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Ultimes Ballades Fiche pédagogique - Opéra de Rouen Haute ...

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<strong>Fiche</strong> <strong>pédagogique</strong><br />

Contact: Anne Marguerin<br />

Responsable <strong>de</strong> l’Action <strong>pédagogique</strong><br />

7 rue du Docteur Rambert<br />

76000 <strong>Rouen</strong><br />

02 35 98 50 98<br />

annemarguerin@opera<strong>de</strong>rouen.fr<br />

©Anton Solomoukha<br />

<strong>Ultimes</strong> <strong>Balla<strong>de</strong>s</strong><br />

Direction musicale Laurence Equilbey<br />

Robert SCHUMANN<br />

> La Malédiction du Chanteur (Des Sängers Fluch), balla<strong>de</strong> pour solistes, chœur et orchestre,<br />

opus 139, texte <strong>de</strong> Richard Pohl d’après Ludwig Uhland.<br />

> Le Page et la Fille du Roi (Vom Pagen und <strong>de</strong>r Königstochter), balla<strong>de</strong> pour solistes, chœur et<br />

orchestre, opus 140, d’après 4 balla<strong>de</strong>s d’Emmanuel Geibel.<br />

Max BRUCH La Lorelei (Die Loreley), ouverture <strong>de</strong> l’opéra opus 16<br />

Choeur accentus<br />

Orchestre <strong>de</strong> l’<strong>Opéra</strong> <strong>de</strong> <strong>Rouen</strong> <strong>Haute</strong>-Normandie


Informations générales<br />

<strong>Ultimes</strong> <strong>Balla<strong>de</strong>s</strong><br />

Vendredi 9 décembre, 20h > Théâtre <strong>de</strong>s Arts<br />

Concert en soirée : 1h45, entracte compris<br />

+ rencontre avec Laurence Equilbey à l’issue du concert<br />

+ ateliers vocaux pour adultes “Initiation à la polyphonie”, mercredi 7 décembre (14h - 16h - 18h) > inscription au 02 35 98 50 98<br />

Pour préparer votre venue<br />

Nous sommes très heureux <strong>de</strong> vous accueillir à l’<strong>Opéra</strong> <strong>de</strong> <strong>Rouen</strong> <strong>Haute</strong>-Normandie.<br />

Ce dossier <strong>pédagogique</strong> a été rédigé par Alexis Pelletier, professeur <strong>de</strong> lettres mo<strong>de</strong>rnes au lycée <strong>de</strong> la Vallée du Cailly, Déville-Les-<strong>Rouen</strong>. Les<br />

informations et les pistes proposées pour approfondir le travail en classe vous ai<strong>de</strong>ront à préparer votre venue avec les élèves. Nous nous tenons à<br />

votre disposition pour toute information complémentaire. N’hésitez pas à nous envoyer tous types <strong>de</strong> retours et <strong>de</strong> témoignages <strong>de</strong>s élèves sur le<br />

spectacle.<br />

Conditions générales<br />

● Pour les séances scolaires, le placement se fait en fonction du niveau <strong>de</strong> classe afin d’offrir la meilleure visibilité pour tous. Nous vous remercions<br />

<strong>de</strong> respecter les places qui vous seront proposées par notre personnel d’accueil.<br />

● N’oubliez pas <strong>de</strong> nous informer bien en amont si vous avez besoin <strong>de</strong> places supplémentaires.<br />

● Les élèves sont sous la responsabilité <strong>de</strong>s enseignants et <strong>de</strong>s accompagnateurs. Nous vous remercions <strong>de</strong> rester près d’eux afin <strong>de</strong> veiller à la<br />

bonne écoute du spectacle et au respect <strong>de</strong> tous.<br />

Pour profiter au maximum du spectacle, voici quelques recommandations à <strong>de</strong>stination <strong>de</strong>s élèves<br />

● Le spectacle commence à l’heure indiquée. Nous vous remercions d’arriver 30 minutes avant afin d’avoir le temps <strong>de</strong> vous installer en salle.<br />

● Les boissons et nourritures sont à consommer dans le foyer bar et non dans la salle.<br />

● Les photographies ainsi que tout type d’enregistrement sont interdits.<br />

● N’oubliez pas <strong>de</strong> rallumer vos téléphones portables à la sortie du spectacle. Les SMS et jeux pourront attendre la fin <strong>de</strong> la représentation.<br />

● N’hésitez pas à échanger vos avis pendant les entractes ou à la sortie mais pas pendant le spectacle.<br />

Nous vous souhaitons une très bonne représentation !<br />

Anne Marguerin<br />

<strong>Ultimes</strong> <strong>Balla<strong>de</strong>s</strong> - <strong>Fiche</strong> <strong>pédagogique</strong>


I) Repères bibliographiques<br />

Robert Schumann (1810-1856)<br />

Max Bruch (1838-1920)<br />

Robert Schumann<br />

Robert Schumann est un compositeur allemand né en 1810 à Zwickau et mort en 1856 à En<strong>de</strong>nich<br />

(aujourd’hui un quartier <strong>de</strong> Bonn). Archétype du compositeur romantique, il se <strong>de</strong>stinait au<br />

départ à une carrière <strong>de</strong> soliste. Il prit <strong>de</strong>s leçons avec le facteur <strong>de</strong> pianos Friedrich Wieck mais<br />

dut renoncer à cette perspective à cause d’une « paralysie » partielle <strong>de</strong> la main, peut-être<br />

provoquée par un appareil <strong>de</strong> son invention visant à stimuler sa <strong>de</strong>xtérité. Il tomba amoureux <strong>de</strong><br />

Clara Wieck, fille <strong>de</strong> son maître qui s’opposa à leur amour. La majorité <strong>de</strong>s œuvres pour piano<br />

