L'objet gardé, jeté, réinventé dans l'Art - Ville de Dijon
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<strong>L'objet</strong> <strong>gardé</strong>, <strong>jeté</strong>, <strong>réinventé</strong> <strong>dans</strong> <strong>l'Art</strong> Sophie Jolivet ; Laura Chamaran<strong>de</strong><br />
Pourquoi traiter ensemble l'objet et le déchet <strong>dans</strong> l'art ? Parce qu'ils ne sont que <strong>de</strong>ux états <strong>de</strong> la matière<br />
artistique, qui peuvent être à la fois matière première et sujet <strong>de</strong> représentation.<br />
I. Art et objet<br />
Le centre Pompidou met en ligne <strong>de</strong>s dossiers documentaires sur <strong>de</strong>s thématiques et <strong>de</strong>s travaux d'artistes.<br />
Ainsi, la synthèse proposée ici s'inspire du dossier « l'Objet <strong>dans</strong> l'art au XXè siècle » réalisé par Margherita<br />
LEONI-FIGINI, Vanessa MORISSET et la direction <strong>de</strong> l’action éducative et <strong>de</strong>s publics, mis en ligne en 2004.<br />
<strong>L'objet</strong> est présent <strong>dans</strong> l'art à toute époque, et <strong>dans</strong> tout contexte, mais c'est au XVIè siècle que la<br />
représentation <strong>de</strong> l’objet inanimé <strong>de</strong>vient autonome et constitue un genre à part entière, celui <strong>de</strong> la nature<br />
morte, peinture d’objets qui posent, comme suspendus <strong>dans</strong> le temps et agencés par la main <strong>de</strong> l’artiste.<br />
Crânes, instruments <strong>de</strong> musique, miroirs, corbeilles <strong>de</strong> fleurs et <strong>de</strong> fruits semblent enfermer le spectateur<br />
<strong>dans</strong> le mon<strong>de</strong> muet <strong>de</strong>s choses. Les XVIè et XVIIè siècles hollandais sont riches en tables servies <strong>de</strong><br />
verres transparents et <strong>de</strong> fruits épluchés, tandis que les vanités s’affirment en France où brille un siècle plus<br />
tard le génie incontesté <strong>de</strong> ce genre : Chardin.<br />
Cézanne fait <strong>de</strong> la nature morte, car elle présente un répertoire inépuisable <strong>de</strong> formes, <strong>de</strong> couleurs et <strong>de</strong><br />
lumières, le champ <strong>de</strong> prédilection <strong>de</strong> sa création picturale. Les cubistes y voient le genre le mieux adapté<br />
pour rendre, en peinture, la question <strong>de</strong> la représentation <strong>de</strong> l’espace.<br />
Picasso, Nature morte à la chaise cannée, 1912 : Déjà en 1912 avec cette toile révolutionnaire, Picasso<br />
introduit <strong>dans</strong> le tableau un bout <strong>de</strong> toile cirée pour le cannage et une cor<strong>de</strong> pour matérialiser l’ovale du<br />
cadre. Des éléments prélevés au réel remplacent donc, par endroit, la représentation et dialoguent avec les<br />
parties peintes. L’objet ou plutôt <strong>de</strong>s fragments d’objets réels envahissent la représentation.<br />
Mais c’est à Duchamp que revient le geste radical transformant, par la seule déclaration <strong>de</strong> l’artiste, l’objet<br />
quotidien manufacturé en œuvre d’art. Les premiers ready-ma<strong>de</strong> datent <strong>de</strong> 1913. (Exemple Duchamp,<br />
Bottle, 1914). Depuis, l’objet sort du cadre <strong>de</strong> la peinture et envahit le mon<strong>de</strong> réel se présentant en tant que<br />
tel <strong>dans</strong> la scène <strong>de</strong> l’art. Il se prête aux détournements et aux assemblages les plus surprenants <strong>de</strong>s<br />
surréalistes, aux « accumulations », « compressions » et différents « pièges » <strong>de</strong>s Nouveaux réalistes, aux<br />
mises en scène <strong>de</strong> la nouvelle sculpture objective contemporaine, en passant par l’adhésion enthousiaste et<br />
critique à la fois du Pop art américain qui a fait d’une société <strong>de</strong> consommation et <strong>de</strong> ses objets le sujet<br />
principal <strong>de</strong> son art. L’objet interpelle l’art au XXè siècle, son statut et ses limites, qu’il repousse <strong>de</strong> plus en<br />
plus loin.<br />
I.1. Représenter l'objet : l'expérience cubiste<br />
Les cubistes, <strong>dans</strong> les années 1910 représentent l'objet quotidien en superposant <strong>dans</strong> le même plan leurs<br />
multiples facettes. <strong>L'objet</strong> ne bouge pas, mais en se déplaçant, le spectateur change la perspective qu'il a<br />
sur l'objet à tout moment. C'est ce que cherche à représenter l'art cubiste. Les recherches plastiques <strong>de</strong><br />
Georges Braque (1882-1963) et <strong>de</strong> Pablo Picasso (1881-1973) sont les plus connues. (Exemple Le<br />
Portugais <strong>de</strong> Georges Braque, 1912).<br />
Ils les mettent en pratique d’abord <strong>dans</strong> la phase dite analytique où domine une « réalité <strong>de</strong> conception », à<br />
laquelle se plie la représentation du mon<strong>de</strong>. A partir <strong>de</strong> l’expérience <strong>de</strong>s papiers collés, inventés par Braque<br />
à l’automne 1912 et continuée par Picasso, commence l’autre phase dite synthétique du Cubisme qui se<br />
caractérise par un retour à la réalité et une autre façon <strong>de</strong> dire le réel. <strong>L'objet</strong> y est comme « résumé », d'où<br />
l'appellation synthétique.<br />
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