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Histoire(s) - FRAC Basse-Normandie

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LE FONDS RÉGIONAL D’ART CONTEMPORAIN BASSE-NORMANDIE<br />

PRÉSENTE<br />

<strong>Histoire</strong>(s)<br />

Hervé LEFORESTIER, Thomas RUFF<br />

Collection Frac <strong>Basse</strong>-<strong>Normandie</strong><br />

Réseau académique d’espaces d’art actuel en collèges et lycées 2011-2012<br />

9 RUE VAUBENARD 14000 CAEN 02 31 93 09 00 www.frac-bn.org


<strong>Histoire</strong>(s)<br />

Hervé Leforestier, Thomas Ruff<br />

Sommaire<br />

Présentation du Frac <strong>Basse</strong>-normandie<br />

texte de Présentation de l’exPosition <strong>Histoire</strong>(s)<br />

Hervé Leforestier, Thomas Ruff<br />

QuelQues Pistes<br />

articles de Presse


<strong>Histoire</strong>(s)<br />

Hervé Leforestier, Thomas Ruff<br />

le Frac <strong>Basse</strong>-normandie<br />

Une histoire de l’art au présent<br />

C’est bien en ces termes paradoxaux que peut se nommer l’action des Frac. Dès 1983, le parti a été pris de<br />

réunir des œuvres qui n’avaient a priori que leur seule contemporanéité à faire valoir, afin de constituer un<br />

patrimoine, trésor régional au risque du présent.<br />

La collection du Frac <strong>Basse</strong>-<strong>Normandie</strong> fait état aujourd’hui de plus de 1000 œuvres de 420 artistes. En<br />

évolution permanente, la collection trouve sa cohérence dans des lignes de force qui vont de la peinture abstraite<br />

à un ensemble photographique qui s’approprie le portrait, le corps et le paysage, notamment urbain.<br />

Plus récemment, la problématique de la relation à l’architecture et à la ville s’enrichit d’œuvres aux supports<br />

diversifiés (sculpture, vidéo, installation). Enfin une section est consacrée aux œuvres en rapport à l’<strong>Histoire</strong><br />

contemporaine et à ses conflits.<br />

Une collection en mouvement<br />

D’abord conçue comme un ensemble d’œuvres disponibles pour des expositions sur le territoire régional<br />

dans les différents lieux susceptibles de les accueillir (musées, centres d’art, centres culturels, sites historiques),<br />

le Frac <strong>Basse</strong>-<strong>Normandie</strong> bénéficie depuis 1996 d’espaces d’expositions propres. L’activité d’expositions se<br />

répartit donc selon ces deux axes : l’un de diffusion de la collection sur le territoire régional, l’autre d’expositions<br />

au Frac dans lesquelles sont invités des artistes contemporains dans des expositions monographiques ou<br />

thématiques. Il est en effet essentiel au Frac d’être en contact direct avec la création contemporaine, échanges<br />

fructueux dans le flux vivant de l’actualité de l’art.<br />

La rencontre<br />

Outre cette rencontre permanente par l’exposition, c’est à une éducation du regard et à la sensibilisation<br />

des publics que le Frac <strong>Basse</strong>-<strong>Normandie</strong> consacre une large part de son activité. Les services culturels et<br />

éducatifs mettent en place ces formations dans le cadre de nombreux échanges et collaborations qui vont<br />

de l’école primaire à l’université. Au public adulte, il est proposé des rencontres avec des artistes, des conférences<br />

ou encore des soirées vidéo.<br />

Le Frac propose en accès libre un important fonds documentaire, monographies d’artistes contemporains,<br />

ouvrages généraux et revues. La banque de données Vidéomuseum qui répertorie l’ensemble des collections<br />

des Frac et des principaux musées d’art contemporain français y est consultable.<br />

La collection du Frac <strong>Basse</strong>-<strong>Normandie</strong> est consultable en ligne : www.frac-bn.org/collection.htm<br />

Contact pour les enseignants :<br />

Mathilde Johan, chargée des publics scolaires<br />

mathilde.johan@frac-bn.org - 02 31 93 92 41


<strong>Histoire</strong>(s)<br />

Hervé Leforestier, Thomas Ruff<br />

Les artistes de l’exposition abordent tous deux l’histoire et prennent le risque de la commenter. La<br />

relation des artistes avec l’actualité et la politique est délicate et complexe notamment parce le<br />