<strong>de</strong> Robert Schumann retrace cet amour que l’opposition <strong>de</strong> Friedrich Wieck renforça. Clara mena<br />

une carrière <strong>de</strong> virtuose, que sa vie <strong>de</strong> famille vint perturber pour <strong>de</strong>ux raisons : d’une part, le<br />

couple eut huit enfants et, d’autre part, Robert Schumann prit ombrage <strong>de</strong>s succès que sa<br />

femme pouvait rencontrer.<br />

Schumann fut un grand lecteur <strong>de</strong> toute la littérature <strong>de</strong> son époque. On le considère souvent<br />

comme un compositeur littéraire. En effet, il s’est fréquemment retourné vers les poètes du XIX e<br />

siècle : Goethe, Heine, Eichendorff pour citer les plus connus. Robert Schumann fut un critique<br />

influent qui connut tous les compositeurs importants <strong>de</strong> son époque, plus particulièrement Liszt,<br />

Men<strong>de</strong>lssohn et Chopin, puis Brahms. En 1834, il lança la revue Neue Zeitschrift für Musik, qui<br />

existe toujours aujourd’hui. Schumann est souvent décrit comme un hypersensible à tendance<br />

hypocondriaque ce qui fut un obstacle dans sa carrière <strong>de</strong> chef d’orchestre : les critiques<br />

louaient sa musicalité mais il peinait à instaurer une quelconque autorité sur les musiciens.<br />

L’hypersensibilité <strong>de</strong>vint une réelle fragilité psychique, qui se trouva renforcée par les dégâts<br />

que causèrent la syphilis qu’il avait contractée, en 1831, auprès d’une certaine « Christel ». Ses<br />

<strong>de</strong>rnières années furent marquées par <strong>de</strong> nombreuses difficultés : acouphène, hallucinations<br />

sonores ou visuelles, dépression. Schumann fut conduit le 4 mars 1854 à l’asile du Dr. Richarz à<br />

En<strong>de</strong>nich, près <strong>de</strong> Bonn, où il achève sa vie. Clara ne le revit que quelques jours avant sa mort<br />

en juillet 1856 et commenta ainsi cette ultime rencontre : « Il me sourit et d’un grand effort<br />

m’enserra dans ses bras. Et je ne donnerais pas cette étreinte pour tous les trésors du mon<strong>de</strong> ».<br />

Son œuvre est très abondante malgré la brièveté <strong>de</strong> sa vie : <strong>de</strong> nombreux lie<strong>de</strong>r, <strong>de</strong>s romances<br />

et balla<strong>de</strong>s pour chœurs (avec ou sans orchestre), quatre symphonies, un concerto pour piano,<br />

<strong>de</strong> très riches pièces pour piano seul, une très subtile musique <strong>de</strong> chambre (duos, trios, quatuors,<br />

quintettes), un opéra (Genoveva), etc.<br />

Max Bruch<br />

Max Bruch est un compositeur allemand né à Cologne en 1838 et mort à Berlin en 1920. On le<br />

considère à tort comme un compositeur académique. Il fut l’ami <strong>de</strong> Brahms qui a dit avoir été<br />

influencé par son Concerto pour violon n°1, opus 26, son œuvre la plus connue. Bruch a fréquenté<br />

tous les grands compositeurs <strong>de</strong> son temps dont Liszt, Wagner, Bruckner ou Mahler. De<br />

lui, on a également retenu la Fantaisie écossaise pour violon et orchestre et son Kol Nidre pour<br />

violoncelle et orchestre. Il fut également l’auteur <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux opéras (La Lorelei et Hermione), <strong>de</strong><br />

trois symphonies et d’une œuvre <strong>de</strong> chambre assez attachante. La consécration <strong>de</strong> la longue<br />

carrière musicale <strong>de</strong> Bruch fut la chaire <strong>de</strong> composition au Conservatoire <strong>de</strong> Berlin qu’il occupa<br />

<strong>de</strong> 1892 à 1910.<br />

<strong>Ultimes</strong> <strong>Balla<strong>de</strong>s</strong> - <strong>Fiche</strong> <strong>pédagogique</strong>


II) La balla<strong>de</strong>, un genre musical<br />

La balla<strong>de</strong> est d’abord un terme poétique qui apparaît au Moyen-Âge. Dans cette perspective, la<br />

balla<strong>de</strong> désigne une forme fixe qui comprend généralement trois huitains d’octosyllabes ou trois<br />

dizains <strong>de</strong> décasyllabes suivis d’un envoi composé soit d’un quatrain, soit d’un quintil. A la fin du<br />

XVIII e siècle, on désigne sous le nom <strong>de</strong> Balla<strong>de</strong> un poème généralement assez long qui développe<br />

un thème légendaire. Dans la littérature française, on connaît ainsi le recueil O<strong>de</strong>s et<br />

<strong>Balla<strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> Victor Hugo (1826). Tous les poètes romantiques allemands ont écrit <strong>de</strong>s poèmes<br />

<strong>de</strong> forme libre qui combinent motif légendaire une souplesse <strong>de</strong> registre permettant un lyrisme<br />

à <strong>de</strong> dimension plus épique. On connaît notamment <strong>de</strong> Goethe, la célèbre balla<strong>de</strong> : Le Roi <strong>de</strong>s<br />

aulnes (Erlkönig) ou celle <strong>de</strong> Heine : La Lorelei (Die Lorelei)<br />

Au Moyen-Âge, la balla<strong>de</strong> désigne également une chanson à danser et la danse qu’elle accompagnait.<br />

Avec le temps, le rapport à la danse s’est perdu. Mais la balla<strong>de</strong> est restée une forme<br />

musicale assez souple et relativement brève.<br />

Les sens poétiques et musicaux se sont évi<strong>de</strong>mment croisés, notamment pendant la pério<strong>de</strong><br />

romantique. Dans la musique alleman<strong>de</strong>, les balla<strong>de</strong>s poétiques sont <strong>de</strong>venues <strong>de</strong>s mélodies,<br />

<strong>de</strong>s lie<strong>de</strong>r très célèbres : Schubert mais aussi Loewe ont par exemple donné <strong>de</strong>s versions très<br />

impressionnantes du Roi <strong>de</strong>s aulnes. Dans ce cas, le piano accompagne une voix seule. La balla<strong>de</strong><br />

désigne donc un morceau <strong>de</strong> forme quelconque qui illustre le texte d’une balla<strong>de</strong> poétique<br />

