Etats fragiles
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Dossier<br />
Les événements récents en Haïti et au Niger rappellent à quel point<br />
la thématique de la "fragilité" de certains <strong>Etats</strong> est d’actualité :<br />
la situation peut rapidement y devenir explosive et se transformer<br />
en catastrophe humanitaire de grande ampleur. La planification<br />
d’un projet de développement exige la prise en compte de nombreux<br />
facteurs qui s’interpénètrent souvent. Or, dans les situations de<br />
fragilité, tout devient infiniment plus complexe et les risques sont<br />
décuplés. C’est donc pour s’assurer de l’efficacité maximale de<br />
ses actions de développement que la communauté internationale<br />
prône une approche particulière pour les "<strong>Etats</strong> <strong>fragiles</strong>".<br />
Loin de les stigmatiser, il est question de mieux les aider.<br />
Réfugiés fuyant la zone de conflit dans la région de Goma - Nord-Kivu 2009.<br />
© rnw<br />
4 dimension m a r s-a v r i l 2010
états <strong>fragiles</strong><br />
<strong>Etats</strong> <strong>fragiles</strong>,<br />
populations en danger…<br />
Qu’est-ce qu’un "Etat fragile" ?<br />
La réponse à cette question ne fait pas<br />
l’unanimité parmi les bailleurs et encore<br />
moins parmi les <strong>Etats</strong> concernés, qui souhaiteraient<br />
éviter cette qualification considérée<br />
comme dénigrante (C’est d’ailleurs<br />
la raison pour laquelle l’Union européenne<br />
préfère utiliser le vocable de "pays en situation<br />
fragile" à celui d’"Etat fragile").<br />
Le Comité d’Aide au Développement (CAD)<br />
de l’OCDE définit l’Etat fragile comme suit<br />
: Un État est fragile lorsque le gouvernement<br />
et les instances étatiques n’ont<br />
pas les moyens et/ou la volonté politique<br />
d’assurer la sécurité et la protection des<br />
citoyens, de gérer efficacement les affaires<br />
publiques et de lutter contre la pauvreté au<br />
sein de la population. 1 Il propose en 2008 :<br />
L’incapacité d’un état à rencontrer les attentes<br />
de sa population ou à gérer l’évolution<br />
de ces attentes et des capacités disponibles,<br />
par des processus politiques. 2<br />
Ces nouvelles approches à propos de la<br />
"fragilité" réinstallent l’Etat comme acteur<br />
incontournable. C’est la puissance étatique<br />
qui dispose de la légitimité à lever l’impôt,<br />
de la capacité à faciliter le développement<br />
économique, etc. C’est à l’Etat qu’il revient<br />
de fournir les services fondamentaux (sécurité,<br />
justice, santé, éducation) à la population.<br />
Avec la difficulté supplémentaire que<br />
l’on attend plus de l’Etat aujourd’hui que<br />
dans le passé, lors de la formation des <strong>Etats</strong><br />
nations européens.<br />
Sécheresse extrême et famine en Somalie.<br />
Comme l’Etat redevient l’acteur principal, la<br />
communauté internationale approfondit et<br />
développe ses approches du renforcement<br />
de l’Etat (ou State building). On met en évidence<br />
qu’il s’agit d’un processus endogène,<br />
non linéaire, et multidimensionnel. L’appui<br />
à ce dernier devra s’envisager sur le long<br />
terme et nécessiter, pour les acteurs internationaux,<br />
une meilleure connaissance du<br />
contexte local, des relations entre les structures<br />
formelles et informelles, des mécanismes<br />
de légitimité, et des relations entre<br />
Etat et société. Le but de cet appui international<br />
est de permettre la mise en place<br />
d’<strong>Etats</strong> suffisamment robustes (résilients)<br />
© Geo<br />
pour surmonter les crises, de soutenir et de<br />
formaliser les structures de gouvernance<br />
locales, de pérenniser les acquis, afin de<br />
pouvoir in fine lutter contre la pauvreté.<br />
De nombreux acteurs ont établi leur propre<br />
liste d’<strong>Etats</strong> <strong>fragiles</strong> (la Banque Mondiale,<br />
des universités anglaises, canadiennes,…),<br />
mais aucune ne fait l’unanimité car il est<br />
impossible à ce jour de trouver un consensus<br />
parmi les bailleurs. Deux éléments au<br />
moins expliquent ce foisonnement de listes.<br />
Premièrement, les divergences entre les<br />
différentes logiques soutenant la conception<br />
d’une liste (Quel est le but poursuivi ><br />
Pour la Belgique<br />
Avec six partenaires en situations de fragilité,<br />
et pas des moindres, la Belgique a<br />
