Les sens du travail et la carriérologie. - Faculté des sciences de l ...
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LE SENS DU TRAVAIL ET LA CARRIÉROLOGIE<br />
<strong>la</strong> société lui reconnaît <strong>la</strong> charge. Dans <strong>de</strong> telles sociétés, personne n’a <strong>de</strong> privilège spécial à<br />
cause <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature <strong>de</strong> son <strong>travail</strong>, car tous luttent pour leur subsistance par le biais <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse<br />
ou <strong>de</strong> <strong>la</strong> cueill<strong>et</strong>te. La propriété communautaire apparaît donc comme une caractéristique<br />
fondamentale <strong>de</strong> <strong>la</strong> conception <strong>du</strong> <strong>travail</strong> dans ces sociétés primitives. Personne n’est privé <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
moyens <strong>de</strong> vivre, ni n’est obligé à <strong>travail</strong>ler pour autrui. Il en est ainsi, car <strong>la</strong> propriété <strong><strong>de</strong>s</strong> biens<br />
essentiels à l’existence (territoire <strong>de</strong> chasse, terre <strong>de</strong> culture, rivage marin ou bief <strong>de</strong> rivière) <strong>et</strong><br />
les conditions qui <strong>la</strong> régissent, sont généralement entre les mains d’une communauté, d’un<br />
groupe social ou d’un c<strong>la</strong>n. “À sa naissance, avant même que l’indivi<strong>du</strong> ne commence à <strong>travail</strong>ler,<br />
<strong>du</strong> seul fait <strong>de</strong> son appartenance à un groupe social qui possè<strong>de</strong> <strong>et</strong> contrôle collectivement les<br />
conditions essentielles <strong>de</strong> pro<strong>du</strong>ction, l’indivi<strong>du</strong> se trouve à l’avance garanti d’avoir accès à <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
moyens matériels d’existence... <strong>la</strong> propriété privée <strong>du</strong> sol n’existe pas <strong>et</strong> l’indivi<strong>du</strong> ne peut être<br />
privé <strong>de</strong> moyens <strong>de</strong> <strong>travail</strong> sauf par <strong>la</strong> violence, <strong>la</strong> guerre, l’expulsion <strong>de</strong> son groupe” (Go<strong>de</strong>lier,<br />
1975; 37).<br />
Ainsi, dans les sociétés primitives, le <strong>travail</strong> ne perm<strong>et</strong> pas <strong>de</strong> distinguer les gens. Ces sociétés<br />
nous <strong>la</strong>issent voir que le <strong>travail</strong>, tout en étant omniprésent dans <strong>la</strong> vie quotidienne, ne joue pas<br />
sur <strong>la</strong> définition d’un indivi<strong>du</strong>, ni sur son <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> dignité ou son statut socio-économique. Dans<br />
ce contexte, il faut souligner que <strong>la</strong> <strong>carriérologie</strong> n’aurait évi<strong>de</strong>mment pas pu abor<strong>de</strong>r, à titre<br />
d’obj<strong>et</strong> d’étu<strong>de</strong>, les phénomènes <strong>de</strong> préparation ou d’intégration au marché <strong>du</strong> <strong>travail</strong> ou au<br />
marché <strong>de</strong> l’activité. Car une telle sous-culture sociale, si formelle, n’existe pas. Surtout, il n’y a<br />
pas <strong>de</strong> carrière qui soit spécifique à l’un ou l’autre indivi<strong>du</strong>.<br />
Dans les sociétés in<strong>du</strong>strielles <strong>et</strong> postin<strong>du</strong>strielles, par contre, il en va tout autrement. Elles<br />
qualifient un indivi<strong>du</strong> par son rapport spécifique à <strong>la</strong> pro<strong>du</strong>ction au sein <strong>de</strong> <strong>la</strong> société, i.e. par son<br />
utilité économique, sociale ou socio-économique. D’ailleurs, selon Trémol<strong>et</strong> <strong>de</strong> Villers (cité dans<br />
Jaccard, 1960), le phénomène <strong>du</strong> <strong>travail</strong> économique <strong>et</strong> social, à <strong>la</strong> base <strong>de</strong> l’i<strong>de</strong>ntité<br />
personnelle, est re<strong>la</strong>tivement récent dans l’histoire. Et c’est seulement à ce moment, selon nous,<br />
que <strong>la</strong> <strong>carriérologie</strong> pourrait, rétrospectivement, r<strong>et</strong>rouver un certain obj<strong>et</strong> d’étu<strong>de</strong>. Auparavant,<br />
<strong>la</strong> <strong>carriérologie</strong> n’aurait pas trouvé sa raison d’être, ou <strong>du</strong> moins très peu. Car, encore au XVIIe<br />
siècle, l’indivi<strong>du</strong> accompli est <strong>la</strong> personne cultivée, l’honnête homme qui s’adonne aux<br />
occupations <strong>de</strong> l’esprit, aux arts <strong>et</strong> aux l<strong>et</strong>tres. Et le saint, modèle <strong>de</strong> perfection chrétienne, n’est<br />
pas prioritairement un <strong>travail</strong>leur mais une personne <strong>de</strong> prière, <strong>de</strong> contemp<strong>la</strong>tion, <strong>de</strong> spiritualité.<br />
Même si parfois l’indivi<strong>du</strong> développe une prodigieuse activité, il ne s’agit pas là d’un <strong>travail</strong><br />
s’associant à une utilité prioritairement socio-économique.<br />
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