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10<strong>france</strong><br />
LUNDI 30 MAI 2005<br />
RÉFÉRENDUM DU 29 MAI<br />
réactions<br />
Henri Emmanuelli –<br />
PS (non)<br />
« Je suis fier de la<br />
France. La politique<br />
ne s’arrête pas avec<br />
le “oui’’ ou le ‘‘non’’.<br />
Ce n’est pas un vote<br />
de peur, c’est un<br />
vote d’espérance. »<br />
Dominique Strauss-<br />
Kahn–PS(oui)<br />
« C’est la politique<br />
menée<br />
depuis trois ans<br />
qui a donné envie<br />
aux Français<br />
de renverser<br />
la table. »<br />
Arnaud Montebourg<br />
– PS (non)<br />
« Nous n’avons pas<br />
réussi à nous<br />
renouveler après<br />
le 21 avril 2002.<br />
M. Chirac va devoir<br />
aller porter la parole<br />
de son peuple,<br />
qu’il n’a pas<br />
entendue<br />
depuis dix ans. »<br />
Noël Mamère –<br />
Verts (oui)<br />
« Ce que nous<br />
payons, c’est le<br />
déficit d’explication<br />
sur l’Europe,<br />
notamment depuis<br />
la chute du mur<br />
de Berlin. »<br />
Philippe Douste-<br />
Blazy – UMP (oui)<br />
« Il faut réconcilier les<br />
Français. Il n’y a pas<br />
une France du ‘‘non’’<br />
et une France<br />
du ‘‘oui’’. La position<br />
de la France dans<br />
l’Europe est affaiblie. »<br />
Marine Le Pen - FN<br />
(non)<br />
« C’est la révolution<br />
par les urnes. Il y a<br />
une fracture entre<br />
le peuple français et<br />
ses représentants. »<br />
Le «non» déclenche une crise politique<br />
C’est non, non et non.<br />
C’est aussi « une violente réplique<br />
du séisme du 21 avril<br />
2002 », selon la formule employée<br />
hier soir par le politologue<br />
Pierre Giacometti<br />
(Ipsos). Selon des résultats<br />
portant sur 85,79% des inscrits,les<br />
Français ont rejeté à<br />
près de 56 % le traité constitutionnel<br />
européen.Un message<br />
adressé avec d’autant<br />
plus de force par les électeurs<br />
qu’ils ont été très nombreux<br />
à voter (lire ci-dessous).<br />
Premier visé par cette gifle,le<br />
chef de l’Etat, très impliqué<br />
dans la campagne. Dans une<br />
allocution télévisée prononcée<br />
à l’Elysée peu après l’annonce<br />
du résultat, Jacques<br />
Chirac a indiqué « prendre<br />
acte » du vote des Français :<br />
« Le 16 juin, le Conseil européen<br />
se réunira à Bruxelles,<br />
j’y défendrai les positions de<br />
notre pays en tenant compte<br />
de votre message. »<br />
Le second message délivré par Jacques<br />
Chirac a porté sur la politique intérieure.<br />
« Vous avez exprimé vos inquiétudes,<br />
j’entends y répondre en donnant une<br />
WAG<br />
Le oui et le non dans les départements<br />
Résultats provisoires hier à 23 h 10<br />
Résultats<br />
non parvenus<br />
Les électeurs prennent<br />
les urnes d’assaut<br />
Un référendum<br />
n’aura jamais autant mobilisé<br />
les électeurs depuis le début de<br />
la V e République. Avec un taux<br />
d’abstention estimé hier soir<br />
autour de 30 %,selon les instituts<br />
de sondage, le référendum<br />
sur la Constitution européenne<br />
crée un précédent.<br />
A titre de comparaison,l’abstention<br />
s’élevait à 69,81 %<br />
pour le référendum sur le<br />
quinquennat en 2000 et à<br />
30,31 % pour celui sur Maastricht<br />
en 1992.Un intérêt qui<br />
a pris son envol après les<br />
Oui<br />
45 %<br />
