br />

le caritatif… Le dénominateur<br />

commun de ces activités<br />

étendues est la marque Virgin.<br />

D’où vient son nom ?<br />

Sir Richard Branson. Je discutais un soir<br />

avec des amis de nos projets de magasins<br />

de disques et de maison de production,<br />

et du nom que nous pourrions leur donner.<br />

Nous étions partagés entre Slipped Disc (1)<br />

Records et Virgin… en fi n de compte,<br />

nous avons choisi Virgin, parce que nous<br />

étions nouveaux sur le marché et que ça<br />

sonnait bien. Il nous a fallu du temps pour<br />

réussir à déposer ce nom mais, en fait,<br />

je suis bien content que nous n’ayons<br />

pas gardé Slipped Disc… Je ne suis pas<br />

sûr qu’il aurait aussi bien fonctionné<br />

pour une compagnie aérienne !<br />

Pourquoi avez-vous<br />

choisi cette stratégie<br />

de marque ombrelle ?<br />

La stratégie de marque a évolué dans<br />

le temps. Au départ, il y avait un rapport<br />

logique entre les magasins de disques,<br />

notre maison de production et certaines<br />

activités média attenantes. C’est au milieu<br />

des années 80 que la marque a vraiment<br />

décollé (au sens propre) avec le lancement<br />

de Virgin Atlantic. Nous avions la preuve<br />

que nous pouvions l’utiliser avec succès<br />

dans différents métiers. À partir de là,<br />

nous avons cherché à capitaliser sur<br />

la fi délité, les valeurs et l’affection de nos<br />

clients pour lancer de nouvelles activités<br />

dans des pays et des secteurs différents.<br />

Quelles sont les valeurs<br />

représentées par la marque ?<br />

Notre stratégie est de faire irruption dans<br />

des marchés et de les bouleverser au profi t<br />

(1) Traduction : hernie discale.<br />

du consommateur. Nos valeurs principales<br />

sont d’être innovants, amusants et hyper<br />

compétitifs, tout en offrant un bon rapport<br />

qualité/prix et un excellent service client.<br />

En ce moment, nous nous efforçons<br />

d’appliquer ces valeurs plus largement<br />

– pas seulement à nos produits et services –<br />

mais en tenant compte aussi de notre<br />

impact sur le monde, grâce à notre branche<br />

caritative, Virgin Unite.<br />

Pouvez-vous expliquer<br />

la <strong>“</strong>différence Virgin” que<br />

vous évoquez parfois ?<br />

Nous essayons de nous mettre à la place<br />

du consommateur et de voir comment<br />

nous pouvons améliorer les choses. Parfois,<br />

il y a de grandes innovations qui changent<br />

tout (comme les trains Pendolino), mais<br />

parfois, ce sont des petits riens qui peuvent<br />

faire beaucoup, comme le côté humain<br />

avec lequel nous assurons le service client.<br />

En fait, cela se résume en grande partie<br />

à un personnel heureux et motivé.<br />

Avec autant d’activités<br />

différentes et une seule<br />

marque pour les couvrir toutes,<br />

y a-t-il un client Virgin type<br />

qui consomme les boissons<br />

Virgin, utilise les services<br />

bancaires Virgin, voyage<br />

avec Virgin Atlantic<br />

et les trains Virgin Trains,<br />

achète sa musique<br />

dans les Megastore Virgin…<br />

Ou s’agit-il d’activités<br />

séparées sans clientèle<br />

commune ? Si <strong>“</strong>le” client Virgin<br />

existe, quel est son profi l ?<br />

Comment a-t-il évolué<br />

au fi l des années ?<br />

Au Royaume-Uni, environ un adulte sur<br />

deux est un client Virgin, ce qui constitue<br />

un public assez important. Notre cœur<br />

de cible sont les hommes et les femmes<br />

de 30 à 50 ans. Au fi l du temps, les premiers<br />

clients de notre offre musicale ont grandi avec<br />

la marque et sont maintenant un peu plus<br />

âgés. Ils comptent sur nous pour bousculer<br />

3


4<br />

interview<br />

Virgin Trains en bref<br />

Virgin Trains appartient<br />

à Virgin Management (51 %)<br />

et à Stagecoach Group plc (49 %)<br />

qui la gèrent ensemble via<br />

la holding Virgin Rail Group (VRG).<br />

VRG détient depuis 1997<br />

et jusqu’en 2012 la franchise<br />

de la West Coast Main Line.<br />

Virgin Trains a débuté<br />

l’exploitation commerciale de<br />

la ligne le 9 mars 1997.<br />

Virgin Trains<br />

en quelques chiffres :<br />

• 3 115 employés<br />

• 25,4 millions de passagers<br />

transportés par an<br />

• 43 gares desservies<br />

• Une fl otte de 73 trains dont<br />

52 Pendolino<br />

<br />

les habitudes du monde des affaires,<br />

mais souhaitent également que nous nous<br />

intéressions à des domaines plus traditionnels<br />

que le divertissement. La réalité actuelle<br />

de Virgin, c’est autant les centres de remise<br />

en forme, les cartes de crédit et les liaisons<br />

aériennes, que les stations de radio<br />

et les festivals de musique. Je considère<br />

que c’est fantastique de pouvoir proposer<br />

des services de qualité à un bon prix à autant<br />

de personnes dans un si grand nombre<br />

de domaines.<br />

S’il n’y a pas de client Virgin<br />

type, existe-t-il des profi ls<br />

spécifi ques de consommateurs<br />

par type de produits ? Par<br />

exemple, un profi l particulier<br />

de clients qui voyagent avec<br />

Virgin (par avion ou en train)<br />

ou de clients utilisateurs des<br />

services bancaires, des médias<br />

et de la téléphonie mobile Virgin ?<br />

Vous avez raison de dire qu’il n’y a pas<br />

de client Virgin type. Ils sont tous uniques,<br />

ils ont des besoins spécifi ques, et c’est ainsi<br />

que nous aimons les traiter. Cependant,<br />

étant donné que Virgin s’attache à combattre<br />

le statu quo, nous avons tendance à attirer<br />

les clients en quête de différence, qui veulent<br />

essayer de nouvelles voies. Les clients de<br />

Virgin ont réellement un niveau d’attente élevé<br />

à l’égard de la marque et ils ont raison !<br />

Lorsque nous faisons des erreurs, ils n’ont<br />

pas peur de nous le dire. Et c’est important<br />

d’avoir ce retour d’informations qui nous<br />

permet de nous améliorer.<br />

Les sociétés de transport comme<br />

Virgin Atlantic et Virgin Trains attirent, d’une part,<br />

des personnes qui voyagent fréquemment<br />

pour affaires et, d’autre part, des personnes<br />

qui partent en vacances ou rendent visite<br />

à des amis. Nous avons donc la catégorie<br />

de type <strong>“</strong>Affaires” et la catégorie de type<br />

<strong>“</strong>Famille”, et parfois, il peut s’agir des mêmes<br />

personnes ! Virgin Media, la plus importante<br />

des sociétés de Virgin, est en relation<br />

avec plus du quart des foyers britanniques,<br />

ce qui est donc assez représentatif<br />

de la population dans son ensemble.<br />

Comment le groupe<br />

gère-t-il son identité et<br />

son image de marque<br />

entre les différentes cibles ?<br />

Il y a un petit nombre d’éléments non<br />

négociables et le reste est décentralisé, chaque<br />

société étant libre d’être créative dans son<br />

métier et sur son territoire. Je pense que c’est<br />

ainsi que les gens donnent le meilleur d’eux-<br />

mêmes. Dans le non-négociable, vous trouvez<br />

les valeurs de la marque qui sont étroitement<br />

liées à ce que les clients attendent de nous,<br />

en particulier en termes de normes de service<br />

client. J’ai une équipe centralisée qui mesure<br />

et gère cela ; quand nous lançons de nouvelles<br />

<strong>“</strong> Notre stratégie est de faire irruption dans des marchés<br />

et de les bouleverser au profi t du consommateur.”<br />

sociétés, elle s’assure également que tout<br />

se passe bien dès le démarrage.<br />

Virgin est récemment entré<br />

dans le secteur de la santé avec<br />

Assura Medical. La stratégie<br />

de marque est différente<br />

puisque vous n’utilisez pas<br />

la marque Virgin. Pourquoi ?<br />

Nous avons étudié le marché de la santé<br />

pendant de nombreuses années afi n<br />

de trouver l’opportunité ou la société qu’il<br />

nous fallait. Il nous a semblé qu’Assura<br />

Medical avait toutes les qualités et les<br />

caractéristiques dont nous avions besoin


pour établir une forte présence de notre<br />

groupe dans le secteur de la santé au<br />

Royaume-Uni. Pour le moment, nous avons<br />

décidé de maintenir ce nom qui bénéfi cie<br />

d’une bonne notoriété sur le marché. La<br />

profession lui fait confi ance et nous voulons<br />

développer l’activité en capitalisant sur tout<br />

le travail qui a été accompli. Nous n’avons<br />

les droits d’utilisation de la marque Assura<br />

que pour un an et nous allons donc entamer<br />

un certain nombre d’études pour déterminer<br />

si la marque Virgin est appropriée ou s’il est<br />

nécessaire de trouver un autre nom.<br />

Qu’est-ce qui a incité Virgin<br />

à entrer sur le marché<br />

du ferroviaire ?<br />

La privatisation du secteur national<br />

de l’industrie ferroviaire en Grande-Bretagne<br />

a permis à des sociétés privées de desserrer<br />

le carcan du réseau ferré nationalisé<br />

par des investissements et un dynamisme<br />

entrepreneurial. Le nom de Virgin était<br />

associé à l’excellence du service client<br />

dans les liaisons aériennes et nous avons<br />

considéré que nous pourrions apporter<br />

un peu de cet élan et de nouvelles idées<br />

dans les grandes lignes ferroviaires.<br />

Quelles opportunités<br />

avez-vous identifi ées ?<br />

Nous avons considéré que le transport<br />

ferroviaire longue distance correspondait<br />

le mieux au portefeuille de Virgin avec<br />

de meilleures opportunités d’investissement<br />

et de plus grands défi s commerciaux.<br />

West Coast réclamait des investissements<br />

à corps et à cris après des années<br />

de stagnation ; Cross Country était considérée<br />

comme la <strong>“</strong>Cendrillon” du réseau InterCity<br />

de British Rail parce que, ne desservant pas<br />

Londres, elle n’était jamais en tête de liste<br />

des investissements. Nous avons vu qu’en<br />

investissant dans une fl otte de nouveaux<br />

trains, nous tenions la clé du problème,<br />

car nous changions radicalement la perception<br />

à fait nécessaires dans l’infrastructure.<br />

Nous pensons que le plan d’investissement<br />

de 2 milliards de livres sterling pour la mise<br />

de la population sur les trajets. Cela<br />

en service de deux fl ottes de trains a permis<br />

s’est accompagné d’investissements tout à Virgin de remporter les franchises. <br />

5


6<br />

interview<br />

<br />

Quelle est la vocation<br />

de Virgin Trains sur le marché<br />

du transport ferroviaire<br />

au Royaume-Uni ?<br />

Sa vocation est de fournir un service ferroviaire<br />

de premier plan, accueillant un grand nombre<br />

de clients et les incitant à préférer le train<br />

pour leurs voyages. Le nombre de passagers<br />

a bondi de 14 millions en 2004 à 27 millions<br />

en 2009-2010. Les enquêtes de satisfaction<br />

menées auprès de ceux-ci placent<br />

Virgin Trains en tête des opérateurs grandes<br />

lignes et parmi les cinq premières franchises<br />

sur le marché entier.<br />

Comment se positionne<br />

Virgin Trains par rapport<br />

à ses concurrents ?<br />

Virgin Trains, avec la franchise West Coast,<br />

a une solide position vis-à-vis de ses<br />

concurrents. Les billets achetés à l’avance<br />

sont compétitifs par rapport aux voyages<br />

en bus. Nous avons augmenté certaines<br />

fréquences, trois trains par heure de Londres<br />

à Birmingham et de Londres à Manchester,<br />

ce qui est largement supérieur au bus ou<br />

à l’avion. Les temps de transport jusqu’aux<br />

aéroports situés loin des villes et les retards<br />

à l’enregistrement ont supprimé l’avantage<br />

de l’avion face à la rapidité des trajets en train<br />

(Manchester-Londres en à peine plus de<br />

deux heures par exemple).<br />

Notre part de marché rail sur les principales<br />

liaisons témoigne de notre réussite :<br />

la liaison Manchester-Londres représente<br />

maintenant 80 % (par rapport à 30 %<br />

cinq ans auparavant). Les compagnies<br />

aériennes abandonnent la liaison<br />

Liverpool-Londres, réduisent les vols<br />

Manchester-Glasgow et notre part de<br />

marché sur Glasgow-Londres progresse.<br />

Elle est maintenant d’environ 17 %.<br />

Qu’apporte Virgin Trains<br />

à la marque mondiale Virgin ?<br />

Virgin Trains a démontré que l’on peut faire<br />

évoluer un secteur avec quelques idées<br />

fortes, des investissements conséquents et<br />

une grande attention au service et aux détails.<br />

Malgré les problèmes d’infrastructure bien<br />

connus que nous avons subis au fi l du temps,<br />

je suis fi er de la transformation que nous<br />

avons apportée à la West Coast Main Line.<br />

Preuve en est le nombre de passagers que<br />

nous transportons chaque année. West Coast<br />

a vraiment tenu les promesses des valeurs<br />

de la marque Virgin. Les avantages<br />

environnementaux du transport ferroviaire<br />

sont reconnus et offrent à Virgin la possibilité<br />

de continuer à s’engager plus avant en faveur<br />

de la protection de l’environnement.<br />

Quelle est la stratégie<br />

de développement national<br />

de Virgin dans le ferroviaire ?<br />

Virgin s’est engagé dans le ferroviaire sur<br />

le long terme. Nous avons perdu la franchise<br />

CrossCountry, mais c’est uniquement<br />

à cause d’une question de prix. Nous ne<br />

ferons pas d’enchères avec des montants<br />

absurdes juste pour gagner une franchise.<br />

Les investissements doivent être durables.<br />

Il reste bien des choses à faire pour West<br />

Coast, comme l’amélioration des gares ;<br />

et nous serons candidats pour la nouvelle<br />

franchise (la nôtre se termine en mars 2012).<br />

Il y a également de belles opportunités sur<br />

la liaison de l’East Coast qui relie Londres<br />

au Yorkshire, au Tyneside et à l’Écosse ;<br />

nous les étudions dans le cadre du processus<br />

d’attribution. Nous sommes réellement<br />

passionnés par les possibilités qu’offre<br />

le ferroviaire et nous souhaitons être<br />

en mesure d’investir davantage pour l’intérêt<br />

à long terme du pays.<br />

Seriez-vous intéressé par de<br />

nouvelles activités ferroviaires,<br />

comme l’exploitation de<br />

tramways ou de services à très<br />

grande vitesse, si l’opportunité<br />

se présentait ?<br />

Les tramways ne coexisteraient pas facilement<br />

avec le portefeuille actuel de grandes lignes<br />

de Virgin, mais la très grande vitesse est<br />

une possibilité. Il nous faut étudier ce marché<br />

plus en détail avant de nous engager.


Qu’en est-il des développements<br />

internationaux (aux États-Unis<br />

par exemple) ? Des partenariats<br />

sont-ils envisagés ?<br />

Les projets aux États-Unis sont passionnants<br />

et nous leur portons un grand intérêt.<br />

Cependant, nous ne nous y engagerons pas<br />

tout de suite ; il faudra d’abord que des<br />

améliorations soient effectuées sur les voies.<br />

Quel est l’impact de la crise<br />

fi nancière sur cette stratégie ?<br />

Virgin Trains a réalisé de meilleures<br />

performances que les autres compagnies<br />

ferroviaires exploitant des grandes lignes<br />

au Royaume-Uni. Malgré la crise, le nombre<br />

de passagers a progressé de 18 % par<br />

rapport à l’année précédente et ne semble<br />

pas faiblir. Les autres opérateurs longue<br />

distance ont constaté des progressions<br />

à un chiffre seulement. Cette performance<br />

de Virgin Trains est le fruit des augmentations<br />

de capacité et d’un système sophistiqué<br />

de Yield Management (2) des billets à bas prix<br />

achetables à l’avance.<br />

En conclusion, comment<br />

voyez-vous la marque Virgin<br />

dans vingt ans ?<br />

J’aimerais que Virgin soit l’une des marques<br />

les plus respectées au monde et que Virgin<br />

Unite ait un impact positif fort dans le monde.<br />

Et en ce qui concerne<br />

Virgin Trains ?<br />

Dans vingt ans, Virgin Trains sera un acteur<br />

clé des chemins de fer longue distance<br />

au Royaume-Uni. Il y aura certainement<br />

de belles possibilités de développement<br />

de lignes à très grande vitesse, ce qui serait<br />

très susceptible de nous intéresser.<br />

(2) Gestion rentable.<br />

<br />

La maintenance des Pendolino Virgin<br />

est assurée par <strong>Alstom</strong>.<br />

7


dossier<br />

8<br />

L’INDE, NOUVEL<br />

ELDORADO<br />

FERROVIAIRE ?


Plus de vingt millions de passagers<br />

circulent chaque jour sous l’œil enjoué<br />

de l’éléphant Bholu, espiègle mascotte<br />

des chemins de fer indiens. Loin<br />

des clichés du légendaire Darjeeling<br />

Himalayan Railway, mythique vestige<br />

colonial serpentant au cœur des champs<br />

de thé sur fond de sommets enneigés,<br />

l’Inde moderne s’érige en nouvelle<br />

puissance ferroviaire. Porté par<br />

la croissance vertigineuse du trafi c<br />

passagers et du fret, dopé par les besoins<br />

de ses mégapoles, le marché du souscontinent<br />

explose. L’opérateur public<br />

Indian Railways a donc décidé d’étendre<br />

et de moderniser son réseau ferré –<br />

le quatrième du monde ! Itinérance<br />

au sein du <strong>“</strong>Golden quadrilateral”...<br />

9


10<br />

dossier<br />

Trente-quatre kilomètres : telle est la distance<br />

parcourue en 1853 par le premier train<br />

de voyageurs des Indes britanniques,<br />

entre Bombay et Thana. En 1880, le réseau<br />

totalisait déjà 15 000 km de voies,<br />

le dynamisme des grands ports – Madras,<br />

Calcutta et Bombay – stimulant l’activité.<br />

À l’orée du XX e siècle, de multiples<br />

compagnies régionales se partageaient<br />

l’exploitation des lignes. Réunifi és<br />

et nationalisés en 1951 par le nouveau<br />

gouvernement indépendant de l’Inde dirigé<br />

par Jawaharlal Nehru, les chemins de fer<br />

indiens sont aujourd’hui placés sous<br />

l’autorité d’un ministère dédié, l’opérateur<br />

public Indian Railways (cf. encadré)<br />

jouissant d’un quasi-monopole.<br />

Historiquement, sociologiquement,<br />

économiquement, l’Inde contemporaine<br />

s’est donc en partie construite autour<br />

de ses trains : au pays de Mahatma Gandhi,<br />

le concept de transport de masse n’est<br />

pas une vue de l’esprit. Quelques chiffres<br />

suffi sent pour illustrer l’étendue des besoins.<br />

Le pays compte aujourd’hui près d’un milliard<br />

deux cents millions d’habitants dont près<br />

d’un tiers vivent dans les zones urbaines.<br />

Toutes les simulations démographiques<br />

s’accordent sur le fait qu’au plus tard en 2035<br />

l’Inde ravira à la Chine le statut de pays<br />

le plus peuplé au monde. Un enjeu majeur de<br />

transport public pour le gouvernement indien.<br />

Les réseaux de tous<br />

les superlatifs<br />

Environ 63 000 km de lignes dont 28 %<br />

électrifi ées, 108 000 km de voies, 4,3 milliards<br />

de passagers, 830 millions de tonnes de<br />

marchandises transportées chaque année…<br />

les statistiques défi ent l’imagination ! Le réseau<br />

ferré indien compte parmi les plus importants<br />

et les plus fréquentés du monde. Le <strong>“</strong>Golden<br />

quadrilateral”, délimité par les quatre grandes<br />

conurbations du pays – Delhi, Mumbai,


Chennai et Calcutta – concentre à lui seul<br />

55 % du trafi c voyageurs et 65 % du fret,<br />

pour seulement 16 % des voies.<br />

Lignes surchargées, arbitrage diffi cile<br />

du trafi c entre fret et voyageurs, vieillissement<br />

des matériels roulants... le système a toutefois<br />

atteint ses limites d’exploitation. La vitesse<br />

Indian Railways à toute vapeur<br />

moyenne des trains diminue alors que<br />

les besoins évoluent sur un mode exponentiel.<br />

Le fret, qui a doublé en dix ans, voit<br />

son développement freiné par la saturation<br />

du réseau. Le trafi c voyageurs enregistre<br />

lui aussi une forte progression<br />

(+ 25 % au cours des cinq dernières années), <br />

L’opérateur public des chemins de fer indiens transporte chaque jour 20 millions de passagers et<br />

