Dossier spécial - Astera

Billets d’humeur
Sophie Sergent
Pharmacien à Liévin (62) - Administratrice
Comme tous les jours, vers midi moins le quart, je passe ma commande
informatique pour avoir le temps de visualiser les ruptures : ruptures labo,
pénurie, manque fabricant…
Ces messages en retour de pharma ML sont devenus le pain quotidien
du pharmacien d'officine !
Je fais un point sur l'ensemble des manquants pour savoir si je peux tout
de même contenter certains de mes clients qui ont un besoin rapide du
médicament.
Le temps que nous gagnons avec les nouvelles technologies, nous le
perdons parce que nous devons compenser les manquements de
l’industrie pharmaceutique !
« Rupture grossiste
ou incompétence labo ? »
Comment pouvons-nous décemment prouver que nous sommes les
spécialistes incontournables du médicament, reconnus professionnels de
premier recours si toutes les semaines, c'est la même galère pour
commander les médicaments sensibles auprès de notre grossiste
ou de notre coopérative !
Mais le plus insupportable dans cette histoire, c'est que j’ai le sentiment
que l'on prend les pharmaciens d'officine pour des idiots !
En effet, combien d'entre nous n'ont-ils pas reçu pléthore d’appels
téléphoniques de tel ou tel laboratoire pour des commandes directes de
produits qui sont en rupture chez notre répartiteur ?
Alors on veut nous faire croire que des grossistes qui assument la
distribution du médicament depuis des décennies et dont c'est
le métier principal ne sont plus capables de commander à l'industrie
pharmaceutique en temps et en heure ce dont leurs clients
pharmaciens ont besoin ?
Les laboratoires seraient donc capables de livrer les 22 500 officines du
territoire en direct, mais ne seraient pas en mesure de livrer les 3 ou 4
répartiteurs du territoire parce que ces derniers ne sauraient pas
commander correctement !
C’est comme si nous pharmaciens d'officine, nous ne souhaitions pas
vendre un médicament à notre client ! Enfin, tout de même, c'est se tirer
une balle dans le pied !
Mais nous les pharmaciens d'officine ne sommes pas dupes.
Tout semble fait pour fragiliser notre circuit d'approvisionnement via notre
coopérative et nous rendre dépendants des laboratoires.
C'est bien la répartition démo-géographique et l’approvisionnement
partout sur l’ensemble du territoire des officines par leur répartiteur qui
fait la force de notre réseau.
Ne nous laissons pas bercer par le chant des sirènes des laboratoires et
que chacun fasse son métier dans l'intérêt du patient et de la santé
publique. ■
Muriel Ayral
Pharmacien à Blangy-sur-Bresle (76) - Administratrice
Pénurie, rationnement, manque voilà des mots souvent dits par
mes parents et grand parents lorsqu’ils évoquaient les sinistres
années de privation dues à la guerre.
Presque soixante-dix ans après il semble inconcevable que nous
connaissions les mêmes mots et les même maux dans une
société occidentale placée sous le signe de l’opulence.
Depuis ce début d’année le phénomène de rationnement ne fait
que s’accentuer avec un laboratoire champion toute
catégorie. J’ai l’impression de chercher mes boîtes, de me trouver
devant des tiroirs vides, de mal gérer mon stock, d’avoir, par
inadvertance, mal rangé les médicaments, car incrédule je ne
pense pas dans un premier temps au rationnement.
Mais l’évidence est là aujourd’hui : le mode de distribution du
médicament est mis à mal et je sens peser le poids des
laboratoires fabricants, pour preuve leur réponse inexorable
lorsque nous les appelons : nous pouvons vous livrer et de reporter
la faute sur le grossiste répartiteur…
Comment mettre à dos deux maillons essentiels de la distribution
du médicament !
Car de ces tracas quotidiens, de l’incompréhension de nos clients
vis-à-vis de ce phénomène symbole d’un autre temps s’ensuivent
des frustrations et la naissance d’un bouc émissaire responsable
de tous nos malheurs : je veux parler du grossiste répartiteur.
Chacun d’entre nous se sentant isolé n’ose se révolter, mais si tous
les pharmaciens comptabilisaient toutes les ruptures pour
rationnement par mois en volume et centralisaient les
informations sous la forme d’un livre blanc du contingentement,
nous pourrions espérer être entendus par les pouvoirs publics .
« Il est important pour nous de
connaître les difficultés
rencontrées par notre répartiteur
dans ses négociations avec les
laboratoires. »
Cela nous permettra de rester solidaires de notre coopérative et
de faire bloc auprès des laboratoires afin que ces pratiques
disparaissent et ne viennent plus perturber notre exercice
quotidien. ■
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