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M algré la neige qui tombe en abondance à 4200 mètres d’altitude sur le toit d’Hawaii, pas âme de skieur qui vive. Au pays du surf, la neige n’est une culture pour personne, ni pour les locaux plus attirés par les rouleaux qui s’échouent sur le récif, ni par les astronomes, trop absorbés par l’un des ciels parmi les plus purs de la planète. Les dômes d’observations y sont plantés comme autant de cairns guidant le voyageur qui ose s’aventurer au sommet. Jean-Charles Cuillandre, un astronome français de l’observatoire franco-canadien m’y accueille après deux heures sur une route goudronnée financée par un milliardaire passionné d’astéroïde et autres objets célestes qui craignait que la poussière des pistes n’endommage les instruments d’observation. Les randonneurs, eux, ont le choix de l’itinéraire pour grimper sur les pentes de l’ancien volcan en un ou deux jours de marche selon le point de départ. Je me risque sur l’une des pistes du sommet qui offrent des panoramas incroyables sur l’archipel hawaiien. Je dois vite déchanter : le manque d’oxygène et la neige rendent les choses plus compliquées que prévues. Repli stratégique dans l’observatoire. Une trentaine de personnes occupent le site de façon plus ou moins régulière. Ce soir nous ils ne sont que trois sous la coupole : mon hôte, breton d’origine, et deux opérateurs. Nous traversons des salles remplies de machines-outils et de stocks divers qui permettent d’assurer l’autonomie du télescope. Jean-Charles nous présente un des capteurs numériques qu’il a conçu il y a quelques années : 340 méga pixels au compteur, une vraie performance. « Aujourd’hui plus personne ne regarde à travers le viseur du télescope. Des ordinateurs enregistrent les données et les images sont recomposées par la suite », explique Jean-Charles. En quinze années de travail à l’observatoire, l’astronome a pris pleinement part à ce passage au numérique. Il a passé de longues semaines au sommet sans redescendre, pour mettre au point les nouveaux systèmes d’observation, avec 39 LE MAGAZINE GRATUIT OUTDOOR / NUMERO 24 / SPECIAL <strong>SOMMETS</strong> MAUNA KEA L’EVEREST <strong>DE</strong>S ASTRONOMES CHAQUE HIVER LE POINT CULMINANT D’HAWAII SE COUVRE D’UN VOILE BLANC. UNE IDÉE <strong>DE</strong> RANDO POUR VOTRE PROCHAINE VIRÉE DANS LE PACIFIQUE. PRATIQUE La meilleure période. De novembre à mars pour avoir les pieds dans la neige, le reste de l’année pour les plonger dans l’eau. S’y rendre. Par avion, vols réguliers jusqu’à Honolulu via Los Angeles ou New York. Dans l’archipel hawaiien, de nombreux vols inter-îles desservent Hilo ou Kona à Big Island. Les compagnies Aloha ou Hawaiian Airlines proposent des packages très intéressants qui comprennent le vol et la location de la voiture. Prévoir un véhicule 4x4 pour arriver jusqu’au sommet, en évitant les Jeeps qui ne vous protègeront pas assez du froid et du vent. Organiser son voyage > Passeport obligatoire pour les ressortissants des pays membres de l’espace Schengen, dont la France. > Préparez soigneusement votre équipement : il peut faire très froid et le temps peut changer tous les problèmes liés au travail en haute altitude. « À 4200m, il est difficile de faire fonctionner son cerveau à 100% », admet-il. Partout sur le site, de nombreux dispositifs de secours sont disponibles. Cette nuit, le ciel est d’une qualité rare, comme il ne se produit que cinq fois dans l’année. La coupole s’ouvre baignée dans une lumière orangée pendant que l’immense télescope de plusieurs tonnes s’élève vers le ciel. C’est parti pour 11 heures 30 d’observation nocturne. Dehors la température chute rapidement. Les travaux s’enchaînent par ordre de priorité. Rien à voir sur les écrans de contrôle : avant de livrer leurs secrets, les milliers de clichés pris par le télescope doivent d’abord être traité par de puissants algorithmes, puis archivés. La fourmilière s’agite. L’un des résultats de ces observations s’affiche sur grand écran : après six années de prise de vues, mélange des visions du Mauna Kéa avec celles des étoiles, un long-métrage a été réalisé en utilisant plus de 100 000 photographies prises à intervalles réguliers de jour comme de nuit. Hawaiian Starlight, un long-métrage sans paroles, associant performance technique et esthétique. Une nouvelle preuve de la magie qu’exerce la montagne sacrée pour quiconque foule ses pentes, des gardiens séculaires des croyances locales ou simples visiteurs. TEXTE ET PHOTOS : STÉPHANE ROBIN rapidement. Emmener tout ce dont vous pensez avoir besoin. Faites le plein, la route est longue et il n’y a absolument rien pour se ravitailler en chemin ni au sommet lui-même. Utilisez des chaussures de randonnées solides qui résistent aux terrains de laves abrasifs. Pour ceux qui veulent glisser sur la neige, emportez votre équipement : il n’y a rien sur place, et c’est votre voiture qui servira de remonte-pente. À lire > Mauna Kea : A Guide to Hawaii’s Sacred Mountain, de David Byrne & Leslie Lang (en anglais) - Watermark Publishing > Les Volcans, de Jean-Claude Tanguy - Éditions Jean-Paul Gisserot 1999 > Unwritten literature of Hawaii : the sacred songs of the hula, de Nathaniel Emerson - Government printing Office (Washington) – 1909 > Hawaiian Starlight, de Jean-Charles Cuillandre - en DVD - info sur : www.cfht.hawaii.edu/hs/