(au sens romantique). Schumann a ainsi écrit <strong>de</strong> nombreuses balla<strong>de</strong>s pour chœur a cappella.<br />

Plus exactement, il s’agit <strong>de</strong> Romances et <strong>Balla<strong>de</strong>s</strong> (« Romanzen und Balla<strong>de</strong>n »). Les musicologues<br />

s’accor<strong>de</strong>nt pour dire qu’elles ont été en majorité écrites au printemps <strong>de</strong> l’année 1849.<br />

Men<strong>de</strong>lssohn et Brahms en ont également beaucoup composé.<br />

Pendant la pério<strong>de</strong> romantique, la poésie peut <strong>de</strong>venir une référence justifiant la composition <strong>de</strong><br />

la balla<strong>de</strong>. Ainsi, Schumann lui-même a dit que les Quatre <strong>Balla<strong>de</strong>s</strong> pour piano <strong>de</strong> Chopin<br />

(oeuvres sans paroles composées entre 1831 et 1842) sont en fait <strong>de</strong>s hommages aux balla<strong>de</strong>s<br />

du poète polonais Adam Mickiewicz (1798 – 1855). La voix a donc disparu <strong>de</strong> la balla<strong>de</strong>, la<br />

poésie n’est plus qu’une référence. Celle-ci peut même tendre à disparaître : si les musicologues<br />

rattachent la première <strong>de</strong>s Quatre <strong>Balla<strong>de</strong>s</strong> pour piano <strong>de</strong> Brahms (1854) à un poème<br />

écossais trouvé par Brahms dans une anthologie <strong>de</strong> poèmes populaires, les trois autres semblent<br />

n’avoir aucune référence littéraire précise. Elles désignent une atmosphère qu’on rattache<br />

souvent à son amour naissant pour Clara Schumann à moins qu’on ne fasse rencontrer à l’écoute<br />

<strong>de</strong> ces pièces la poésie et la promena<strong>de</strong> : la balla<strong>de</strong> et la bala<strong>de</strong> !<br />

<strong>Ultimes</strong> <strong>Balla<strong>de</strong>s</strong> - <strong>Fiche</strong> <strong>pédagogique</strong>


III) Les oeuvres<br />

La Malédiction du chanteur (Des Sängers Fluch)<br />

Schumann s’inspire <strong>de</strong> ce que l’on considère aujourd’hui comme l’une <strong>de</strong>s meilleures balla<strong>de</strong>s <strong>de</strong> l’écrivain romantique Ludwig Uhland (1787-<br />

1862). Ce <strong>de</strong>rnier fut très célèbre pendant tout le XIX e siècle puisque son premier recueil <strong>de</strong> poèmes connut pas moins <strong>de</strong> 64 rééditions. Uhland fut<br />

un combattant en faveur <strong>de</strong> la liberté et <strong>de</strong> l’émancipation et son œuvre poétique, écrite pour l’essentiel avant 1820, le révèle. Richard Pohl fut<br />

critique musical allemand (1826-1896). Il défendit notamment Liszt et Wagner dans la revue fondée par Schumann (Die neue Zeitschrift für Musik).<br />

La balla<strong>de</strong> originelle <strong>de</strong> Ludwig Uhland comprend 16 quatrains. L’adaptation <strong>de</strong> Richard Pohl et la musique <strong>de</strong> Schumann comprennent 14 parties et<br />

font intervenir cinq solistes, un chœur et un orchestre. Les personnages sont les suivants : la Récitante (mezzo-soprano), la Reine (soprano), le<br />

Jeune Homme (ténor), le Harpiste (baryton) et le Roi (basse).<br />

La Récitante situe l’action dans un passé lointain : <strong>de</strong>ux musiciens, l’un âgé (le Harpiste), l’autre jeune et joyeux (le Jeune Homme) se dirigent vers le<br />

beau château d’un roi maussa<strong>de</strong>. Le Harpiste encourage le Jeune Homme à chanter. Mais ce <strong>de</strong>rnier est angoissé : comment émouvoir le Roi et<br />

comment revoir sans trouble la Reine qu’il a connue jadis et qui est française comme lui ? Les voici tous <strong>de</strong>ux dans la salle du trône. Le Roi, terrifiant,<br />

ordonne <strong>de</strong> chanter pour la Reine. Celle-ci, fragile, <strong>de</strong>man<strong>de</strong> une mélodie <strong>de</strong> son pays. Accompagné du Harpiste, le Jeune Homme chante un<br />

chant provençal qui veut redonner vie à l’amour courtois. Alors que la foule est émue, le Roi s’énerve. Il veut un chant plus héroïque qui évoque une<br />

épreuve que l’épée résout par le sang. Le Harpiste chante alors un chant souabe : c’est la Balla<strong>de</strong> du roi Sifrid qui rappelle comment un troubadour a<br />

tué le roi Sifrid qui lui-même avait assassiné traîtreusement son frère. Dans la salle du trône, l’assistance pressent un drame alors que le Roi prend<br />

cette chanson pour un appel provocateur à la révolution.<br />

La Reine reproche au Harpiste son chant. Elle en souhaite un plus héroïque, à la gloire <strong>de</strong> la patrie et l’assistance encourage cette <strong>de</strong>man<strong>de</strong>. Les<br />

<strong>de</strong>ux musiciens chantent l’hymne germanique qui est un appel à la liberté. A l’exception du Roi, l’assistance est bouleversée. La Reine aspire à<br />

retourner en France, tandis que le Roi voit dans cet épiso<strong>de</strong> la marque d’une trahison qui se prépare. Il souhaite que les musiciens s’en aillent. La<br />