2 millions de tonnes de marchandises, dont 40 % de charbon. Son chiffre d’affaires, porté par l’activité<br />

fret qui en représente les deux tiers, dépasse 10 milliards d’euros pour la seule exploitation des lignes.<br />

Avec ses 1,6 million de salariés permanents – ce qui la place au premier rang des employeurs civils<br />

dans le monde – la compagnie indienne assure également la fabrication et la maintenance de matériels<br />

ferroviaires. Dans ses six sites industriels, Indian Railways produit essentiellement des matériels roulants<br />

pour les grandes lignes. L’opérateur public exploite aussi le métro de Calcutta.<br />

Après une période diffi cile, Indian Railways est devenue une entreprise très rentable grâce au fret,<br />

principalement destiné au marché intérieur et aux débouchés maritimes des grands ports. Elle bénéfi cie<br />

d’un quasi-monopole pour l’exploitation du réseau, même si 14 opérateurs privés détiennent désormais<br />

une licence d’exploitation pour le transport de marchandises. C’est dans le secteur des containers<br />

que sa fi liale CONCOR (Container Corporation of India Ltd) doit affronter la concurrence la plus vive.<br />

11


12<br />

dossier<br />

dossier<br />

<br />

les grandes lignes absorbant 43,5 %<br />

du trafi c et les transports suburbains 56,5 %.<br />

L’Inde totalise en outre 48 agglomérations de<br />

plus d’un million d’habitants. Désengorgement<br />

du trafi c, lutte contre la pollution, réduction<br />

des temps de trajet domicile-travail, sécurité<br />

des personnes... les enjeux y sont multiples et<br />

les transports ferrés appelés à y jouer un rôle<br />

primordial. Certaines gares urbaines<br />

accueillent chaque jour plus de voyageurs<br />

que tous les aéroports nationaux réunis !<br />

Une <strong>“</strong>offre voyageurs” multiple<br />

Le paysage ferroviaire frappe également<br />

par son incroyable diversité, refl et<br />

de la société indienne. Neuf catégories,<br />

Les réseaux ferroviaires dans le monde : l’Inde au 4 e rang<br />

Rang Pays Chemins de fer 1 (en km) Superfi cie (en km²) Population<br />

1 États-Unis 226 427 9 826 675 310 232 863<br />

2 Russie 87 157 17 098 242 139 390 205<br />

3 Chine 77 834 9 596 961 1 330 141 295<br />

4 Inde 64 015 3 287 263 1 173 108 018<br />

5 Canada 46 688 9 984 670 33 759 742<br />

6 Allemagne 41 896 357 022 82 282 988<br />

7 Australie 37 855 7 741 220 21 515 754<br />

8 Argentine 31 409 2 780 400 41 343 201<br />

9 France 29 213 643 427 64 057 792<br />

10 Brésil 28 857 8 514 877 201 103 330<br />

Source : CIA – The World Factbook.<br />

<strong>“</strong> L’AMBASSADE DE FRANCE :<br />

UN FACILITATEUR POUR<br />

L’ÉQUIPE DE FRANCE DU RAIL”<br />

Trois questions à Jérôme Bonnafont,<br />

ambassadeur de France en Inde<br />

Comment les entreprises<br />

françaises peuvent-elles<br />

promouvoir au mieux leur<br />

savoir-faire en Inde ?<br />

Jérôme Bonnafont. Il convient de se<br />

montrer solidaire pour aborder ce marché<br />

capital et de valoriser l’image d’une fi lière<br />

ferroviaire française effi cace, innovante et<br />

compétitive. Nos entreprises doivent participer<br />

à des salons, effectuer de fréquentes missions<br />

de prospection et s’impliquer en amont dans<br />

la défi nition des projets. Dans cette optique,<br />

plusieurs perspectives s’ouvrent à elles.<br />

Indian Railways envisage en effet un recours<br />

au secteur privé via des partenariats<br />

public-privé (PPP) pour la production<br />

d’équipements et pour certains services.<br />

Disposer d’une base de production locale sera<br />

l’une des clés pour gagner ces contrats très<br />

compétitifs. De même, le marché des métros


– bien que réputé diffi cile – reste très ouvert<br />

à l’apport de technologies étrangères.<br />

Quel est le rôle de la<br />

représentation française dans<br />

cette démarche de promotion ?<br />

Permettez-moi tout d’abord de rappeler<br />

que la mission de Dominique Bussereau,<br />

secrétaire d’État français chargé des<br />

Transports, a permis la signature d’un accord<br />

de coopération entre Indian Railways<br />

et la SNCF.<br />

Face à la concurrence internationale<br />

– asiatique et européenne principalement –<br />

l’ambassade joue un rôle de facilitateur<br />

pour <strong>“</strong>l’équipe de France du rail”. Elle a ainsi<br />

organisé, en octobre 2009, une séance<br />

de travail avec le ministère du Commerce<br />

et de l’Industrie pour évoquer les diffi cultés<br />

d’accès au marché indien. J’ai rencontré la<br />

ministre des Transports ferroviaires, Mamata<br />

Banerjee, afi n de préparer une réunion<br />

en avril entre les dirigeants d’Indian Railways<br />

et plusieurs entreprises du secteur ferroviaire.<br />

La représentation française sert là<br />

d’introducteur, de fédérateur et de promoteur<br />

pour nos exportateurs.<br />

Une délégation d’entreprises<br />

françaises du secteur<br />

ferroviaire est prévue à<br />

l’automne prochain…<br />

En effet. Elle sera organisée par Ubifrance*<br />

du 6 au 8 octobre 2010. Le programme<br />

comprendra un colloque avec présentation<br />

de l’offre française sur le thème <strong>“</strong>Innovations<br />

ferroviaires françaises”, plusieurs rendez-vous<br />

avec les administrations centrales et des<br />

rencontres business to business, sans oublier<br />

des visites techniques à travers l’Inde,<br />

bien au-delà de Delhi.<br />

*Agence française pour le développement international.<br />

13


14<br />

dossier<br />

<br />

vingt-et-une classes… Et, singularité<br />

incongrue, trois écartements de rails : large,<br />

métrique et étroit (de 1 676 mm à 610 mm).<br />

Le premier – 1 676 mm – est le plus usuel,<br />

avec 86 526 kilomètres de voies. Le deuxième<br />

– 1 000 mm – se trouve dans les zones<br />

de moindre trafi c. Le troisième – 610 mm –<br />

ne concerne que quelques anciennes lignes<br />

privées, notamment au cœur de reliefs<br />

accidentés. La tendance est à l’harmonisation<br />

vers l’écartement large.<br />

Les trains sont, quant à eux, classés selon<br />

leur niveau de priorité et de confort ou encore<br />

la fréquence de leurs arrêts… Les Radjhani<br />

Express, qui relient Delhi aux plus grandes<br />

agglomérations nationales à près de<br />

130 km/h, bénéfi cient d’une priorité absolue.<br />

Le fl âneur ou le voyageur à destination d’une<br />

ville moyenne préférera un Shatabdi Express<br />

ou un Express rapide. À moins qu’il ne jette<br />

son dévolu sur un Express ou un Passenger.<br />

Une large gamme de prix et de standings<br />

s’offrira à lui : 1A, 2A, 3A, FC, CC, EC, SL, 2S,<br />

G... Autant de classes numérotées en fonction<br />

de l’espace, de l’air climatisé, des couchettes,<br />

des places assises. Cette politique de prix<br />

donne accès au transport ferré à tous, du<br />

plus humble au plus fortuné. Cette approche<br />

sociale et volontariste revendiquée par<br />

les pouvoirs publics explique en grande partie<br />

l’immense succès des trains indiens, l’avion<br />

étant réservé aux strates les plus fortunées.<br />

Côté signalisation, seules quelques lignes<br />

interurbaines à fort trafi c et plusieurs nœuds<br />

ferroviaires majeurs bénéfi cient de dispositifs<br />

automatisés. À quelques exceptions près,<br />

la sécurité repose sur l’attention humaine,<br />

grâce aux feux bi-, tri- ou quadricolores qui<br />

jalonnent les voies. Sans oublier le maniement<br />

des drapeaux, toujours en vigueur. Face<br />

à cette multiplicité d’offres, d’infrastructures<br />

et de nomenclatures, Indian Railways<br />

envisage de simplifi er la gestion du transport<br />

voyageurs, de rationaliser ses coûts, de<br />

moderniser réseau, gares et voitures afi n<br />

de proposer un service renouvelé à ses clients.<br />

Un marché gigantesque<br />

Porté par une croissance annuelle de 6 %<br />

– contre 1,5 % en moyenne mondiale –<br />

le marché ferroviaire indien, sixième de la<br />

planète, offre, de fait, de belles perspectives.<br />

La ministre des Transports ferroviaires,<br />

Mamata Banerjee, entrée en fonction<br />

en juin 2009, affi che de réelles ambitions<br />

et souhaite hisser le sous-continent<br />

<strong>“</strong> Neuf catégories, vingt-et-une classes<br />

et trois écartements de rails…”<br />

au rang de grande puissance ferroviaire.<br />

Les projections à l’horizon 2020 sont<br />

édifi antes : 15 milliards de voyageurs<br />

et 1 850 millions de tonnes de fret !<br />

À la lumière de tels chiffres, la volonté<br />

d’Indian Railways de doubler ses capacités<br />

de transport d’ici à 2015 semble légitime.<br />

Un objectif uniquement atteignable<br />

– et l’opérateur indien en est pleinement<br />

conscient – si une modernisation<br />

concomitante de l’exploitation et des<br />

infrastructures est engagée. Après le coup<br />

d’arrêt né de la crise fi nancière de 2008,<br />

de très grands chantiers ferroviaires,<br />

notamment en matière de voies rapides<br />

et de fret, devraient donc voir le jour sous<br />

le mandat de l’actuel gouvernement<br />

(cf. encadré page 16).<br />

Le développement des métros apparaît<br />

également incontournable. Cinq mégalopoles<br />

sont à ce jour desservies par un<br />

métropolitain : Delhi, Calcutta (le plus ancien),<br />

Chennai, Hyderabad et Bangalore. La Delhi<br />

Metro Rail Corporation (DMRC) affi che<br />

d’ailleurs clairement ses ambitions : exploiter,<br />

avec 415 km de lignes, le plus grand métro


du monde à l’horizon 2020. Si l’on admet<br />

que la plupart des métropoles vont devoir<br />

faire de même, le marché s’annonce<br />

gigantesque, et complexe. Car les voies,<br />

souvent aériennes, devront s’intégrer dans<br />

un environnement contraignant (densité<br />

des espaces urbains, encombrements<br />

automobiles…) et répondre aux impératifs<br />

capacitaires par un cadencement rapide.<br />

Une haute autorité<br />

pour la grande vitesse<br />

Les investissements programmés sur<br />

l’ensemble du réseau ferré indien dans les<br />

cinq ans sont évalués à 38 milliards d’euros.<br />

Sur le plan administratif et fi nancier,<br />

dans un climat de rude concurrence,<br />

les partenariats public-privé, les concessions<br />

et le leasing recueillent les faveurs des<br />

institutionnels indiens. Les entreprises locales<br />

de premier plan – Indian Railways, Bharat<br />

Earth Movers Ltd (BEML), Bharat Heavy<br />

Electricals Ltd (BHEL) – relevant toutes<br />

du secteur public répondent bien sûr à<br />

une part importante des besoins en matière<br />

d’infrastructures ou de matériel roulant.<br />

Toutefois, l’étendue du marché, sa diversité<br />

et la nécessaire mise en œuvre de<br />

technologies très pointues ouvrent de réelles<br />

perspectives aux constructeurs étrangers<br />

qui cherchent à s’adapter au mieux à la<br />

volonté des pouvoirs publics de bénéfi cier<br />

d’un rapport qualité / prix optimal.<br />

Il convient de souligner enfi n l’émergence<br />

d’une vraie réfl exion prospective sur la<br />

très grande vitesse. Dominique Bussereau,<br />

secrétaire d’État français chargé des<br />

Transports, avait remis en février 2008<br />

à Rajan Mathai, ambassadeur d’Inde<br />

en France (cf. interview page 17), une étude<br />

<strong>“</strong> Les investissements programmés sur l’ensemble<br />

du réseau ferré indien dans les<br />

cinq ans sont évalués à 38 milliards d’euros.”<br />

<br />

15


16<br />

dossier<br />

<br />

sur le <strong>“</strong>développement des relations<br />

ferroviaires de passagers en Inde” réalisée<br />

par la SNCF. Les conclusions de ce rapport,<br />

qui a identifi é plusieurs lignes potentielles<br />

à forte rentabilité économique, démontrent<br />

que le pays remplit les conditions pour<br />

la mise en service de telles infrastructures.<br />

Le budget 2010 du gouvernement indien<br />

vient d’entériner la création d’une<br />

<strong>“</strong>Haute autorité pour la grande vitesse”<br />

chargée de planifi er la construction future<br />

de plusieurs corridors dédiés, reliant Delhi,<br />

Mumbai, Bangalore, Chennai et Calcutta.<br />

Un défi à la taille du pays !<br />

Éric Dumoulin<br />

<br />

Cinq axes majeurs de modernisation<br />

Le projet de modernisation et de développement<br />

des grandes lignes, prioritairement dédié au fret,<br />

s’articule autour de cinq axes majeurs :<br />

• Renforcement du <strong>“</strong>Golden quadrilateral”,<br />

le cœur du réseau, ce qui implique le<br />

doublement et l’électrifi cation des voies ainsi que<br />

l’harmonisation des écartements.<br />

• Création de corridors dédiés afi n de permettre<br />

l’acheminement des marchandises à 100 km/h.<br />

Plus de 10 000 km de voies nouvelles seraient ainsi<br />

construites d’ici 2017. Les travaux de l’Eastern<br />

corridor (Calcutta – Delhi – Ludhiana : 1 483 km)<br />

et du Western corridor (Delhi – Mumbai : 1 280 km)<br />

étant déjà programmés.<br />

• Refonte de la signalisation et remplacement<br />

des matériels roulants.<br />

• Modernisation de plusieurs dizaines de gares.<br />

• Création de lignes à grande vitesse pour<br />

permettre, à terme, de transporter les voyageurs<br />

à plus de 250 km/h. Plusieurs tracés sont d’ores<br />

et déjà présélectionnés.


<strong>“</strong> UNE NATION FORGÉE<br />

AUTOUR DE SES<br />

CHEMINS DE FER”<br />

Entretien avec Rajan Mathai,<br />

ambassadeur d’Inde en France<br />

Quels sont les principaux défi s<br />

liés au développement des<br />

transports ferrés en Inde ?<br />

Rajan Mathai. Je souhaiterais, en<br />

préambule, rappeler quelques chiffres clés :<br />

100 000 km de voies, 11 000 trains par jour,<br />

4,3 milliards de passagers transportés par an,<br />

150 ans d’histoire… L’Inde possède l’un des<br />

réseaux ferrés les plus exploités du monde.<br />

Notre nation s’est en partie forgée autour<br />

de ses chemins de fer, notamment depuis<br />

l’indépendance. Ils jouent aujourd’hui un rôle<br />

de réel catalyseur du développement<br />

technologique de notre pays. Leur importance<br />

est telle que leur budget annuel fait l’objet<br />

d’une présentation spécifi que au Parlement.<br />

Indian Railways, le premier employeur du<br />

pays, participe activement à cette démarche<br />

d’intégration sociale et de développement.<br />

Pour répondre plus directement à votre<br />

question, je vais identifi er plusieurs défi s<br />

majeurs :<br />

• La capacité de notre réseau, tout d’abord.<br />

Elle est à ce jour saturée : 16 % des lignes<br />

nationales assurent plus de 50 % du trafi c.<br />

Du fait de cette saturation et du partage<br />

des voies entre trains de passagers et fret,<br />

la fi abilité des infrastructures devient critique.<br />

Nos efforts dans ce secteur doivent être<br />

absolument poursuivis. Sans oublier<br />

l’optimisation de nos capacités de transport<br />

(allègement des matériaux, allongement<br />

des rames…).<br />

• La sécurité, aussi. Il s’agit là de l’une de<br />

nos grandes préoccupations. Elle s’améliore<br />

en permanence mais l’objectif ultime est<br />

d’atteindre le <strong>“</strong>zéro accident”. Ce qui<br />

nécessite notamment une politique avisée<br />

de formation des hommes.<br />

• La vitesse, également. La vitesse du fret<br />

en Inde a longtemps stagné à 25 km/h.<br />

Nos trains de passagers ne dépassent<br />

pas 130 km/h. Nous sommes conscients<br />

de la nécessité d’introduire la très grande<br />

vitesse dans notre pays, mais de manière<br />

progressive. Indian Railways travaille<br />

également sur des corridors de fret dédiés.<br />

• Le niveau des prestations proposées<br />

à nos clients, ensuite. C’est capital pour<br />

un opérateur public de veiller à améliorer<br />

les services aux passagers tout en préservant<br />

la rentabilité du système : développement<br />

de l’intermodalité avec les transports urbains,<br />

modernisation des centres logistiques,<br />

meilleure information et assistance aux<br />

voyageurs… Une excellence technologique<br />

qui ne sera obtenue qu’à travers l’adoption<br />

des meilleures pratiques internationales.<br />

• Le budget, enfi n. Le fi nancement de ces<br />

projets se révèle complexe. 90 milliards<br />

d’euros seront nécessaires : 20 milliards<br />

immédiatement, 70 milliards à terme.<br />

Plusieurs solutions existent : cofi nancement<br />

entre gouvernement fédéral et États,<br />

création d’un fonds spécial, partenariats<br />

public-privé (PPP)…<br />

<br />

17


18<br />

dossier<br />

<br />

Quelles sont les priorités<br />

du ferroviaire à court<br />

et moyen terme ?<br />

Le plan Vision 2020, présenté en décembre<br />

2009 par Mamata Banerjee, ministre<br />

indien des Transports ferroviaires, a identifi é<br />

dix priorités qui répondent aux défi s<br />

évoqués ci-avant :<br />

• Améliorer la qualité du service en s’inspirant<br />

des meilleurs systèmes ferroviaires du monde<br />

dans une logique de benchmark.<br />

• Étendre le réseau national de 2 500 km<br />

par an et standardiser le gabarit des voies.<br />

L’objectif est de créer 12 000 km de lignes<br />

nouvelles, 30 000 km de lignes dédoublées<br />

et 14 000 km de voies électrifi ées.<br />

• Construire plus de 6 000 km de lignes<br />

quadruples avec séparation fret/passagers<br />

pour les secteurs les plus denses, notamment<br />

entre Delhi, Mumbai, Kolkata et Chennai.<br />

• Accroître la vitesse des trains de passagers<br />

de 130 à 160-200 km/h et celle du fret<br />

de 60 à 100 km/h.<br />

• Atteindre une disponibilité maximale<br />

des fl ottes pour l’ensemble de nos services.<br />

<strong>“</strong> Les chemins de fer jouent<br />

aujourd’hui un rôle de réel<br />

catalyseur du développement<br />

technologique de notre pays.”<br />

• Défi nir des solutions adaptées pour<br />

le transport de denrées périssables,<br />

de produits agricoles… mais aussi pour<br />

les PME qui fabriquent par exemple<br />

des composants destinés à l’exportation.<br />

• Tendre vers le <strong>“</strong>zéro accident”.<br />

• Obtenir un niveau optimal de fi abilité<br />

des équipements.<br />

• Utiliser des sources d’énergies<br />

renouvelables à hauteur de 10 % de notre<br />

consommation et mettre en place un système<br />

durable de gestion des déchets.<br />

• Réaliser quatre corridors à très grande<br />

vitesse pour un total de 2 000 km et planifi er<br />

le développement de huit autres.<br />

Dominique Bussereau,<br />

secrétaire d’État français<br />

chargé des Transports, vous<br />

a remis une étude prospective<br />

sur le développement<br />

du transport de passagers<br />

en Inde. Dans quel contexte<br />

s’inscrit cette étude ?<br />

Quelles en sont les grandes<br />

conclusions ? Comment<br />

le gouvernement indien<br />

va-t-il s’en servir ?<br />

L’étude en question a été réalisée par<br />

la SNCF en octobre 2007. Elle faisait suite<br />

à l’annonce par le gouvernement indien<br />

de sa volonté de développer, au travers<br />

d’une approche partenariale de type PPP,<br />

une offre de standard international pour<br />

le transport de passagers : construction<br />

de corridors à grande vitesse, signalisation,<br />

développement durable… L’étude a été<br />

menée en deux temps : identifi cation précise<br />

de corridors à haute densité puis impact<br />

économique des corridors nord et sud.<br />

Ses conclusions ont été examinées<br />

avec grande attention par le gouvernement<br />

indien puisqu’elles ont permis de défi nir<br />

six corridors. Grâce à cette étude,<br />

le gouvernement a développé une vision<br />

des corridors en tant que systèmes globaux,<br />

et non en tant que simples infrastructures.<br />

Dans le passé, l’industrie française a<br />

contribué signifi cativement à la modernisation<br />

de notre réseau ferré. Toutes les conditions<br />

sont aujourd’hui réunies pour une coopération<br />

intense et durable entre nos deux pays,<br />

particulièrement dans ce secteur. À titre<br />

d’exemple, le budget 2010-2011 prévoit<br />

la construction d’une usine d’essieux et de<br />

cinq unités de fabrication de voitures à travers<br />

le pays. Les transports urbains vont aussi<br />

connaître un développement majeur pour<br />

accompagner le développement des villes.<br />

Des subventions sont prévues pour fi nancer<br />

ces nombreuses opportunités.