XXe siècle a vu des formes artistiques flirter avec la propagande. C’est justement avec les canons<br />

de ces discours formatés, ceux de la propagande comme ceux des médias actuels que les deux<br />

artistes s’amusent et se confrontent. L’un comme l’autre se moquent de la propagande passée et<br />

actuelle. L’un comme l’autre ont choisi le collage avec son bagage esthétique et idéologique en toute<br />

conscience.<br />

Ainsi le Plakat III de Thomas Ruff fait-il partie d’une série qui, sous la forme du collage, commente<br />

différents moments de l’actualité. Ici c’est le déménagement de la capitale allemande de Bonn à<br />

Berlin en 1991 qu’il tourne en dérision. Il associe ainsi la machine stalinienne aux médias actuels,<br />

interrogeant les nouveaux moyens de propagande, à une époque où notre connaissance du monde<br />

passe par l’image, et la possible ré-actualisation de la forme historique du collage politique.<br />

Hervé Leforestier accumule des éléments visuels de l’histoire du XXe siècle. Les images de propagande,<br />

comme celles des médias ou encore des figures familières du monde du divertissement sont associées à<br />

des portraits de l’artiste. La profusion des images semble correspondre à l’écrasement de l’individu par<br />

l’histoire tragique du XXe siècle dans ce double portrait de l’artiste et d’un siècle de guerres.


<strong>Histoire</strong>(s)<br />

Hervé Leforestier, Thomas Ruff<br />

Hervé LEFORESTIER<br />

Né en 1955 à Coutances, vit et travaille à Coutances.<br />

Mortelle Nostalgie, œuvre composée de vingt-etun<br />

collages, est un récit visuel et écrit des trente<br />

premières années de la vie d’Hervé Leforestier dans<br />

lequel s’entremêlent dimensions autobiographique<br />

et historique. Photographies d’identité de l’artiste,<br />

texte effectuant un va-et-vient incessant entre événements<br />

de son quotidien et événements à résonance<br />

planétaire, images de soldats de la Grande Guerre,<br />

de personnalités politiques, de stars de cinéma<br />

ou encore de personnages de bandes-dessinées<br />

prélevées dans les journaux se trouvent ainsi juxtaposées<br />

sous une pluie de confettis colorés et de<br />

rubans bleu-blanc-rouge. À travers ce « collage de<br />

collages » aux allures faussement festives, Hervé<br />

Leforestier fait le deuil de ses « illusions perdues »<br />

et dénonce avec irrévérence le « triste monde des<br />

réalités ». Et en premier lieu, la plus triste des réalités<br />

de ce monde : la guerre.<br />

Mortelle nostalgie, 1987<br />

technique mixte, collages et photographies,<br />

21 éléments, 36 x 28 x 0,5 cm chaque<br />

Collection Frac <strong>Basse</strong>-<strong>Normandie</strong><br />

« Hervé Leforestier a l’âme tuméfiée du marin dont<br />

les ex-voto seraient les seuls navires lui permettant<br />

de ricocher dans un nouvel espace. Espace de<br />

l’histoire qu’il relit, qu’il réinvente de collage<br />

d’objets aux cent métaphores. Les infamies de l’histoire<br />

mille fois répétées, il les transpose dans des<br />

boîtes-objets tels des reliquaires désuets. Fragiles<br />

assemblages où la concentration et l’accumulation<br />

expiatoire nous obligent et nous guident à une lecture<br />

violente et saccadée comme le trajet d’une bille de<br />

flipper. De cette tumescence naît des châsses, où<br />

les précieuses reliques de son histoire lui permettent<br />

d’avoir une sorte de vue d’en haut. Une vue de l’enfance<br />

où son microcosme nous révèle son sens<br />

effrayant. » (Gilles Forest)