Reine les retient encore pour un <strong>de</strong>rnier chant. C’est le chant du « renoncement ». Toute l’assistance se <strong>de</strong>man<strong>de</strong> en tremblant si le Jeune Homme<br />

va oser chanter ce texte. Le Roi lui ordonne <strong>de</strong> commencer. Son chant raconte comment un troubadour amoureux, dans une cour méprisant l’amour,<br />

avait reçu <strong>de</strong> la reine un bague le faisant l’homme le plus riche du mon<strong>de</strong>. La Reine se joint au chant du Jeune Homme : le Roi, jaloux <strong>de</strong> cette complicité,<br />

tue le Jeune Homme. La Récitante intervient <strong>de</strong> nouveau pour dire comment le harpiste emporte le Jeune Homme, brise sa harpe et maudit<br />

le château. On entend alors la malédiction du Harpiste appelant l’anéantissement et l’oubli sur le château et sur le Roi. La Récitante et le Chœur<br />

interviennent une <strong>de</strong>rnière fois pour l’efficacité <strong>de</strong> cette malédiction : plus aucune chanson ne rappelle le nom du Roi, totalement oublié.<br />

Schumann n’entendit jamais cette partition. La création, prévue en 1852, ne put avoir lieu, faute d’une harpe dont le rôle est essentiel dans la partition.<br />

Les musicologues insistent sur la variété <strong>de</strong>s styles musicaux dans cette œuvre et sur la <strong>de</strong>xtérité <strong>de</strong> Schumann à diversifier les rapports entre<br />

l’orchestre, le chœur et les solistes.<br />

Le Page et la Fille du Roi (Vom Pagen und <strong>de</strong>r Köngistochter)<br />

Schumann s’inspire cette fois <strong>de</strong> quatre balla<strong>de</strong>s du poète Emmanuel Geibel (1815-1884). Ce poète est aujourd’hui bien oublié mais il fut considéré<br />

<strong>de</strong> son vivant comme l’un <strong>de</strong>s plus grands poètes du XIX e siècle, comparé à Goethe. À sa mort, ses poèmes avaient été édités près <strong>de</strong> cent fois !<br />

Schumann adapte lui-même les quatre balla<strong>de</strong>s <strong>de</strong> Geibel, pour les besoins <strong>de</strong> la partition. Ainsi les quatre poèmes donnent naissance à quatre<br />

parties qui font apparaître un dispositif vocal plus complexe que celui <strong>de</strong> La Malédiction du Chanteur : la Récitante (mezzo-soprano), la Reine <strong>de</strong>s<br />

Nymphes (soprano), la Princesse (soprano ou mezzo-soprano), le Page (ténor), le Triton (baryton), le Ménestrel (baryton) et le Roi (basse). Les<br />

quatre balla<strong>de</strong>s sont adaptées en quatre parties.<br />

Dans la première balla<strong>de</strong>, la Récitante raconte comment le vieux Roi et ses hommes partent à la chasse. La Princesse les accompagne ; elle<br />

s’écarte du chemin et le Page lui déclare son amour. S’ensuit un duo amoureux dans la forêt alors qu’on entend au loin la chasse. La Récitante introduit<br />

un dialogue entre le Roi et le Page, dialogue pendant lequel, reconnaissant au doigt du Page une bague <strong>de</strong> sa fille, le Roi tue le Page et l’envoie<br />

courtiser la Reine <strong>de</strong>s nymphes. Et le page, mort, <strong>de</strong> s’enfoncer sur son cheval dans la mer. La troisième balla<strong>de</strong> se passe chez les nymphes. Le<br />

Triton (ou plus exactement l’Homme <strong>de</strong> la mer – <strong>de</strong>r Meermann, en allemand) les fait danser lorsqu’elles découvrent les ossements d’un homme.<br />

La Reine <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au Triton <strong>de</strong> fabriquer une harpe avec ces os. Il s’exécute et <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à la Reine ses cheveux d’or pour servir <strong>de</strong> cor<strong>de</strong>s. Tout se<br />

calme et s’endort au son <strong>de</strong> cette harpe magique. La Récitante raconte dans la quatrième balla<strong>de</strong> le mariage <strong>de</strong> la Princesse avec un prince<br />

<strong>Ultimes</strong> <strong>Balla<strong>de</strong>s</strong> - <strong>Fiche</strong> <strong>pédagogique</strong>


étranger. Mais le Triton au loin <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à ce qu’on écoute la harpe magique. Le Ménestrel ne peut plus jouer, il doit laisser la place au Triton et à la<br />

triste mélodie <strong>de</strong> la harpe. La Princesse pense à son page, mille fois plus beau que ce prince paré <strong>de</strong> bijoux. La Reine s’effondre. Le Roi sort <strong>de</strong> la<br />

salle avec terreur, le Prince s’enfuit à cheval. La princesse repose inanimée : le chagrin lui a brisé le cœur. Une aube grise se répand, la harpe du<br />

Triton reste silencieuse.<br />

C’est Schumann qui dirigea la première audition <strong>de</strong> cette balla<strong>de</strong>, le 2 décembre 1852, à Düsseldorf. Les musicologues soulignent la parenté d’écriture<br />

avec La Malédiction du chanteur. Ils insistent particulièrement sur les prouesses <strong>de</strong> l’orchestration et sur ses relations avec le chœur dans<br />

l’évocation du mon<strong>de</strong> marin : l’orchestre y est très « enveloppant » et développe <strong>de</strong>s « harmonies savoureuses » pour reprendre les mots <strong>de</strong> Chr.<br />

Goubault.<br />

Ouverture <strong>de</strong> l’opéra La Lorelei (Die Lorelei)<br />

La Lorelei est d’abord un escarpement rocheux, haut <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 130 mètres, sur la rive gauche du Rhin, près <strong>de</strong> Sankt-Goarshausen. La légen<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

la Lorelei, nymphe qui attire les navigateurs du Rhin et les perd, fut inventée par l’écrivain Clemens Brentano, dans une balla<strong>de</strong> <strong>de</strong> son roman Godwi<br />

(1801). Le poète Heinrich Heine développa cette légen<strong>de</strong> dans une balla<strong>de</strong> célèbre <strong>de</strong> son Livre <strong>de</strong> poèmes (1827). Ce poème fut mis en musique par<br />

Liszt dès 1841 (il revint plusieurs fois sur cette composition) et par Clara Schumann en 1843. Le poète Emmanuel Geibel écrivit en 1846-47 un livret<br />

pour Men<strong>de</strong>lssohn qui en composa d’importants fragments. Max Bruch reprit ce livret et composa un opéra en quatre actes qui fut créé en 1863.<br />