Rajan Mathai,<br />

ambassadeur d’Inde en France<br />

19


société<br />

20<br />

Guy Bourgeois<br />

préside l’ECTRI depuis janvier 2007. Il a été réélu<br />

pour un deuxième mandat qui prendra fi n en<br />

janvier 2011. Il est également directeur général<br />

de l’INRETS (Institut national de recherche<br />

sur les transports et leur sécurité) depuis 2003


DÉPASSER LES ÉGOÏSMES<br />

NATIONAUX POUR FÉDÉRER<br />

L’EUROPE DES TRANSPORTS<br />

Promouvoir, sur la scène internationale, l’excellence scientifi que<br />

d’une recherche européenne multimodale. Telle est la principale<br />

vocation de la Conférence européenne des instituts de recherche sur<br />

les transports (ECTRI). Éclairages de son président, Guy Bourgeois.<br />

21


22<br />

société<br />

Sur quelle idée la Conférence<br />

européenne des instituts<br />

de recherche sur les<br />

transports (ECTRI) a-t-elle<br />

été fondée en 2003 ?<br />

Guy Bourgeois. L’ECTRI est née d’une<br />

conviction forte. Mieux fédérer la recherche<br />

européenne sur les transports pour la faire<br />

progresser dans sa dimension système est<br />

une nécessité. Le transport est un système<br />

complexe : des véhicules mobiles roulent<br />

sur des infrastructures fi xes pour rendre<br />

des services à des voyageurs et des<br />

marchandises qui se déplacent. Il met en<br />

jeu les lois de la dynamique et de la physique,<br />

les problèmes de sécurité, la compréhension<br />

des motivations de mobilité et des variables<br />

comportementales qui rendent un système<br />

de transport acceptable ou non… Il soulève<br />

de nombreuses problématiques. Celles de<br />

la multimodalité, de l’économie des différents<br />

modes, des diffi cultés à transférer le fret<br />

de la route vers le rail, de l’organisation de<br />

la ville, de l’articulation de la voiture particulière<br />

avec les transports collectifs urbains…<br />

Des thématiques sur lesquelles les industriels<br />

ne travaillent pas, ou peu, parce qu’ils ont<br />

une vocation modale : PSA et Volkswagen<br />

réfl échissent sur les voitures, non pas<br />

sur les trains ; <strong>Alstom</strong> et Siemens sur les<br />

trains, non pas sur les camions.<br />

Faire progresser la recherche européenne<br />

sur des thématiques transversales<br />

et multimodales permettrait à chaque acteur<br />

de mieux comprendre et gérer son<br />

positionnement au sein du système global.<br />

Quel moyen plus effi cace pour y parvenir<br />

que celui choisi par les pères fondateurs<br />

de l’ECTRI : fédérer, en Europe, les grands<br />

instituts de recherche, généralement leaders<br />

dans leur pays et travaillant sur l’ensemble<br />

des champs des transports ?


<strong>“</strong> J’ai fait un rêve… qu’un jour l’ensemble<br />

des associations européennes de recherche<br />

sur tous les modes de transport<br />

convergeront au sein d’une organisation<br />

européenne unique.”<br />

Quelle analyse faites-vous<br />

de la situation de la<br />

recherche sur les transports<br />

dans le monde ?<br />

La recherche européenne est éclatée<br />

et dispersée. Chaque acteur travaille sur<br />

des <strong>“</strong>briques”, mais pas sur leur intégration<br />

dans un système global. Ainsi, trois<br />

associations européennes de transport routier<br />

s’intéressent-elles à trois sujets différents :<br />

le FEHLR* aux infrastructures routières,<br />

l’EARPA* à la construction automobile,<br />

le FERSI* à la sécurité routière.<br />

Aucune n’est multimodale ni transversale.<br />

En Asie, au contraire, des centres<br />

extrêmement puissants ont réussi<br />

à concentrer l’essentiel de la recherche<br />

ferroviaire japonaise et coréenne.<br />

Ils coopèrent régulièrement entre eux<br />

et avec la Chine qui a créé un institut<br />

ferroviaire.<br />

L’Amérique du Nord constitue le second pôle<br />

phare de la recherche ferroviaire. Sa supériorité<br />

est écrasante en matière de transport<br />

de marchandises. Elle entend bien rattraper<br />

son retard sur le transport de voyageurs<br />

et la très grande vitesse qui fut le sujet brûlant<br />

du dernier TRB* où se fabrique toute<br />

la philosophie américaine des transports.<br />

Au lieu de s’éparpiller, les pays européens<br />

n’auraient-ils pas intérêt à fédérer l’excellence<br />

de leur recherche pour exporter le savoir-faire<br />

européen dans la très grande vitesse ?<br />

À défaut, le risque est grand de voir les<br />

Américains prendre le leadership d’un marché<br />

dont ils sont, actuellement, absents<br />

en achetant ce qui se fait de mieux dans<br />

les différents pays.<br />

Promouvoir un réseau européen de jeunes<br />

chercheurs sur les transports<br />

Pour créer des communautés de jeunes chercheurs, développer leur culture<br />

européenne, les aider à évoluer dans des réseaux internationaux<br />

et favoriser leur progression de carrière, l’ECTRI a créé les <strong>“</strong>Séminaires<br />

de Jeunes Chercheurs” avec le FEHLR* et le FERSI*.<br />

Tous les deux ans, de jeunes chercheurs de tous les pays d’Europe sont<br />

sélectionnés par leur institut pour participer à ce séminaire. Trois jours durant,<br />

ils présentent leurs travaux devant un jury de chercheurs confi rmés en bénéfi ciant<br />

des conseils d’un chercheur-tuteur, de nationalité différente de la leur.<br />

Au terme du séminaire, un prix récompense les trois meilleures présentations.<br />

Quatre de ces séminaires se sont déjà tenus à Lyon (France) en 2003, La Haye<br />

(Pays-Bas) en 2005, Brno (République tchèque) en 2007 et Turin (Italie) en 2009.<br />