<strong>Histoire</strong>(s)<br />

Hervé Leforestier, Thomas Ruff<br />

Thomas RUFF<br />

Né en 1958 à Zell am Hamersbach, vit et travaille à Düsseldorf<br />

Thomas Ruff appartient à une génération d’artistes<br />

formés par Hilla et Bernd Becher à la photographie<br />

objective dans les années 70 et 80 à l’école d’art de<br />

Düsseldorf. Cette démarche se revendique d’une tradition<br />

documentaire élaborée par August Sander au<br />

début du XXe en Allemagne et pratiquée de façon originale<br />

par Walker Evans aux Etats- Unis.<br />

Depuis la fin des années 70, où ses portraits<br />

photographiques le font connaître, Thomas Ruff<br />

développe sous forme de séries divers thèmes, le<br />

portrait, l’habitation, le paysage urbain nocturne.<br />

À ces œuvres souvent qualifiées de « froides et<br />

sèches » s’ajoutent les Zeitungsfoto, photographies<br />

d’images de presse agrandies puis re-cadrées ainsi<br />

que la série des Étoiles réalisées à partir de négatifs<br />

de l’Observatoire austral européen. Tout, dans<br />

la recherche de Thomas Ruff, concourt à produire<br />

des images précises, parfaites, aussi « radicalement<br />

objectives » que possible et à montrer la réalité le<br />

Plakat III, 1997<br />

Papier photographique, plexiglas, bois<br />

260 x 190 cm<br />

Collection Frac <strong>Basse</strong>-<strong>Normandie</strong><br />

plus « machiniquement » selon l’expression du<br />

critique Régis Durand.<br />

Ces différentes séries semblent affirmer l’impossibilité<br />

de la photographie à capturer le réel et le<br />

décalage entre image et réalité. Il crée ainsi toutes<br />

ses photographies qu’il retouche pour qu’elle<br />

correspondent à une image mentale « C’est toujours<br />

comme ça chez moi ; je suis curieux, j’ai<br />

l’idée d’une image, mais je ne la trouve pas parce<br />

qu’elle n’existe pas encore. Il faut donc que je la<br />

fasse moi-même ».<br />

C’est l’image elle-même qui est le sujet de l’artiste.<br />

En traitant les différents types d’images (le portrait,<br />

le paysage, l’image scientifique, l’image de<br />

presse, etc.) il pose la question du discernement<br />

dans un monde saturé de représentations mais<br />

aussi de la manipulation de et par l’image : «Pour<br />

notre génération, le modèle de la photographie<br />

ne se trouve plus dans la réalité, mais dans les<br />

images que nous connaissont de cette réalité»<br />

(propos cités par Matthias Winzen in «Regarder et discerner» in Catalogue<br />

de l’exposition Objectivités - La photographie à Düsseldorf,<br />

Musée d’art moderne de la ville de Paris/Arc. p 270).<br />

Plakat III est un montage de photographies de<br />

presse retouchées par ordinateur. Comme les<br />

autres œuvres monumentales de la série (Plakat<br />

veut dire Affiche) le sujet des Plakat III est inspiré<br />

de l’actualité, ici la réunification de l’Allemagne et<br />

le retour de Berlin comme capitale politique du<br />

pays, en 1991.<br />

Thomas Ruff s’inspire formellement des collages de<br />

Hearfield qui dénonçait la montée du fascisme entre<br />

les deux guerres. Le photomontage, en plus d’être<br />

le procédé emblématique de l’art du XXe siècle,<br />

est un moyen pour l’artiste de décrypter et de dé<br />

construire les images produites par la presse et<br />

des médias face à l’actualité, qu’il associe par le<br />

format monumentale à l’imagerie simpliste de la<br />

propagande. Ces collages monumentaux interrogent<br />

également le potentiel artistique et politique<br />

du photomontage aujourd’hui.


