Palabres 14 - Association des Revues Plurielles
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Les blancs ont incarcéré Matsoua,<br />
il était intelligent… il était intelligent<br />
Et peut-être plus intelligent<br />
qu’eux<br />
Qu’en savons- nous, frères du<br />
Congo ?<br />
La tentation ethnique et le temps<br />
<strong>des</strong> désillusions. Nous sommes en<br />
1930, Grenard et ses collègues sont<br />
condamnés et déportés au Tchad ;<br />
l’association fondée par Grenard a<br />
été dissoute. L’ordre colonial, un<br />
moment troublé, régit de nouveau<br />
les rapports entre blancs et noirs.<br />
L’expérience de l’Amicale a-t-elle<br />
été un échec total, va-t-elle se poursuivre<br />
sous une forme ou sous une<br />
autre ? Avant d’examiner le devenir<br />
de la pensée et l’action amicaliste,<br />
plusieurs remarques s’imposent. La<br />
tentative de Grenard a été une tentative<br />
politique : elle visait, par une<br />
prise de conscience de la situation<br />
coloniale, à une rectification <strong>des</strong><br />
rapports entre blancs et noirs ; l’expérience<br />
s’est déroulée sur deux<br />
plans :<br />
Sur le plan individuel. Nous avons<br />
vu le lent cheminement de la pensée<br />
de Grenard, puis son éclosion.<br />
Grenard n’a eu, à aucun moment, le<br />
complexe du colonisé ; il a cru à la<br />
possibilité d’agir dans la légalité<br />
pour obtenir que les Noirs du<br />
Congo soient traités comme <strong>des</strong> citoyens<br />
français. Lui-même a voulu<br />
devenir ce citoyen exemplaire ; bien<br />
plus, il a refusé de se laisser marquer<br />
par une théorie politique de type occidental.<br />
A l’origine, la campagne que<br />
le leader entreprenait pour venir en<br />
aide à ses frères était d’ordre strictement<br />
social et humanitaire. Que l’on<br />
ne s’y trompe pas : l’idéal de Grenard<br />
I MAGES & MÉMOIRE<br />
– dans l’immédiat – était un idéal<br />
d’intégration.<br />
Sur le plan collectif. Se heurtant à<br />
l’ordre colonial – qui est refus de collaboration<br />
et maintien à tout prix de<br />
la domination blanche – Grenard, qui<br />
en France disposait de l’appui de<br />
nombreux métropolitain, se voyait<br />
obligé, au Congo même, de passionnaliser<br />
son entreprise. Le débat<br />
loyal qu’il pensait instituer entre les<br />
autorités et l’Amicale se révélait impossible.<br />
L’épreuve de force entre<br />
blancs et noirs devenait inévitable.<br />
En refusant le dialogue, les autorités<br />
françaises obligeaient Grenard à<br />
s’appuyer sur l’opinion publique.<br />
Afin que celle-ci devienne une force,<br />
Grenard et ses délégués précipitent,<br />
chez les Lari, la prise de<br />
conscience de la situation coloniale.<br />
Il ne s’agissait plus de faire appel<br />
à une logique humanitaire mais<br />
de déclencher une prise de position<br />
sentimentale. La foule qui assiège<br />
le tribunal de Brazzaville ne disposait<br />
d’aucune doctrine politique cohérente,<br />
d’aucune méthode d’action,<br />
qui eussent pu lui assurer le<br />
succès. Elle était sensibilisée, elle<br />
ressentait sans analyser.<br />
Dès lors, l’échec était inévitable ;<br />
mais il était moins celui d’un mouvement<br />
que celui d’un homme, audelà<br />
d’un homme, celui d’une pensée<br />
politique. En se sacrifiant, Grenard<br />
avait démontré que le dialogue<br />
entre Blancs et Noirs ne pourrait<br />
être obtenu sans lutte sur<br />
simple référence à un ordre naturel<br />
<strong>des</strong> choses, qu’il devrait être imposé<br />
aux Blancs par la population noire<br />
unie et politiquement éduquée.<br />
Cette leçon ne sera pas perdue. De<br />
même que les idées kimbanguistes,<br />
les idées amicalistes vont pénétrer<br />
l’arbre à <strong>Palabres</strong><br />
# <strong>14</strong> - Novembre 2003<br />
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