Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
36 |inTerview| <strong>Escape</strong> <strong>#37</strong><br />
Hervé, le plus jeune de la lignée<br />
Barmasse, a ouvert une nouvelle<br />
voie en avril dernier sur la face<br />
sud-est du pic Muzo, une cime<br />
qui se détache du grand Cervin, la montagne<br />
familiale. Cinq jours de solo pour lier une nouvelle<br />
fois son patronyme avec celui du Matterhorn.<br />
Friand de grandes parois granitiques, Hervé a<br />
alterné les ascensions au Pakistan et en Patagonie.<br />
Dans le Karakorum, il a notamment ouvert un<br />
nouvel itinéraire sur le pilier central du Chogolisa<br />
avec Fabio Salini et Ezio Marlier (200w5) et réalisé la première ascension<br />
du Beka Brakkai Chhok avec Simone Moro. En Terre de Feu, il a réalisé<br />
la première de la face nord du Cerro San Lorenzo (2008) avec Matteo<br />
Bernasconi et Lorenzo Lanfranchi. Mais c’est surtout la conquête du<br />
Cerro Piergiorgio avec Cristian Brenna (2008), au bout de la troisième<br />
tentative et après un grave accident survenu deux ans plus tôt, qui a révélé<br />
la force de caractère du guide Aostien. Toutes ces réalisations lointaines<br />
n’ont cependant pas empêché Hervé de revenir se frotter au mont Cervin<br />
avec, entre autres, le premier solo de la directissime de la face sud en<br />
2007. Une voie que son père Marco avait<br />
« L’HiSToire De ceTTe Voie, c’eST<br />
qu’un Père eT un fiLS onT faiT<br />
une beLLe Voie enSembLe. eT<br />
Le faiT que ce SoiT une Voie<br />
DifficiLe, bon, c’eST mieux<br />
PeuT-êTre, maiS ce qui eST<br />
imPorTanT, c’eST L’HiSToire. »<br />
ouvert avec deux partenaires en 1983. Père<br />
et fils ont ensuite décidé d’unir leurs talents<br />
pour ouvrir le couloir Dell Enjambé dans<br />
cette même face sud. Un itinéraire splendide<br />
que son père avait tenté d’ouvrir en 1985 et<br />
qui porte désormais leur nom.<br />
Cette complicité montagnarde entre père et<br />
fils s’est encore affirmée lors de la dernière<br />
réalisation d’Hervé sur le pic Muzot. Marco<br />
est allé l’accueillir au sommet avec une<br />
canette de soda bien méritée avant de<br />
l’accompagner pour la redescente. Ils ont<br />
alors pu parler d’un autre projet, l’ouverture d’une voie sur le mont<br />
Rose. Hervé a en effet imaginé un nouveau défi qu’il a intitulé<br />
“L’exploration des Alpes”. Entre histoire et symbolisme, il veut ouvrir<br />
trois voies dans trois styles différents sur les trois plus hauts sommets<br />
des Alpes : les monts Cervin, Rose et Blanc. Après l’ascension du pic<br />
Muzot, demeure le mont Rose où il espère faire cordée commune avec<br />
son père, et le mont Blanc, où il devrait s’associer à d’autres alpinistes<br />
de renom. Curieux d’en savoir un peu plus sur ce nouveau projet et<br />
sur la volonté qui anime Hervé, nous sommes allés discuter le bout de<br />
lard lors d’une rencontre à Chamonix.<br />
<strong>Escape</strong> : Qu’est-ce qui t’a donné envie d’ouvrir une voie sur le<br />
Mt Cervin ?<br />
Hervé : On dit qu’aujourd’hui dans les Alpes, il n’y a plus de place pour<br />
de nouvelles voies logiques et de grandes belles voies, et je pense que ce<br />
n’est pas vrai. D’ailleurs, l’an passé, avec mon père, nous avons ouvert un<br />
couloir dans la face sud du Mt Cervin. Je pense qu’il s’agit de l’unique<br />
vrai couloir du Mt Cervin. Mais il y avait encore une paroi dans la paroi<br />
sud du Mt Cervin, c’est la face sud-est du Picco Muzio. C’est une petite<br />
aiguille, détachée de la paroi principale. Il y avait cette paroi, assez<br />
verticale et surplombante sur la dernière partie, et sur laquelle il n’y avait<br />
pas de voie directe. Il y avait une petite voie faite par deux Italiens, mais<br />
qui contournait le vertical et le surplomb. Donc, je me suis dit que c’était<br />
peut-être la dernière paroi que l’on pouvait faire dans le Mt Cervin. C’était<br />
une paroi dans la paroi, et je pense que c’était la dernière.<br />
C’est une histoire de famille chez vous le Cervin ?<br />
Oui, je représente la quatrième génération de guides de haute montagne,<br />
et pour toute la famille, le mont Cervin est un emblème. J’ai appris<br />
l’alpinisme sur cette montagne, la montagne familiale. Mon père avait<br />
déjà ouvert des voies, des solos et réalisé des premières répétitions<br />
en hivernale. Donc oui, je crois que c’est la<br />
montagne qui représente la famille Barmasse.<br />
Ton père Marco, avec lequel tu as ouvert un<br />
couloir en mars l’an passé, “Dell Enjambé”,<br />
encore sur le mont Cervin. Raconte-nous cette<br />
aventure.<br />
C’est un grand couloir que mon père avait essayé<br />
d’ouvrir en 1985. Grassi (Gian Carlo, NDLR),<br />
l’un des grands spécialistes de la glace et du mixe<br />
dans les années 90, avait déclaré qu’il s’agissait<br />
du dernier problème logique des Alpes. D’autres<br />
alpinistes ont essayé par la suite, sans plus de<br />
succès. Les deux derniers à avoir essayé étaient les frères Anthamatten<br />
de Zermatt. Et nous, avec mon père, on s’est dit, pourquoi ne pas essayer<br />
de la faire ensemble ? Toi, tu l’as déjà essayé et moi, maintenant, je suis<br />
grand, alors allons-y.<br />
Après, on a eu de la chance. Moi je dis toujours qu’en montagne, il faut<br />
avoir de la chance. S’il y a des gens qui ont échoué avant toi, ce n’est pas<br />
parce que tu es meilleur qu’eux. On a eu le petit plus de chance, qui nous<br />
a permis de réussir.<br />
Et tu as fait d’autres ascensions avec ton père ?<br />
On avait déjà ouvert une voie sur la massif du Mt Rose. Mais, avant le