Fantasia chez les ploucs

Pop la regarde. On pouvait passer, bien sûr, mais c’était
drôle de rencontrer une roulotte pareille dans ce coin-là,
vu que ce chemin ne conduisait qu’à des fermes, dans le
genre de celle à mon oncle Sagamore, tout au fond de la
vallée. D’abord il n’y avait personne dans l’auto.
— Ils doivent être perdus, dit Pop.
On descend tous les deux et on fait le tour de la roulotte.
Les portes sont fermées et les rideaux tirés sur les
carreaux. Pas un bruit. C’est tranquille comme tout, là
sous les pins, à part que de temps en temps on entend
passer une auto sur la grand-route qu’est juste après
l’autre virage.
C’est drôle, l’auto et la roulotte n’ont pas l’air d’être
embourbées, ni rien. On dirait que quelqu’un les a
amenées jusque-là et puis qu’il est parti sans plus s’en
occuper. Pop et moi, on n’y comprend rien.
Et tout d’un coup, on voit le bonhomme.
Il est plus bas, sur le chemin, vers l’autre tournant, mais
un peu sur le côté, sous les arbres. Il nous tourne le dos,
mais il ne bouge pas d’un pouce ; il a l’air de surveiller la
grand-route.
— Y doit attendre quelqu’un, dit Pop.
Juste à ce moment, l’homme tourne la tête et nous voit
plantés tout près de la roulotte. Il fait brusquement demitour
et s’met à courir vers nous. Malgré la chaleur qu’il
fait, il porte un complet de flanelle croisé, un panama et
des souliers marron et blanc. Tout en courant, il ne nous