Fantasia chez les ploucs

Mon oncle Sagamore a recommencé à se gratter la jambe
avec son gros orteil.
— Pourvu qu’ils s’en aillent pas attraper c’te sacrée
typhoïde, il dit.
Et là-dessus, il ramasse la cruche en verre qu’ils avaient
oublié d’emmener pour la faire analyser.
Il la replace derrière la porte et l’échange contre l’autre.
Celle-là, il la tend à Pop. Et tous les deux boivent un coup.
Mon oncle Sagamore pose le fusil contre le mur et s’étire :
— Tu sais pas, il dit, ça peut quand même faire un fameux
remède, ce truc-là ; même si ça vous est pas d’un grand
secours pour ce qui est de la bagatelle, sûr et certain que
ça vous empêcherait d’y penser.
Après que Booger et Otis sont ressortis de dessous les
arbres et sont repartis à leur auto, mon oncle Sagamore a
pris sa camionnette sous le hangar et, avec Pop, ils ont
chargé les cuves de tannage dedans et les ont emportées
dans le bois derrière le champ de maïs.
— Je crois qu’elles ont été au soleil assez longtemps, il a
dit. La tannerie, c’est pas une petite affaire ; il faut laisser
le cuir se bonifier un certain temps au soleil, juste assez, et
puis après ici à l’ombre, pendant quelques jours.
Moi, je me demandais pourquoi il fallait qu’il les mette en
plein devant la maison soi-disant pour qu’elles soient au
soleil, mais je n’ai rien dit. Ça n’avait jamais l’air d’être la
saison des réponses à la ferme.