<strong>Histoire</strong>(s)<br />

Hervé Leforestier, Thomas Ruff<br />

Thomas RUFF<br />

série Plakat<br />

Plakat I, 1996-1999<br />

Photographie couleur<br />

260,5 x 189,5 cm<br />

Plakat IV (Housing Authority), 1997,<br />

Impression C-Print sur Plexiglas,<br />

courtesy of Zwirner & Worth, New York<br />

Plakat II, 1997.<br />

Photographie couleur<br />

251 x 188 cm<br />

Plakat VIII, 1996-1999<br />

Photographie couleur, plexiglas et bois<br />

260,5 x 189,5 cm<br />

collection Frac Franche-Comté<br />

Plakate VI, 1996/97<br />

Impresion C-print<br />

256 x 191 cm


<strong>Histoire</strong>(s)<br />

Hervé Leforestier, Thomas Ruff<br />

La série comprends neuf Plakat (Affiche) réalisés par<br />

Thomas Ruff entre 1997 et 1999.<br />

Dans Plakat III, l’artiste tourne en dérision Helmut<br />

Kohl, alors chancelier allemand pour avoir pris la décision<br />

de déplacer le gouvernement de Bonn à Berlin.<br />

Le 20 juin 1991, Berlin a été élue nouvelle capitale de<br />

l’Allemagne unifiée, décision politique considérée par<br />

certains comme véritable coup médiatique. Le déménagement<br />

durera presque neuf ans et sera critiqué<br />

pour son énorme coût financier.<br />

Helmut Kohl est ici présenté à l’envers, la tête dans<br />

un bâtiment de forme conique : la cathédrale Saint<br />

Sébastien de Rio de Janeiro, au sommet de laquelle<br />

prend place une composition panoramique constituée<br />

de bâtiments. Certains d’entre eux sont des gratte-ciel<br />

russes emblématiques de l’architecture du «gothique<br />

stalinien» : le ministère Russe des affaires étrangères<br />

dont la flèche a été supprimée ou l’immeuble d’habitation<br />

Kotelnitcheskaïa situé sur la rive de la Laouza<br />

à Moscou. On semble y reconnaître aussi la statue<br />

de la liberté et un exemple d’architecture néo-classique<br />

(Le Colisée américain ?). Ces lieux du pouvoir<br />

(architectures staliniennes, américaines) sont tout<br />

autant séparés géographiquement que politiquement<br />

et évoquent la fracture Ouest/Est qui a pris sur le territoire<br />

allemand d’après guerre une empreinte toute<br />

particulière. La cathédrale de Rio (construite de 1964<br />

à 1976) par Edgar de Oliveira da Fonseca, élève de Le<br />

Corbusier est pour sa part un exemple du style dit<br />

«brutaliste» de l’architecture moderne. On peut voir<br />

dans le choix de cette architecture aussi bien un lien<br />

avec les utopies des architectes modernes, que l’évocation<br />

d’un autre déménagement, celui de la capitale<br />

Brésilienne en 1960 de Rio vers Brasilia, à moins<br />

que ce ne soit une proximité formelle avec la tour de<br />

Babel. En haut, à l’envers, le paysage de Berlin en<br />

construction permanente prend la place du ciel.<br />

« Helmut Kohl Zieht in die neue Hauptstadt («Helmut<br />

Kohl va dans la nouvelle capitale»), Helmut Kohl Zieht<br />

um (« Helmut Kohl déménage ») : affichent triomphalement<br />

non sans cynisme la banderole qui flotte dans<br />

le ciel et le slogan de l’affiche.<br />

Le texte est difficilement lisible, retourné évoquant<br />

l’alphabet cyrillique et les typographies des affiches<br />

de propagande soviétique que le format et le titre<br />

évoquent sans détour. La critique est d’autant plus<br />

grande que la volonté de symboliser la réunification<br />

des deux Allemagnes et la victoire de l’Ouest par le<br />

changement de capitale est ici associés aux procédés<br />

de propagande des régimes de l’Est.<br />

D’un Palkat à l’autre, Thomas Ruff utilise la langue du<br />

pays qu’il a choisi d’évoquer, l’Allemand pour Plakat<br />

III, le Chinois pour le massacre de Tian’anmen dans<br />

Plakat II, le Français pour Plakat I et la décision de<br />

Jacques Chirac de reprendre les essais nucléaires.<br />

L’image, notamment lors de la seconde guerre mondiale<br />

a été au cœur d’une stratégie de communication<br />

visant à convaincre les masses, décuplée, placardée :<br />

elle s’est exposée sur de très grands formats. Thomas<br />

Ruff rappelle que « plus une image est grande, plus<br />

elle impressionne et plus son endoctrinement est<br />

efficace ». Pour l’artiste, ces affiches qui prennent la<br />

forme d’une contre-propagande, « n’ont pas d’autre<br />

intérêt que d’offrir une compilation des idées reçues<br />

avec lesquelles on tente de façon plus ou moins grossière<br />

et grotesque de manipuler les gens. »<br />

source : Thomas Ruff, Subjective propaganda, entretien avec Catherine<br />

Hürzeler Herzog dans «Parachute n°95».


