2. Les différentes facettes de l'humain - De Boeck
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160 La stratégie, la projection d’une expression...<br />
giques, moins autonomes, plus défensifs, peu innovants, plus bornés, etc. Tenu par<br />
son engagement <strong>de</strong> résultats vis-à-vis <strong>de</strong> ses propres supérieurs, le manager sous<br />
pression est peut-être incité à trouver dans son collaborateur moins performant la justification<br />
commo<strong>de</strong> <strong>de</strong> retards ou <strong>de</strong> dysfonctionnements éventuels <strong>de</strong> l’activité qu’il<br />
supervise. Le manager va s’i<strong>de</strong>ntifier négativement à ce collaborateur insatisfaisant<br />
car ce <strong>de</strong>rnier représente ce que lui, le manager performant, est censé ne pas être. En<br />
l’étiquetant négativement, il escamote la réflexion sur ces mêmes faiblesses qui sont<br />
éventuellement en lui. Evi<strong>de</strong>mment, <strong>de</strong> leur côté, les collaborateurs ne sont pas les<br />
<strong>de</strong>rniers à utiliser les étiquettes pour fixer leurs opinions sur leurs dirigeants.<br />
On voit également ce que ce genre <strong>de</strong> message peut avoir <strong>de</strong> déstabilisant, car<br />
culpabilisant, pour un manager : si un collaborateur est peu performant, ce serait <strong>de</strong><br />
sa faute. On comprend que le responsable, auquel on <strong>de</strong>man<strong>de</strong> en même temps <strong>de</strong><br />
tenir <strong>de</strong>s objectifs <strong>de</strong> plus en plus tendus, puisse se montrer réticent à l’écoute <strong>de</strong> ce<br />
discours sur le syndrome d’échec programmé.<br />
Le mérite <strong>de</strong> ces travaux est <strong>de</strong> remettre le dirigeant en scène, en indiquant<br />
que la relation dirigeant – collaborateurs a un impact majeur sur la performance du<br />
collaborateur. Ils soulignent aussi l’ancrage dans la dimension intersubjective <strong>de</strong> tout<br />
acte <strong>de</strong> management et proposent un premier décryptage <strong>de</strong> ce fonctionnement informel,<br />
où la confiance joue ce rôle primordial que l’on tend pourtant à sous-estimer.<br />
Bref, ils offrent <strong>de</strong>s éléments d’analyse et d’explication sur ces décrochages surprenants<br />
constatés entre le prescrit et le réel.<br />
<strong>2.</strong>2 L’ouverture sur les mécanismes <strong>de</strong> défense<br />
Dans la même veine, <strong>de</strong>s auteurs ont mis en évi<strong>de</strong>nce les routines défensives<br />
qui freinent la communication et l’apprentissage dans les organisations : « j’appelle<br />
routine défensive organisationnelle toute politique ou action qui évite aux individus,<br />
aux groupes, aux intergroupes et aux organisations <strong>de</strong> connaître l’embarras ou<br />
la menace et qui les empêche en même temps d’en i<strong>de</strong>ntifier ou d’en atténuer les<br />
causes. <strong>Les</strong> routines défensives font obstacle à l’apprentissage (anti-learning) et sont<br />
surprotectrices » (Ch. Argyris, 2003). L’individu dans ses interactions suit ce processus<br />
implicite : il cherche à réaliser son objectif personnel en maximisant ses gains. Ceci<br />
le conduit à défendre sa position, à chercher à contrôler les autres acteurs <strong>de</strong> façon<br />
unilatérale, tout en masquant et réprimant l’expression <strong>de</strong> ses propres sentiments.<br />
En somme, chacun cherche à nier ou dissimuler l’écart qui inévitablement se creuse<br />
entre les valeurs <strong>de</strong> dialogue et d’ouverture prêchées et les conduites pratiquées <strong>de</strong><br />
rétentions d’information, <strong>de</strong> coalitions dysfonctionnelles ou <strong>de</strong> médisances. Ces routines<br />
<strong>de</strong> défense confirment leurs tenants dans leur position dominante et favorisent<br />
le maintien du statu quo. Dans un grand groupe pétrolier, une enquête psychosociologique<br />
nous a permis <strong>de</strong> montrer comment, dans cette culture, l’intérêt individuel<br />
prioritaire <strong>de</strong> préserver le face à face aboutit à taire les problèmes : les mauvaises<br />
nouvelles <strong>de</strong> perte <strong>de</strong> part <strong>de</strong> marché sont esquivées, jusqu’à ce que le management<br />
soit contraint <strong>de</strong> faire face à une crise financière majeure. Ces stratégies d’esquive<br />
sont dissimulées, y compris, aux yeux <strong>de</strong> celui qui y recourt.<br />
On retrouve ici à l’œuvre le processus <strong>de</strong> hiérarchie implicite <strong>de</strong>s valeurs, analysé<br />
par Manzoni et Barsoux dans le cas <strong>de</strong> relations verticales, et appliqué à <strong>de</strong>s rela-