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L'objet gardé, jeté, réinventé dans l'Art - Ville de Dijon

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<strong>L'objet</strong> <strong>gardé</strong>, <strong>jeté</strong>, <strong>réinventé</strong> <strong>dans</strong> <strong>l'Art</strong> Sophie Jolivet ; Laura Chamaran<strong>de</strong><br />

II.2. Détourner l'objet : <strong>de</strong> Duchamp aux Surréalistes<br />

Ainsi les surréalistes, autour d'André Breton, à partir <strong>de</strong> 1924 s'intéressent aux « déchets » précisément en<br />

ce qu'ils témoignent du rejet, <strong>de</strong> la non-conformité aux normes sociales, morales ou esthétiques. En 1948, à<br />

l'initiative <strong>de</strong> Dubuffet, <strong>de</strong> Paulhan, et <strong>de</strong> Breton, nait la Compagnie <strong>de</strong> l'art Brut, qui sera dissoute en 1961.<br />

Aux racines anciennes, l'art brut, c'est à dire un art spontané, sans intention <strong>de</strong> faire œuvre, acquiert sa<br />

légitimité. Les artistes ont souvent exploité <strong>dans</strong> leur création les rebuts <strong>de</strong> toutes sortes : Hauterives, <strong>dans</strong><br />

la Drôme, connu pour le « palais idéal » du facteur cheval, est un exemple très célèbre. D'autres courants<br />

peuvent être cités, comme l'arte povera italien, ou encore le Trash art (littéralement art <strong>de</strong>s ordures), fruit <strong>de</strong><br />

la junk culture (culture <strong>de</strong> pacotille, du non-sens et du déchet).<br />

(Exemple d'Art Brut, avec Gérard Pascual, Véloterie du Père Gaston, 1975, Musée <strong>de</strong>s Beaux-arts <strong>de</strong><br />

<strong>Dijon</strong>).<br />

Depuis 1945, la société <strong>de</strong> consommation, industrielle et urbaine, constitue le thème dominant <strong>de</strong> l'art<br />

contemporain, quel que soit le courant <strong>dans</strong> lequel l'artiste s'inscrit. L'artiste renvoie à la société les images<br />

<strong>de</strong> ses dysfonctionnements et sa création participe <strong>de</strong>s grands enjeux <strong>de</strong> la condition humaine. Ainsi les<br />

guerres, totalitarismes, tensions mondiales ont marqué particulièrement les œuvres d'artistes comme Miró,<br />

Picasso, Dalí, <strong>Ville</strong>glé, Hains, Malevitch, Boltanski, Christo... Les mutations profon<strong>de</strong>s <strong>de</strong> la société, comme<br />

l'industrialisation, l'exo<strong>de</strong> rural, la surconsommation, la mondialisation, l'augmentation considérable <strong>de</strong>s<br />

écarts entre riches et pauvres, entre Nord et Sud, inspirent les artistes, et certains s'expriment par la<br />

figuration du déchet.<br />

La vision <strong>de</strong> Baudrillard renvoie à un « nouvel ordre fécal » : la course au supermarché est assimilée à un<br />

va-et-vient digestif : il faut éviter la stagnation, assurer la circulation ; le ralentissement <strong>de</strong>s débouchés fait<br />

surgir le spectre <strong>de</strong> l'économie constipée ; l'accumulation <strong>de</strong>vient vite dangereuse. Comme jadis les<br />

mé<strong>de</strong>cins stércoraires, les conjoncturistes se penchant sur le contenu <strong>de</strong>s caddies. Durée <strong>de</strong> vie élevée et<br />

réemploi font figure <strong>de</strong> rétention anale, copromanie sinon coprophagie. Dans le contexte d'une filière<br />

inversée, l'homme est <strong>de</strong>venu anus d'un système <strong>de</strong> production-distribution. L'être humain apparaît aux<br />

contestataires comme déchet du système (Bertolini, p.16)<br />

II.3. Productivité, commercialisation, consommation, mondialisation, marges<br />

Alors que les « producteurs » ont tendance à considérer l'art comme improductif, le déchet constitue lui<br />

aussi un improductif <strong>de</strong> la société technologique. Or, les matières inutiles pour l'industrie, re<strong>jeté</strong>es par elles,<br />

alimentent l'art, lui-même considéré comme inutile, superflu. Pour ceux qui conviennent <strong>de</strong> l'utilité <strong>de</strong> l'art, en<br />

intégrant les déchets <strong>dans</strong> sa démarche, l'artiste les transforme, leur donne une nouvelle utilité. Les marges<br />

<strong>de</strong> la ville constituent <strong>de</strong>s lieux privilégiés à la fois <strong>de</strong> l'accumulation <strong>de</strong>s déchets et <strong>de</strong> la vie <strong>de</strong>s marginaux.<br />

A l'affût <strong>de</strong>s failles du système, l'artiste entend explorer un territoire délaissé, relégué <strong>dans</strong> l'indignité par la<br />

culture traditionnelle. A partir <strong>de</strong> ce qui est re<strong>jeté</strong> comme sans utilité, sans intérêt, sans valeur économique,<br />

l'enjeu consiste à découvrir et à produire d'autres, ou <strong>de</strong> nouvelles richesses. L'artiste prend l'ordure à<br />

rebours, à contre-courant pour la magnifier, la sublimer, en extraire la poésie ou l'ironie.<br />

(Exemple, présentés <strong>dans</strong> cette exposition, les photographies et textes <strong>de</strong> Philip Poupin, concernant la<br />

décharge <strong>de</strong> Dandora, Nairobi, au Kenya.)<br />

(Exemple, Gaspard R. , Les Méduses, 1994).<br />

(Exemples, présentées <strong>dans</strong> cette exposition, Michèle Marlien, Mandalas <strong>de</strong> la vie quotidienne, 2001).<br />

Les mandalas sont constituées <strong>de</strong> sacs plastiques découpés en lanières crochetées.<br />

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