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Istanbul, ville monde - La pensée de midi

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Quelle image avait Hrant Dink ?<br />

Il était la personnification d'Agos à lui tout seul. Bien sûr, le journal entier était visé. Mais tout était focalisé<br />

sur Hrant Dink, qui était <strong>de</strong>venu un modèle pour les Arméniens <strong>de</strong> Turquie. Les gens n'étaient pas<br />

habitués à voir un personnage arménien comme lui, engagé politiquement, une figure publique.<br />

Ses préoccupations n'étaient pas seulement liées la communauté arménienne. Il prenait part au processus<br />

<strong>de</strong> démocratisation du pays. C'était un patriote, Hrant Dink, un amoureux <strong>de</strong> la Turquie. Il avait une<br />

influence considérable. Il pouvait convaincre les gens. Voilà ce qui le rendait dangereux.<br />

Vous dites avoir alors renoué alors avec vos racines arméniennes ? Elles étaient cachées ?<br />

Jusqu'à Agos, mon i<strong>de</strong>ntité arménienne se résumait aux traditions, aux cérémonies religieuses et à la<br />

langue maternelle. C'était tout. Avec Agos, ça a changé. Je suis issue d'une famille arménienne <strong>de</strong><br />

Turquie typique! Quand vous êtes arménien <strong>de</strong> Turquie, vous n'êtes pas nécessairement intéressé par<br />

l'histoire, la politique. Etre arménien en Turquie avant Hrant, c'était vivre dans une communauté fermée.<br />

Il y avait <strong>de</strong>s peurs intégrées. Il ne s'agissait pas d'être visible.»<br />

Quelle place a occupé Agos ?<br />

Le journal a son histoire, aussi. Il s'est transformé, au fil du temps. C'était un rêve, quelque chose d'un<br />

peu fou, aussi! Les Arméniens <strong>de</strong> Turquie ont eu soudain une nouvelle voix. Une nouvelle voix qui était<br />

attendue et entendue.<br />

Au départ, le journal s'est surtout préoccupé <strong>de</strong> culture, la culture arménienne. Dans une certaine<br />

mesure, on avait la volonté <strong>de</strong> montrer à la société turque les problèmes essentiels <strong>de</strong> la communauté<br />

arménienne.<br />

Et puis, au fil du temps, quand Hrandt est <strong>de</strong>venu un personnage public, le journal n'a plus seulement<br />

produit <strong>de</strong> l'information mais aussi un discours, une pensée. Avec un nouveau point <strong>de</strong> vue sur l'histoire,<br />

avec un véritable engagement dans le processus <strong>de</strong> normalisation <strong>de</strong>s relations entre la Turquie et<br />

l'Arménie. Avec une attention à tous les éléments constitutifs <strong>de</strong> la démocratisation du pays. En envoyant<br />

<strong>de</strong>s signes à la diaspora arménienne, aux Arméniens d'Arménie. Tout ça était très nouveau dans le<br />

<strong>mon<strong>de</strong></strong> arménien, qu'une voix s'élève, venant <strong>de</strong> Turquie! Avec une double i<strong>de</strong>ntité: être arménien et<br />

citoyen <strong>de</strong> Turquie.<br />

Dans quelle mesure, peut-on dire qu'<strong>Istanbul</strong> n'est plus la même <strong>de</strong>puis la mort <strong>de</strong> Hrant, après ces<br />

énormes manifestations en son hommage ?<br />

Il s'est passé quelque chose <strong>de</strong> tellement...humain, universel. Si Hrant était impliqué dans la politique,<br />

<strong>de</strong>s affaires arméniennes en Turquie, il était aussi <strong>de</strong>venu une figure universelle.<br />

Cette vive émotion ne s'expliquait pas seulement parce qu'un journaliste d'origine arménienne avait été<br />

assassiné. <strong>La</strong> Turquie est malheureusement habituée à la violence, ce n'était pas la première fois. Dans<br />

ces manifestations, il y avait toutes sortes <strong>de</strong> gens, <strong>de</strong>s jeunes, <strong>de</strong>s gens ordinaires, <strong>de</strong>s gens qui d'habitu<strong>de</strong><br />

ne parlent pas, ne vont pas aux manifestations, ne sont pas politisés. C'était une réaction très<br />

humaine. C'est ce qui fait qu'elle fut si précieuse.<br />

Bien sûr, nous ne pouvons pas rester fixés sur ce seul et même jour. Il s'est passé tellement <strong>de</strong> choses<br />

dans beaucoup <strong>de</strong> domaines. Dans la justice, l'armée. Dans toute les institutions. Dans le gouvernement.<br />

Dans l'opposition. Et tout est relié. L'assassinat <strong>de</strong> Hrant est un élément <strong>de</strong> cette réaction en<br />

chaîne.<br />

Votre vie après Agos ?<br />

J'ai travaillé pendant plus <strong>de</strong> dix ans à Agos. D'abord pour la pages media et culture, puis comme reponsable<br />

du département éditorial. A la fin, la maison est <strong>de</strong>venue une cage. Le contexte était <strong>de</strong>venu tellement<br />

menaçant. <strong>La</strong> <strong>de</strong>rnière année a été tellement dure. Aprés son assassinat, j'avais besoin d'aller vers<br />

une vie...inattendue. Sa mort a donné une autre forme à ma vie, <strong>de</strong> la même manière que, <strong>de</strong> son vivant,<br />

il l’avait façonnée. Je suis <strong>de</strong>venue <strong>de</strong> plus en plus politisée. J’ai encore écrit pour le journal puis quand<br />

on m'a proposé <strong>de</strong> travailler dans l'enseignement, j'ai accepté. C'était aussi un <strong>de</strong>s rêves <strong>de</strong> Hrandt :<br />

être avec <strong>de</strong>s enfants, transmettre.

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