Palabres 14 - Association des Revues Plurielles

contentent plus de ratiocinations,
réagissent énergiquement et passent
aux actes au cours des mois
de février, mars et avril contre la
conduite de certains Européens
tels que Cornuejois, capitaine de
l’armée, Balin, Gavin, Benedetti,
Sala, Delestolle, Pinto, Villard, Padovani,
de Vally et les dames Colsenet,
Aurel… et j’en passe, écrit le
commissaire de police, car cela devient
monnaie courante.
Au cours des mois qui suivront
et surtout à la veille du procès de
Matsou, la tension interraciale ne
fera que s’accentuer.
Des articles haineux et filandreux
seront publiés et tous demanderont
que les coupables
soient punis de la peine de morts.
On alla même jusqu’à accuser le
ministre Piétri, alors secrétaire
d’Etat aux colonies, de prendre les
fauteurs de troubles sous sa protection.
Condamnation de Matsoua. La
date du procès est enfin fixée au 6
février 1941. Pendant ses huit mois
de détention, il a été confronté périodiquement
avec les autres leaders
amicalistes. Les rencontres,
pénibles en de telles circonstances,
avec ses anciens camarades,
permettent aux autorités de
faire jouer les dissensions et d’attiser
les rancœurs.
Le jour venu, la population, qui
n’a pas été prévenue, ignore qu’au
tribunal du second degré du département
du Pool, le sort de son
leader va se jouer. En fait, le procès
se déroule à huit clos.
André Matsoua est seul sur le
banc d’accusation. Il n’a pas
d’avocat pour assurer sa défense
I MAGES & MÉMOIRE
et à aucun moment on ne lui permet
de prendre la parole.
En face, le jury le condamne arbitrairement,
après avoir entendu,
en tout et pour tout, le réquisitoire
de l’accusation. Il est condamné
aux travaux forcés à perpétuité. Cette
décision apparaît essentiellement
comme un acte politique. André
Matsou non condamné à mort,
les lari ne pourront pas en faire un
martyr. Au contraire, en l’enfermant
à vie on donne la preuve à tous ces
gens qu’aucune négociation n’est
en cours entre lui et l’administration,
qu’André Grenard ne représente
rien aux yeux des autorités.
Pendant les semaines qui suivent
le procès, le condamné est
promené enchaîné comme un bandit
à travers tout le pays lari. Le 20
février, il est transféré à la prison de
Mayama.
Dès son arrivée, le chef de subdivision
fait, selon les instructions
de Brazzaville, convoquer tous les
chefs de tribu, de terre et de village
de la région. Une fois qu’ils sont
tous réunis, le chef de subdivision
prend la parole : Voici l’homme que
M. De Buttaffoco vous a envoyé
pour que vous puissiez le brûler vivant,
parce qu’il vous a trop volé et
fait naître beaucoup de malheurs
dans votre pays.
En entendant ce discours, la
douleur qui se lit dans les yeux des
notables montre suffisamment le
peu de crédit qu’ils accordent aux
paroles de l’administrateur. Au nom
de tous, le plus vieux donne pour
toute réponse : Matsoua André Grenard
est innocent dans cette affaire.
Nous ignorons la cause pour laquelle
on veut le maltraiter et le
brûler vif. Il ne nous a fait aucun
l’arbre à Palabres
# 14 - Novembre 2003
47