<strong>Histoire</strong>(s)<br />

Hervé Leforestier, Thomas Ruff<br />

QUELQUES RÉFÉRENCES D’HISTOIRE DE L’ART<br />

L’INVENTION DU PHOTOMONTAGE<br />

L’invention du photomontage est revendiquée par plusieurs<br />

courants et artistes et il est difficile d’en faire<br />

une généalogie exacte. On peut pourtant considérer<br />

que les premiers photomontages sont les collages<br />

cubistes, les «papiers collés» réalisés par Braque et<br />

Picasso. Le rêve qui date de 1908 et réalisé par Picasso<br />

serait ainsi le premier collage de l’art moderne.<br />

Le photomontage au sens dadaïste du terme, qui<br />

apparaît dès 1918, Raoul Hausmann et Hanna Höch<br />

s’en disent les inventeurs, tout comme Georg Grosz et<br />

John Hartfield. Au même moment, les constructivistes<br />

russes El Lissitzky, Alexandre Rodchenko, Varavara<br />

Stepanova, Lazlo Moholy-Noguy ou Gustav Klutsis<br />

pratiquent eux aussi le photomontage pour inventer<br />

un art nouveau, celui du prolétariat.<br />

Apparue dans différentes zones géographiques au<br />

même moment, cette invention va être une des plus<br />

caractéristiques de l’art du XXe siècle, contenant<br />

en elle de nombreuses valeurs de l’avant-garde.<br />

Le photomontage fait en effet le lien entre culture<br />

«populaire» et culture «noble», puisqu’il introduit la<br />

culture de la rue, celle de la presse et des affiches et<br />

une pratique, à l’origine domestique et accessible à<br />

tous, dans l’art. Il est surtout l’introduction du «réel»<br />

dans la représentation et l’affirmation de la présence<br />

matérielle de l’objet. Le photomontage n’est «pas<br />

convenable» pour toutes ces raisons et parce qu’il<br />

crée une discordance. Il est en effet, l’expression de<br />

l’hétérogénéité du monde, la simultanéité d’éléments<br />

disparates sur un même support. Pratiquer le photomontage<br />

c’est aussi l’affirmation d’une réceptivité<br />

aux nouveaux médias qui sont en train de changer le<br />

rapport au monde. Chez les dadas, il est également<br />

le fruit du spontané et du hasard et une arme contre<br />

la culture bourgeoise, comme chez les constructivistes<br />

qui tentent, pour leur part de construire d’une<br />

nouvelle esthétique, celle du peuple et de l’ère industrielle.<br />

DADA<br />

Raoul Hausmann<br />

Vienne 1886 - Limoges 1971<br />

« Si les constructivistes russes et les futuristes italiens<br />

l’ont déjà expérimenté (le photomontage), les dadaïstes<br />

en exploitent toutes les possibilités expressives.<br />

Surnommé le Dadasophe, Raoul Hausmann est l’un des<br />

principaux photomonteurs de la capitale allemande.<br />

Réalisés à partir des découpes de photographies tirées<br />

de journaux, combinées aux éléments typographiques<br />

de coupures ou de manchettes de presse, les photomontages<br />

jouent sur l’effet dynamique de leur composition,<br />

où les notions de plan, d’échelle sont constamment<br />

remises en cause et sur l’impact des lettres et des mots<br />

disséminés dans l’œuvre comme des slogans, des cris<br />

ou des ordres. À l’enseigne non pas du beau tableau,<br />

mais du manifeste plastique, qui se veut polémique et<br />

percutant dans une société allemande bourgeoise et<br />

militariste que les dadaïstes allemands combattent,<br />

ces tableaux, faits entièrement de photos découpées et<br />

de lettres, sont de véritables cris. »<br />

La déconstruction et la recomposition des différentes<br />

sources de l’image, déjà utilisées dans ses poèmes affiches<br />

et ses poèmes phonétiques, sont la base de son<br />

procédé de collage : il détruit, hache, prive de son sens<br />

le langage pour un choc visuel.<br />

source : www.centrepompidou.fr/education/ressources/ens-dada


<strong>Histoire</strong>(s)<br />

Hervé Leforestier, Thomas Ruff<br />

Coupe au couteau de cuisine à travers la dernière époque<br />

culturelle ventripotente allemande de Weimar, 1919<br />

Collage - 114 x 90 cm, Neue Nationalgalerie, Berlin<br />

Hanna Höch<br />