nouvelle impulsion à la politique intérieure.<br />
Je vous en ferai part dans les prochains<br />
jours.»Traduction :les heures de<br />
Jean-Pierre Raffarin sont comptées.<br />
grandes manifestations sociales<br />
du 10 mars et la polémique<br />
autour de la directive<br />
Bolkestein. La conjonction<br />
de ces événements a fait entrer<br />
les débats sur la Constitution<br />
dans les foyers.<br />
L’élection la plus mobilisatrice<br />
reste la présidentielle,mais son<br />
attrait s’érode.En 1981,18,9 %<br />
des électeurs n’avaient pas pris<br />
part au vote, contre 28,4 % en<br />
2002. Traditionnellement, les<br />
référendums sont celles qui intéressent<br />
le moins,juste devant<br />
les européennes.<br />
«cœur gros» Pour Jean-Claude Juncker,<br />
le président en exercice de l’Union européenne, l’Europe<br />
a « le cœur gros », mais « prend acte » du « non » français.<br />
« La ratification de la Constitution européenne doit<br />
se poursuivre », a précisé hier soir le leader luxembourgeois.<br />
Dominique Reynié<br />
Non<br />
55 %<br />
Professeur à l’Institut d’études<br />
politiques de Paris.<br />
« Plusieurs éléments<br />
ont joué pour atteindre un<br />
résultat aussi net, avec une<br />
participation aussi élevée. Il<br />
y a naturellement une part<br />
de vote-sanction à l’encontre<br />
du gouvernement.<br />
Mais le vote protestataire<br />
s’est aussi pleinement exprimé.<br />
A tout cela se mélange<br />
un ‘‘non’’ à l’Europe, où l’on<br />
retrouve à la fois l’extrême<br />
gauche, qui lui reproche<br />
d’être trop capitaliste, et<br />
l’extrême droite, qui la voit<br />
comme une menace pour la<br />
souveraineté nationale.<br />
Au-delà, ce vote est l’expression<br />
d’une angoisse par rapport<br />
à la mondialisation.<br />
L’intervention présidentielle<br />
a déchaîné les critiques. « Il<br />
n’y a pas d’inflexion de politique<br />
à attendre de Jacques<br />
Chirac,nous n’avons aucune<br />
illusion à nous faire du prochain<br />
gouvernement », a affirmé<br />
le patron du PS, François<br />
Hollande, lui aussi<br />
affaibli par le vote. « Nous<br />
traversons une crise gravissime<br />
», a déclaré François<br />
Bayrou (UDF).<br />
Pour le politologue Jérôme<br />
Sainte-Marie, de l’institut<br />
BVA,« les Français ont certes<br />
sanctionné la politique sociale,mais<br />
plus généralement<br />
cette défaite du ‘‘oui’’ est celle<br />
de toutes les structures d’encadrement<br />
de la société,<br />
qu’elles soient politique,médiatique<br />
ou sociale. Elles ont<br />
toutes fait campagne pour le<br />
‘‘oui’’ et n’ont pas été entendues.»<br />
Cette fracture entre «<br />
France d’en bas » et « France<br />
d’en haut » est relevée par<br />
tous les sondeurs. « Nous entrons dans<br />
une période extrêmement difficile », a<br />
convenu la ministre de la Défense, Michèle<br />
Alliot-Marie. Stéphane Colineau<br />
«Le vote protestataire<br />
s’est pleinement exprimé »<br />
IBO / SIPA<br />
Plusieurs insatisfactions se<br />
sont exprimées dans ce rejet :<br />
l’impopularité du gouvernement,la<br />
mauvaise conjoncture<br />
économique et l’envie de<br />
protester. Dans cette configuration,<br />
le 21 avril 2002<br />
n’est pas un accident, mais le<br />
début d’une crise politique<br />
que nous traversons toujours.<br />
Recueilli par Sophie Caillat