L’opéra <strong>de</strong> Bruch se présente comme une succession <strong>de</strong> scènes illustrant les passions <strong>de</strong>s personnages : le comte palatin Otto amoureux d’une<br />

certaine Léonore, rencontrée au bord du Rhin. La légen<strong>de</strong> et la magie ne jouent qu’un rôle restreint dans cette œuvre. L’ouverture peut être écoutée<br />

comme une sorte <strong>de</strong> voyage sur le Rhin. On y entend clairement un appel aux sentiments donné par un orchestre assez fourni.<br />

<strong>Ultimes</strong> <strong>Balla<strong>de</strong>s</strong> - <strong>Fiche</strong> <strong>pédagogique</strong>


IV) Pistes <strong>pédagogique</strong>s<br />

Pour préparer la venue <strong>de</strong>s élèves<br />

On pourra trouver, sur <strong>de</strong>s sites vendant <strong>de</strong>s disques d’occasion, l’interprétation que le chef Michaël Schonwandt proposa <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux balla<strong>de</strong>s,<br />

en 2 cd publiés chez Chandos. Le premier propose la Troisième Symphonie <strong>de</strong> Schumann et La Malédiction du Chanteur, le second associe la<br />

Quatrième Symphonie et Le Page et la Fille du Roi.<br />

Un coffret <strong>de</strong> 9 cd, intitulé Robert Schumann – Die Grossen Chorwerke – The Great Choral Works, publié chez Emi, comprend également ces<br />

<strong>de</strong>ux œuvres (disques 6 et 7). Il est également épuisé…<br />

On pourra cependant entendre un extrait <strong>de</strong> La Malédiction du Chanteur sur le site youtube (http://www.youtube.com/watch?v=DUNyCIQ8uIM).<br />

Sur le même site, on trouve un extrait pour baryton et piano <strong>de</strong> la partition Le Page et la Fille du Roi (http://www.youtube.com/<br />

watch?v=A1qwEAH5RGE).<br />

Si l’on travaille avec un professeur d’allemand, on trouvera les textes originaux <strong>de</strong> Ludwig Uhland et d’Emmanuel Geibel qui ont inspiré<br />

Schumann. Il suffit d’aller sur les <strong>de</strong>ux sites suivants :<br />

http://www.autoren-gedichte.<strong>de</strong>/uhland/<strong>de</strong>s-saengers-fluch.htm<br />

http://www.<strong>de</strong>utsche-liebeslyrik.<strong>de</strong>/balla<strong>de</strong>n/balla<strong>de</strong>n_geibel1.htm<br />

Ce sont évi<strong>de</strong>mment les poèmes en allemand. Aucune traduction en français <strong>de</strong> ces balla<strong>de</strong>s ne semble aujourd’hui disponible.<br />

Le travail peut consister à découvrir avec les élèves que ces poèmes établissent tous un rapport à la mort et au surnaturel d’une manière<br />

exacerbée.<br />

On pourrait s’appuyer également sur un travail lié à la peinture romantique. On s’appuiera notamment sur les <strong>de</strong>ssins <strong>de</strong> Victor Hugo à partir<br />

du site <strong>de</strong> la BNF qui propose <strong>de</strong>s pistes <strong>pédagogique</strong>s intéressantes.<br />

http://expositions.bnf.fr/hugo/pedago/dossiers/exp/pistes/<strong>de</strong>ssins.htm<br />

Évi<strong>de</strong>mment, ce travail peut se faire aussi bien pour préparer le concert que pour le commenter. Il est important <strong>de</strong> montrer que ce concert<br />

est lié à un mouvement littéraire et culturel qui a <strong>de</strong>s ramifications dans tous les arts. On pourra s’ai<strong>de</strong>r notamment du volume Le<br />

Romantisme publié aux éditions GF – Flammarion dans la collection « Étonnants classiques. », 2002, édition revue et corrigée en 2008.<br />

L’univers du concert <strong>Ultimes</strong> balla<strong>de</strong>s peut être rapproché <strong>de</strong> ce que ce volume considère comme l’un <strong>de</strong>s points cardinaux du romantisme, Le<br />

culte du rêve.<br />

On peut tirer profit <strong>de</strong> ce concert pour commencer ou poursuivre un travail sur le romantisme, notamment à partir <strong>de</strong> la notion <strong>de</strong> « Balla<strong>de</strong> »<br />

romantique, qu’on trouvera dans les différents poèmes suivants.<br />

Gérard <strong>de</strong> Nerval a traduit un poème <strong>de</strong> Ludwig Uhland, La Séréna<strong>de</strong> <strong>de</strong> la manière suivante :<br />

La Séréna<strong>de</strong><br />

- Oh ! quel doux chant m’éveille ?<br />

- Près <strong>de</strong> ton lit, je veille,<br />

Ma fille ! et n’entends rien...<br />

Rendors-toi, c’est chimère !<br />

- J’entends <strong>de</strong>hors, ma mère,<br />

Un chœur aérien !...<br />

- Ta fièvre va renaître<br />

- Ces chants <strong>de</strong> la fenêtre<br />

Semblent s’être approchés.<br />

- Dors, pauvre enfant mala<strong>de</strong>,<br />

Qui rêves séréna<strong>de</strong>...<br />

Les galants sont couchés !<br />

- Les hommes ! que m’importe ?<br />

Un nuage m’emporte...<br />

Adieu le mon<strong>de</strong>, adieu !<br />

Mère, ces sons étranges<br />

C’est le concert <strong>de</strong>s anges<br />

Qui m’appellent à Dieu !<br />

<strong>Ultimes</strong> <strong>Balla<strong>de</strong>s</strong> - <strong>Fiche</strong> <strong>pédagogique</strong>


On trouvera ce poème dans le volume Gérard <strong>de</strong> Nerval, Lénore et autres poèmes allemands, Gallimard, Poésie, 2005, p. 206.<br />