Gotha (Allemagne) 1889 - Berlin 1978<br />

«Je suis restée fidèle au photomontage et au collage.<br />

Jusqu’à ce jour, j’ai tenté d’exprimer, avec ces<br />

techniques, mes pensées, mes critiques, mes<br />

sarcasmes mais aussi le malheur et la beauté»,<br />

disait Hannah Höch un an avant sa mort. Les<br />

photomontages de Hanna Höch représentent une<br />

critique très personnelle du régime en place et<br />

de la traditionnelle division des sexes, ils ont un<br />

caractère ludique qui les distingue de ceux de ses<br />

compagnons du club Dada. Ils révèlent l’iconographie<br />

de la publicité et de la presse populaire<br />

des années vingt.<br />

Dans Coupe au couteau de cuisine à travers la<br />

dernière époque culturelle ventripotente allemande<br />

de Weimar, elle assemble les hommes de<br />

l’Empire, ceux de la République de Weimar et les<br />

personnages du monde de l’art et de la littérature.<br />

source : Dada, catalogue de l’exposition du 5 octobre 2005 au<br />

9 janvier 2006, éditions du Centre Georges Pompidou, Paris, 2005.<br />

John Heartfield<br />

Berlin 1891- Berlin 1968<br />

C’est dans le contexte politique instable de l’après<br />

défaite allemande et du soulèvement spartakiste dont<br />

ils se sentent proches que Huelsenbeck, Hausmann,<br />

Höch, Grosz, Heartfield et Baader donnent à leurs collages<br />

une orientation explicitement politique.<br />

En 1918 John Heartfield et George Grosz rejoignent le<br />

club Dada de Berlin et adhèrent au parti communiste<br />

allemand. La pratique du photomontage de John<br />

Heartflield passe ainsi du collage dada à un engagement<br />

politique plus radical. Antifasciste, il collabore avec<br />

le journal ouvrier Allemand AIZ (Arbeiter Illustierte<br />

Zeitung : Journal Ouvrier Illustré) dès 1930 au sein<br />

duquel il publie près de 250 photomontages qui<br />

attaquent de front le nazisme. Pour Heartfield, le photomontage<br />

est une véritable arme politique, dont «<br />

l’effet d’agitation et de propagande agit puissamment<br />

sur les masses »*. Il est passé maître dans l’art des<br />

changements d’échelle, des décontextualisations et<br />

des anthropomorphisme qui transforment des figures<br />

politiques connues en de véritables monstres.<br />

En 1933, il se réfugiera en Pologne puis à Londres<br />

en 1937. En 1950, il rentrera en Allemagne de l’Est<br />

jusqu’à sa mort en 1968.<br />

* extrait de Le photomontage - Un moyen pour la lutte des classes<br />

transcritption d’une conférence prononcée par Heartfield à l’institut<br />

polygraphique de Moscou en 1931.<br />

John Heartfield, Le vrai sens du<br />

salut d’Hitler. Le petit homme demande<br />

de gros cadeaux. J’ai des<br />

millions qui attendent derrière moi,<br />

John Heartfield, Wer Burgerblater liest wird Blind<br />

un Taub. Weg mit den Verdummungsbandagen<br />

(Quiconque lit les journaux bourgeois devient<br />

aveugle et sourd. Ôtons les bandages abrutissants!),<br />

AIZ, n°6, 1930, 38 x 28 cm


<strong>Histoire</strong>(s)<br />

Hervé Leforestier, Thomas Ruff<br />

CONSTRUCTIVISME<br />

Alexandre Rodtchenko<br />

Saint Petersbourg 1891-Moscou 1956<br />

Gustav Klutsis<br />

Koni Parisch (Russie) 1895- Moscou 1938<br />

Alexandre Rotchenko et Gustav Klutsis sont des<br />

membres actifs du constructivisme russe. Si les<br />

constructivistes ont pratiqué le photomontage, c’est<br />

dans une démarche différente de celle des dadaïstes.<br />

D’un point de vue formel, les compositions des photomontages<br />

russes ont une construction rigoureuse, épurée,<br />

bien loin de l’agitation qui règne dans les travaux<br />

d’Hausmann par exemple. Ils y appliquent les principes<br />

constructivistes qui tentent de créer un art nouveau et<br />

qui correspond à la civilisation de la machine. La peinture<br />

appartient au passé, la photographie correspond, elle,<br />

à l’âge de la technique. L’art doit devenir fonctionnel et<br />

l’artiste ingénieur.<br />

Plastiquement la ligne n’a pas de principe descriptif mais<br />