un rôle important à jouer. Cela nécessite<br />
de repenser nos politiques et nos mécanismes<br />
de mise en œuvre de l’aide, afin<br />
de prendre en compte les particularités<br />
de ces <strong>Etats</strong> : solides analyses contextuelles,<br />
approche pangouvernementale, etc.<br />
Comme ce numéro de Dimension 3 le présente,<br />
nous avons commencé à adapter<br />
nos pratiques à la réalité des <strong>Etats</strong> <strong>fragiles</strong>,<br />
cependant du chemin reste à faire<br />
pour relever les défis qui nous y attendent.<br />
1<br />
www.oecd.org/document/9/0,3343,fr_2649_33693550_39254537_1_1_1_1,00.html<br />
2<br />
OCDE/CAD, Concepts et dilemmes pour le renforcement de l’Etat dans les situations de fragilité, De la fragilité à la résilience, Paris, OCDE, 2008, p. 19.<br />
m a r s-a v r i l 2010 dimension<br />
5
Dossier<br />
Pourquoi développer<br />
une approche particulière<br />
pour ces <strong>Etats</strong> ?<br />
De par leur situation particulière, ces <strong>Etats</strong><br />
qui font face à des défis considérables, avec<br />
des capacités souvent très réduites, forcent<br />
les acteurs internationaux à s’interroger<br />
sur l’impact de leurs actions d’aide au<br />
développement.<br />
Le conflit israélo-palestinien persiste depuis plus de 60 ans,<br />
laissant deux communautés dans un état de constante insécurité.<br />
> en l’établissant ?). Deuxièmement, il y a<br />
autant de formes de fragilité que de pays<br />
en situations de fragilité. Nous évoluons<br />
dans des contextes très spécifiques : le cas<br />
de la RD Congo n’est pas celui d’Haïti.<br />
Néanmoins, nous pouvons retrouver des<br />
récurrences au niveau des causes de cette<br />
fragilité, causes auxquelles il faut tenter<br />
d’apporter remède : une situation de conflit,<br />
un contexte environnemental particulier<br />
(sécheresses ou inondations récurrentes,<br />
comme en Ethiopie ou au Bangladesh), l’insécurité,<br />
la pauvreté, la présence ou l’absence<br />
de ressources naturelles, les faiblesses<br />
institutionnelles et/ou capacitaires de<br />
l’Etat, la faiblesse de la gouvernance, le<br />
manque de légitimité des élites, etc. Ces<br />
différentes causes interagissent d’une<br />
© DGCD / Elise Pirsoul<br />
manière qui est propre à chaque pays et<br />
cela se traduit par une grande hétérogénéité<br />
des situations, de la RD Congo à Haïti,<br />
en passant par l’Afghanistan.<br />
Sur la liste du CAD (OCDE) qui compte 43<br />
"<strong>Etats</strong> <strong>fragiles</strong>", se retrouvent six de nos<br />
pays partenaires (la RD Congo, le Burundi,<br />
les Territoires Palestiniens, l’Ouganda, le<br />
Rwanda et le Niger). Par ailleurs, d’autres<br />
listes similaires reprennent également la<br />
Bolivie et le Mali.<br />
En effet, selon les chiffres utilisés par le CAD<br />
pour ses rapportages, les <strong>Etats</strong> <strong>fragiles</strong> ne<br />
parviendront pas à atteindre les Objectifs<br />
du Millénaire pour le Développement (OMD)<br />
en 2015. Ces pays qui représentent 1/6 de<br />
la population mondiale, regroupent 1/3 des<br />
personnes vivant avec moins d’un dollar par<br />
jour, et la moitié de la mortalité infantile<br />
mondiale. 35 pays considérés comme <strong>fragiles</strong><br />
en 1979 le sont toujours aujourd’hui.<br />
Alors que leurs besoins sont criants, ces<br />
pays ont connu dans les années nonante<br />
une forte diminution de l’aide au développement,<br />
en raison de la complexité inhérente<br />
à toute intervention de l’extérieur, tant au<br />
niveau politique que pratique. Certains sont<br />
même devenus des "orphelins de l’aide",<br />
comme la République centrafricaine.<br />
Pourquoi tenir de tels débats sur des<br />
concepts qui peuvent paraître abstraits ? Le<br />
but est que les acteurs internationaux partagent<br />
les mêmes conceptions afin de travailler<br />
avec plus de cohérence sur le terrain.<br />
Dans le cadre des réflexions sur l’efficacité<br />
de l’aide (cf. la Déclaration de Paris), les<br />
bailleurs ont pris conscience de la nécessité<br />
d’adapter leurs politiques et les modalités<br />
de l’aide au développement afin d’atteindre<br />
plus efficacement les populations de ces<br />
pays en état de fragilité. Pour répondre à ces<br />
défis, et afin d’adopter une approche proactive<br />
des problèmes (agir sur les <strong>Etats</strong> "<strong>fragiles</strong>"<br />