<br />

* EN TOUTES LETTRES<br />

Instituts de recherche nationaux<br />

membres de l’ECTRI<br />

CEDEX : Centre d’études et<br />

d’expérimentations des travaux publics<br />

(Espagne)<br />

DLR : Centre aérospatial (Allemagne)<br />

DVS : Centre de transport<br />

et de navigation (Pays-Bas)<br />

INRETS : Institut national de recherche<br />

sur les transports et leur sécurité<br />

(France)<br />

TNO : Organisation pour la recherche<br />

scientifi que appliquée (Pays-Bas)<br />

TØI : Institut d’économie des transports<br />

(Norvège)<br />

Associations de recherche<br />

européennes<br />

EARPA : Association européenne des<br />

organismes de recherche automobile<br />

EUCAR : Conseil européen de la R&D<br />

automobile<br />

FEHLR : Forum européen des<br />

laboratoires de recherche routière<br />

FERSI : Forum européen des instituts<br />

de recherche sur la sécurité routière<br />

Autres organisations de recherche<br />

européenne et internationale<br />

COST : Cadre intergouvernemental<br />

pour la coopération européenne dans<br />

le champ de la recherche scientifi que<br />

et technique<br />

TRB : Conférence de recherche<br />

sur les transports (États-Unis)<br />

Réseaux d’excellence du<br />

6 e Innotrans 2010 et 7 e PCRD<br />

APSN (auj. ISN) : sur la sécurité<br />

passive avancée<br />

EURNEX : sur les transports<br />

ferroviaires (il fonctionne comme<br />

une association de la recherche<br />

européenne dédiée au transport<br />

ferroviaire)<br />

HUMANIST : sur les interactions<br />

homme-machine et leurs applications<br />

à la télématique routière<br />

et aux systèmes d’assistance<br />

NEARCTIS : sur l’intégration<br />

des systèmes coopératifs<br />

à la gestion du trafi c dans<br />

la société de l’information<br />

Plates-formes technologiques<br />

fi nancées par la Commission<br />

européenne<br />

ERTRAC : Conseil consultatif européen<br />

de recherche sur le transport routier<br />

ERRAC : Conseil consultatif européen<br />

de recherche ferroviaire.<br />

23


24<br />

société<br />

<br />

La première e-revue<br />

scientifi que sur les<br />

transports en libre accès<br />

L’European Transport Research<br />

Review (l’ETRR), lancée à l’initiative<br />

de l’ECTRI en 2009, fonctionne<br />

sur un modèle original. Éditée<br />

par Springer-Verlag, elle est publiée<br />

sur internet en libre accès. Les<br />

lecteurs accèdent gratuitement<br />

aux articles sur le site de la revue.<br />

Ce sont les auteurs – en fait leur<br />

institut d’appartenance – qui<br />

paient pour être publiés.<br />

Mais ne sont publiés<br />

que les articles conformes aux<br />

standards scientifi ques<br />

internationaux, sélectionnés par<br />

un comité scientifi que pluriel<br />

et indépendant. Tout organisme<br />

(université, industriel, association<br />

d’usagers…) intéressé par une<br />

thématique particulière peut même<br />

sponsoriser un numéro spécial.<br />

L’ETRR se charge alors de l’appel<br />

à candidature de publications<br />

sur la thématique retenue dans<br />

toutes les communautés<br />

européennes, et de la sélection<br />

d’articles d’intérêt général.<br />

Pour en savoir plus :<br />

http://www.springer.com/12544<br />

Quels sont les freins à la<br />

consolidation d’une recherche<br />

européenne multimodale<br />

sur les transports ?<br />

En Europe, les systèmes de recherche<br />

sont nationaux alors que les acteurs<br />

industriels sont mondiaux. Du point de vue<br />

de l’ECTRI, l’enjeu essentiel, dans tous<br />

les domaines du transport et en particulier<br />

le ferroviaire, consiste à dépasser la<br />

juxtaposition de discussions nationales entre<br />

les communautés industrielles et la recherche<br />

– Siemens avec le DLR* en Allemagne,<br />

<strong>Alstom</strong> avec l’INRETS* en France – pour faire<br />

émerger un dialogue européen. C’est l’esprit<br />

de la Vision 2020 pour l’Espace européen<br />

de la recherche (EER) adoptée, en décembre<br />

2008, par le Conseil <strong>“</strong>Compétitivité”<br />

de l’Union européenne. Nous voulons que<br />

les industriels puissent s’appuyer sur la<br />

combinaison de réseaux et de puissants<br />

clusters de chercheurs européens<br />

qui leur garantissent une recherche plus<br />

performante et mieux ciblée sur des<br />

thématiques coopératives prioritaires.<br />

Quelles thématiques coopératives ?<br />

Là se situe un point de blocage que l’ECTRI<br />

tente de lever. Nous œuvrons à l’organisation<br />

d’un dialogue entre les industriels et les<br />

organismes de recherche. Les concurrents<br />

d’un même secteur du transport auraient<br />

tout intérêt à identifi er les sujets de<br />

coopération sur lesquels ils ont un besoin<br />

commun à innover, en s’appuyant sur<br />

le meilleur réseau européen de recherche<br />

publique dans le domaine. Ils pourraient<br />

en même temps déterminer les sujets de<br />

concurrence sur lesquels chaque entreprise<br />

restera pilote de sa propre recherche. Un<br />

tel dialogue existe dans l’industrie automobile<br />

via l’association européenne EUCAR* qui<br />

discute sur les normes et qui participe aussi<br />

activement, tout comme l’ECTRI, à la<br />

plate-forme technologique routière ERTRAC*<br />

qui réunit toutes les parties prenantes du<br />

secteur routier pour déterminer ensemble<br />

les priorités de recherche stratégiques. Il est<br />

plus diffi cile à faire émerger dans le monde<br />

ferroviaire. Nous espérons que la plate-forme<br />

technologique ERRAC*, dédiée au secteur<br />

ferroviaire, surmontera ces diffi cultés et<br />

y parviendra. Une attente commune émerge<br />

néanmoins : celle d’une modélisation, utile<br />

et performante, de la capacité des<br />

infrastructures européennes. Elle ferait<br />

avancer le débat entre opérateurs,<br />

gestionnaires d’infrastructures et industriels,<br />

par exemple sur l’opportunité de concevoir<br />

des trains plus capacitaires. La modélisation<br />

servirait précisément à anticiper<br />

les évolutions dans le but de faire les bons<br />

choix d’investissements.<br />

Quelles autres réponses<br />

opérationnelles et mutualisées<br />

l’ECTRI pourrait-elle apporter<br />

aux questions des industriels ?<br />

Les thèmes de débat ne manquent pas.<br />

Quelques exemples : dans le transport<br />

ferroviaire, les pays qui investissent<br />

fortement dans la recherche – la France,<br />

l’Allemagne, la République tchèque,<br />

l’Espagne – s’interrogent sur la pertinence<br />

d’investissements dans des équipements<br />

d’essais. Une recherche mutualisée<br />

sur le sujet pourrait les aider à concevoir<br />

des infrastructures complémentaires et<br />

partagées au travers d’accords, en évitant<br />

une redondance de ces équipements.<br />

Dans le transport de marchandises,<br />

la mondialisation a fortement relancé le trafi c<br />

maritime. Analyser la place des trois modes<br />

de desserte des ports – la voie d’eau, le rail,<br />

la route – en relation avec la massifi cation<br />

des fl ux permettrait de connaître le potentiel<br />

de transfert de la route vers le rail.<br />

C’est un sujet essentiel pour tous les acteurs<br />

du transport de marchandises : routiers,<br />

ferroviaires, maritimes. Cette analyse<br />

apporterait des réponses à des questions<br />

majeures : pourquoi Amsterdam est-il<br />

le port de Paris et non pas Le Havre ?<br />

À quelles conditions faire du Havre le port<br />

de Paris pour éviter le retour en arrière<br />

des marchandises par la route ?<br />

Autre sujet : une concurrence avion-TGV<br />

a-t-elle du sens dans une Europe<br />

dont l’espace aérien est particulièrement


encombré ? Les transporteurs aériens<br />

européens n’auraient-ils pas intérêt à anticiper<br />

la fermeture de certaines lignes à la lumière<br />

d’une analyse scientifi que des effets des<br />

liaisons ferroviaires européennes à grande<br />

vitesse (Eurostar, Thalys, Lyria…), à l’instar<br />

de ce qui s’est passé en France ?<br />

Autant de questions sur lesquelles le dialogue<br />

entre le milieu industriel et la recherche<br />

est très complémentaire. Des questions<br />

étroitement liées aux grandes thématiques<br />

de la recherche européenne : l’énergie<br />

et le changement climatique, la sûreté et<br />

la sécurité, les congestions et les capacités,<br />

le vieillissement des populations dans<br />

les sociétés occidentales, l’évolution rapide<br />

et constante de la société d’information<br />

et de communication…<br />

Comment voyez-vous l’avenir<br />

de l’ECTRI ?<br />

Grâce à une réforme de ses statuts, l’ECTRI<br />

a gagné sept nouveaux adhérents en 2009,<br />

passant à 27 membres. L’association, portée<br />

par une vraie dynamique, entend devenir<br />

la référence européenne de la recherche<br />

globale et multimodale sur les systèmes<br />

de transport. Elle dispose d’une vraie capacité<br />

de faire travailler ensemble, sur les thèmes<br />

communs, les nombreuses associations<br />

modales ou les réseaux d’excellence<br />

(FEHRL, FERSI, EARPA, EURNEX*,<br />

HUMANIST*, NEARCTIS*, APSN*…).<br />

J’ai fait un rêve… qu’un jour l’ensemble de<br />

ces associations européennes de recherche<br />

sur tous les modes de transport, qui se<br />

sont toutes constituées pour de très bonnes<br />

raisons, mais que l’on voit aujourd’hui<br />

comme une superposition de sédimentations<br />

historiques, convergeront au sein d’une<br />

organisation européenne unique, à l’image<br />

du TRB* américain. Si l’ECTRI se dissolvait<br />

dans une telle structure, j’aurais le sentiment<br />

d’avoir contribué à la véritable naissance<br />

de l’Europe des transports.<br />

(*) cf. glossaire page 23.<br />

Propos recueillis par<br />

Catherine Fressoz<br />

<br />

L’ECTRI<br />

La Conférence européenne des instituts de recherche sur<br />

les transports, est une association internationale à but non lucratif,<br />

fondée en avril 2003. Elle regroupe 27 grands instituts<br />

ou universités de recherche sur tous les transports de surface<br />

(rail, route, mer) de 20 pays européens. Elle réunit plus<br />

de 3 800 scientifi ques travaillant sur l’ensemble des champs<br />

des transports.<br />

SES MODES D’ANIMATION DES COOPÉRATIONS<br />

ENTRE SES MEMBRES<br />

8 groupes de travail thématiques :<br />

• La mobilité urbaine (pilote : INRETS*)<br />

• La sûreté et la sécurité dans les systèmes de transport (DVS*)<br />

• L’énergie et le changement climatique (INRETS*)<br />

• Le transport de marchandises (DLR*)<br />

• Les systèmes de transport intelligent et les infrastructures (TNO*)<br />

• La mobilité : aspects socio-économiques, démographiques,<br />

politiques (INRETS*)<br />

• L’économie et la politique des transports (INRETS*)<br />

• Le transport urbain, l’environnement et la santé (TØI*)<br />

1 groupe de travail transversal <strong>“</strong>mobilité et formation”<br />

• Feuille de route pour la création d’un doctorat européen<br />

en transport et d’une école européenne de gestion<br />

de la recherche sur les transports<br />

• Séminaire <strong>“</strong>jeunes chercheurs”<br />

3 commissions<br />

• Lancement de la revue scientifi que ETRR en libre accès<br />

• Préparation du 8 e programme-cadre européen de recherche<br />

• Aspects fi nanciers et administratifs des projets des<br />

programmes-cadres européens<br />

SON IMPLICATION DANS LES PROGRAMMES<br />

DE RECHERCHE EUROPÉENS<br />

Participation à 113 projets du 6 e PCRD, 90 projets du 7 e PCRD,<br />

6 projets du réseau intergouvernemental COST*<br />

SES COLLABORATIONS INTERNATIONALES<br />

Signature, en 2006, d’un protocole de coopération avec le TRB*<br />

Publication conjointe d’un plan d’actions pour améliorer<br />

la coopération transatlantique en matière de recherche sur<br />

les transports.<br />

Coopération avec les associations d’instituts de recherche<br />

sur les transports au Japon, en Inde, en Corée, en Chine<br />

et en Australie.<br />

Participation active à toutes les conférences internationales<br />

sur le transport.<br />

POUR EN SAVOIR PLUS :<br />

ECTRI, rue du Trône 98,<br />

1050 Bruxelles, Belgique<br />

Tél. + 32 (0) 2 508 14 13<br />

www.ectri.org<br />

25


technologie<br />

26


LA PENDULATION,<br />

PLUS VITE,<br />

MOINS CHER<br />

250 KM/H SUR VOIES CONVENTIONNELLES<br />

27


28<br />

technologie<br />

La grande vitesse pendulaire (jusqu’à 250 km/h) permet d’accéder<br />

à la grande vitesse sur des infrastructures existantes avec un<br />

confort accru et un surcoût modeste. Les bénéfi ces de ce concept<br />

sont multiples : accroître le débit d’une ligne en faisant circuler<br />

un plus grand nombre de trains dans un laps de temps donné,<br />

introduire de la fl exibilité dans les temps de parcours pour<br />

respecter un cadencement.<br />

Comment investir dans une nouvelle fl otte<br />

de trains sans se poser la question<br />

de la géographie des territoires à relier,<br />

des modes de transport concurrents,<br />

des volumes de passagers potentiels en<br />

fonction du temps de transport offert, des<br />

tarifs proposés, du confort, etc. ? Tous ces<br />

termes doivent entrer en équation afi n<br />

de décider d’investir dans des rames à très<br />

grande vitesse conçues pour circuler sur<br />

des lignes dédiées ou plutôt dans des rames<br />

à grande vitesse adaptées à des lignes<br />

conventionnelles renforcées.<br />

L’exemple de l’Italie, berceau du Pendolino,<br />

le train pendulaire à grande vitesse d’<strong>Alstom</strong>,<br />

illustre clairement la complémentarité entre<br />

la grande et la très grande vitesse. Pays assez<br />

montagneux, l’Italie possède un réseau ferré<br />

sinueux reliant entre elles des agglomérations<br />

réparties le long d’un territoire étiré sur<br />

près de 1 200 km. Compte tenu du relief,<br />

la construction de lignes à très grande vitesse<br />

– nécessairement rectilignes – exige<br />

la construction de très nombreux ouvrages<br />

d’art entraînant des coûts élevés. Pour être<br />

rentables, de telles lignes doivent capter<br />

un volume de passagers très important,<br />

aux dépens de l’avion et de la route,<br />

comme c’est le cas sur l’axe nord-sud<br />

Milan – Bologne – Florence – Rome – Naples<br />

et l’axe est-ouest Turin – Milan, en cours<br />

de prolongation en direction de Vérone<br />

et de Venise. Mais les habitants de grandes<br />

agglomérations comme Bari, Gênes, Lecce<br />

ou Reggio de Calabre par exemple, situées<br />

aux extrémités du pays, souhaitent eux<br />

aussi pouvoir rejoindre rapidement le réseau<br />

à très grande vitesse afi n de bénéfi cier,<br />

<strong>“</strong> Les Pendolino sont capables à la fois d’emprunter<br />

les voies conventionnelles en circulant de 10 à 30 %<br />

plus vite qu’un train classique dans les courbes,<br />

et de passer à 250 km/h sur les voies dédiées.”<br />

lors de leurs déplacements dans la Péninsule,<br />

de temps de parcours complets réduits.<br />

Et c’est là où la grande vitesse pendulaire<br />

prend tout son sens : les Pendolino<br />

sont en effet capables à la fois d’emprunter<br />

les voies conventionnelles en circulant<br />

de 10 à 30 % plus vite qu’un train classique<br />

dans les courbes, et de passer à 250 km/h<br />

sur les voies dédiées.<br />

Bénéfi ce double<br />

Pour l’opérateur ferroviaire, comme pour<br />

le gestionnaire d’infrastructure, le bénéfi ce est<br />

double : il permet d’attirer, par la perspective<br />

d’un temps de voyage substantiellement<br />

réduit sans changer de train, la clientèle


30<br />

technologie<br />

voyageant<br />

Le Pendolino CPA-4000 au Portugal.<br />

entre les agglomérations situées<br />

en dehors du réseau à très grande vitesse et<br />

de drainer vers ce dernier un surcroît de trafi c<br />

passagers. Pour l’opérateur ferroviaire,<br />

le surcoût d’une rame pendulaire par rapport<br />

à une rame classique n’est que de 5 à 10 % ;<br />

pour le gestionnaire d’infrastructure,<br />

le surcoût se limite au renforcement de la ligne<br />

afi n de supporter des vitesses supérieures,<br />

essentiellement dans les courbes.<br />

Dans le cas de la ligne Bruxelles-Luxembourg,<br />

les 500 millions d’euros consacrés à la<br />

modernisation et l’accroissement de capacité<br />

de la voie vont permettre de réduire de<br />

27 minutes le temps de parcours entre<br />

les deux capitales, ramené de 2 h 26 min.<br />

à 1 h 59 min. Un investissement complémentaire<br />

de 20 millions d’euros, destiné à renforcer<br />

la voie dans les courbes en vue de permettre<br />

l’utilisation de trains pendulaires, permettrait<br />

de gagner 8 min. supplémentaires sur le trajet,<br />

réduit de 1 h 59 min. à 1 h 51 min.<br />

En d’autres termes, les minutes gagnées<br />

sans la pendulation représentent<br />

un coût unitaire de 18,5 millions d’euros,<br />

les minutes supplémentaires gagnées<br />

grâce à la pendulation ne coûtant<br />

que 2,5 millions d’euros la minute…<br />

Les chiffres parlent d’eux-mêmes.<br />

Ce qui permet aux Pendolino de gagner<br />

de 10 à 30 % de vitesse dans les virages,<br />

c’est le renvoi vers le sol, grâce à l’inclinaison<br />

des voitures, de l’accélération latérale due<br />

à la force centrifuge. Ainsi, le passager<br />

ne se voit-il plus projeté contre son voisin<br />

à la première courbe ou contraint de rattraper<br />

son café, irrésistiblement happé vers<br />

l’extérieur. Trois principes de pendulation<br />

permettent d’incliner plus ou moins les<br />

voitures dans les virages. Le premier consiste<br />

à utiliser la seule force centrifuge pour<br />

faire osciller les caisses de 4° au maximum<br />

en courbes. Cette pendulation passive est<br />

utilisée notamment par Talgo pour ses trains


PRINCIPE DU SYSTÈME PENDULAIRE<br />

Gabarit dynamique UIC<br />

de nuit, moins dans un but de gain de vitesse<br />

(qu’une aussi faible oscillation ne permet guère)<br />

que pour améliorer le confort des passagers.<br />

Vient ensuite la pendulation pneumatique<br />

utilisée sur les trains à grande vitesse japonais<br />

– les Shinkansen – pour obtenir une<br />

inclinaison de 1 à 2° des caisses, là encore<br />

dans un but de confort amélioré et non<br />

d’accroissement des vitesses. Troisième<br />

principe : la pendulation active, qui permet<br />

d’incliner les caisses jusqu’à 8°, offrant à la fois<br />

un gain signifi catif de vitesse et de confort.<br />

C’est ce troisième type de pendulation<br />

qu’utilisent les Pendolino au travers de deux<br />

technologies d’actionneurs, soit hydrauliques,<br />

soit électromécaniques. <strong>Alstom</strong> maîtrise ainsi<br />

l’électronique de commande des actionneurs<br />

et tout le système mécanique permettant au<br />

train, sur toute sa longueur, d’incliner chacune<br />

de ses voitures de l’angle adéquat,<br />

au moment voulu par rapport à leur entrée<br />

dans une courbe.<br />

Sans le système pendulaire<br />

Avec le système pendulaire, augmentation<br />

de la vitesse de 30 %<br />

Trenitalia, le précurseur<br />

Si l’opérateur historique italien Trenitalia<br />

a été précurseur dans la mise en œuvre<br />

des trains pendulaires, dès les années 70,<br />

un nombre croissant d’opérateurs ferroviaires<br />

européens a bien compris l’intérêt de trains<br />

capables d’osciller pour offrir à leurs clients<br />

un meilleur temps de parcours, dans<br />

le plus grand confort, moyennant un faible<br />

surcoût par rapport à un matériel roulant<br />

non pendulaire. Les quatre générations<br />

successives de Pendolino se sont ainsi<br />

exportées en Suisse, au Royaume-Uni,<br />

en Allemagne, en Espagne, en Finlande, au<br />

Portugal, en Slovénie, en République tchèque,<br />

et en Slovaquie. Avec 430 rames circulant<br />

dans onze pays à travers le monde et plus<br />

de 200 millions de km parcourus en service<br />

commercial, le Pendolino est sans conteste<br />

<strong>“</strong>le” train à grande vitesse pendulaire.<br />

Par sa fi abilité, sa compétitivité et son niveau<br />

8°<br />

<br />

Tiltronix, la pendulation<br />

intelligente<br />

Tiltronix est complètement intégré<br />

au train afi n de limiter l’installation<br />

coûteuse d’équipements sur<br />

les voies et peut fonctionner selon<br />

deux modes : réactif ou anticipatif.<br />

En mode réactif, le degré exact<br />

des courbes est déterminé par des<br />

gyroscopes et des accéléromètres<br />

situés sur le premier bogie de<br />

la voiture de tête. L’ordinateur de bord<br />

établit l’angle de courbure nécessaire<br />

et transmet ces données à chaque<br />

cylindre de bogie, en fonction<br />

de sa position sur la voie et de<br />

la vitesse du train.<br />

En mode anticipatif, le système<br />

informatique embarqué intègre<br />

en amont l’ensemble des paramètres<br />

de la voie. En comparant ces<br />

éléments aux informations transmises<br />

par les récepteurs de bord, Tiltronix<br />

peut déterminer à tout moment<br />

l’exacte position du train sur la ligne<br />

et transmettre les ordres adéquats<br />

aux cylindres de bogie. Grâce à<br />

une réactivité plus fi ne à l’approche<br />

des courbes, il offre un meilleur<br />

confort aux passagers.<br />

31


32<br />

technologie<br />

<br />

de confort, il a même su séduire, dans<br />

des versions non pendulaires à motorisation<br />

répartie, des transporteurs ferroviaires<br />

espagnol et chinois. C’est ainsi que des<br />

Lanzaderas ont été construits pour le réseau<br />

ibérique et que des CRH5 circulent en Chine.<br />

De l’Italie à la Finlande,<br />

la saga du Pendolino<br />

Le principe physique de la pendulation<br />

est simple, mais la maîtrise de la technologie<br />

nécessaire est une autre affaire. Au plan<br />

technique, le train doit être équipé de manière<br />

à détecter son entrée en courbe et à incliner<br />

successivement chacune de ses voitures du<br />

nombre approprié de degrés pour compenser<br />

l’accélération latérale. Afi n de mettre au point<br />

le système, Fiat Ferroviaria commence<br />

à la fi n des années 60 par équiper un siège<br />

conducteur d’un actionneur hydraulique<br />

permettant de détecter la courbe et d’incliner<br />

le siège en fonction des signaux transmis<br />

par un accéléromètre placé sur le bogie.<br />

constituée de l’ETR 450 en Italie et d’une<br />

version destinée à l’Allemagne, le DB 610.<br />

Viennent les années 90 et la troisième<br />

génération de Pendolino, constituée de toute<br />

une famille de trains : les ETR 460 et 480<br />

pour l’Italie, l’ETR 470 destiné à relier l’Italie<br />

à la Suisse, le SR3 pour la Finlande, l’ICE-T<br />

pour l’Allemagne, l’Alaris pour l’Espagne,<br />

le CPA-4000 pour le Portugal, l’ETR 310<br />

pour la Slovénie, sans oublier le CD 680<br />

pour la République tchèque. Cette réussite<br />

à l’export se confi rme au cours de la seconde<br />

partie des années 90, avec l’acquisition<br />

par Virgin Trains, au Royaume-Uni, d’une<br />

fl otte d’une cinquantaine de Pendolino<br />

exploités intensivement et avec succès<br />

sur la West Coast Main Line, entre Londres,<br />

Birmingham, Manchester et Glasgow.<br />

Aujourd’hui, la saga du Pendolino se poursuit<br />

en Europe du Nord, où Karelian Trains,<br />

fi liale commune des opérateurs fi nlandais VR<br />

et russe RZD, a commandé à <strong>Alstom</strong><br />

un modèle spécial de Pendolino baptisé<br />

<strong>“</strong> Le Pendolino, c’est aujourd’hui 430 rames circulant<br />

dans onze pays à travers le monde et plus de<br />

200 millions de km parcourus en service commercial.”<br />

Installé à bord d’un autorail, celui-ci permet<br />

de recueillir un ensemble de données<br />

expérimentales qui guident la conception<br />

d’un premier prototype de train pendulaire<br />

en vue d’une expérimentation grandeur nature<br />

de la technique d’inclinaison des caisses.<br />

Au début des années 70 commence ainsi<br />

la saga du Pendolino, avec l’entrée en service<br />

commercial d’une première génération<br />

constituée de deux types de trains :<br />

l’ETR 401, conçu pour le marché italien, et<br />

le RENFE 443, destiné à circuler en Espagne.<br />

Une décennie de résultats d’exploitation<br />

très positifs conduit Fiat Ferroviaria<br />

à développer, au début des années 80,<br />

une deuxième génération de Pendolino,<br />

Allegro pour relier Helsinki à Saint-Pétersbourg,<br />

distantes de 450 km (voir page 34).<br />

L’innovation sans frontière<br />

À chaque génération de Pendolino, le retour<br />

d’expérience de la génération précédente,<br />

allié à un effort constant de R&D, a permis<br />

d’améliorer la chaîne de traction, la climatisation<br />

et le design intérieur des voitures.<br />

Mais l’histoire ne s’arrête pas là, et les équipes<br />

d’<strong>Alstom</strong> ont d’ores et déjà préparé<br />

les évolutions futures de leurs trains<br />

pendulaires. Ainsi, le système Tiltronix<br />

anticipatif (voir encadré page 31), système<br />

d’apprentissage du profi l de la ligne par<br />

le train, a été développé pour une installation


prochaine. En mémorisant très précisément<br />

le profi l d’une ligne, Tiltronix permet au train,<br />

sans l’appui de la moindre balise au sol,<br />

d’optimiser l’inclinaison de chacune des<br />

voitures pour offrir le meilleur rapport entre<br />

le gain de vitesse et le confort du passager.<br />

Au-delà de l’évolution des trains proprement<br />

dite, les Pendolino en service illustrent<br />

l’approche globale d’<strong>Alstom</strong>, constructeur<br />

de matériel roulant mais aussi spécialiste<br />

des systèmes ferroviaires, au service<br />

des opérateurs et des gestionnaires<br />

d’infrastructure. Cette gamme traduit sa<br />

capacité à mener à leurs côtés une réfl exion<br />

visant à identifi er les solutions les plus<br />

pertinentes en vue d’améliorer une<br />

confi guration de ligne conventionnelle et<br />

d’en augmenter ainsi le potentiel. Le concept<br />

Pendolino permet en effet à l’opérateur<br />

ferroviaire d’acquérir aujourd’hui des rames<br />

pendulaires et de bénéfi cier de plus<br />

en plus pleinement de leurs performances,<br />

dès lors que le gestionnaire d’infrastructure<br />

investit dans la modernisation<br />

et le renforcement de chaque ligne…<br />

Un véritable gisement de rentabilité.<br />

Aujourd’hui, les 430 rames Pendolino<br />

qui circulent sous toutes les latitudes,<br />

du sud de l’Italie au nord de l’Ecosse,<br />

et de l’Espagne à la Chine, témoignent<br />

de la maîtrise par <strong>Alstom</strong> de la technologie<br />

des trains à grande vitesse (entre<br />

200 et 300 km/h). Les Pendolino en service<br />

circulent sur des réseaux à différents<br />

écartements, de différents gabarits, utilisant<br />

différents courants, différentes signalisations,<br />

sous différents climats, opérés en fonction<br />

de différentes philosophies d’exploitation,<br />

démontrant l’opérabilité et la capacité<br />

de personnalisation des matériels proposés.<br />

Jean-Christophe Hédouin<br />

<br />

33


événement<br />

34<br />

ALLEGRO,<br />

UN NOUVEAU<br />

TEMPO POUR<br />

LE GRAND NORD<br />

Janvier 2010 : la première rame Pendolino<br />

est arrivée à Helsinki afi n de débuter<br />

les premiers tests en Finlande. Elle rejoindra<br />

ensuite la Russie pour les tests d’homologation<br />

sur le réseau national. Trois autres trains<br />

seront livrés au cours de l’année 2010.<br />

Réduire de 2 h 30 min. le temps de parcours<br />

entre Helsinki et Saint-Pétersbourg, tel est<br />

l’objectif que se sont fi xé les compagnies de<br />

chemins de fer fi nlandaise VR et russe RZD<br />

en créant une co-entreprise, Karelian Trains,<br />

et en passant commande auprès d’<strong>Alstom</strong><br />

de quatre rames pendulaires d’une capacité<br />

de 352 sièges, baptisées Allegro.<br />

Celles-ci sont le fruit d’un double héritage :<br />

elles intègrent tout d’abord les innovations<br />

de la toute dernière génération de Pendolino,<br />

l’ETR 610, pour tout ce qui a trait aux bogies<br />

et au système de traction ou de freinage.<br />

Elles bénéfi cient par ailleurs du retour<br />

d’expérience des 18 rames exploitées<br />

par VR depuis plus de dix ans, pour<br />

ce qui concerne la morphologie des voitures<br />

et leur adaptation à l’hiver scandinave,<br />

en particulier l’isolation thermique<br />

et la protection des bas de caisse contre<br />

la neige et la glace. L’exploitation<br />

des Pendolino en mode transfrontalier<br />

à la fois sur les réseaux fi nlandais et russe<br />

a exigé des adaptations supplémentaires<br />

permettant aux trains, notamment,<br />

d’utiliser les deux systèmes de signalisation<br />

et de radiocommunication. La cabine<br />

du conducteur a, elle aussi, fait l’objet<br />

d’une conception nouvelle, sur la base d’une<br />

maquette à l’échelle 1, afi n de permettre


aussi bien aux conducteurs fi nlandais que<br />

russes d’y retrouver une ergonomie familière.<br />

Outre les quatre rames, actuellement en<br />

cours de certifi cation dans les deux pays et<br />

dont l’entrée en service commercial est<br />

attendue dans le courant de l’hiver 2010-2011,<br />

<strong>Alstom</strong> s’est vu confi er par Karelian Trains<br />

la formation de ses conducteurs ainsi que<br />

la fourniture de la documentation de<br />

maintenance et des pièces de rechange.<br />

<br />

Lignes résolument modernes, habillant<br />

une technologie de pointe au système d’alimentation<br />

bi-tension, les Pendolino de Karelian Trains sont<br />

taillés pour affronter les froids extrêmes de l’Europe<br />

du Nord. Ils circuleront fi n 2010 sur la ligne reliant<br />

les villes d’Helsinki et de Saint-Pétersbourg, longue<br />

de 450 km. Le temps de parcours sera réduit à<br />

3 heures – au lieu de 5 heures 30 – grâce à une<br />

vitesse pouvant atteindre 220 km/h.<br />

35


36<br />

événement<br />

AU CROISEMENT<br />

DES EXPÉRIENCES<br />

Le 1 er juin 2010 s’est tenu sur le site<br />

<strong>Alstom</strong> Transport de Valenciennes le premier<br />

forum tram-train Citadis Dualis, organisé<br />

conjointement avec la SNCF. Devant plus<br />

de 120 participants, en présence de<br />

nombreux élus et responsables des transports<br />

des Régions françaises, les intervenants<br />

ont pu échanger sur des thématiques<br />

croisées d’ordres économique, sociologique,<br />

technique, fi nancier… Une grande première<br />

pour un produit résolument novateur, destiné<br />

à répondre aux besoins de mobilité<br />

de demain. Polyvalence, accessibilité,<br />

modularité, sécurité, confort, environnement :<br />

toutes les caractéristiques du Citadis Dualis<br />

et du service Tram-Train ont été évoquées.<br />

Les participants ont ensuite été conviés à bord<br />

d’une rame pour un test en grandeur réelle<br />

sur la voie du Centre d’essais ferroviaires<br />

de Valenciennes. La journée s’est conclue<br />

par une visite des ateliers de production<br />

et d’assemblage.


De gauche à droite : Stéphane Bergounioux, animateur des tables rondes ; Claude Solard, directeur TER SNCF ; Jean-Paul Decourcelles,<br />

adjoint au maire de Lens ; Floriane Torchin, directrice des Transports et des Déplacements de la Région Alsace ; Gilles Bontemps,<br />

vice-président Transport de la Région Pays de la Loire ; Christian Hanriot, Inexia ; Pierre Langrand, président de l’association Mouvable<br />

à Bordeaux ; Lionel Catrain, représentant de la 1 re vice-présidente Transport de la Région Rhône-Alpes.<br />

37


38<br />

événement<br />

Christian Lacroix et Robert Subra, vice-président de Montpellier-Agglomération, président délégué de la commission<br />

Tramway-Transports-Déplacements et président de TAM (Transport de l’Agglomération de Montpellier).<br />

CITADIS : LE TRAMWAY <strong>“</strong>HAUTE<br />

COUTURE” PAR CHRISTIAN LACROIX<br />

24 février 2010 : le styliste et couturier Christian Lacroix s’est rendu sur le site<br />

<strong>Alstom</strong> de La Rochelle pour découvrir le moule de la face avant du tramway de la<br />

ligne 3 de Montpellier-Agglomération dont il a dessiné les lignes, signant également<br />

la livrée et les aménagements intérieurs. Un travail mené en étroite collaboration<br />

avec la direction Design&Styling d’<strong>Alstom</strong> et les équipes techniques.<br />

Montpellier a été la première agglomération<br />

au monde à choisir le tramway Citadis<br />

d’<strong>Alstom</strong> en 1997 et la première à le mettre<br />

en service en juillet 2000.<br />

En dix ans, <strong>Alstom</strong> a déjà fourni une fl otte<br />

de 57 rames destinées aux deux premières<br />

lignes de tramway. La ligne 3 comptera<br />

23 nouvelles rames.<br />

Christian Lacroix en compagnie de Xavier Allard, directeur Design&Styling d’<strong>Alstom</strong>.