devient direction de forces et de rythmes, une structure<br />

dynamique. Les œuvres doivent mettre en avant leur<br />

base matérielle. Le constructivisme entreprend une<br />

déconstruction de l’art du passé et l’affirmation d’un art<br />

appartenant à une société nouvelle. Cette destruction/<br />

construction peut prendre la forme d’assemblage de<br />

pièces différentes comme le fait le photomontage. L’art<br />

n’est plus décoratif, il a une visée politique.<br />

Le photomontage pour les constructivistes russes se<br />

révèle être un moyen de participer à « la gigantesque<br />

machine de propagande qui envahit l’Union soviétique,<br />

avec la réclame pour le communisme et pour Staline. »<br />

Sous le régime de Staline, une partie de l’avant-garde<br />

continue de croire au moment historique et se soumet<br />

au service du régime, comme Rodchenko et El Lissitzky<br />

et participe à la machine de propagande. Certains artistes<br />

plient et traitent les sujets approuvés par les autorités<br />

tandis que naît le réalisme socialiste, ses canons officiels<br />

et son culte de la personnalité.<br />

Gustav Klutsis sera tué en 1938 au cours des purges staliniennes.<br />

Sources : www.centrepompidou.fr/Pompidou/Pedagogie dossier expérimentations<br />

photographiques en Europe des années 1920 à nos<br />

jours.<br />

Günter Metken « Face aux dictatures : opportunisme, opposition et<br />

émigration intérieure » in Face à l’histoire, Flammarion, centre George<br />

Pompidou, 1996<br />

Alexandre Rodchenko, couverture du magazine<br />

LEF n°3, 1923<br />

Affiche de propagande soviétique de l’époque stalinienne<br />

Alexandre Rodchenko On top, 1930<br />

28,4 x 17,8 cm (c) Pro Litteris, Zürich<br />

Gustav Klutsis,<br />

Electrification de tout le pays, 1920


<strong>Histoire</strong>(s)<br />

Hervé Leforestier, Thomas Ruff<br />

Erró (Gudmundur Gudmundsson,Ferró, dit)<br />

Né à Olafsvik (Islande), 1932<br />

Erró, La Concorde, vers 1979<br />

- 1980<br />

Série Tableaux chinois<br />

Illustrations de magazines<br />

découpées et collées<br />

15,7x19,2 cm<br />

(c) ADAGP<br />

Erró, God Bless Bagdad,<br />

2003 - 2004<br />

Illustrations de magazines,<br />

épreuves aux encres et<br />

papiers de couleur découpés,<br />

réhaussés de feutre et collés<br />

138,5x224,5 cm<br />

Erró fait partie de la Figuration Narrative,<br />

groupe qui prétend dénoncer les contradictions<br />

de l’époque et renouer avec la figuration et<br />

la peinture d’histoire en faisant le choix<br />

d’être accessible au public. Son œuvre est<br />

toujours militante et sa peinture engagée.<br />

Erró collectionne les bandes dessinées<br />

et les images de presse, les recycle et les<br />

assemblent dans des compositions qui<br />

ressemblent parfois à des accumulations<br />

foisonnantes et qui toujours créent des<br />

confrontations et des juxtapositions<br />

détonantes.<br />

A partir de 1972, Erró entame la série<br />

Tableaux chinois, dans laquelle il s’attaque<br />

à la peinture de propagande chinoise.<br />

Passionné par le Réalisme socialiste il crée<br />

des assemblages où images de l’Est et de<br />

l’Ouest sont associées, images de<br />

propagande et photographies touristiques.<br />

«God Bless Bagdad» fait partie de la série<br />

Désastres de guerre qui oscille entre<br />

fresque historique et bande dessinée, mêlant<br />

images de culture populaire et images de<br />

presse pendant la Guerre du Golf.<br />

« Le photomontage a connu un essor considérable au lendemain de la Première Guerre mondiale, au point<br />

de conquérir de très larges secteurs de la culture et de la communication visuelle moderne. Inventé par les<br />

dadaïstes berlinois comme une forme satirique volontairement provocatrice, il atterrira, en une décennie à<br />

peine, dans la boîte à outils des publicitaires et des propagandistes. »<br />

Emmanuel Guigon, Tranchons-en ! in « John Hearfield photomontages politiques (1930-1938) », p 11, Editions des Musées de Strasbourg, 2006.<br />

