Palais Farnèse - Clio
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Patrimoine du monde • Avicenne<br />
30<br />
Avicenne<br />
Le prince des savants<br />
La jeunesse à Boukhara<br />
Ce fut un jour d'août 980 que naquit,<br />
près de Boukhara, Abū 'Alī al-Husayn<br />
ibn 'Abd Allāh ibn Sīnā, plus connu<br />
en Occident sous la transcription<br />
d'Avicenne. D'origine persane, il reçut<br />
d'abord sa première éducation sous la<br />
direction de son père qui accueillait dans<br />
sa maison de Boukhara les penseurs les<br />
plus fameux de son époque. Doté d'une<br />
mémoire extraordinaire – à 10 ans, il<br />
avait mémorisé la totalité du Coran et<br />
des centaines de poésies persanes –,<br />
il étudia ensuite la logique, les mathématiques<br />
et, surtout, la médecine avec<br />
des maîtres qu'il dépassa très rapidement.<br />
Boukhara était alors le siège de<br />
la cour des Samanides qui en avaient<br />
fait un brillant centre intellectuel et, face<br />
à l'arabisation prônée par les Abbassides,<br />
le foyer de la renaissance persane<br />
et l'avaient illuminé de la présence de<br />
poètes tels que Rudaki et Daqiqi. Le<br />
jeune Avicenne put ainsi profiter des très<br />
riches bibliothèques de Boukhara pour<br />
compléter sa formation, s'attardant en<br />
particulier sur les ouvrages d'al-Farabi,<br />
le grand commentateur des œuvres des<br />
philosophes grecs, avant de s'attaquer<br />
à la Métaphysique d'Aristote.<br />
Le médecin et la méthode<br />
scientifique<br />
A peine âgé de 16 ans, Avicenne était<br />
déjà reconnu comme le meilleur des<br />
sémiologues et dirigeait une équipe<br />
de plusieurs médecins au bimaristan –<br />
l'hôpital – de Boukhara. A 17 ans, il fut<br />
appelé au chevet du prince samanide<br />
Nuh ibn Mansûr, qu'il réussit à guérir<br />
d'une grave maladie : non seulement sa<br />
réputation était faite, mais, surtout, il eut<br />
alors accès à la bibliothèque royale où<br />
il découvrit les ouvrages de Galien. Dès<br />
cette époque, il développa ses propres<br />
méthodes, tant dans le domaine de la<br />
médecine que dans ceux des diverses<br />
sciences – météorologie, minéralogie,<br />
géologie – qu'il aborda. Six siècles<br />
avant Descartes, il prônait une méthode<br />
rejetant toute explication a priori et ne<br />
Sur les traces d'Avicenne avec <strong>Clio</strong><br />
Voir nos circuits page ci-contre.<br />
tirait de conclusions que sur l'observation<br />
des résultats d'une expérience dont le<br />
protocole avait été soigneusement fixé :<br />
"Je donnai mes soins aux malades et,<br />
ainsi, les portes du traitement fondé<br />
sur l’expérience s’ouvrirent devant moi,<br />
d’une manière indescriptible." Bravant<br />
les interdictions, il pratiqua certainement<br />
la dissection en cachette. Il peut, à ce<br />
titre, être considéré comme celui qui, le<br />
premier, fit renaître la science rationnelle<br />
à l'époque médiévale. Après la mort de<br />
son père et la chute des Samanides en<br />
999, qui le privèrent des ressources que<br />
lui donnaient son poste d'employé de<br />
l'émirat, il quitta Boukhara et voyagea<br />
dans la région du Kharezm, puis se<br />
mit au service de différents princes du<br />
Khorassan avant de se rendre à la cour<br />
des Bouyides qui régnaient alors sur le<br />
centre de l'Iran. Après Rayy et Qasvin, il<br />
acheva ses pérégrinations à Hamadan,<br />
vizir et médecin de la cour du prince<br />
Shams al-Dawla.<br />
La science d'Avicenne en Occident<br />
L'ouvrage majeur du médecin Avicenne<br />
est le Kitab Al Qanûn fi Al-Tibb, le<br />
Canon de la médecine, dans lequel il<br />
décrit avec une remarquable précision<br />
la cataracte, la méningite, les fièvres<br />
éruptives, la pleurésie, l'apoplexie et<br />
donne de nombreux conseils thérapeutiques<br />
raisonnés. Il suggère même, à<br />
mots couverts, l'idée de la circulation<br />
sanguine. Après avoir transité par<br />
l'Andalousie, il fut traduit en latin, au<br />
milieu du XII e siècle, par Gérard de<br />
Crémone et devint l'ouvrage de base<br />
de l'enseignement dans les facultés de<br />
médecine de Montpellier et de Louvain<br />
jusqu'en 1650.<br />
Le philosophe éclairé<br />
La pensée d'Avicenne se fonde naturellement<br />
sur l'œuvre d'Aristote, mais est<br />
aussi marquée par des influences néoplatoniciennes<br />
et celles de la pensée<br />
orientale, en particulier celle des soufis<br />
chi'ites. Malheureusement, son maître<br />
ouvrage, La Théorie illuminative est<br />
perdu, mais on sait qu'il y développait<br />
une pensée proche d'un panthéisme tempéré.<br />
Avicenne admettait l'existence de<br />
Dieu et de l'âme, mais il affirmait l'éternité<br />
et le caractère incréé de la matière,<br />
cause de la pluralité des choses. Dans<br />
le domaine religieux, il faut noter qu'il<br />
était fervent partisan de l’ijtihad, doctrine<br />
qui consiste à toujours réinterpréter<br />
le Coran de manière non dogmatique en<br />
fonction de l'évolution du monde et de la<br />
civilisation, ce qui lui valut d'ailleurs de<br />
nombreuses attaques d'Averroes et de<br />
ses disciples ; mais, pour ses élèves, Avicenne<br />
resta toujours le Sheikh el-Raïs, le<br />
prince des savants, et le troisième Maître<br />
après Aristote et Al-Farabi.<br />
Médecin, poète, savant, philosophe, Avicenne,<br />
épuisé par un travail acharné,<br />
mourut en août 1037, à l'âge de 57 ans,<br />
certainement d'un traitement trop énergique<br />
qu'il s'administra pour soigner une<br />
crise intestinale.<br />
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