pour qu’ils ne deviennent pas des <strong>Etats</strong><br />
State building en RD Congo<br />
La nouvelle Constitution de la RD Congo<br />
consacre le principe de la décentralisation<br />
dans la gestion du pays, jusque-là<br />
un État unitaire, en déterminant même la<br />
clef de répartition des recettes à caractère<br />
national. Des 11 provinces actuelles,<br />
la RD Congo devra passer à 26, au<br />
mois de mai 2010. Mais la connaissance<br />
des réalités au Congo est devenue fort<br />
déficiente, surtout celles vécues sur le<br />
terrain dans les provinces.<br />
Soutenu par la Coopération belge,<br />
le Musée Royal de l’Afrique Centrale<br />
(MRAC) à Tervuren mène des études<br />
monographiques sur l’état réel de chacune<br />
des 26 provinces ainsi instituées.<br />
Elles contiendront des données d’ordre<br />
administratif, politique, social, économique<br />
(y inclus les ressources naturelles et<br />
les infrastructures),… souvent objet des<br />
controverses. Les travaux identifieront<br />
le profil spécifique de chaque province<br />
pour les comparer quant à leurs atouts<br />
et faiblesses du point de vue du développement.<br />
Cette recherche conduira<br />
à s’interroger sur la cohérence interne<br />
des unités décentralisées ainsi que sur<br />
la construction d’un État congolais plus<br />
performant. Bref, le résultat deviendra<br />
un outil important dans les mains des<br />
acteurs qui contribuent au développement<br />
de la RD Congo.<br />
Jean Omasombo<br />
6 dimension m a r s-a v r i l 2010
états <strong>fragiles</strong><br />
"faillis", comme la Somalie), les bailleurs ont,<br />
depuis le début des années 2000, réévalué<br />
leurs politiques. La Banque Mondiale, les<br />
<strong>Etats</strong>-Unis et la Grande-Bretagne sont en<br />
pointe dans la réflexion sur cette question<br />
(chacun ayant par ailleurs sa logique propre).<br />
Ces trois courants principaux se sont<br />
cristallisés au CAD. En 2007, les Ministres<br />
de la Coopération au développement du<br />
CAD ont ainsi adoptés les Principes pour<br />
l’engagement international dans les <strong>Etats</strong><br />
<strong>fragiles</strong> et les situations précaires. Au nombre<br />
de 10, ils sont sensés encadrer les politiques<br />
d’action des acteurs du développement<br />
agissant dans les <strong>Etats</strong> <strong>fragiles</strong>.<br />
Egalement en 2007, l’Union Européenne a<br />
lancé un processus visant à coordonner les<br />
politiques des <strong>Etats</strong> membres. Ce processus<br />
doit aboutir à la mise sur pied d’un plan d’action<br />
de l’UE pour les situations de fragilité.<br />
Xavier Rouha<br />
Sécurité et développement<br />
"Pas de Développement sans Sécurité et pas de Sécurité sans Développement"<br />
La sécurité fait non seulement<br />
partie des besoins de base de<br />
chaque individu, mais surtout<br />
elle constitue un pré requis à toute<br />
forme développement durable;<br />
alors même que le développement<br />
constitue une condition au<br />
maintien de la sécurité.<br />
© quickblogcast<br />
La création d’un climat sécuritaire, dans<br />
son acception la plus large, est indispensable<br />
pour assurer le recul de la pauvreté,<br />
la protection des droits humains élémentaires<br />
et la réalisation des Objectifs<br />
du Millénaire pour le Développement. La<br />
notion de sécurité ne renvoie plus seulement<br />
à la stabilité de l’Etat et au fonctionnement<br />
des institutions politiques, elle<br />
comprend avant tout le bien-être de chaque<br />
individu, créant ainsi un environnement<br />
favorable à la reprise/création d’activités<br />
économiques. A terme, la création<br />
d’une classe moyenne, avec le concours<br />
d’investisseurs étrangers, doit contribuer<br />
à une répartition plus équitable des<br />
richesses.<br />
Dans une situation post-conflit, le relèvement<br />
et la stabilisation d’un Etat passent<br />
nécessairement par la Réforme de son<br />
Troubles au Kivu - 2009.<br />
Secteur de la Sécurité (RSS) et par la réduction<br />
du nombre de personnes armées<br />
(ayant souvent crû exagérément pendant<br />
le conflit et ayant profité de l’économie<br />
parallèle générée par celui-ci). L’objectif<br />
de la RSS vise donc à rétablir la confiance<br />
de la population en l’Etat comme fournisseur<br />
de sécurité et de justice, conformément<br />
aux aspirations de celle-ci. Cette<br />
