2008-04-Avril - Horesca

10 I
article
ensemble pour comprendre l’exigence du respect.
Nous avons évolué vers des rendements
mieux maîtrisés et contrôlés en fonction du terroir,
de l’âge et de la vigueur de la vigne. Nous
avons évolué vers un plus grand respect de la
matière première en éliminant tout élément
de trituration des raisins pour n’en garder que
les parties nobles par des macérations pelliculaires
maîtrisées. Nous avons mieux compris
la fermentation alcoolique, lieu magique qui
transforme le jus en vin, mais période diffi cile à
appréhender. Nous avons travaillé l’élevage pour
extraire des levures leur quintessence aromatique.
Bref, nous avons travaillé encore et
encore, pris des risques pour mieux comprendre,
mieux maîtriser. Vous allez me dire onze
ans pour ça ? Mais oui, car il n’y a qu’une seule
vendange par an, et chaque année elle est différente.
C’est un éternel recommencement. Nous
sommes condamnés à être des passionnés !
Douce passion !
H.I. : Selon vous, où y a-t-il encore des progrès
à faire dans l’avenir et quels seront les
vins (luxembourgeois) de demain.
N.S. : Techniquement et philosophiquement, les
vignerons ont les armes pour tirer le meilleur
de la récolte. Mais chaque année la récolte est
différente…
Donc, demain, que faudra-t-il faire ? Je ne sais
pas. Evoluer avec la récolte. Evoluer aussi avec
le consommateur. Notre métier est un éternel
recommencement. Alors que seront les vins de
demain ? C’est aux consommateurs de le dire.
De grands progrès sont encore à faire sur
l’homogénéité qualitative entre les cépages, de
façon à casser cette image de cépage noble et
non noble. Chaque raisin est noble, à nous de
valoriser cette noblesse, fut-elle Elbling ou Rivaner.
Après le choc de l’Elbling à mes débuts, je
suis persuadé de la qualité réelle de ce cépage,
comme du Rivaner. A nous de les comprendre,
de les dompter et de les présenter sous leurs
plus beaux attraits.
La vinifi cation en rouge doit encore être travaillée.
Avec le vieillissement des vignes, le
niveau qualitatif va croître encore. Donnonsnous
rendez-vous dans 50 ans…
horesca informations avril 2008
Et que dire des crémants. Il y a un potentiel
énorme à encore exploiter.
H.I. : On dit souvent que le vin luxembourgeois
est bon mais pas forcément son image.
Il faut donc investir dans le marketing. Partagez-vous
ce point de vue?
N.S. : Tout à fait. Le problème essentiel est l’hétérogénéité
qualitative de la Moselle. Le mode
d’agrément actuel ne permet pas au consommateur
d’avoir la certitude de servir sur sa table
le meilleur vin possible. De plus, l’image renvoyée
par des promotions à répétition de Grand
Premier Cru dans les grandes et moyennes
surfaces n’est pas bonne. Et que dire de certains
vins vendus à l’étranger…
C’est pourquoi, les vignerons indépendants ont
eu le courage, en premier, et sous mon contrôle,
d’écrire une charte réellement qualitative,
exigeante comme aucune autre, qui assure traçabilité
et contrôle, pureté de terroir et de vinifi
cation. Sans tambour ni trompette, dix vignerons
indépendants se sont lancés dans cette
expérience extrêmement exigeante sur 1, 2 ou
3 parcelles. Certains ont d’eux mêmes préféré
éliminer l’un ou l’autre vin, n’estimant pas le
niveau qualitatif suffi sant, malgré tout le travail
accompli. L’objectif est clair : Pouvoir proposer
le meilleur de notre terroir à coup sûr. Créer
une véritable locomotive qualitative qui nous
permette de faire savoir notre savoir-faire. Ces
vins ne concourront pas pour le Grand Premier
Cru, c’est la charte des vignerons indépendants,
seule et validée par des experts indépendants,
qui leur donnera leur lettre de noblesse.
Investir dans le marketing, oui, mais à une
condition : celle de respecter réellement le
consommateur. Et pour cela, il faut investir dans
la qualité. C’est ce que les vignerons indépendants
font depuis onze ans ; c’est par cette
charte qu’ils veulent le faire savoir.
Et cette année, cinq autres domaines vont
rejoindre cette élite de viticulteurs.
H.I. : Aujourd’hui vous quittez le Luxembourg
et là où vous allez, il y a certainement beaucoup
de bons vins. Si vous deviez emporter
une seule bouteille de vin luxembourgeois,
laquelle prendriez-vous?
N.S. : Je ne peux pas répondre à cette question
non pas que je ne souhaite pas répondre, mais
parce que je ne peux pas. Pour commencer,
beaucoup ont eu la sympathie de m’offrir leurs
plus belles réalisations, et comment choisir…
Pouvez-vous choisir entre vos différents
enfants ? Lequel préférez-vous ? Je ne vous
ferais pas l’affront d’exiger de vous une réponse.
Sachez, qu’avec les vignerons, j’ai mis dans
chacun des vins tout mon savoir-faire, toute
mon énergie, toute ma passion. Quelques fois
avec bonheur, d’autres avec moins de réussite
mais toujours avec générosité. Alors oui, j’ai
d’excellents souvenirs et sans doute certains se
reconnaîtront,
- d’ici je prendrai un Pinot Noir Barrique 2003
généreux et épicé,
- là un Pinot Gris 2004 qui reste toujours frais
malgré les années qui passent,
- mais aussi un Rivaner atypique fl oral et sauvignonné
à souhait,
- un Riesling Terrasse 2002 austère au début,
rebuté de tous mais aujourd’hui combien
grand,
- un Pinot Gris 2005 fruité et épicé, gouleyant
à souhait,
- un Pinot Blanc 2000 exotique, puissant et
généreux,
- un Chardonnay 2002 délicatement barriqué
qui garde sa race et son élégance,
- un Muscat fruité et si fragile,
- un Auxerrois 2006 que j’aime sur son fruit,
- un vin d’assemblage, fruit d’une joute artistique
et technique
- un Pinot Noir en blanc, fruité légèrement
fumé, issu d’un essai réussi,
- un Elbling 2005 bien mûr, rafraîchissant
- un Gewürztraminer 2002, délicat, féminin, qui
réjouit les papilles et mon épouse,
- un Sylvaner 2005, fruité, léger mais au combien
désaltérant,
- et le dernier né le Saint Laurent, dont l’expression
rouge m’a bluffée.
Que ces vins soient de terroir, de fruits, de race,
ou d’élégance, ils m’ont réjouit et je leur ai tout
donné. Ils me l’ont rendu au centuple. A vous
aussi de faire votre expérience et de faire la fête
autour d’une bouteille de … Crémant luxembourgeois
bien sûr.