Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
PARC DU MERCANTOUR<br />
L’INVENTAIRE DU VIVANT<br />
OBSÈ<strong>DE</strong> LES CHERCHEURS<br />
PRESSÉS PAR LE TEMPS, LES SCIENTIFIQUES VEULENT ACCÉLÉRER LE RECENSEMENT <strong>DE</strong><br />
LA BIODIVERSITÉ. UNE CHANCE <strong>DE</strong> SURVIE POUR LES TAXONOMISTES, UNE ESPÈCE <strong>DE</strong><br />
CHERCHEURS EN VOIE <strong>DE</strong> DISPARITION.<br />
A<br />
près des décennies de purgatoire, c’est<br />
le retour en grâce des cabinets de<br />
curiosité. Un peu partout sur la planète<br />
des missions scientifiques s’organisent pour<br />
collecter le vivant, identifier, classer, compter<br />
et comparer les espèces. « L’engouement du<br />
public pour la biodiversité a révélé la masse<br />
d’ignorance des scientifiques sur le sujet.<br />
Avec le contingent encore inexploré du tissu<br />
vivant dans le monde du petit et de l’infiniment<br />
petit, le champ exploratoire est considérable »,<br />
observe un taxonomiste de l’université d’Aix-<br />
Marseille, l’une des rares en France à former de<br />
jeunes docteurs à cette discipline désuète.<br />
C’est aux États-Unis que les chercheurs ont<br />
d’abord osé sortir le plumeau à poussière.<br />
Sous l’impulsion du biologiste Dan Janzen, un<br />
vaste programme baptisé All Taxa Biodiversity<br />
Inventory a été lancé en 1998 dans le Great<br />
22<br />
Smoky Mountains National Park aux sud des<br />
Appalaches. Chaque année, il parvient à lever<br />
entre 250 000 et 400 000 dollars pour enrichir<br />
sa collection de lichens, d’insectes et autres<br />
gastéropodes. En dix ans, son équipe a ainsi<br />
découvert près de 6000 espèces nouvelles<br />
dans le périmètre du parc, dont 874 étaient<br />
jusqu’alors inconnus de la science.<br />
À l’heure où la planète s’inquiète pour la<br />
perte de sa biodiversité, ces résultats ont<br />
convaincu d’autres équipes de renouer avec<br />
cette curiosité qui régnait dans les sociétés<br />
savantes du 19ème siècle, après que le<br />
premier inventaire des espèces ait ouvert en<br />
1760 l’âge d’or de la taxonomie. Oubliée avec<br />
les débuts de l’ère industrielle, puis presque<br />
rejeté au ban de la science après les glorieuses<br />
découvertes de la biologie moléculaire, la<br />
discipline ne trouvait plus guère d’échos<br />
LE MAGAZINE GRATUIT OUTDOOR / NUMERO 24 /<br />
qu’auprès d’associations de passionnés. « Au<br />
point que les amateurs découvrent aujourd’hui<br />
plus d’espèces que les scientifiques », regrette<br />
Pierre Commenville, directeur adjoint du Parc<br />
du Mercantour, un des 10 « hot spot » de la<br />
biodiversité du pourtour méditerranéen.<br />
Pour se joindre à l’effort international et pallier à<br />
ce qu’ils qualifient de « handicap taxonomiste »,<br />
24 instituts de recherche, muséums d’histoire<br />
naturelle et jardins botaniques répartis dans<br />
treize pays d’Europe ont eu l’idée de créer<br />
un réseau d’échange baptisé Edit (European<br />
Distributed Institute of Taxonomy). Le but de<br />
ce consortium coordonné depuis la France<br />
par le Muséum National d’Histoire Naturelle,<br />
est de faire entrer la description des espèces<br />
dans l’ère industrielle. « La taxonomie est<br />
à la base de la connaissance du vivant,<br />
mais elle souffre aujourd’hui d’un sérieux<br />
manque de considérations et de moyens,<br />
explique Gaël Lancelot, l’un des animateurs<br />
du réseau : manque d’accès à l’information,<br />
manque de personnel compétent, manque<br />
d’infrastructures… Edit doit permettre<br />
JUMELÉS <strong>DE</strong>PUIS 1987, LES PARCS<br />
DU MERCANTOUR ET <strong>DE</strong>S ALPI<br />
MARITTIME ABRITENT UN PATRIMOINE<br />
NATUREL D’UNE GRAN<strong>DE</strong> RICHESSE<br />
PROPOSÉ À L’INSCRIPTION AU PATRI-<br />
MOINE MONDIAL <strong>DE</strong> L’HUMANITÉ.<br />
PRÈS <strong>DE</strong> 200 GRANDS VERTÉBRÉS<br />
Y ONT ÉTÉ RECENSÉES DONT LE<br />
QUART SONT INSCRITS SUR LA LISTE<br />
ROUGE <strong>DE</strong>S ESPÈCES MENACÉES. LE<br />
SITE EST AUSSI UN FOYER <strong>DE</strong> FORT<br />
ENDÉMISME POUR LA FAUNE ET PLUS<br />
ENCORE POUR LA FLORE (UNE QUA-<br />
RANTAINE D’ESPÈCES ONT DÉJÀ ÉTÉ<br />
I<strong>DE</strong>NTIFIÉES).