Fantasia chez les ploucs

— Oh ! non, pas un seul d’entre vous ! Ça fait des années
que je me tue à vous l’annoncer, mais personne n’a voulu
m’écouter. Maintenant que l’heure est arrivée, vous ne
chantez plus le même couplet, eh ben !...
Son crâne chauve brille à la lueur de la lanterne. Il
commence à rire, en agitant son marteau pour désigner
toutes les voitures :
— Vous les voyez ? Ils ont fait des lieues pour venir
jusqu’ici. Et ils sont des milliers. Regardez-les. Et vous
savez pourquoi ? Parce que les pluies ont commencé, voila
pourquoi. Il pleut dans le monde entier à verse, à seaux,
et l’eau monte, alors ils voudraient que je les embarque.
Eh ben ! ils seront tous noyés, tous, nom de Dieu ! parce
qu’ils n’ont pas voulu m’écouter. Pas la peine de me
supplier. Vous perdez vot’temps et le mien aussi. Faut
que j’aie fini cette affaire-là avant le jour. Vous pouvez
tous aller au diable !
Il se retourne et recommence à planter ses clous.
Le shérif pousse un soupir, secoue la tête et braque sa
torche à travers les trous de l’arche. Ses adjoints et lui
l’inspectent du haut en bas.
Elle n’est pas dedans. Je ne vois pas-ce qui a pu leur
donner l’idée qu’elle y était. Mais faut dire qu’à l’heure
qu’il est, je ne comprends plus grand-chose à rien de ce
qui se passe.
On remonte vers la maison. Pop et mon oncle Sagamore
s’assoient sur la véranda. Le shérif et ses adjoints restent
debout. Les bacs puent toujours aussi fort, mais tout le