CITADIS, UNE BULLE<br />

DE COULEUR À REIMS<br />

26 mars 2010 : la première rame Citadis présentée aux Rémois<br />

concrétise l’esthétique choisie par la grande ville de Champagne.<br />

Avec ce tramway de dernière génération, <strong>Alstom</strong> livre<br />

une solution complète : matériels, équipements et maintenance.<br />

La population rémoise a découvert<br />

la première rame Citadis de la ville, exposée<br />

sur le parvis de la cathédrale, lors d’un<br />

événement présidé par Adeline Hazan, maire<br />

de Reims et présidente de Reims Métropole,<br />

et Christian Messelyn, président de MARS (1) ,<br />

la société concessionnaire du tramway<br />

de Reims. <strong>Alstom</strong> fournit pour la ville<br />

champenoise une solution clés en main qui<br />

comprend la conception et la fabrication<br />

(1) MARS : Mobilité Agglomération Rémoise.<br />

Le design du tramway de Reims se distingue par sa face<br />

avant évoquant la légèreté et la fi nesse d’une fl ûte de champagne.<br />

L’approche chromatique, imaginée par le designer Rudy Bauer<br />

et déclinée en huit couleurs, a été plébiscitée par les<br />

Rémois et retenue pour le projet d’identité visuelle de la ville.<br />

du matériel roulant et de l’ensemble des<br />

systèmes électromécaniques : 18 rames de<br />

tramway Citadis, la voie ferrée, la signalisation,<br />

l’alimentation électrique, la caténaire<br />

et la billettique du réseau de transport<br />

de l’agglomération. <strong>Alstom</strong> assurera,<br />

par ailleurs, la maintenance des équipements<br />

en sous-traitance de l’exploitant Transdev<br />

pendant 30 ans. Le tramway de Reims sera<br />

mis en service en 2011.<br />

<br />

Longue de 11,2 km, la ligne 1<br />

de Reims est équipée du système<br />

APS sur 2 km.<br />

APS est un système éprouvé<br />

d’alimentation électrique<br />

des tramways par le sol grâce à<br />

un troisième rail encastré au sol.<br />

Les segments conducteurs sont<br />

alimentés en énergie uniquement<br />

lors du passage du tramway,<br />

ce qui garantit la sécurité des<br />

piétons et des autres véhicules.<br />

Cette technologie, exclusive à<br />

<strong>Alstom</strong>, permet la suppression<br />

des réseaux électriques aériens,<br />

limite la pollution visuelle et<br />

préserve notamment l’authenticité<br />

architecturale des sites traversés<br />

par le réseau.<br />

39


ET POURQUOI PAS<br />

UN TRAMWAY ?<br />

À PORTÉE DE TOUTES LES VILLES…<br />

Une politique de mobilité urbaine durable doit offrir<br />

une véritable alternative à la voiture individuelle afi n d’inciter<br />

les usagers à changer leurs habitudes. Loin d’être réservés au<br />

club fermé des grandes agglomérations, les tramways évoluent<br />

et s’ouvrent désormais aux agglomérations de 100 000 à<br />

250 000 habitants. Focus sur un marché en plein essor en Europe.<br />

développement durable<br />

40<br />

Après plusieurs décennies de règne<br />

du <strong>“</strong>tout automobile”, le développement<br />

des réseaux de transports collectifs urbains<br />

et périurbains s’est affi rmé comme une<br />

priorité pour les pouvoirs publics français.<br />

L’objectif est multiple : répondre à des<br />

impératifs de développement durable<br />

en réduisant les émissions de CO 2 liées<br />

à la congestion routière, soutenir l’économie<br />

du secteur, désenclaver les territoires,<br />

requalifi er l’espace urbain et mettre<br />

en valeur le patrimoine historique.<br />

L’impact de la crise a mis en exergue le coût<br />

d’utilisation d’un véhicule individuel pour<br />

les déplacements quotidiens,<br />

en particulier pour des<br />

déplacements intramuros.<br />

Elle génère même une<br />

croissance à deux chiffres de la<br />

fréquentation des transports<br />

publics, entraînant la saturation<br />

de certaines lignes structurantes. Par un effet<br />

de contagion, cette asphyxie – synonyme<br />

de retards, d’absence de confort, de baisse<br />

de la qualité du service – nuit à l’ensemble du<br />

réseau. D’où l’engouement croissant pour les<br />

TCSP ou Transports en commun en site<br />

propre dans les agglomérations. L’acronyme<br />

cache une défi nition simple : il s’agit d’un<br />

mode de transport collectif qui emprunte<br />

une voie ou un espace réservé. Il peut s’agir<br />

de métros, de bus à haut niveau de service<br />

(BHNS), de trolleybus et bien sûr de<br />

tramways. Axes majeurs de déplacement,<br />

ils forment une épine dorsale sur laquelle<br />

se greffe ou se réorganise tout un schéma<br />

de déplacements. À Dijon, par exemple,<br />

la saturation des principales lignes de bus<br />

a conduit l’Autorité organisatrice des transports<br />

(AOT) à mettre en chantier un site propre<br />

pour la traversée du centre-ville. Cap donc<br />

sur un tramway de dernière génération,<br />

qui sillonnera le cœur de ville dès 2013.<br />

Le tramway : une solution<br />

pérenne, capacitaire,<br />

attractive et écologique<br />

Cependant, les sites propres ne constituent<br />

pas une fi n en soi. Ils doivent être conçus<br />

pour instaurer un équilibre multimodal, rapport<br />

harmonieux entre voitures individuelles<br />

et transports en commun, deux-roues et


piétons. Or, le choix du <strong>“</strong>tout routier” renforce<br />

l’impression de densité de circulation. D’où<br />

l’intérêt majeur du tramway, seul transport<br />

de surface circulant en site réellement propre<br />

dans une ville. Garant du cadencement,<br />

respectueux des horaires et des fréquences,<br />

le tramway offre une interconnexion plus facile<br />

entre les différents modes<br />

de déplacements urbains<br />

et/ou régionaux ferrés,<br />

comme le tram-train lui<br />

aussi en plein essor, sans<br />

rupture de charge.<br />

Il s’impose donc comme<br />

une solution pérenne, capacitaire<br />

et résolument attractive.<br />

Pérenne : la durée de vie d’un tramway est<br />

d’environ trente ans – soit plus du double<br />

de celle d’un bus ou d’un BHNS – et son<br />

évolution dans le temps en termes d’image<br />

est possible à moindre coût. Véritable<br />

signature dans et de la ville, il s’ancre dans<br />

l’avenir, valorise le patrimoine et dynamise<br />

l’animation de la cité. Le tramway est la solution<br />

de transport public de surface capacitaire la<br />

plus écologique du marché : grâce à sa haute<br />

recyclabilité, son alimentation électrique, son<br />

faible niveau sonore, il s’intègre parfaitement<br />

dans la ville et contribue à la préserver.<br />

Capacitaire, il est le seul à garantir un réel<br />

cadencement du trafi c : la fréquence régulière<br />

de passage est la seule réponse effi cace à<br />

l’anticipation de la croissance<br />

de la fréquentation. Pour les usagers,<br />

la fréquence de passage – qui ne doit pas<br />

excéder 10 minutes – et la capacité d’accueil<br />

s’imposent en effet comme des critères<br />

essentiels d’appréciation.<br />

Attractif, porteur d’une image forte,<br />

il propose une <strong>“</strong>couture” urbaine de qualité<br />

au coût global de possession maîtrisé.<br />

Attractif fi nancièrement aussi car si<br />

l’investissement initial est a priori supérieur,<br />

le calcul se révèle beaucoup plus favorable<br />

une fois intégrés la capacité d’utilisation,<br />

la consommation énergétique, la durée<br />

de vie et l’amortissement des tramways.<br />

À portée de ville…<br />

Le tramway a déjà séduit de nombreuses<br />

villes dans le monde et continue à connaître<br />

un véritable essor. Ce recours au tramway<br />

demeure-t-il l’apanage des villes les plus<br />

grandes ou les plus riches ? Pas<br />

nécessairement. Bien adapté<br />

à leurs besoins spécifi ques,<br />

il peut en effet trouver sa place<br />

dans des agglomérations<br />

de taille <strong>“</strong>médiane supérieure”,<br />

au sein desquelles des lignes<br />

structurantes fortes ont été<br />

identifi ées. Parce que les équipes d’<strong>Alstom</strong><br />

maîtrisent l’ensemble des savoir-faire<br />

ferroviaires, l’entreprise peut répondre<br />

de la façon la plus juste à ces besoins<br />

émergents avec des solutions novatrices<br />

de qualité et économiquement performantes.<br />

Étant l’un des leaders mondiaux du transport<br />

urbain, <strong>Alstom</strong> bénéfi cie de l’expertise<br />

technologique et du retour d’expérience<br />

des 1 400 tramways Citadis vendus dans<br />

le monde depuis le lancement de la gamme<br />

en 1997. L’entreprise fait par<br />

ailleurs le choix de la<br />

proximité avec ses clients.<br />

C’est un facteur clé de<br />

succès de bonne exécution<br />

de nos contrats, qui permet<br />

d’offrir par la suite un suivi<br />

de qualité dans la durée.<br />

Les équipes <strong>Alstom</strong> de<br />

Valenciennes travaillent donc actuellement<br />

sur le développement d’un tramway adapté<br />

aux agglomérations de taille intermédiaire,<br />

qui sera proposé dans les prochains mois.<br />

Plus court, innovant car bénéfi ciant<br />

de l’état de l’art le plus récent, plus rapide à<br />

fabriquer et à livrer, fi nancièrement optimisé,<br />

il constitue une opportunité unique pour<br />

de nombreuses agglomérations éligibles<br />

aux subventions proposées dans<br />

le cadre des appels à projet du Grenelle<br />

de l’Environnement 1 et 2.<br />

Éric Dumoulin<br />

<br />

41


paroles et design<br />

42


Directeur Design&Styling chez <strong>Alstom</strong> Transport, Xavier Allard<br />

