L'objet gardé, jeté, réinventé dans l'Art - Ville de Dijon

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L'objet gardé, jeté, réinventé dans l'Art Sophie Jolivet ; Laura Chamarande « Je veux être une machine », proclame t-il, en légitimant son procédé mécanique de reproduction de l’image, écho d’une société sans âme que son œuvre représente et par là-même critique. Il se fait le représentant d’une société capitaliste à son apogée mais qui est néanmoins troublée par l’image de la mort. Accidents routiers, chaises électriques incarnent l’autre face de son art. Le 27 Octobre 1960, chez Yves Klein, rue Campagne Première à Paris, advient la naissance officielle du Nouveau Réalisme qui réunit une dizaine d’artistes : Arman, François Dufrêne, Raymond Hains, Yves Klein, Martial Raysse, Daniel Spœrri, Jacques Mahé de la Villéglé, Jean Tinguely. Leur signature sera suivie de celle du critique qui sera leur porte-parole, Pierre Restany. La déclaration, qui tient en deux phrases, annonce le programme : « Le jeudi 27 Octobre les Nouveaux Réalistes ont pris conscience de leur singularité collective. Nouveau Réalisme = nouvelle approche perceptive du réel ». A ces premiers noms s’ajouteront ensuite ceux de César, Gérard Deschamps, Mimmo Rotella et Niki de Saint Phalle. L’année suivante Restany, dans un texte intitulé 40° au dessus de Dada, situait ce mouvement dans la filiation de Dada et de Duchamp. Tout en présentant des démarches très différentes, ces artistes ont en commun le même intérêt porté à l’imagerie de la culture de masse dont ils s’approprient les objets. « Les Prisunics sont les musées d’art moderne » osera affirmer Raysse. Si Arman « accumule » ses objets selon une logique quantitative qui en efface la singularité, César, qui fait des tôles de voiture son objet fétiche, les « compresse », pour aboutir à des immenses parallélépipèdes qui tiennent au sol comme des sculptures polychromes. Spœrri, avec ses « tableaux-pièges », capte des instants du réel en s’appropriant les restes de repas qu’il place avec leur plateau à la verticale. Raysse élabore des assemblages où l’image photographique de femmes, anonymes et stéréotypées, joue avec l’objet réel dans une véritable « poésie objective », tandis que Tinguely, avec ses machineries absurdes et complexes, agrégats d’objets mécaniques bruyants, enclenche des mécanismes incohérents et infernaux à l’image de notre monde contemporain. (Exemple Tinguely, Machines, à partir de 1966). I.4. Mises en scène de l'objet L'objet est reconnu à la fois comme un sujet de représentation et une matière première. L'artiste s'en inspire et s'en sert librement en fonction de ses choix esthétiques, et des messages qu'il souhaite transmettre. L'objet est employé pour réintéroger l'histoire de l'art contemporain, pour témoigner de son temps ou le dénoncer, pour ses qualités esthétiques, pour sa charge émotionnelle, ou encore en tant que paradigme d'une situation mise en scène par l'artiste. Une exposition, L’état des choses, présentée au Musée des Beaux-Arts de Nantes en 2003 questionnait les artistes et l'objet avec la présentation de quelque 200 pièces issues des collections des FRAC 1 . Nous proposons ici quelques portraits d'artistes, notamment bourguignons, qui proposent des regards très personnels de l'utilisation d'objets dans l'art. - Christian Boltanski (1944) : Tous les objets qu'il convoque dans ses dossiers, ses livres, ses collections, audelà d'apparences modestes, confinant parfois à la dérision, sont les dépositaires d'un souvenir qui leur procure un fort pouvoir émotionnel. Qu'il présente ces objets sous forme de vitrines, d'archives, de réserves ou simplement d'expositions, il les met en scène dans l'espace, mais aussi dans le temps. (Exemple Boltanski Untitled Reserves, 1989). Chaque objet nous replonge à sa manière dans le passé : le passé personnel, réel ou fictif, dramatique ou comique, de l'artiste, le passé d'un objet, ou le passé de l'humanité entière. Ce sont des reliques. 1 http://www.cnap.culture.gouv.fr/index.php? page=presentation&rep=listeAnnuaire&type=detail&idInstitution=658&idEvenement=2711&evenement=letat-deschoses-tresors-publics-20-ans-des-frac 3
