pdf - 5,80 Mo - Ville de Vincennes
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portrait<br />
Au fond du petit restaurant<br />
italien faisant face à l’atelier,<br />
en plein <strong>de</strong> cœur <strong>de</strong> <strong>Vincennes</strong>,<br />
les discussions vont<br />
bon train. Sur un coin <strong>de</strong> nappe,<br />
<strong>de</strong>s esquisses, <strong>de</strong>s croquis<br />
prennent forme. Le restaurant<br />
est <strong>de</strong>venu au fil <strong>de</strong>s ans une<br />
« annexe » <strong>de</strong> l’atelier, un lieu<br />
où Yann Kersalé vient nourrir<br />
son corps et son imagination.<br />
Depuis plus <strong>de</strong> vingt ans, cet<br />
artiste a posé ses bagages<br />
dans notre ville. Dans son jardin<br />
laboratoire, où la nature<br />
pousse <strong>de</strong> façon anarchique et<br />
libérée, il expérimente <strong>de</strong> nouvelles<br />
créations qui, une fois<br />
la nuit venue, prendront toute<br />
leur dimension. Yann Kersalé<br />
est un sculpteur. Un sculpteur<br />
qui taille, qui travaille une<br />
matière furtive : la lumière. Ses<br />
œuvres ornent <strong>de</strong>s bâtiments,<br />
<strong>de</strong>s paysages du mon<strong>de</strong> entier.<br />
Aéroport <strong>de</strong> Bangkok, musée<br />
du quai Branly, Opéra <strong>de</strong> Lyon,<br />
Sony Center à Berlin… Depuis<br />
trente ans, le Breton a imaginé<br />
500 projets, dont une centaine<br />
<strong>de</strong> réalisations pérennes,<br />
comme l’éclairage du pont <strong>de</strong><br />
Normandie. De l’aube au crépuscule,<br />
ses œuvres vivent,<br />
grandioses. Puis disparaissent,<br />
le jour venu. « J’aime cette fragilité<br />
<strong>de</strong> l’œuvre, avoue Yann<br />
Kersalé. Elle sait s’effacer, se<br />
fondre dans le quotidien. »<br />
« Tagueur docile »<br />
Artiste, l’homme l’a toujours<br />
été. Petit, alors qu’il collectionne<br />
les punitions et les<br />
mauvaises notes, il <strong>de</strong>ssine<br />
et trouve ainsi une zone <strong>de</strong><br />
calme, un refuge. En mai 1968,<br />
il est en sixième et se forge aux<br />
côtés <strong>de</strong> ses copains lycéens<br />
une culture politique. Lorsqu’il<br />
entre aux Beaux-Arts <strong>de</strong> Quimper,<br />
au début <strong>de</strong>s années<br />
soixante-dix, il doit faire face à<br />
la réprobation familiale. « <strong>Mo</strong>n<br />
père espérait que je <strong>de</strong>vienne<br />
La nuit est son terrain <strong>de</strong> jeu. Vincennois d’adoption,<br />
Yann Kersalé utilise la lumière comme d’autres sculptent<br />
ou peignent. Cet artiste plasticien parcourt le mon<strong>de</strong><br />
pour illuminer bâtiments et paysages. Rencontre.<br />
Yann Kersalé, son<br />
siècle <strong>de</strong>s lumières<br />
ingénieur, raconte Yann Kersalé,<br />
que je suive ses pas et que<br />
je trouve un travail sérieux… ».<br />
Un artiste dans la famille, pensez<br />
donc ! « Vingt ans plus<br />
tard, mon père m’avouait<br />
qu’il était désolé et qu’il était<br />
heureux que j’aie<br />
trouvé ma voie… »<br />
Aujourd’hui, son<br />
art est connu et<br />
reconnu par les<br />
plus grands architectes,<br />
comme son<br />
ami Jean Nouvel.<br />
Les scientifiques se<br />
pressent à son atelier<br />
pour lui proposer<br />
<strong>de</strong> toutes nouvelles<br />
technologies.<br />
Les LED, <strong>de</strong>venues<br />
« à la mo<strong>de</strong> » <strong>de</strong>puis<br />
quelques années ?<br />
Il les utilise <strong>de</strong>puis<br />
Bio-Express<br />
1955 : Naissance à Paris<br />
1978 : Diplômé <strong>de</strong>s<br />
Beaux-Arts <strong>de</strong> Quimper<br />
1983 : S’installe<br />
à <strong>Vincennes</strong><br />
1991 : La Nuit <strong>de</strong>s<br />
Docks, à Saint-Nazaire<br />
2003 : Mise en lumière<br />
du musée du quai Branly<br />
plus <strong>de</strong> dix ans. Il travaille<br />
actuellement avec le CEA<br />
(centre d’énergie atomique) <strong>de</strong><br />
Grenoble sur un nouveau produit,<br />
la nanoled. « Quand nous<br />
avons commencé, il fallait<br />
frapper aux portes, sans relâche.<br />
Aujourd’hui,<br />
pas un jour ne se<br />
passe sans qu’on<br />
vienne nous démarcher<br />
directement à<br />
l’atelier ! »<br />
Quand l’art<br />
s’affiche<br />
au quotidien<br />
Dans son vaisseau<br />
amiral, huit collaborateurs<br />
travaillent à<br />
ses côtés. Ne parlez<br />
pas d’employés,<br />
non. Yann Kersalé<br />
décrit plus volontiers l’équipe<br />
comme un « équipage, qui part<br />
chaque année pour une longue<br />
expédition ». Malgré son bagou<br />
et son goût <strong>de</strong> la rhétorique,<br />
l’homme reste un artiste discret<br />
et humble. « Je me suis<br />
fait à l’idée que mon œuvre<br />
pouvait mourir. En aucun cas,<br />
je ne veux la sacraliser. Je suis<br />
un tagueur docile, qui ne laisse<br />
pas <strong>de</strong> trace… ». Yann Kersalé<br />
revendique un art libre, loin<br />
<strong>de</strong>s spéculations du marché et<br />
<strong>de</strong> l’univers <strong>de</strong>s galeristes. Ses<br />
œuvres s’affichent dans la rue,<br />
dans notre quotidien. N’est-ce<br />
pas finalement là le plus bel<br />
endroit d’exposition pour un<br />
artiste… CA<br />
À lire également : Yann Kersalé,<br />
architecte lumière, éd. Gallimard.<br />
<strong>Vincennes</strong> • Septembre 2009 17