Nerval a également traduit, en prose, la balla<strong>de</strong> <strong>de</strong> Goethe, Le Roi <strong>de</strong>s aulnes (« Erlkönig »). On trouve cette traduction dans le volume<br />

nommé ci-<strong>de</strong>ssus, p. 71-72.<br />

Le Roi <strong>de</strong>s Aulnes<br />

Qui voyage si tard par la nuit et le vent ? C’est le père et son fils, petit enfant qu’il serre dans ses bras pour le garantir <strong>de</strong> l’humidité et le tenir<br />

bien chau<strong>de</strong>ment.<br />

« Mon enfant, qu’as-tu à cacher ton visage avec tant d’inquiétu<strong>de</strong> ? - Papa, ne vois-tu pas le roi <strong>de</strong>s Aulnes ?... le roi <strong>de</strong>s Aulnes, avec sa<br />

couronne et sa queue ? - Rien, mon fils, qu’une ligne <strong>de</strong> brouillard. »<br />

« Viens, charmant enfant, viens avec moi... À quels beaux jeux nous jouerons ensemble ; il y a <strong>de</strong> bien jolies fleurs sur les bords du ruisseau,<br />

et, chez ma mère, <strong>de</strong>s habits tout brodés d’or ! »<br />

« Mon père, mon père, entends-tu ce que le roi <strong>de</strong>s Aulnes me promet tout bas ? - Sois tranquille, enfant, sois tranquille ; c’est le vent qui<br />

murmure parmi les feuilles séchées. »<br />

« Beau petit, viens avec moi ! mes filles t’atten<strong>de</strong>nt déjà : elles dansent la nuit, mes filles ; elles te caresseront, joueront et chanteront pour<br />

toi. »<br />

« Mon père, mon père, ne vois-tu pas les filles du roi <strong>de</strong>s Aulnes, là-bas où il fait sombre ? - Mon fils, je vois ce que tu veux dire... Je vois<br />

les vieux saules, qui sont tout gris ! »<br />

« Je t’aime, petit enfant ; ta figure me charme ; viens avec moi <strong>de</strong> bonne volonté, ou <strong>de</strong> force je t’entraîne. »<br />

« Mon père ! mon père ! il me saisit, il m’a blessé, le roi <strong>de</strong>s Aulnes ! »<br />

Le père frissonne, il précipite sa marche, serre contre lui son fils, qui respire péniblement, atteint enfin sa <strong>de</strong>meure... L’enfant était mort dans<br />

ses bras.<br />

Dans l’Anthologie bilingue <strong>de</strong> la poésie alleman<strong>de</strong>, Gallimard, bibliothèque <strong>de</strong> la Pléia<strong>de</strong>, 1993, on trouve la traduction suivante du poème <strong>de</strong><br />

Heine, La Lorelei, proposée par Jean-Pierre Lefebvre.<br />

La Lorelei<br />

Je ne sais pas d’où vient cette gran<strong>de</strong> tristesse<br />

En moi, ni ce qu’elle veut dire ;<br />

Un conte d’autrefois que je ne cesse<br />

D’entendre dans mon souvenir.<br />

L’air fraîchit, c’est l’heure où <strong>de</strong>scend l’ombre<br />

Et le Rhin court paisiblement,<br />

Le couchant fait à la montagne sombre<br />

Un sommet d’or étincelant.<br />

Tout en haut du rocher la plus belle <strong>de</strong>s filles<br />

Est merveilleusement assise sur le bord,<br />

Sa parure d’or scintille,<br />

Elle peigne ses cheveux d’or.<br />

Les peigne avec un peigne d’or<br />

Et chante, ses cheveux peignant,<br />

Une chanson, un air étrange et fort,<br />

Mélodieux et violent.<br />

Le marinier sur son fragile esquif,<br />

Ça lui fait mal sauvagement<br />

Ses yeux ne voient pas les récifs,<br />

Ils sont là-haut éperdument.<br />

L’on<strong>de</strong>, je crois, finalement<br />

Engloutit l’homme et sa nacelle<br />

Et c’est la Lorelei, c’est elle<br />

Qui les a perdus par son chant.<br />

<strong>Ultimes</strong> <strong>Balla<strong>de</strong>s</strong> - <strong>Fiche</strong> <strong>pédagogique</strong>


Dans les O<strong>de</strong>s et <strong>Balla<strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> Victor Hugo (1826), on trouve notamment ce poème<br />

LA FÉE ET LA PÉRI<br />

I)<br />

Enfants ! si vous mouriez, gar<strong>de</strong>z bien qu’un esprit<br />

De la route <strong>de</strong>s cieux ne détourne votre âme !<br />

Voici ce qu’autrefois un vieux sage m’apprit : -<br />

Quelques démons, sauvés <strong>de</strong> l’éternelle flamme,<br />

Rebelles moins pervers que l’Archange proscrit,<br />

Sur la terre, où le feu, l’on<strong>de</strong> ou l’air les réclame,<br />

Atten<strong>de</strong>nt, exilés, le jour <strong>de</strong> Jésus-Christ.<br />

Il en est qui, bannis <strong>de</strong>s célestes phalanges,<br />

Ont <strong>de</strong> si douces voix qu’on les prend pour <strong>de</strong>s anges.<br />

Craignez-les : pour mille ans exclus du paradis,<br />

Ils vous entraîneraient, enfants, au purgatoire ! –<br />

Ne me <strong>de</strong>man<strong>de</strong>z pas d’où me vient cette histoire ;<br />