rencontre le célèbre architecte, urbaniste et designer<br />

Jean-Michel Wilmotte. Comment se déploie sa démarche créative?<br />

Comment naissent les idées et les projets ? À quoi pourrait<br />

ressembler le train de demain ?<br />

ARCHITECTURE<br />

ET DESIGN,<br />

LES LIAISONS<br />

HEUREUSES<br />

Xavier Allard : Après une expérience<br />

dans le design, votre parcours vous a mené<br />

vers l’architecture, avec le succès que<br />

l’on connaît. Avez-vous toujours souhaité<br />

devenir architecte ?<br />

Jean-Michel Wilmotte : À l’origine,<br />

je voulais créer des décors de cinéma.<br />

J’aimais l’idée de l’éphémère. Or, après 1968,<br />

les écoles spécialisées dans ce domaine<br />

ont fermé et je me suis fi nalement pris de<br />

passion pour l’architecture. Et puis j’ai arrêté<br />

parce que j’ai trouvé que tout ce que<br />

l’on devait faire était trop lent. Pour moi,<br />

à l’époque, des projets sur cinq ou six ans,<br />

c’était interminable.<br />

Je suis donc passé à l’architecture intérieure.<br />

J’ai travaillé au Japon où j’ai ouvert une<br />

agence. On m’a ensuite proposé un projet<br />

d’architecture. Une fois de retour en France,<br />

j’ai passé un concours d’architecture<br />

proposé par le ministère de l’Équipement.<br />

Aujourd’hui, je suis dans la recherche,<br />

l’architecture, la réhabilitation et le design.<br />

J’aime la grande variété, le fait de passer<br />

d’un sujet à l’autre. Ne pas être spécialisé<br />

est pour moi un avantage : une semaine,<br />

nous travaillons sur un hippodrome ;<br />

une autre sur une cuisinière, un mobilier<br />

urbain, un chalet privé ou un musée.<br />

Chaque fois, les contraintes diffèrent.<br />

Par exemple, je sais maintenant que pour<br />

construire un hippodrome, il faut aller au-delà<br />

des exigences d’ordre général. Le <strong>“</strong>zoning”<br />

est très particulier et la confi guration diffère<br />

d’un pays à l’autre. En Russie, la <strong>“</strong>corde”<br />

est à gauche, ce qui, au niveau de la ligne<br />

d’arrivée, contraint le positionnement des<br />

tribunes. Depuis cinq ans, nous travaillons<br />

sur des circuits automobiles. Un circuit n’est<br />

pas seulement une piste, mais un équipement<br />

complexe qui réunit des usagers très<br />

différents (public, presse, invités, sportifs…)<br />

dont il faut maîtriser les fl ux. Il s’agit aussi<br />

d’un outil événementiel à l’utilisation<br />

temporaire. De nombreux équipements<br />

habituellement intégrés aux bâtiments doivent <br />

43


44<br />

Tour Signal, projet fi naliste du concours<br />

pour l’aménagement de la Défense.<br />

paroles et design<br />

<br />

ici être conçus comme des structures<br />

temporaires, démontables ou réutilisables.<br />

Les pistes répondent toutes à des contraintes<br />

très précises : elles doivent prévoir une<br />

ligne droite d’au moins 900 mètres avec deux<br />

ou trois possibilités de doubler, des virages<br />

conçus à la fois pour leur potentiel sportif<br />

et leur sécurité.<br />

Après la conception technique des pistes,<br />

il faut se soucier du contexte environnemental :<br />

prévoir des végétaux qui absorbent<br />

le carbone, mettre en place des protections<br />

des sols du ruissellement des hydrocarbures,<br />

répondre aux problèmes acoustiques<br />

en imaginant des revêtements de sols<br />

absorbants ou des pièges à sons installés<br />

dans les mouvements de terrain ou<br />

intégrés dans les tribunes.<br />

Tout cela constitue des domaines de<br />

recherche avancée. On s’est d’ailleurs servi<br />

de nos travaux assez sophistiqués sur<br />

l’absorption du bruit pour les réseaux ferrés.<br />

X. Allard : Cette progression personnelle<br />

du design vers l’architecture facilite-t-elle<br />

l’intégration de l’objet dessiné dans<br />

le contexte qui l’environne ?<br />

J.-M. Wilmotte : Chaque création<br />

est pensée en fonction de l’espace<br />

où elle s’intègre, de son contexte à la fois<br />

géographique, historique, culturel.<br />

Prenez le cas du tramway : c’est souvent<br />

l’occasion de revitaliser un lieu.<br />

À Paris, par exemple, les boulevards<br />

extérieurs étaient vraiment esthétiquement<br />

abîmés. Regardez maintenant comment<br />

le tramway a changé les lieux ! Quand on<br />

pense requalifi cation, on pense au sol,<br />

à l’environnement, au mobilier urbain,<br />

aux distributeurs de billets, à la signalétique…<br />

le projet va dépendre du contexte urbain<br />

dans lequel il s’insère.<br />

En outre, les porte-caténaires que nous<br />

avons conçus pour les Maréchaux parisiens<br />

sont de vrais objets dessinés : des mâts<br />

bruns tels des troncs et des branches<br />

argentées qui réagissent à la lumière…<br />

Ils ont été inspirés par le besoin de réinjecter,<br />

sur ces lieux visuellement délaissés,<br />

une référence végétale.<br />

X. Allard : L’approche de Design&Styling<br />

est comparable mais nous n’avons pas de<br />

contact direct avec le passager ou le client<br />

pendant la phase d’appel d’offres. Alors,<br />

nous faisons des hypothèses sur ce qui<br />

pourrait être apprécié par l’opérateur. Nous<br />

devons, par exemple, penser le matériel


oulant en fonction du mobilier, trouver une<br />

cohérence, établir des clins d’œil. Dès lors,<br />

le détail prend toute son importance.<br />

J.-M. Wilmotte : L’expérience du design<br />

apporte en effet l’exigence du détail. On part<br />

d’un objet, puis on l’élargit à son contexte.<br />

Quand je conçois une tour – qui est un jeu<br />

de volumétrie dans l’espace, un rapport<br />

de proportions hauteur/largeur, de<br />

profi lements – l’approche est similaire à celle<br />

que je peux avoir pour un objet. Après,<br />

tout est question de centimètres et d’échelle.<br />

Quoi qu’il en soit, je pense toujours intérieur<br />

et extérieur, je suis un obsessionnel du détail.<br />

Rien que pour le musée d’art islamique de<br />

Doha que nous venons d’achever, nous avons<br />

produit 1 200 plans ! Certains d’entre eux<br />

vont même jusqu’à indiquer l’emplacement<br />

et le profi l des vis.<br />

<strong>“</strong> Chaque création est pensée en fonction<br />

de l’espace où elle s’intègre, de son contexte<br />

à la fois géographique, historique, culturel.”<br />

X. Allard : Quelle est concrètement la place<br />

du design au sein du cabinet Wilmotte ?<br />

J.-M. Wilmotte : Sur 160 collaborateurs,<br />

8 ne font que du design : mobilier urbain,<br />

accessoires de cuisine, luminaires, meubles...<br />

D’un point de vue quantitatif, c’est<br />

relativement peu. Mais notre département<br />

design intégré est notre valeur ajoutée.<br />

Nous savons répondre au client en concevant<br />

soit un objet unique, soit un objet en grande<br />

série, voire même une gamme entière<br />

de produits.<br />

Nous travaillons, par exemple, sur les<br />

célèbres cuisinières en fonte La Cornue.<br />

Hors de question de dénaturer ces objets<br />

de luxe et de tradition qui datent du début<br />

du XX e siècle. En revanche, il n’est pas<br />

diffi cile d’ajouter des détails aux éléments<br />

structurants déjà en place : la fonte,<br />

la porte ou la poignée. En somme, il s’agit<br />

de réinventer tout en respectant l’esprit,<br />

de dessiner autour des codes que l’on<br />

reprend. C’est comme cela que nous avons<br />

conçu La Cornue du troisième millénaire. <br />

45


46<br />

paroles et design<br />

<br />

X. Allard : Au-delà de cette importance<br />

du détail, quelles sont vos principales<br />

exigences dans votre travail ?<br />

J.-M. Wilmotte : Le bruit et la lumière<br />

fi gurent parmi mes grandes préoccupations.<br />

Ainsi, à Paris, notre projet de mobilier urbain<br />

autour du nouveau tramway a gagné<br />

le concours grâce au travail sur la lumière :<br />

les toitures changent de couleur à l’arrivée<br />

des tramways ou lors d’événements<br />

particuliers comme le 14 juillet ou la<br />

Gay Pride. Ces toitures sont à la fois très<br />

fi nes, très aériennes et très solides parce<br />

qu’elles doivent pouvoir supporter, en<br />

cas de manifestations, 15 ou 20 personnes !<br />

X. Allard : Certains architectes ou<br />

designers ont tendance à prôner la rupture<br />

plutôt que l’intégration. Or, il semble<br />

fi nalement plus diffi cile et plus exigeant<br />

de s’inscrire dans la continuité, le respect<br />

de ce qui a été fait auparavant. Quand<br />

vous abordez un projet, que prenez-vous<br />

d’abord en compte ?<br />

J.-M. Wilmotte : Je suis un épidermique,<br />

je me rends toujours sur les lieux pour<br />

ressentir les choses. Après, chaque cas<br />

est spécifi que mais tout est important :<br />

l’environnement, la culture, l’histoire du lieu.<br />

Et puis tout dépend aussi du souhait du<br />

client, du besoin du territoire qu’il représente.<br />

X. Allard : Vos projets, qui s’intègrent<br />

à l’environnement tout en l’embellissant,<br />

sont-ils toujours retenus ?<br />

J.-M. Wilmotte : Certains ne passent pas,<br />

pour des raisons de rentabilité notamment.<br />

À Valenciennes, par exemple, mon idée était<br />

que l’on déroule le tapis rouge pour<br />

que ce soit chic de monter dans le tramway.<br />

Avec plein d’idées autour de ce concept,<br />

notamment installer un commerce différent<br />

(fl eurs, journaux…) à chaque station.<br />

Mais je n’ai pas été suivi. D’ailleurs, pour<br />

l’exploitant, c’était vraiment une idée<br />

d’architecte !<br />

Pour les Abribus des Champs-Elysées<br />

qui nous ont été confi és, je voulais<br />

aussi installer un fl euriste à chaque banc<br />

pour mettre du vert et redonner une fraîcheur,<br />

<strong>“</strong> Lorsque vous rencontrez un client, normalement il vous<br />

dit tout dans les dix premières minutes, vingt maximum.<br />

C’est un moment magique parce que le projet prend<br />

forme à mesure qu’il parle. Reste ensuite à sélectionner<br />

la bonne équipe qui travaillera sur le projet.”<br />

des couleurs, à la vie urbaine. Vous voyez<br />

le petit marché aux fl eurs de la place<br />

des Ternes ? C’était ça, mais multiplié par<br />

vingt. On m’a rétorqué <strong>“</strong>pourquoi pas des<br />

cravates ?” L’idée a semblé trop fantaisiste.<br />

Pourtant, dans certains lieux maltraités par<br />

l’architecture, comme dans les périphéries<br />

des villes ou certaines cités-dortoirs, je verrais<br />

bien des tramways fl uo, comme des rubans.<br />

En région parisienne, il faudrait des trains<br />

qui <strong>“</strong>claquent” au niveau des couleurs !<br />

X. Allard : Cela me fait penser au tramway<br />

de Reims dont nous venons de livrer la<br />

première rame. Pour ce projet, nous avons<br />

joué avec l’analogie du collier et imaginé<br />

18 tramways qui glisseraient dans la ville<br />

comme autant de perles de couleurs.<br />

Le nombre de couleurs a été réduit à 8, pour<br />

parvenir à un modèle plus industrialisable,<br />

mais l’idée a été retenue. Car le moyen de<br />

transport peut prendre dans la ville une part<br />

ludique. Il peut être un repère important,<br />

notamment en banlieue. Avant de dérouler<br />

un projet, il faut trouver la bonne idée de<br />

départ. Où puisez-vous votre inspiration ?<br />

J.-M. Wilmotte : Comme je me rends<br />

toujours sur place, il y a le support visuel,<br />

l’environnement qui m’est donné à voir.<br />

Et puis, le client ou les élus peuvent aussi


guider les choses : j’arrive sans idée<br />

préconçue et une histoire se raconte.<br />

Autre source d’inspiration : la technologie,<br />

la source du produit, sa transformation. Nous<br />

sommes, en fait, dans la recherche constante.<br />

C’est le cas pour les matières. Notre cabinet<br />

a été parmi les premiers à se constituer<br />

une grande <strong>“</strong>matériauthèque”. La matière,<br />

c’est la base du métier ; c’est notre oxygène.<br />

Chez nous, deux collaborateurs ne font<br />

que cela : suivre l’évolution des matériaux,<br />

des techniques, des fi nitions, des plaquages<br />

de bois non encore utilisés, etc.<br />

Avec 2 000 à 3 000 échantillons différents,<br />

nous avons, pour l’anecdote, une des plus<br />

belles collections de pierres.<br />

L’évolution de matériaux comme le bois,<br />

le fer, les synthétiques ou le verre a beaucoup<br />

d’infl uence sur nos travaux, même si nous<br />

les détournons parfois de leur utilisation<br />

commune. J’ai fait beaucoup de recherches<br />

récemment sur le Pyrex. Au début,<br />

c’était pour étudier des briques de verre<br />

pour un bâtiment. In fi ne, j’ai utilisé<br />

ces travaux pour les bancs d’une chapelle.<br />

Enfi n, je suis amateur et collectionneur<br />

d’art contemporain. Je pense que cela<br />

m’inspire également beaucoup.<br />

X. Allard : Quelle est la contribution<br />

de votre client dans l’acte de création ?<br />

J.-M. Wilmotte : Elle est très importante.<br />

Lorsque vous rencontrez un client,<br />

normalement il vous dit tout dans les<br />

dix premières minutes, vingt maximum.<br />

Il vous dit ce qu’il veut mais n’arrive pas<br />

à le concrétiser. Il vous dira toutefois<br />

les cinq mots essentiels. C’est un moment<br />

magique parce que le projet prend forme<br />

à mesure qu’il parle. Reste ensuite à<br />

sélectionner la bonne équipe qui travaillera<br />

sur le projet.<br />

X. Allard : Le bon projet est donc aussi<br />

une question de bon casting ?<br />

J.-M. Wilmotte : Tout à fait. Une fois le choix<br />

fait, je déroule mon idée initiale à l’équipe<br />

choisie, souvent en racontant une histoire…<br />

Dès lors, le dialogue rebondit, l’idée s’enrichit,<br />

c’est un ping-pong interne. Le bon<br />

collaborateur la développe en la modifi ant.<br />

Le mauvais l’applique très exactement.<br />

Le projet avance aussi avec les réactions<br />

du client, qui est la troisième bande du billard.<br />

Vient ensuite la mise en forme. Nous avons<br />

une équipe de dix personnes qui ne s’occupent<br />

que du rendu, des supports visuels.<br />

<br />

Porte-caténaires et mobiliers<br />

des stations de la nouvelle ligne<br />

de Tramway des Maréchaux<br />

Sud à Paris.<br />

47


48<br />

paroles et design<br />

<br />

X. Allard : Le projet défi nitif est-il toujours<br />

celui que vous imaginiez ?<br />

J.-M. Wilmotte : Même si nous y<br />

investissons tout notre bon sens, il arrive que<br />

le chiffrage modifi e le projet. Car la principale<br />

contrainte aujourd’hui est le respect<br />

du budget. De ce fait, ce sont l’innovation<br />

technique, la mise en œuvre et le détail<br />

qui font la différence.<br />

X. Allard : À propos de technique,<br />

quelle est l’infl uence du numérique dans<br />

votre inspiration ?<br />

J.-M. Wilmotte : Pas énorme. C’est une<br />

technique parfois trompeuse. C’est surtout<br />

un artifi ce de présentation car les images<br />

générées par le numérique sont très belles.<br />

L’image numérique permet de mieux<br />

présenter le projet au client. Elle l’explique<br />

de manière plus ludique, plus immédiate.<br />

Cela ne nous empêche pas d’être à l’affût :<br />

nous avons des collaborateurs qui passent<br />

leur temps à chercher de nouveaux logiciels.<br />

Des techniques comme Catia (1) ont bien<br />

marché et ont changé d’ailleurs la façon<br />

de faire des voitures ou des avions.<br />

Catia a notamment permis d’améliorer la<br />

communication entre les différentes équipes<br />

en charge de la conception (design, ingénierie<br />

et industriels) et d’aller au-delà de son<br />

imagination. C’est un incontournable dont<br />

il nous faut suivre les développements.<br />

X. Allard : La technologie numérique,<br />

au niveau du vocabulaire formel, n’a donc<br />

rien apporté à la créativité ?<br />

J.-M. Wilmotte : Je crois peu à la création<br />

assistée par ordinateur. Je crois à la création<br />

intelligente, à l’association mentale.<br />

Il ne faut pas déconnecter le cerveau<br />

du crayon. Avec la technologie qui prolifère,<br />

si l’on continue, on aura les mêmes<br />

formes partout. Simplement parce que<br />

tout le monde sait se servir d’un ordinateur.<br />

La technologie peut donc être facteur<br />

de banalisation, pas de création.<br />

Être un bon designer, ce n’est pas faire<br />

de la 3D sur un écran.<br />

(1) Conception assistée tridimensionnelle interactive appliquée.<br />

X. Allard : Est-ce que vous pensez<br />

avoir une signature ?<br />

J.-M. Wilmotte : Ce n’est pas moi qui<br />

peux le dire. En tout cas, je suis fi dèle à mon<br />

propre langage. J’ai des racines classiques<br />

et un vocabulaire qui évolue, qui s’enrichit<br />

au fi l des rencontres, des technologies,<br />

des voyages, des lectures, des fi lms…<br />

Un alphabet, en somme, que j’ai transmis<br />

à mes équipes. Donc il y a une signature<br />

<strong>“</strong>agence” avec, de temps en temps,<br />

des écarts que je corrige ou que j’accepte.<br />

X. Allard : Pouvez-vous nous dire,<br />

en conclusion, comment vous voyez<br />

le train du futur ?<br />

J.-M. Wilmotte : Le train de demain sera<br />

plus ergonomique avec des lieux de<br />

rencontres mieux pensés tels que l’espace<br />

bar, et d’une grande luminosité. Le train<br />

du futur, je le vois silencieux. En tout cas,<br />

acoustiquement pensé.<br />

X. Allard : Nous considérons justement<br />

le niveau sonore comme une composante<br />

inaliénable du confort. Nos ingénieurs<br />

travaillent donc énormément sur<br />

les performances acoustiques de nos<br />

trains, avec un grand souci du détail,<br />

comme le bruit de la souffl erie du TGV.<br />

J.-M. Wilmotte : Le bruit est aujourd’hui<br />

un des grands problèmes de civilisation.<br />

L’homme est très sensible au bruit. Certains<br />

peuvent rendre fou. La diminution du bruit,<br />

notamment celui des tablettes qui s’ouvrent<br />

ou des portes coulissantes entre les voitures,<br />

constitue donc, il me semble, une voie<br />

de progrès. Entrer dans un train, élément<br />

romanesque par essence, devrait être comme<br />

pénétrer dans le silence et le feutré.<br />

Cela me fait penser à ces sièges à oreilles<br />

exceptionnels qui équipaient les trains<br />

Florence-Rome dans les années 54/56.<br />

Même le bruit des couverts – on entendait<br />

que cela dans le restaurant – était presque<br />

musical. Depuis, rien de plus beau,<br />

rien de plus raffi né en matière de mobilier<br />

ferroviaire n’a été créé.<br />

Propos recueillis par<br />

Carole Galland


Parcours en bref<br />

Jean-Michel Wilmotte, né en 1948 en Picardie,<br />

diplômé de l’École Camondo, crée son bureau<br />

d’études Governor en 1975. Il est inscrit<br />

à l’Ordre des architectes en 1993. Avec une<br />

équipe de 160 personnes – architectes,<br />

architectes-urbanistes, architectes d’intérieur,<br />

designers… – il dirige aujourd’hui le cabinet<br />

Wilmotte & Associés qui se voit confi er de<br />

nombreux chantiers en France et à l’étranger :<br />

maisons privées, circuits automobiles,<br />

centres commerciaux, logements et sièges<br />

sociaux, hôtels, musées, aéroports…<br />

L’agence est par ailleurs spécialisée dans<br />

l’<strong>“</strong>architecture intérieure des villes”,<br />

une nouvelle approche du traitement des<br />

espaces urbains qui concerne les revêtements<br />

(sols, murs et façades), les plantations,<br />

l’éclairage, le mobilier urbain et les transports.<br />

Passionné par le ferroviaire, il a aussi participé<br />

à la réfl exion et l’aménagement urbain<br />

autour des tramways de Lyon, Rouen, Paris,<br />

Valenciennes ou Orléans.<br />

Conjugué à une approche sensible<br />

des questions environnementales, culturelles<br />

et sociales, le travail de Jean-Michel Wilmotte<br />

a pour ambition de <strong>“</strong>faire entrer le beau<br />

dans le quotidien et réconcilier l’homme<br />

avec son environnement”.<br />

49


culture<br />

50<br />

DES TRAINS<br />

CHEZ LÉONARD<br />

DE VINCI


Fondé en 1953 par un groupe d’industriels italiens,<br />

le Museo Nazionale della Scienza e della Tecnologia Leonardo<br />

da Vinci est aujourd’hui le plus grand musée d’Italie<br />

dans le domaine des sciences et des technologies. Installée<br />

dans un monastère olivétain du XVI e siècle, l’institution<br />

propose un parcours culturel et éducatif entre histoire et avenir<br />

et fait la part belle à l’expérience individuelle.<br />

51


52<br />

culture<br />

La Malle des Indes<br />

C’est en 1838 qu’est créée<br />

la Malle des Indes, service de<br />

messagerie destiné à rapprocher<br />

la Grande-Bretagne des Indes,<br />

qui faisaient alors partie de son<br />

empire colonial. Dans un premier<br />

temps, l’expédition part de<br />

Londres pour atteindre Calcutta<br />

via Calais, Marseille et Le Cap.<br />

En 1856,<br />

le développement des<br />

chemins de fer permet la création<br />

d’un train spécial monté<br />

sur un châssis à trois essieux.<br />

Remplaçant les diligences,<br />

ce dernier transporte<br />

des containers de courrier<br />

mais aussi des voyageurs,<br />

attirés par la rapidité du voyage.<br />

Cette <strong>“</strong>nouvelle” Malle des Indes<br />

relie Calais à Brindisi, en<br />

empruntant notamment le réseau<br />

ferré du Nord, la Petite Ceinture<br />

de Paris puis le réseau PLM (1) .<br />

Le train est ensuite acheminé par<br />

bateau vers l’Égypte, l’ouverture<br />

du canal de Suez permettant<br />

d’emprunter une route maritime<br />

plus directe et plus rapide que<br />

l’ancienne route sud. Très vite,<br />

la Malle des Indes acquiert<br />

un prestige unique.<br />

Malheureusement, la Seconde<br />

Guerre mondiale et les progrès<br />

de l’aviation mettront un terme<br />

défi nitif à sa carrière, la Malle<br />

des Indes entrant au Panthéon<br />

des trains mythiques.<br />

(1) Réseau Paris-Lyon-Méditerranée.<br />

Tempête sur la plaine du Pô. Un manteau<br />

blanc recouvre la capitale lombarde, plongée<br />

dans un silence cotonneux, et les rares<br />

piétons ont la démarche hésitante du pingouin<br />

sur la banquise. Que faire à Milan, un jour de<br />

neige ? Se rendre au musée Léonard de Vinci.<br />

Les visiteurs peuvent y découvrir une<br />

vingtaine de tramways et de locomotives,<br />

faire tourner les pales d’une machine volante<br />

de Léonard de Vinci, participer à des ateliers<br />

sur l’alimentation, construire un robot<br />

ou encore monter à bord d’un sous-marin<br />

de la guerre froide. L’idée, exprimée par<br />

Fiorenzo Galli, directeur général du musée,<br />

est d’accompagner les visiteurs vers<br />

<strong>“</strong>la découverte d’une science et d’une<br />

technologie vues comme des éléments<br />

fondamentaux de la culture”. En quelques<br />

mots, ceux dont l’institution a fait son slogan :<br />

<strong>“</strong>La science, c’est la culture.”<br />

Près de 380 000 visiteurs franchissent<br />

chaque année les portes du musée Léonard<br />

de Vinci. Parmi eux, un grand nombre<br />

d’élèves. <strong>“</strong>Nous recevons beaucoup<br />

de scolaires et d’étudiants, avec une part<br />

importante d’étrangers”, nous apprend<br />

Deborah Chiodoni, responsable des relations<br />

presse et publiques. Comme pour illustrer<br />

son propos, un groupe d’adolescents<br />

japonais, qui terminent leur visite, croisent<br />

dans l’entrée une classe venue de Paris.<br />

Comparée au silence discipliné des<br />

Asiatiques, l’agitation joyeuse des Français<br />

fait davantage couleur locale ! Nous<br />

traversons rapidement la galerie des Matières<br />

pour retrouver Marco Iezzi, conservateur<br />

du département Transport, qui nous attend<br />

Léonard de Vinci (1452-1519)<br />

sur le seuil du Padiglione Ferroviario.<br />

C’est dans ce pavillon Art nouveau, issu<br />

de l’Exposition universelle de 1906,<br />

que sont conservés, sur rails, la vingtaine<br />

de locomotives, wagons et tramways<br />

qui forment la collection du musée.<br />

Du tramway à cheval<br />

à la Malle des Indes<br />

Lointain ancêtre du tramway moderne,<br />

un tramway à cheval de 1855 accueille<br />

les visiteurs, face à l’entrée du pavillon.<br />

Ce dernier était exploité à Milan par<br />

la Societa Anonima degli Omnibus, dont<br />

il porte toujours la couleur jaune, teinte<br />

offi cielle de la compagnie. <strong>“</strong>À l’époque,<br />

raconte Marco Iezzi, il n’y avait pas d’arrêt<br />

sur la ligne… les gens devaient sauter<br />

et prendre le tramway en route !” Stationné<br />

juste derrière, un tramway à vapeur<br />

Henschel & Sohn de 1909 a conservé<br />

une plaque au nom de Trezzo d’Adda,<br />

ville de la banlieue milanaise avec laquelle<br />

il assurait la liaison au début du XX e siècle.<br />

<strong>“</strong>Il était surnommé Jambe de Bois car,<br />

avec son trop gros moteur qui le faisait<br />

bouger de droite à gauche, il donnait<br />

l’impression de boiter !” Malgré cette<br />

vilaine tendance à secouer ses passagers,<br />

Jambe de Bois était d’une robustesse<br />

à toute épreuve. Il resta en service pendant<br />

près de huit décennies, de 1878 à 1957 !<br />

Marco Iezzi connaît une anecdote sur chacun<br />

des trésors qu’il entretient avec l’aide des<br />

cheminots retraités qui, une fois par semaine,<br />

viennent bénévolement faire briller les cuivres.<br />

Ceux, par exemple, de ces locomotives<br />

Léonard de Vinci n’a pas inventé le train. La mobilité est cependant au cœur de l’héritage<br />

laissé par cet inventeur de génie. Une visite au i.lab Leonardo, galerie consacrée à l’artisteingénieur,<br />

suffi t à s’en convaincre. De l’hélicoptère au char d’assaut, du sous-marin à<br />

l’automobile, Leonard de Vinci a imaginé un grand nombre de machines qui anticipaient les<br />

outils modernes de mobilité. Peu de projets furent effectivement construits de son vivant.<br />

Le musée Léonard de Vinci, à l’image du travail réalisé en France au Clos-Lucé, a construit<br />

des modèles réduits de plusieurs de ses projets, ainsi que des maquettes grandeur nature.<br />

Les visiteurs peuvent interagir avec certaines des inventions présentées, comme la Vis<br />

aérienne, ancêtre de l’hélicoptère, imaginée par Léonard en 1486, ou la Machine volante,<br />

reconstituée à partir de plans tracés en 1488.


à vapeur qui reliaient Milan à Bologne<br />

du début du siècle jusqu’aux années 50.<br />

<strong>“</strong>Elles avaient été baptisées 685 car<br />

le chiffre 6 représentait le transport rapide<br />

de personnes dans la nomenclature<br />

des transports italiens”, nous apprend<br />

Marco Iezzi. Quant au train emmené par<br />

la locomotive Gr 552 F.S., elle aussi construite<br />

à Milan, <strong>“</strong>il était baptisé la Valigia delle Indie<br />

(la Malle des Indes) car il reliait Londres<br />

à Brindisi puis voyageait en bateau vers<br />

les Indes… au début avec la locomotive !”<br />

De 1870 à 1914, en effet, la Malle des Indes<br />

assurait la liaison rapide entre Londres<br />

et Calcutta, traversant la France et l’Égypte<br />

dans une ambiance typiquement british<br />

(lire encadré page 52).<br />

Plus américaine que britannique, la 691<br />

– surnommée <strong>“</strong>Pacifi c italienne” – est l’une<br />

des machines les plus impressionnantes<br />

de la collection. Et sans doute la plus<br />

photogénique, avec son élégante robe<br />

noire et rouge. Trente-trois exemplaires<br />

de cette locomotive à vapeur furent construits<br />

en Italie, entre 1928 et 1934. Puissante<br />

et particulièrement véloce pour l’époque<br />

(elle pouvait atteindre 130 km/h), la 691<br />

transportait les voyageurs de Milan vers<br />

Bologne et Venise. Sur les deux lignes,<br />

un arrêt était prévu pour faire le plein d’eau<br />

et de charbon.<br />

Un voyage dans le temps<br />

Visiter le Padiglione Ferroviario, c’est voyager<br />

dans le temps. Un temps interrompu,<br />

que les conservateurs du musée aimeraient<br />

prolonger. <strong>“</strong>Aujourd’hui, toutes les machines<br />

présentées datent de la première moitié<br />

du XX e siècle. Nous projetons d’acquérir<br />

<br />

Le tramway à cheval de 1855.<br />

Le tramway à vapeur<br />

Henschel & Sohn<br />

de 1909, surnommé<br />

<strong>“</strong>Jambe de Bois”<br />

53


54<br />

culture<br />

<strong>“</strong>Padiglione Ferroviario” : c’est dans ce pavillon Art nouveau, issu de l’Exposition universelle de 1906, que sont conservés,<br />

sur rails, la vingtaine de locomotives, wagons et tramways qui forment la collection du musée.<br />