L'objet gardé, jeté, réinventé dans l'Art Sophie Jolivet ; Laura Chamarande - Bertrand Lavier (1949) s’inscrit dans le sillage ouvert par Duchamp questionnant avec ses ready-made la limite entre art et non art. Cette limite, devenue de plus en plus mince, est remise en question avec ses objets anodins de la vie de tous les jours : « frigidaires » ou armoires aux lignes rigides, pièces froides tirées de leur contexte et installées dans le musée. Avec ses objets peints des années 80, Lavier résout le dilemme entre art et non art. La peinture acrylique appliquée en couche épaisse parodiant la touche de Van Gogh fait sortir ces objets du simple statut de ready-made. La peinture recouvre exactement, comme le souligne Jean- Hubert Martin, ce dont elle parle. L’objet qui repose au sol nous interpelle donc de son ambiguïté même : objet et peinture à la fois, donc ni totalement l’un ni totalement l’autre. Par le recours à la superposition d’un objet sur un autre, comme par exemple une chaise sur un réfrigérateur, Lavier renoue avec la thématique de la sculpture et de son socle. Contrairement aux apparences, Lavier se réclame plus de Brancusi que de Duchamp, et ses dispositifs subtils de mise en scène montrent, à travers l’objet, une remise en cause de la sculpture elle-même. - Le britannique Tony Cragg recompose, à partir d'objets en plastique courant, des représentations figurées, comme la lune ou la palette, conservée au Frac de Bourgogne. (Cragg, Palette, 1985) 2 . - Piggy Banck -un cochon-tirelire géant- 1998, œuvre de Lilian Bourgeat, est présentée d'Avril à Septembre au Musée Rude, dans le cadre de la biennale Rhin-Rhône, en partenariat avec le Consortium de Dijon. - Chris Jordan 3 , Midway, message from Gyre, 2009, est présenté dans l'exposition Tout garder ? Tout jeter ? Et Réinventer ?, séquence « objets jetés ». I.5. Art et design Les artistes des années 80 analysent et s'intéressent aux frontières entre l'objet d'art et l'objet usuel. Ils interrogent « le statut paradoxal des créations issues du design industriel ». A cette époque, dans les années 80-90, le design industriel, dans les lofts, petits appartements, ateliers d'artistes, sert à la fois de mobilier et de décor. Cette double fonctionnalité du design intrigue beaucoup les artistes du moment. Ils créent alors à cet égard, des œuvres se situant « à la frontière du design et des arts plastiques ». Ironiquement et de manière critique, les objets demeurent alors « désignés » ; ainsi que déplacer de leur champ d'utilité initial. Ainsi, le point de vue sur l'œuvre d'art change : il ne s'agit plus de contempler ce genre d'œuvre, mais d'y réfléchir. Les artistes réfléchissent à la place même de l'objet dans son environnement ainsi que dans l'environnement, et à son utilité. Par exemple, Franz West s'interroge sur « la limite entre l'art et le magasin de meuble » (West, Auditorium, 1992). Dans cette pièce, il a installé, négligemment (et volontairement) des divans de métal réalisés à l'aide de tubes d'acier soudés. Ce mobilier -inconfortable- ne remplit donc pas sa fonction première de divan : il n'est pas confortable, et si un homme s'y installe il ressentira une gène. La distance avec la fonction habituelle de l'objet est ainsi établie, et inversement : la sculpture en elle-même prend une valeur d'usage. Les visiteurs peuvent s'assoir sur ces divans sculptés. « West propose ainsi au visiteur d'éprouver l'œuvre par le contact avec son corps ». Ce « contact », assez moderne, déroute le visiteur, qui n'y est pas habitué, et qui n'était venu que pour « admirer » une sculpture. « [I]l est amené à s'asseoir sur ce qu'il désirait regarder ». « En somme, l'œuvre qu'il était venu voir disparaît au profit de son usage, l'intérêt visuel est évincé par la découverte tactile de l'objet » 4 . Ainsi, West fait disparaître toutes les normes préatablies concernant l'œuvre d'art et l'objet. Ici, ses divans tissent un lien entre l'art et la réalité. Les deux demeurent dorénavant intrinsèquement liés. 2 http://www.faux-mouvement.com/04Expositions/04_Pedagog/pedago/fiches/craggf.html 3 http://www.chrisjordan.com/ 4 Art et design : http://www.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-ARTS-ET-DESIGN/ENS-arts-et-design.htm 4
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