«L’incroyable évolution du reportage illustré n’a rien fait gagné à la vérité en ce qui concerne la situation dans<br />

le monde. La photographie, aux mains de la bourgeoisie, est devenue une arme redoutable contre la vérité.<br />

L’énorme quantité d’images crachées quotidiennement par les presses d’imprimeries et qui prétendent détenir<br />

un caractère de vérité, ne servent en réalité qu’à obscurcir l’état des choses. L’appareil photographique<br />

est capable de mentir autant que la machine à écrire». Bertold Brecht


<strong>Histoire</strong>(s)<br />

Hervé Leforestier, Thomas Ruff<br />

QUELQUES PISTES<br />

Eclatement<br />

> Les deux œuvres associent des éléments hétéroclites et créent des rapports d’échelle incongrus, des renversements<br />

accumulation ou éclatements.<br />

Engagement<br />

> Thomas Ruff commente l’actualité, Hervé Leforestier tourne en dérision toute l’histoire du XXe siècle et ses conflits.<br />

Ironie et désespoir<br />

> Thomas Ruff met Helmut Kohl dans une situation grotesque, Hervé Leforestier met de nombreuses personnalités<br />

politiques et historiques en acteurs d’une fête macabre.<br />

> Hervé Leforestier donne une lecture de l’histoire du XXe siècle comme une succession de conflits et de totalitarismes.<br />

Thomas Ruff fait des personnages politiques et de pouvoir des hommes aux décisions inconséquentes et dramatiques.<br />

Propagande<br />

> Thomas Ruff fait des lettres qui ressemble à du cyrillique, le format de l’affiche est monumental : il associe discours<br />

des médias et ficelles de la propagande de pays de l’Est à l’ère<br />

stalinienne.<br />

> Hervé Leforestier associe les grands totalitarismes du XXème siècle et les héros de son enfance.<br />

Anachronisme<br />

> Thomas Ruff reprend à son compte le procédé de collage d’un Heartfield avec des moyens techniques actuels.<br />

Hervé Leforestier découpe et assemble pour dénoncer la société comme l’ont fait avant lui des dadas.<br />

Intime / collectif<br />

> Hervé Leforestier associe l’<strong>Histoire</strong> collective à sa propre biographie et aux héros de son enfance, il utilise la forme de<br />

l’ex voto, comme forme d’une relation intime de l’individu au monde ou de sa ré-appropriation.<br />

> Thomas Ruff est en retrait de l’image qu’il réalise dans lequel aucune trace de sa biographie ou de sa subjectivité<br />

affective n’apparaît et utilise le format affiche, format de l’image de l’espace public.<br />

Lettres<br />

> Thomas Ruff joue avec les mots qui sont en même temps slogan et élément plastique.<br />

> Les lettres chez Hervé Leforestier permettent une narration, un élément de biographie en plus, elles lient entre eux<br />

les différents cadres et leur donnent une chronologie mais sont aussi des éléments parmi d’autres de l’accumulation.<br />

Bibliographie<br />

Tous ces ouvrages sont disponibles au centre de documentation du Frac <strong>Basse</strong>-<strong>Normandie</strong>.<br />

Dada, catalogue de l’exposition présentée du 5 octobre 2005 au 9 janvier 2005 au Centre Pompidou, éditions du Centre<br />

Georges Pompidou, Paris, 2005.<br />

Brandon Raylor, Collage, l’invention des avant-gardes, édition Hazan, Chine, 2005.<br />

Face à l’histoire, 1933-1996, l’artiste moderne devant l’événement historique, édition Flammarion Centre Georges<br />

Pompidou, Paris, 1996.<br />

Collection art contemporain, édition Centre George Pompidou, Paris, 2007<br />

John Hearfield, photomontages politiques 1930-1938, catalogue de l’exposition présentée au Musée d’Art moderne et<br />

contemporain de Strasbourg du 7 avril au 23 juillet 2006.

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