Née avec le XX e siècle,<br />

la locomotive Gr E 430 F.S. est la<br />

plus ancienne des fées électriques<br />

abritées par le Padiglione.<br />

des trains plus modernes, des années 50<br />

à l’époque contemporaine”, explique Marco<br />

Iezzi, tout en attachant <strong>“</strong>une attention<br />

particulière pour les lignes Lisbonne-Kiev<br />

et Gênes-Rotterdam”, précise Fiorenzo Galli.<br />

Avec, toujours, la volonté de <strong>“</strong>montrer les<br />

locomotives en situation réelle”. La collection<br />

comprend déjà plusieurs matériels<br />

de signalisation, mécaniques ou électriques,<br />

mis en scène de façon réaliste, le long<br />

des voies. Certains sont d’ailleurs en état<br />

de fonctionnement, à l’image de ce système<br />

de coche à pédale, actionné automatiquement<br />

au passage du train, pour attirer l’attention du<br />

conducteur dans les tunnels enfumés de l’ère<br />

pré-électrique. Ou encore de ces feux plus<br />

que centenaires que fait parfois clignoter<br />

Marco Iezzi. Issus du premier système de<br />

signalisation électrique, ils sont datés de 1901.<br />

Née avec le XX e siècle, la locomotive<br />

Gr E 430 F.S. est la plus ancienne des fées<br />

électriques abritées par le Padiglione.<br />

Fabriquée en Hongrie, chez Ganz, celle-ci<br />

évoluait à la vitesse de 30 km/h. Loin<br />

des 95 km/h affi chés par sa voisine, une<br />

Brown-Boveri construite à Gênes en 1927.<br />

Encore plus loin des 300 km/h atteints<br />

en mars dernier par l’AGV, lors d’essais entre<br />

Rome et Naples. Hier comme demain,<br />

le train est une histoire de vitesse.<br />

Thomas Gerbeaux


<strong>“</strong> Des outils pour comprendre”<br />

Directeur général du Museo Nazionale della Scienza e della Tecnologia<br />

Leonardo da Vinci, Fiorenzo Galli pilote depuis 2001 une institution<br />

en mouvement, ouverte aux mondes de la recherche et de l’entreprise.<br />

Entretien.<br />

À travers le département Transport, que<br />

souhaitez-vous apporter aux visiteurs ?<br />

Le département Transport est divisé en<br />

quatre aires thématiques : l’aérien, le naval,<br />

le ferroviaire et le routier. Les objets qui y sont<br />

exposés donnent un aperçu de l’évolution<br />

technologique des moyens et des réseaux de<br />

transport. Nos collections illustrent la relation<br />

réciproque entre les évolutions sociales et<br />

les développements technologiques. L’objectif<br />

est d’apporter au visiteur des outils pour<br />

comprendre les technologies actuelles<br />

et leurs évolutions futures.<br />

Votre musée est à vocation scientifi que.<br />

En quoi le département ferroviaire diffère-t-il<br />

d’une collection traditionnelle ?<br />

Notre collection se trouve à l’intérieur d’un<br />

musée de science et de technologie… et non<br />

dans un musée du chemin de fer. Elle n’a<br />

donc pas vocation à être présentée de façon<br />

historique ou chronologique. Nous préférons<br />

mettre en évidence les caractéristiques<br />

technologiques de machines conçues pour<br />

répondre aux exigences de contextes<br />

particuliers, géographiques ou locaux. Notre<br />

collection souligne, d’autre part, le caractère<br />

fondamental du développement des systèmes<br />

électriques appliqués aux chemins de fer,<br />

pour l’Italie comme pour tous les pays dans<br />

lesquels les trains doivent franchir des cols<br />

ou parcourir de longs tunnels. Aujourd’hui, on<br />

observe d’ailleurs le retour de technologies<br />

qui avaient été abandonnées car considérées<br />

en leur temps comme pas assez effi caces.<br />

Il en va ainsi de l’utilisation du courant alternatif<br />

par les trains à grande vitesse.<br />

En 2015, Milan accueillera l’Exposition<br />

universelle. Votre musée a-t-il prévu<br />

de prendre part à l’événement ?<br />

Nous venons de signer une convention avec<br />

Expo S.p.A. Celle-ci scelle une collaboration qui<br />

prévoit la promotion d’initiatives déjà entreprises<br />

par le musée ainsi que le développement<br />

de projets éducatifs et culturels destinés<br />

au grand public, sur des sujets techniques<br />

et scientifi ques liés au thème de l’Exposition<br />

de Milan : <strong>“</strong>Nourrir la planète, énergie<br />

pour la vie”. Notre nouveau laboratoire interactif<br />

sur l’alimentation, le i.lab Alimentazione,<br />

est la première contribution que le musée<br />

offre à la ville de Milan et à l’Italie en vue<br />

de l’Exposition universelle.<br />

Récemment, le musée a <strong>“</strong>voyagé” à Paris,<br />

dans le cadre d’un partenariat avec la Cité<br />

des sciences et de l’industrie de La Villette.<br />

Comment est née cette collaboration ?<br />

<strong>“</strong>Bon appétit, l’alimentation dans tous les sens”<br />

est une exposition itinérante autour<br />

de l’alimentation, des différents styles de vie,<br />

de la production des aliments et de<br />

l’importance de la convivialité. Particulièrement<br />

destinée à l’éducation alimentaire des jeunes<br />

de 9 à 14 ans, elle a été inaugurée en février<br />

2010 à la Cité des sciences. Il s’agit d’une<br />

coproduction internationale, initiée et réalisée<br />

par l’institution parisienne en collaboration<br />

avec notre musée, Heureka (Finlande),<br />

Technopolis (Belgique) et Fiocruz (Brésil).<br />

L’exposition sera chez nous de novembre 2011<br />

à mai 2012. Elle fait d’ailleurs partie des projets<br />

que nous avons l’intention de développer<br />

en vue de l’Exposition universelle 2015.<br />

<br />

55


voyage<br />

56<br />

ORIENT-EXPRESS :<br />

LE SÉRÉNISSIME<br />

S’il ne devait en rester qu’un, ce serait lui. Mythe parmi les mythes, rêve<br />

parmi les rêves, il dessine un entre-deux d’exception à travers l’Europe.<br />

Drapé dans la noblesse simple de sa livrée bleu nuit rehaussée de fi lets<br />

d’or, il invite à une parenthèse de luxe rare. D’abandon même. Cent trente<br />

ans après ses premiers tours de roues, il fascine. Encore et toujours. Lui ?<br />

C’est bien sûr l’Orient-Express, chanté par les plus grands poètes : <strong>“</strong>Prête-moi<br />

ton grand bruit, ta grande allure si douce, ton glissement nocturne…” (1)<br />

(1) Valéry Larbaud.


58<br />

voyage<br />

Enregistrement en début de soirée à la lisière<br />

du quai n° 5, gare de l’Est à Paris. Déjà<br />

tout un cérémonial. Haut comptoir d’accueil<br />

sur tapis vermillon, aréopage d’hôtesses<br />

souriantes et empressées. Heureux voyageur,<br />

qui comme Ulysse... On lui remet sa carte<br />

d’embarquement, on lui prodigue avec<br />

bienveillance conseils et indications. On veille<br />

déjà à son confort. Ses bagages ? Qu’il<br />

ne s’en inquiète pas, on s’en inquiète pour lui :<br />

il les retrouvera dans son compartiment,<br />

sages et rangés. D’ici là, il est invité à savourer<br />

un rafraîchissement dans les salons<br />

d’un restaurant attenant.<br />

Enfi n l’heure. Muni de son précieux sésame,<br />

il franchit la porte de sa voiture. Pénètre<br />

dans le couloir. Et bascule dans l’histoire.<br />

Refl ets d’acajou doré, raffi nement<br />

Belle Époque, éclairage tamisé… Invité dans<br />

le secret feutré de sa cabine par un steward<br />

en grande tenue, il est ici mais déjà ailleurs.<br />

L’œil, comme happé, se laisse d’abord<br />

submerger par la plénitude du lieu. Il se noie.<br />

Puis se reprend. Accroche au débotté<br />

quelques délicats détails : légèreté<br />

des marqueteries, souplesse des tissus<br />

écossais festonnés de dentelle, fi nesse des<br />

boutons et crochets en laiton. Tout ici n’est<br />

que <strong>“</strong>luxe, calme et volupté”. L’espace à peine<br />

apprivoisé, il faut déjà songer à le quitter.<br />

Le dîner est annoncé. Le souper, a-t-on<br />

envie de dire.<br />

Grand opéra<br />

Ah, ce dîner dans la voiture <strong>“</strong>orientale”<br />

aux sublimes laques chinoises ! Beaucoup<br />

plus qu’un dîner : un opéra sur rail. Ouverture<br />

avec un <strong>“</strong>ravioli ouvert de homard bleu<br />

à l’effi lochée d’endives fondues aux écorces<br />

d’orange” ; grand air de <strong>“</strong>fi let de bœuf rôti<br />

à la moëlle sur sa compote d’oignons rouges<br />

accompagné de sauce bordelaise et<br />

de pommes de terre Dauphin sur mille-feuille<br />

de légumes” ; apothéose sous forme<br />

d’une <strong>“</strong>charlotte au chocolat et aux poires,<br />

glace aux biscuits de Reims”. Trois actes<br />

gastronomiques de haut vol délivrés<br />

en un virevoltant ballet par neuf serveurs :<br />

savantes embardées entre les convives,<br />

art confi rmé de l’entrechat, virtuosité dans<br />

les roulis du train. Pas une seule larme de vin<br />

renversé ne vient outrager la blancheur


des nappes. Aux tables, un souffl e<br />

d’élégance. Smokings, costumes foncés<br />

ou gris clair, robes du soir, étoles, épaules<br />

à demi nues, petits sacs noirs posés sur<br />

le rebord des tables. Une gracieuse société<br />

aux airs anciens, bouffée d’une époque d’or<br />

révolue. Et l’on croit deviner, dans le refl et<br />

des miroirs étamés, le fantôme de Mata-Hari,<br />

belle espionne au funeste destin,<br />

habituée des rendez-vous clandestins dans<br />

les coursives de l’héroïque Train bleu.<br />

L’Orient-Express, long bateau de quiétude,<br />

se faufi le maintenant sur l’interminable<br />

chevelure des voies de la grande banlieue.<br />

Quel contraste entre cette salle de restaurant,<br />

oasis de champagne aux refl ets de liqueur,<br />

et le défi lé de ces noires avenues désertes.<br />

Par les fenêtres, on plonge dans<br />

de doux songes : en ces parages de plaisir,<br />

on voudrait un monde heureux. Ici, l’on rêve<br />

éveillé. Doucement, par touches successives,<br />

l’obscurité de la campagne enveloppe<br />

le navire.<br />

Après le café, les hôtes se retrouvent dans<br />

la voiture-bar Art nouveau, savamment<br />

décorée par Gérard Gallet. De petits fauteuils<br />

aux teintes dégradées, des tables basses<br />

en bois rares, un bar, avec le son du piano<br />

comme unique souffl e. Dans le suave<br />

brouhaha des conversations alanguies,<br />

trois barmen accommodent de subtils<br />

cocktails dans des shakers argentés.<br />

Seule concession à la modernité, l’espace<br />

est non-fumeur. Mais l’on imagine aisément<br />

– près d’un siècle en arrière – des messieurs<br />

repus, la barbe cassée sur le plastron,<br />

un verre de cognac à la main, nimbés<br />

dans le brouillard de leurs cigares cubains.<br />

Et des dames aussi, en dalmatique ou<br />

en lamé, porte-cigarette négligemment pendu<br />

au bout des doigts. Éclats de diadèmes,<br />

de strass et de verre. Sautoirs, éventails en<br />

plumes, pochettes et paillettes.<br />

Il est plus de minuit. Lent retour par<br />

de longs couloirs désormais déserts. Depuis<br />

les lampes veilleuses, une douce lumière suit<br />

le contour des incrustations, baigne les portes<br />

closes. Il règne comme un intemporel<br />

parfum de mystère et d’oubli. À l’intérieur<br />

de la cabine, le lit a été préparé par le steward,<br />

héros si discret, invisible gardien du monde<br />

des dormeurs. Une clarté diffuse effl eure <br />

59


60<br />

voyage<br />

<br />

les draps fi ns et les couvertures blasonnées.<br />

Il fait un bon silence serein, feutré d’obscurité<br />

et de tapis, que ne secoue que rarement<br />

le passage amorti d’un aiguillage. Le voyageur<br />

s’assoupit, comme dans une chambre calme.<br />

Coulisses culinaires<br />

Je ne sais ce qui m’a réveillé. Peut-être<br />

un soupçon de lumière aurorale dans le jeu<br />

des tentures. Onctueuse torpeur d’un matin<br />

apaisé. Sensation de vrai repos, si rare après<br />

une nuit de train. Par une sonnette dérobée,<br />

je commande le petit déjeuner, servi avec<br />

une incroyable célérité. Café aux fragrances<br />

corsées, petits pains frais, viennoiseries<br />

cuites du matin, jus de fruits pressés…<br />

un régal, dégusté en peignoir sur mon lit,<br />

face aux montagnes suisses qu’allume<br />

le soleil naissant.<br />

Toilette succincte dans le lavabo dissimulé<br />

sous la tablette. L’eau est tiédie par un poêle<br />

à charbon situé à l’entrée du compartiment,<br />

alimenté dès l’aube par les soins empressés<br />

du steward. Car, contrairement à une idée<br />

reçue, il n’existe pas de douches à bord :<br />

le beau monde des Années folles débarquait<br />

à Istanbul, sale de six jours…<br />

Débarbouillé, j’entame une itinérance<br />

chaloupée à la recherche du chef Christian<br />

Bodiguel, qui régala tant nos papilles la veille<br />

au soir. Depuis plus d’un quart de siècle,<br />

il règne sur trois cuisines de douze mètres<br />

carrés – deux dites de <strong>“</strong>lancement”<br />

et une de préparation – desservies par<br />

douze marmitons. <strong>“</strong>J’affectionne l’alliance<br />

inédite du salé et du sucré, des viandes<br />

et des crustacés, m’explique-t-il. Nous n’avons<br />

à bord que des produits frais. Je veille sur leur<br />

qualité. J’enrichis souvent mes menus d’une<br />

touche locale, en fonction du pays traversé.<br />

<strong>“</strong> Entre les deux guerres, l’Orient-Express<br />

incarnait la modernité, le luxe et la rapidité.<br />

Ce qui contribua à son immense succès.”<br />

Vincent Gullon, directeur du train


Nicolas Lebrisse, mon sous-chef, accommode<br />

les pâtisseries. Il nous est arrivé de servir<br />

jusqu’à 260 convives en trois services.”<br />

Mieux qu’un exploit, une gageure !<br />

<strong>“</strong>Tout est question d’organisation et<br />

de méthode, a fortiori dans des espaces<br />

de travail aussi exigus. L’approvisionnement<br />

avant les départs demeure le grand sujet :<br />

on ne peut se permettre d’oublier<br />

un ingrédient”, souligne mon interlocuteur.<br />

Et sa haute toque blanche de frémir<br />

à l’évocation d’une telle tragédie culinaire.<br />

Ses souvenirs les plus incongrus ?<br />

D’avoir mitonné un repas de réveillon au cœur<br />

du mois d’août pour une famille américaine<br />

éclatée à travers toute la planète et séparée<br />

lors du précédent Noël. Ou encore de<br />

composer de loin en loin un repas de mariage<br />

pour un couple renouvelant son engagement<br />

nuptial. Riant de ces gentilles extravagances,<br />

il me guide vers sa cave à vins – sanctuaire<br />

au cœur du sanctuaire – nichée dans<br />

un encastrement de cloisons. Pomerols,<br />

Châteaux Yquem, champagnes de belle<br />

tenue… Là, des nectars assoupis,<br />

couleur pourpre, or ou amarante traversent<br />

inlassablement notre continent, dans la<br />

patiente attente du palais qui les dégustera.<br />

Trois voitures-restaurants proposeront ce midi<br />

ces mets et breuvages célestes. La 4141,<br />

décorée en 1929 par René Lalique dans<br />

un pur style Côte d’Azur, dévoile le fameux<br />

triptyque Femmes, Joueur de pipeau et<br />

Raisin, bacchanales aux poses languissantes.<br />

La 4110, baptisée Étoile du Nord, s’enorgueillit<br />

de marqueteries anglaises d’exception.<br />

Sans oublier la 4095, spacieuse Orientale<br />

qui m’accueillit hier. Invité par le maître d’hôtel,<br />

je choisis – grand admirateur des pâtes<br />

de verre du <strong>“</strong>sculpteur de lumière” –<br />

de déjeuner dans la première d’entre elles.<br />

Rencontres<br />

L’Orient-Express est un train qui<br />

se vit de l’intérieur. On en oublierait presque<br />

le paysage. Pourtant, en cette orée d’avril,<br />

les montagnes éclatent dans un pêle-mêle<br />

de vert jeune, de gris tourbière et de blanc<br />

écru. Le train longe de profonds lacs<br />

aux eaux moirées, dans lesquels se refl ète<br />

l’acier des sommets. Il cabote vaillamment<br />

de vallée en vallée, dans le soleil pur<br />

d’un premier printemps qui illumine les vieux<br />

bois des compartiments. Au débouché<br />

<br />

61


62<br />

voyage <br />

de chaque courbe s’offrent de nouvelles<br />

perspectives, toutes de verticalité. Roches<br />

sombres dans des découpures d’alpages.<br />

Éboulis de pierres vives ravinant les pentes.<br />

Plaines encore nues, plantées de villages<br />

aux clochers en bulbe et tachetées de l’ivoire<br />

des dernières neiges. Cette Route des Alpes,<br />

sinueuse et bucolique – via Zurich, Innsbruck,<br />

Trente et Vérone – remplace<br />

avantageusement l’itinéraire classique<br />

du Simplon, qui débouche trop directement<br />

dans l’industrieuse plaine du Pô.<br />

La frontière autrichienne est gaillardement<br />

franchie via le long tunnel de l’Arlberg,<br />

qui plonge le train dans un noir de four.<br />

Déjà midi. On m’a proposé de partager ma<br />

table avec deux ravissantes vieilles dames.<br />

La première est une habituée. C’est là son<br />

cinquième voyage. Elle ne s’en lasse pas,<br />

me confi e-t-elle. Et en connaît tous les<br />

codes qu’elle détaille avec une délectation<br />

d’entomologiste. La seconde a économisé<br />

de longs mois pour s’offrir cette plage de vie<br />

rêvée. Elle savoure chaque instant, chaque<br />

détail, les commente en une touchante<br />

ingénuité. Déjeuner insouciant et léger,<br />

dans le négligé de conversations décousues,<br />

d’anecdotes égrenées au fi l des plats.<br />

Le directeur du train, Vincent Gullon,<br />

nous rejoint pour le café. Il me l’avait promis,<br />

malgré un emploi du temps surchargé.<br />

<strong>“</strong>Entre les deux guerres, l’Orient-Express<br />

incarnait la modernité, le luxe et la rapidité.<br />

Ce qui contribua d’ailleurs à son immense<br />

succès. Aujourd’hui, nos clients recherchent<br />

l’exact inverse : nostalgie du passé, réveil<br />

d’un mythe, éloge de la lenteur...<br />

Nous leur offrons une escapade hors<br />

du temps, en nous efforçant de satisfaire<br />

à un niveau d’exigence de plus en plus élevé.<br />

C’est une très belle façon de traverser<br />

l’Europe, appréciée par de nombreuses<br />

personnalités qui voyagent ici dans<br />

le plus strict incognito. Autrement dit,<br />

nous gérons un palace sur rail”, confi e-t-il.<br />

De fait, une solide expertise en hôtellerie<br />

de luxe prime ici sur l’expérience ferroviaire…<br />

bien qu’il faille également coordonner<br />

les changements de motrice lors de chaque<br />

passage de frontière, s’assurer du respect<br />

des horaires et superviser le fonctionnement<br />

d’un convoi long de 420 mètres.