Nos pères l’ont contée ; et moi, je la redis.<br />

II)<br />

LA PÉRI : Où vas-tu donc, jeune âme ?... Ecoute !<br />

Mon palais pour toi veut s’ouvrir.<br />

Suis-moi, <strong>de</strong>s cieux quitte la route ;<br />

Hélas ! tu t’y perdrais sans doute,<br />

Nouveau-né, qui viens <strong>de</strong> mourir !<br />

Tu pourras jouer à toute heure<br />

Dans mes beaux jardins aux fruits d’or ;<br />

Et <strong>de</strong> ma riante <strong>de</strong>meure<br />

Tu verras ta mère qui pleure<br />

Près <strong>de</strong> ton berceau, tiè<strong>de</strong> encor.<br />

Des Péris je suis la plus belle ;<br />

Mes sœurs règnent où naît le jour ;<br />

Je brille en leur troupe immortelle,<br />

Comme entre les fleurs brille celle<br />

Que l’on cueille en rêvant d’amour.<br />

Mon front porte un turban <strong>de</strong> soie ;<br />

Mes bras <strong>de</strong> rubis sont couverts ;<br />

Quand mon vol ar<strong>de</strong>nt se déploie,<br />

L’aile <strong>de</strong> pourpre qui tournoie<br />

Roule trois yeux <strong>de</strong> flamme ouverts.<br />

Plus blanc qu’une lointaine voile,<br />

Mon corps n’en a point la pâleur ;<br />

En quelque lieu qu’il se dévoile,<br />

Il l’éclaire comme une étoile,<br />

Il l’embaume comme une fleur.<br />

LA FÉE : Viens, bel enfant ! je suis la Fée.<br />

Je règne aux bords où le soleil<br />

Au sein <strong>de</strong> l’on<strong>de</strong> réchauffée<br />

Se plonge, éclatant et vermeil.<br />

Les peuples d’Occi<strong>de</strong>nt m’adorent :<br />

Les vapeurs <strong>de</strong> leur ciel se dorent,<br />

Lorsque je passe en les touchant ;<br />

Reine <strong>de</strong>s ombres léthargiques,<br />

Je bâtis mes palais magiques<br />

Dans les nuages du couchant.<br />

Mon aile bleue est diaphane ;<br />

L’essaim <strong>de</strong>s Sylphes enchantés<br />

Croit voir sur mon dos, quand je plane,<br />

Frémir <strong>de</strong>ux rayons argentés.<br />

Ma main luit, rose et transparente ;<br />

Mon souffle est la brise odorante<br />

Qui, le soir, erre dans les champs ;<br />

Ma chevelure est radieuse,<br />

Et ma bouche mélodieuse<br />

Mêle un sourire à tous ses chants.<br />

J’ai <strong>de</strong>s grottes <strong>de</strong> coquillages ;<br />

J’ai <strong>de</strong>s tentes <strong>de</strong> rameaux verts ;<br />

C’est moi que bercent les feuillages,<br />

Moi que berce le flot <strong>de</strong>s mers.<br />

Si tu me suis, ombre ingénue,<br />

Je puis t’apprendre où va la nue,<br />

Te montrer d’où viennent les eaux ;<br />

Viens, sois ma compagne nouvelle,<br />

Si tu veux que je te révèle<br />

Ce que dit la voix <strong>de</strong>s oiseaux.<br />

<strong>Ultimes</strong> <strong>Balla<strong>de</strong>s</strong> - <strong>Fiche</strong> <strong>pédagogique</strong>


III<br />

LA PÉRI : Ma sphère est l’Orient, région éclatante,<br />

Où le soleil est beau comme un roi dans sa tente !<br />

Son disque s’y promène en un ciel toujours pur.<br />

Ainsi, portant l’émir d’une riche contrée,<br />

Aux sons <strong>de</strong> la flûte sacrée,<br />

Vogue un navire d’or sur une mer d’azur.<br />

Tous les dons ont comblé la zone orientale.<br />

Dans tout autre climat, par une loi fatale,<br />

Près <strong>de</strong>s fruits savoureux croissent les fruits amers ;<br />

Mais Dieu, qui pour l’Asie a <strong>de</strong>s yeux moins austères,<br />

Y donne plus <strong>de</strong> fleurs aux terres,<br />

Plus d’étoiles aux cieux, plus <strong>de</strong> perles aux mers.<br />

Mon royaume s’étend <strong>de</strong>puis ces catacombes<br />

Qui paraissent <strong>de</strong>s monts et ne sont que <strong>de</strong>s tombes,<br />

Jusqu’à ce mur qu’un peuple ose en vain assiéger,<br />

Qui, tel qu’une ceinture où le Cathay respire,<br />

Environnant tout un empire,<br />

Gar<strong>de</strong> dans l’univers comme un mon<strong>de</strong> étranger.<br />

J’ai <strong>de</strong> vastes cités qu’en tous lieux on admire :<br />

Lahore aux champs fleuris ; Golcon<strong>de</strong> ; Cachemire ;<br />

La guerrière Damas ; la royale Ispahan ;<br />

Bagdad, que ses remparts couvrent comme une armure ;<br />

Alep, dont l’immense murmure<br />

Semble au pâtre lointain le bruit d’un océan.<br />

Mysore est sur son trône une reine placée ;<br />

Médine aux mille tours, d’aiguilles hérissée,<br />

Avec ses flèches d’or, ses kiosques brillants,<br />

Est comme un bataillon, arrêté dans les plaines,<br />

Qui parmi ses tentes hautaines,<br />

Élève une forêt <strong>de</strong> dards étincelants.<br />

On dirait qu’au désert, Thèbes, <strong>de</strong>bout encore,<br />

Attend son peuple entier, absent <strong>de</strong>puis l’aurore.<br />

Madras a <strong>de</strong>ux cités dans ses larges contours.<br />

Plus loin brille Delhy, la ville sans rivales,<br />

Et sous ses portes triomphales<br />

Douze éléphants <strong>de</strong> front passent avec leurs tours.<br />

Bel enfant ! viens errer, parmi tant <strong>de</strong> merveilles,<br />

Sur ces toits pleins <strong>de</strong> fleurs ainsi que <strong>de</strong>s corbeilles,<br />

Dans le camp vagabond <strong>de</strong>s arabes ligués.<br />

Viens ; nous verrons danser les jeunes bayadères,<br />

Le soir, lorsque les dromadaires<br />

Près du puits du désert s’arrêtent fatigués.<br />

Là, sous <strong>de</strong> verts figuiers, sous d’épais sycomores,<br />

Luit le dôme d’étain du minaret <strong>de</strong>s maures ;<br />

La pago<strong>de</strong> <strong>de</strong> nacre au toit rose et changeant ;<br />

