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LES RUINES DE DETROIT - Artishoc

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2. Une tradition de l’esthétique de la ruine dans les arts<br />

De la Renaissance, fascinée par l’antique, au Romantisme, avide d’images des civilisations grandes<br />

et éteintes, d’inattendues rencontres entre fleurs sauvages et vieilles voûtes romanes, la peinture et la<br />

littérature se font le relais du goût pour la ruine. S’intéresser à la ruine, la regarder en tant que telle, l’exalter<br />

ou la conserver, la protéger de dégradations ultérieures implique sinon un sentiment du patrimoine en tout<br />

cas une valorisation de l’Antiquité qui sont historiquement datés. Cette tendance ferait son apparition à<br />

l’époque de la proto-Renaissance (XI e , XII e siècles) qui se distingue par son intérêt antiquisant pour les ruines<br />

de la Rome classique, encore abandonnées aux herbes folles ou comblées et occupées par les habitants<br />

(les arches du Colisée étaient colonisées par des habitations, des ateliers, des entrepôts, de même que le<br />

Circus Maximus ou le théâtre de Pompée, qu’occupaient marchands et tavernes).<br />

Un intérêt plus général et plus organisé pour les ruines se révèle au Quattrocento. Un nouveau regard<br />

« métamorphose les édifices antiques en objets de réflexion et de contemplation » (F. Choay). La peinture<br />

de Poussin et du Lorrain découle de cette nouvelle optique, qui intègre la ruine dans un monde idyllique.<br />

Au XVII e siècle, la peinture des ruines devient de fait un genre consacré, qui a ses recettes. : colonnes, arches,<br />

arc de triomphe éboulé, restes de temples, etc. Une image de la ruine antique qui apparait aussi bien dans<br />

les scènes mythologiques que dans les scène historiques.<br />

Aux XVIII e et XIX e siècles, la perspective change quelque peu : le goût de la ruine s’étend à toute ruine,<br />

toute époque. Tout vestige vaut en tant que tel, qu’il soit celui d’une rotonde grecque ou d’un baptistère<br />

gothique. C’est le corollaire du goût de l’époque pour l’exotisme, et sa tendance au relativisme historique.<br />

On valorise la ruine en tant que stimulant de la méditation, de la rêverie. Diderot en énonce la poétique :<br />

« L’effet de ces compositions, bonnes ou mauvaises, c’est de vous laisser dans une douce mélancolie. Nous<br />

attachons nos regards sur les débris d’un arc de triomphe, d’un portique, d’une pyramide, d’un temple, d’un<br />

palais, et nous revenons sur nous-mêmes. Nous anticipons sur les ravages du temps, et notre imagination<br />

disperse sur la terre les édifices mêmes que nous habitons. À l’instant, la solitude et le silence règnent<br />

autour de nous. Nous restons seuls de toute une génération qui n’est plus ; et voilà la première ligne de la<br />

poétique des ruines. »<br />

Comme le remarque Roland Mortier (La Poétique des ruines en France, 1974), « la méditation de Diderot se<br />

veut ici plus prospective que rétrospective. La ruine fait moins rêver sur ce qui fut que sur ce qui sera ou<br />

plus exactement sur ce qui ne sera plus [...]. La rêverie sur les ruines était une mémoire, la voici devenue<br />

une anticipation. »<br />

Un temple en ruines par De Machy,<br />

Musée du Louvre

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