Onze stewards français, italiens ou britanniques<br />

– un par compartiment – chapeautés par<br />

un responsable, veillent à la perfection de<br />

ce déroulé. <strong>“</strong>Certaines voitures ont une histoire<br />

piquante, poursuit mon interlocuteur. Ainsi, la<br />

3544 fut-elle réquisitionnée durant la Seconde<br />

Guerre mondiale comme maison close roulante<br />

pour les offi ciers de l’armée allemande,<br />

avant d’être réaffectée en 1946… au service<br />

de la famille royale hollandaise ! Un contraste<br />

pour le moins saisissant, qui ravit nombre<br />

de nos clients. Idem pour la 3309, bloquée<br />

six jours durant par une tempête de neige<br />

à la frontière turco-bulgare en janvier 1929,<br />

anecdote dont s’inspira Agatha Christie<br />

pour écrire son Crime de l’Orient-Express.”<br />

Un meurtre bien fameux, qui conféra<br />

au Train bleu ses lettres de noblesse<br />

et fi t plus pour sa notoriété qu’un siècle entier<br />

de campagnes de publicité. Mais la célèbre<br />

romancière anglaise fut loin d’être la seule<br />

à vanter ses charmes. De Jean Cocteau<br />

à Blaise Cendrars, de Joseph Kessel<br />

à Hemingway, de Paul Morand à Valéry<br />

Larbaud… Tous l’ont également célébré.<br />

Et avec quel talent ! À l’ombre de tels géants,<br />

il convient juste pour le voyageur anonyme<br />

de se laisser porter. Tout simplement.<br />

Vers la Sérénissime<br />

Le début d’après-midi s’est lentement évasé.<br />

Tout en conversant, nous avons dépassé<br />

Innsbruck, franchi la frontière italienne.<br />

Et pris du retard. Le directeur du train<br />

est reparti, sitôt la dernière goutte de café<br />

avalée, pour gérer au mieux la <strong>“</strong>descente”<br />

des Dolomites et rattraper quelques précieux<br />

quarts d’heure. Au-dehors, le ciel s’est<br />

lourdement chargé. Une cohorte de nuages<br />

ventrus éclate en rafales. Longue sieste<br />

dans le joli grésillement des gouttes sur<br />

les vitres. Au réveil, la montagne est devenue<br />

plaine. Vers 16 heures – tradition anglaise<br />

oblige – un thé accompagné d’un léger brin<br />

de pâtisserie est servi dans chaque cabine.<br />

Ultime griffe de raffi nement dans le jour<br />

fi nissant. Encore quelques poignées de<br />

minutes et ce sera la lagune, dernier rempart<br />

de terre avant la Sérénissime. <strong>“</strong>Monsieur<br />

désire ? Que le train ralentisse ! Venise ?<br />

Elle attendra ! Je ne suis pas pressé.” (1)<br />

(1) Philippe Couderc.<br />

Éric Dumoulin<br />

<br />

Un peu d’histoire…<br />

Tout a commencé en 1872,<br />

par le rêve d’un jeune fi nancier belge,<br />

Georges Nagelmackers. Inspiré<br />

par l’opulence des wagons Pullman<br />

américains, il décide de construire<br />

leurs semblables en Europe. Pari<br />

tenu : l’Orient-Express sera inauguré<br />

une décennie plus tard, le 4 octobre<br />

1883. Emblème d’une nouvelle<br />

forme de voyage teintée de mystère<br />

et d’exotisme, il s’impose en moins<br />

d’une décennie comme le train<br />

le plus prestigieux et le plus rapide<br />

au monde. Outil majeur d’unifi cation<br />

du continent, il incarne la technologie<br />

et la modernité. Le premier itinéraire<br />

le mène à Giurgiu en Roumanie,<br />

via Vienne, Budapest et Bucarest.<br />

En 1906, le percement du tunnel<br />

du Simplon, reliant l’Italie à la Suisse,<br />

lui ouvre les portes de la Sérénissime :<br />

il devient le Venice Simplon<br />

Orient-Express. À partir de 1921,<br />

il relie Paris à Constantinople<br />

via Venise et Trieste. Tous les grands<br />

noms de la politique, de l’industrie<br />

et des arts s’y pressent…<br />

C’est l’âge d’or.<br />

La Seconde Guerre mondiale met<br />

fi n au service régulier de la ligne<br />

Londres-Istanbul. La capitulation<br />

de 1940 sera signée à Rhetondes<br />

dans une voiture de luxe de la<br />

Compagnie des Wagons Lits, celle-là<br />

même où fut signé l’armistice<br />

de 1918. À l’issue du confl it, l’univers<br />

de l’Orient-Express s’effondre,<br />

entraîné par le déchirement de<br />

l’Europe et l’émergence des blocs.<br />

Nombre de ses voitures sont<br />

éparpillées à travers tout le continent.<br />

Un service perdurera toutefois<br />

jusqu’en 1962, de Paris à Venise.<br />

La renaissance sera longue. Il faudra<br />

attendre le 25 mai 1982 très<br />

exactement pour que revive enfi n<br />

le train originel, sous l’impulsion<br />

résolue de J. Sherwood, président<br />

de la société Orient-Express Hotels ltd.<br />

Ses voitures, rachetées une<br />

à une à travers toute l’Europe, ont été<br />

restaurées et décorées à l’identique,<br />

dans le strict respect des savoir-faire<br />

d’époque. Elles circulent désormais<br />

entre cinq et sept fois par mois,<br />

principalement sur le parcours<br />

Londres-Paris-Venise, entre fi n mars<br />

et début novembre. Pour le plus<br />

grand bonheur de ses admirateurs.<br />

63


invité<br />

64


Biographie<br />

Joël de Rosnay. Biologiste, spécialiste des origines du vivant, chercheur en<br />

systémique, futurologue, conseiller de la présidence de la Cité des sciences<br />

et de l’industrie, créateur d’AgoraVox, auteur de nombreux ouvrages<br />

de vulgarisation et de prospective… et pionnier du surf en France, le cursus<br />

de Joël de Rosnay frappe par sa richesse et sa diversité. Rencontre<br />

féconde avec un éternel jeune homme, scientifi que d’exception, autour<br />

d’un thème philosophique premier : le temps.<br />

<strong>“</strong> L’ÉTERNITÉ EST<br />

DANS L’INTENSITÉ<br />

DE L’INSTANT”<br />

Joël de Rosnay, docteur ès sciences,<br />

est conseiller de la présidence<br />

d’Universcience (Cité des sciences<br />

et de l’industrie de La Villette et<br />

Palais de la Découverte) et président<br />

exécutif de Biotics International.<br />

Ancien chercheur et enseignant au<br />

Massachusetts Institute of Technology<br />

(MIT) dans le domaine de la biologie<br />

et de l’informatique, il a été<br />

successivement attaché scientifi que<br />

auprès de l’ambassade de France<br />

aux États-Unis, directeur scientifi que<br />

à la Société européenne pour<br />

le développement des entreprises<br />

et directeur des applications<br />

de la recherche à l’Institut Pasteur.<br />

Il s’intéresse particulièrement<br />

aux technologies avancées et aux<br />

applications de la théorie des systèmes.<br />

Il est l’auteur de plusieurs ouvrages<br />

scientifi ques destinés à un large public,<br />

notamment Le Macroscope<br />

(1975, Prix de l’Académie des sciences<br />

morales et politiques),<br />

Le Cerveau Planétaire (1986),<br />

L’homme symbiotique – Regards<br />

sur le troisième millénaire (1995).<br />

Joël de Rosnay est lauréat du Prix<br />

de l’information scientifi que 1990<br />

de l’Académie des sciences.<br />

Le rapport au temps s’inscrit<br />

au cœur de votre réfl exion. Comment<br />

synthétiseriez-vous votre pensée ?<br />

Joël de Rosnay. Quatre mots caractérisent<br />

selon moi notre relation au temps : vitesse,<br />

précipitation, accélération et lenteur.<br />

Une lenteur dont je n’hésiterais d’ailleurs pas<br />

à faire l’éloge ! La vitesse est absolument<br />

essentielle dans nos sociétés modernes.<br />

Elle participe d’une double dimension :<br />

nécessité et plaisir. Quand je prends un<br />

TGV, j’utilise la <strong>“</strong>vitesse nécessité” pour mon<br />

métier. Quand je pratique des sports<br />

extrêmes – ski ou surf – je recherche la<br />

<strong>“</strong>vitesse plaisir”, génératrice de sensations,<br />

d’émotions. J’ajouterais, sous forme de<br />

truisme, qu’il convient de ne pas confondre<br />

vitesse, rapidité et précipitation. Ainsi,<br />

la vitesse pour une entreprise s’apparente<br />

à de la réactivité. Sans pour autant tomber<br />

dans l’hyper-réactivité. Je suis frappé par<br />

l’importance donnée parfois à l’immédiateté.<br />

Elle témoigne d’une fébrilité, résumée<br />

sur les frontispices de certaines entreprises<br />

renvoie à l’accélération exponentielle de<br />

nos sociétés, favorisée par la découverte,<br />

l’innovation, les nouvelles technologies.<br />

Mais, au fond, est-ce le temps qui s’accélère<br />

ou <strong>“</strong>quelque chose” qui s’accélère par<br />

rapport au temps ? Perspectives<br />

philosophiquement très différentes. En effet,<br />

si en un instant T, il existe plus de densité<br />

temporelle, le temps s’écoule toujours<br />

de la même façon. Puis vient la lenteur…<br />

Il faut, dans nos vies personnelles<br />

et sociétales, savoir donner <strong>“</strong>du temps<br />

au temps”, savoir <strong>“</strong>perdre du temps”<br />

pour pouvoir en donner à ses enfants,<br />

ses collaborateurs… Nous réalisons ainsi<br />

un véritable investissement, propice par<br />

ailleurs au recul. À titre d’exemple, quand<br />

Internet est arrivé en France à la fi n des<br />

années 80 – j’appartiens à ceux qui l’ont<br />

introduit – on se préoccupait beaucoup du<br />

retard de notre pays. J’ai souhaité nuancer :<br />

<strong>“</strong>Non, la France n’est pas en retard.<br />

Elle prend du recul. Évaluons tout d’abord<br />

la manière dont Internet s’inscrira dans<br />

de la Silicon Valley : Time is the devil, la société, vérifi ons son effi cience.”<br />

but speed is God. Une précipitation qui Les médias, qui s’attendaient à une <br />

65


66<br />

invité<br />

<br />

adhésion sans réserve, ont été surpris<br />

par ma position. Or, un rapport apaisé<br />

au temps constitue à mon sens l’une<br />

des clés de la sagesse. Notre rôle vis-à-vis<br />

de la jeunesse notamment n’est-il pas<br />

de savoir <strong>“</strong>contextualiser”, relativiser ?<br />

Le temps n’est donc pas univoque ?<br />

Loin de là. Je voudrais préciser les concepts<br />

de fossé temporel et de temps réel. Les pays<br />

occidentaux, très avancés dans le numérique,<br />

ont creusé un fossé avec les pays dits<br />

<strong>“</strong>en développement”. Sur la Terre, les peuples<br />

vivent dans des bulles de temps différentes,<br />

ne partagent pas la même approche de<br />

la durée. L’Amérique du Nord est un continent<br />

pressé : plus de profi ts, plus de notoriété,<br />

plus de reconnaissance. Internet, Twitter,<br />

Facebook, Dailymotion, YouTube… s’imposent<br />

comme les symptômes de cet everything,<br />

now ! Ce que je veux, tout de suite, à ma<br />

guise. Gratifi cation de l’instant, emblématique<br />

de la génération Internet. À l’inverse,<br />

en Amérique du Sud ou dans certains pays<br />

du Moyen-Orient, à une question sur l’horaire<br />

du prochain bus, on répondra très simplement<br />

qu’il passe <strong>“</strong>dans l’après-midi”… Quelle<br />

différence avec le temps réel de nos pays<br />

occidentaux et numérisés !<br />

Comment défi niriez-vous ce fameux<br />

temps réel ?<br />

Cela revient à répondre à une sollicitation<br />

avant son échéance… Une limite temporelle<br />

qui peut être d’une milliseconde pour un<br />

ordinateur, d’un jour ou d’un mois pour une<br />

entreprise. Cette notion devient obsédante<br />

pour nombre d’organisations. Certains<br />

patrons mettent une pression considérable<br />

sur leurs équipes, avec des <strong>“</strong>deadlines”<br />

artifi cielles. Comme s’en amusait Alphonse<br />

Allais : <strong>“</strong>Quand les bornes sont dépassées,<br />

il n’y a plus de limites”. Grâce à l’ensemble<br />

des outils disponibles aujourd’hui<br />

– du smartphone à l’ordinateur en passant<br />

par la téléconférence, la visioconférence –<br />

tout devient temps réel. Si le concept s’avère<br />

absolument indispensable pour lancer<br />

une fusée ou réaliser un calcul complexe,<br />

sa généralisation à toutes les activités<br />

humaines relève à mon sens d’une grave<br />

dérive. Elle renvoie d’ailleurs indirectement<br />

à l’idée de capital temps.<br />

En quoi l’idée de <strong>“</strong>capital temps” est-elle<br />

majeure à vos yeux ?<br />

Pour les humains, le temps s’écoule comme<br />

du sable entre les doigts : image immémoriale<br />

portée par les poètes et les philosophes.<br />

C’est le temps de l’entropie, du deuxième<br />

<strong>“</strong> La vitesse est absolument essentielle dans nos<br />

sociétés modernes. Elle participe d’une double dimension :<br />

nécessité et plaisir.”<br />

principe de la thermodynamique ou principe<br />

de Carnot. Cette loi explique de manière<br />

physique et mathématique que le ressort<br />

de l’univers, remonté au moment du big bang,<br />

se détend. L’énergie se dégrade, se raréfi e.<br />

Dit autrement, l’entropie est augmentation<br />

du désordre. L’omelette en est une belle<br />

métaphore : il est impossible de reconstituer<br />

des œufs entiers à partir d’œufs battus.<br />

Pour notre univers, l’entropie est l’extinction<br />

du soleil, puis de notre planète. Pour nous,<br />

elle renvoie à notre mort programmée.<br />

Il existe également un autre temps en forme<br />

de cône inversé, théorisé pour partie par<br />

Pierre Teilhard de Chardin, à travers le point<br />

Omega. Très schématiquement, ce point<br />

Omega pourrait s’apparenter à l’inverse du big<br />

bang. Si ce dernier renvoie à une explosion<br />

de l’énergie, lui relève d’une implosion de<br />

l’esprit. Les deux vont dans un sens opposé.<br />

D’un côté, l’entropie, vers le chaos croissant<br />

et la destruction. De l’autre, la construction de<br />

la pensée humaine vers l’organisation, l’art…<br />

Pouvez-vous illustrer cette idée ?<br />

Prenez l’exemple d’un feu sur une plage<br />

que l’on fi lme : brasier, puis braises,<br />

puis cendres… Le vent souffl e, les cendres


se dispersent, se mêlent au sable.<br />

Le fi lm continue. Progressivement, plus rien<br />

ne se passe. Le fi lm continue toujours…<br />

C’est l’entropie. Déroulons-le en sens inverse :<br />

long néant, puis insensible mouvement<br />

de petits grains de sable dans le vent,<br />

agglomération de cendres en de rougeoyants<br />

morceaux devenant braises avant de devenir<br />

une magnifi que fl ambée. C’est une allégorie<br />

de la néguentropie chère aux physiciens,<br />

fruit de la création humaine. Il existe donc<br />

une possibilité d’inverser – métaphoriquement<br />

bien sûr ! – le principe de Carnot. Et ce,<br />

grâce à la création humaine, individuelle<br />

ou collective, qui permet à l’humanité<br />

d’emmagasiner une sorte de capital temps,<br />

de réservoir temporel au sein duquel il est<br />

loisible à chacun de puiser. Cette création<br />

peut être une œuvre littéraire ou<br />

architecturale, une loi, une organisation,<br />

un enfant… Elle s’apparente à du temps<br />

investi, qui profi te aux autres, contemporains<br />

comme suivants.<br />

Prenons une autre image du temps :<br />

celle d’un train, par exemple, d’une longueur<br />

et d’une vitesse infi nies. Les humains y sont<br />

installés dans des compartiments, séparés<br />

les uns des autres. Ils ne communiquent pas.<br />

Par leurs fenêtres, ils voient passer<br />

des poteaux ornés d’une inscription illisible<br />

du fait de la vitesse. Ils comprennent<br />

un jour qu’ils sont plusieurs à bord du train,<br />

en tapant sur les cloisons. Ils communiquent,<br />

décident de casser ces cloisons<br />

et de travailler ensemble pour déchiffrer<br />

les inscriptions. Avec les débris des<br />

compartiments, ils fabriquent des wagonnets<br />

avec lesquels ils se déplacent à bord du train<br />

en sens inverse de la marche, ralentissant<br />

ainsi la vitesse relative du train. La technique<br />

progressant, ils acquièrent suffi samment de<br />

<strong>“</strong>vitesse inverse” pour déchiffrer les écriteaux.<br />

Ils lisent alors : <strong>“</strong>Le secret de l’univers,<br />

c’est vous !” Ils ont métaphoriquement arrêté<br />

le temps, via la création humaine.<br />

La création humaine permettrait en<br />

quelque sorte de gagner du temps ?<br />

Je n’aime pas cette expression. Quand<br />

quelqu’un m’affi rme : <strong>“</strong>J’ai gagné du temps”,<br />

je réponds : <strong>“</strong>Sur quelle échéance,<br />

ce temps gagné ? Tu dois mourir, de toute<br />

façon.” Je préfère le terme <strong>“</strong>investir du temps.”<br />

Quand nous apprenons à utiliser un<br />

ordinateur, par exemple, nous investissons<br />

du temps pour l’avenir. Nous en percevrons<br />

des dividendes temporels que nous pourrons<br />

réinvestir à notre guise.<br />

Vous distinguez trois types de temps :<br />

le temps long, court et large.<br />

Comment les défi nissez-vous ?<br />

Le temps long, c’est la durée synchronisée<br />

par la société sous forme de segments<br />

séquencés : études, travail, vacances…<br />

Chacun doit réaliser un certain nombre<br />

d’actes imposés, coordonnés, sinon rien<br />

ne fonctionne. L’irruption d’une sujétion<br />

nouvelle au cœur de ces séquences, entraîne<br />

la réponse usuelle : <strong>“</strong>Je n’ai pas le temps”,<br />

refuge, prétexte somme toute facile pour<br />

ne pas sortir de sa routine… Le temps court<br />

relève, quant à lui, du présent perpétuel :<br />

zapping, fl ashs, Twitter, clips, hit-parades<br />

en tout genre. Il se substitue à lui-même<br />

en une succession échevelée d’évènements.<br />

Il n’est, de ce fait, pas créateur de sens.<br />

Très séduisant, il est adoré des médias<br />

ou des enfants. Tout doit être sans cesse<br />

remplacé par du nouveau, de l’inédit :<br />

on tourne comme un hamster dans sa cage,<br />

avec l’impression de bouger… En réalité,<br />

on fait du surplace. La réponse à toute<br />

nouvelle sollicitation devient alors<br />

<strong>“</strong>Je suis débordé”. J’ai souhaité dépasser<br />

le confl it permanent entre temps long<br />

et temps court, en <strong>“</strong>inventant” le temps large.<br />

Il fonde l’organisation de sa vie<br />

professionnelle, personnelle, familiale sur<br />

la gestion du capital temps accumulé.<br />

Chacun s’organise afi n de réinvestir au mieux<br />

les profi ts d’un temps bien géré, qui va<br />

bénéfi cier aux autres comme à soi. Pour moi,<br />

réussir sa vie, c’est gérer son temps pour faire<br />

de sa vie un original et non une copie.<br />

En ce sens, je me sens très proche<br />

de l’enseignement védique : <strong>“</strong>L’éternité est<br />

dans l’intensité de l’instant.”<br />

<br />

Bibliographie<br />

Les origines de la vie : de l’atome<br />

à la cellule, Éditions du Seuil, 1966<br />

Le Macroscope : vers une vision<br />

globale, Éditions du Seuil, 1975<br />

(Prix de l’Académie des sciences<br />

morales et politiques)<br />

La malbouffe : comment se nourrir<br />

pour mieux vivre, avec Stella<br />

de Rosnay, Éditions Olivier Orban,<br />

1979<br />

Les chemins de la vie,<br />

Éditions du Seuil, 1983<br />

Branchez-vous, avec Stella de Rosnay,<br />

Éditions Olivier Orban, 1984<br />

(Grand Prix de la littérature microinformatique<br />

grand public 1985)<br />

Le cerveau planétaire,<br />

Éditions Olivier Orban, 1986<br />

L’aventure du vivant,<br />

Éditions du Seuil, 1988<br />

L’avenir en direct,<br />

Éditions Fayard, 1989<br />

Les rendez-vous du futur,<br />

Fayard/Éditions n o 1, 1991<br />

L’homme symbiotique -<br />

Regards sur le troisième millénaire,<br />

Éditions du Seuil, 1995<br />

La plus belle histoire du monde -<br />

Les secrets de nos origines,<br />

avec Hubert Reeves, Yves Coppens<br />

et Dominique Simonnet,<br />

Éditions du Seuil, 1996.<br />

Une vie en plus – la longévité pourquoi<br />

faire ?, avec François de Closets,<br />

Jean-Louis Servan-Schreiber<br />

et Dominique Simonnet,<br />

Éditions du Seuil, 2005<br />

La révolte du pronétariat, des mass<br />

média aux média des masses,<br />

Fayard, collection Transversales, 2006<br />

2020, les scénarios du futur,<br />

comprendre le monde qui vient,<br />

Fayard, 2008<br />

Et l’homme créa la vie...,<br />

avec Fabrice Papillon,<br />

LLL Les Liens qui Libèrent, 2010.<br />

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Partenaire du développement durable urbain, <strong>Alstom</strong> apporte son soutien à La Sauvegarde de l’Adolescence à Paris.<br />

Forte de 80 ans d’existence, cette association est reconnue d’utilité publique et accompagne chaque année plus<br />

de 6 000 jeunes en diffi culté.<br />

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illustres exposeront chacun quatre œuvres originales sur le thème de la réalité adolescente dans la capitale.<br />

Les photographies feront ensuite l’objet d’une vente aux enchères à l’Hôtel Drouot dont les profi ts permettront à<br />

La Sauvegarde de l’Adolescence à Paris de mettre en place de nouveaux dispositifs d’aide aux adolescents en<br />

diffi culté dans la capitale.


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