La tour <strong>de</strong> porcelaine aux clochettes dorées ;<br />

Et, dans les jonques azurées,<br />

Le palanquin <strong>de</strong> pourpre aux longs ri<strong>de</strong>aux d’argent.<br />

J’écarterai pour toi les rameaux du platane<br />

Qui voile dans son bain la rêveuse sultane ;<br />

Viens, nous rassurerons contre un ingrat oubli<br />

La vierge qui, timi<strong>de</strong>, ouvrant la nuit sa porte,<br />

Ecoute si le vent lui porte<br />

La voix qu’elle préfère au chant du bengali.<br />

L’Orient fut jadis le paradis du mon<strong>de</strong>.<br />

Un printemps éternel <strong>de</strong> ses roses l’inon<strong>de</strong>,<br />

Et ce vaste hémisphère est un riant jardin.<br />

Toujours autour <strong>de</strong> nous sourit la douce joie ;<br />

Toi qui gémis, suis notre voie,<br />

Que t’importe le ciel, quand je t’ouvre l’é<strong>de</strong>n ?<br />

LA FÉE : L’Occi<strong>de</strong>nt nébuleux est ma patrie heureuse.<br />

Là, variant dans l’air sa forme vaporeuse,<br />

Fuit la blanche nuée, - et <strong>de</strong> loin, bien souvent,<br />

Le mortel isolé qui, radieux ou sombre,<br />

Poursuit un songe ou pleure une ombre,<br />

Assis, la contemple en rêvant !<br />

Car il est <strong>de</strong>s douceurs pour les âmes blessées<br />

Dans les brumes du lac sur nos bois balancées,<br />

Dans nos monts où l’hiver semble à jamais s’asseoir,<br />

Dans l’étoile, pareille à l’espoir solitaire,<br />

Qui vient, quand le jour fuit la terre,<br />

Mêler son orient au soir.<br />

Nos cieux voilés plairont à ta douleur amère,<br />

<strong>Ultimes</strong> <strong>Balla<strong>de</strong>s</strong> - <strong>Fiche</strong> <strong>pédagogique</strong>


Enfant que Dieu retire et qui pleure ta mère !<br />

Viens, l’écho <strong>de</strong>s vallons, les soupirs du ruisseau,<br />

Et la voix <strong>de</strong>s forêts au bruit <strong>de</strong>s vents unie,<br />

Te rendront la vague harmonie<br />

Qui t’endormait dans ton berceau.<br />

Crains <strong>de</strong>s bleus horizons le cercle monotone.<br />

Les brouillards, les vapeurs, le nuage qui tonne,<br />

Tempèrent le soleil dans nos cieux parvenu ;<br />

Et l’œil voit au loin fuir leurs lignes nébuleuses,<br />

Comme <strong>de</strong>s flottes merveilleuses<br />

Qui viennent d’un mon<strong>de</strong> inconnu.<br />

C’est pour moi que les vents font, sur nos mers bruyantes,<br />

Tournoyer l’air et l’on<strong>de</strong> en trombes foudroyantes ;<br />

La tempête à mes chants suspend son vol fatal ;<br />

L’arc-en-ciel pour mes pieds, qu’un or flui<strong>de</strong> arrose,<br />

Comme un pont <strong>de</strong> nacre, se pose<br />

Sur les casca<strong>de</strong>s <strong>de</strong> cristal.<br />

Du moresque Alhambra j’ai les frêles portiques ;<br />

J’ai la grotte enchantée aux piliers basaltiques,<br />

Où la mer <strong>de</strong> Staffa brise un flot inégal ;<br />

Et j’ai<strong>de</strong> le pêcheur, roi <strong>de</strong>s vagues brumeuses,<br />

À bâtir ses huttes fumeuses<br />

Sur les vieux palais <strong>de</strong> Fingal.<br />

Épouvantant les nuits d’une trompeuse aurore,<br />

Là, souvent à ma voix un rouge météore<br />

Croise en voûte <strong>de</strong> feu ses gerbes dans les airs ;<br />

Et le chasseur, <strong>de</strong>bout sur la roche pendante,<br />

Croit voir une comète ar<strong>de</strong>nte<br />

Baignant ses flammes dans les mers.<br />

Viens, jeune âme, avec moi, <strong>de</strong> mes sœurs obéie,<br />

Peupler <strong>de</strong> gais follets la morose abbaye ;<br />

Mes nans et mes géants te suivront à ma voix ;<br />

Viens, troublant <strong>de</strong> ton cor les monts inaccessibles,<br />

Gui<strong>de</strong>r ces meutes invisibles<br />

Qui, la nuit, chassent dans nos bois.<br />

Tu verras les barons, sous leurs tours féodales,<br />

De l’humble pèlerin détachant les sandales ;<br />

Et les sombres créneaux d’écussons décorés ;<br />

Et la dame tout bas priant, pour un beau page,<br />

Quelque mystérieuse image<br />

Peinte sur <strong>de</strong>s vitraux dorés.<br />

C’est nous qui, visitant les gothiques églises,<br />

Ouvrons leur nef sonore au murmure <strong>de</strong>s brises ;<br />

Quand la lune du tremble argente les rameaux,<br />

Le pâtre voit dans l’air, avec <strong>de</strong>s chants mystiques,<br />

Folâtrer nos chœurs fantastiques<br />

Autour du clocher <strong>de</strong>s hameaux.<br />

De quels enchantements l’Occi<strong>de</strong>nt se décore ! –<br />

Viens, le ciel est bien loin, ton aile est faible encore !<br />

Oublie en notre empire un voyage fatal.<br />

Un charme s’y révèle aux lieux les plus sauvages ;<br />

Et l’étranger dit nos rivages<br />

Plus doux que le pays natal !<br />

IV)<br />

Et l’enfant hésitait, et déjà moins rebelle<br />

Écoutait <strong>de</strong>s esprits l’appel fallacieux ;<br />

La terre qu’il fuyait semblait pourtant si belle !<br />

Soudain il disparut à leur vue infidèle…<br />

Il avait entrevu les cieux !<br />

Juillet 1824<br />

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