réforme vise non seulement les "acteurs<br />
classiques" de la sécurité (tels que armée,<br />
police, justice,…), mais également les "thèmes<br />
transversaux" (tels que contrôle parlementaire,<br />
rôle de la société civile et des<br />
média, etc.). Il s’agit donc d’une réforme<br />
délicate, holistique et globale, qui s’inscrit<br />
dans la durée et dans le respect de la souveraineté<br />
nationale du partenaire.<br />
Un double débat est actuellement engagé<br />
au niveau international : d’une part, le<br />
lien entre sécurité et développement,<br />
d’autre part, l’intégration de la RSS dans<br />
les actions diplomatiques. Ceci implique<br />
la création de mécanismes de concertation<br />
spécifiques entre acteurs parfois peu<br />
habitués ou enclins à partager une vision<br />
commune.<br />
Même si certaines dispositions ont déjà<br />
été prises, il n’en demeure pas moins<br />
que beaucoup reste à faire pour parvenir<br />
à une approche véritablement en "3 D’s"<br />
(Diplomatie, Défense et Développement),<br />
pour inclure la prévention des conflits<br />
dans les actions de coopération, et pour<br />
définir la sécurité comme un objectif<br />
diplomatique.<br />
Lt-Col Junior de Fabribeckers,<br />
Détaché au SPF Affaires Etrangères -<br />
Coopération au Développement<br />
m a r s-a v r i l 2010 dimension<br />
7
Reportage<br />
Réfugiés de père en fils<br />
© DGCD / Elise Pirsoul<br />
Du camp de réfugiés de Nahr el-Bared au Liban, théatre d'affrontements violents en 2007, il ne reste que des ruines.<br />
Au Liban, en Jordanie, en Syrie, à Gaza et en Cisjordanie sont réfugiés 4,7 millions de Palestiniens, dont 1, 4 millions<br />
vivent dans des camps 1 . Avec un espace de vie établi trois générations auparavant qui n’a pas suivi la courbe<br />
démographique, un taux de chômage affolant, une insécurité quasi-permanente, la vie dans les camps offre peu de<br />
perspectives d’avenir. Pour ces sans terres, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) est la<br />
principale assistance. Reportage sur les vestiges d’un camp au Liban, en cours de reconstruction.<br />
Liban, camp de Nahr el-Bared<br />
Nous sommes à quelques kilomètres de<br />
Tripoli. Le paysage serait magnifique s’il<br />
n’était entaché des ruines d’une scène de<br />
violence inouïe. D’un côté la mer, de l’autre<br />
les pics blancs des montagnes, à nos pieds,<br />
les gravats des immeubles et quelques<br />
pans de murs criblés de balles. Le camp<br />
de Nahr el-Bared qui abritait auparavant<br />
environ 30.000 réfugiés palestiniens fut le<br />
théâtre d’affrontements violents lorsqu’en<br />
mai 2007 les forces libanaises l’attaquèrent<br />
à la suite de la provocation d'un groupe<br />
armé qui s'était abrité dans le camp . Un<br />
combat qui dura 3 mois et demi, laissant<br />
27.000 personnes, déjà dans une situation<br />
difficile, sans abris. "Ces familles sont dans<br />
une détresse absolue, ils sont entièrement à<br />
la charge de l’UNRWA.", explique Salvatore<br />
Lombardo, directeur de l’UNRWA au Liban.<br />
1 Chiffres UNRWA, juin 2009<br />
La plupart des réfugiés ont été déplacés<br />
dans d’autres camps, les autres ont trouvé<br />
refuge chez des parents ou ont du louer de<br />
petits garages pour abriter leur famille. Un<br />
nouveau coup dur pour ces réfugiés dans<br />
un pays qui ne les reconnaît pas comme les<br />
siens et dont la population leur est souvent<br />
hostile. Ibrahim est professeur à l’école du<br />
camp. Ses parents sont arrivés à Nahr el-<br />
Bared comme tant d’autres en 1948, il est<br />
né ici et n’a jamais connu que les camps<br />
de réfugiés. "Après la destruction de mon<br />
immeuble, j’ai été déplacé dans le camp voisin<br />
de Beddawi, je viens tous les jours en<br />
bus pour enseigner." Comme la plupart de<br />
ceux qui ont un travail, il est employé par<br />
l’UNRWA qui gère notamment l’éducation<br />
des réfugiés dans les camps. L’organisation<br />
emploie en effet des travailleurs locaux,<br />
pour le reste, le taux de chômage est de<br />
40 à 50 %, "ce qui est peu par rapport aux<br />
autres camps. Nahr el-Bared était avant<br />
sa destruction celui qui avait la deuxième<br />
meilleure situation économique." Situé à<br />
côté de l'autoroute, près de la frontière<br />
syrienne , Nahr el-Bared était un important<br />
centre commercial profitant des échanges<br />
économiques entre les deux pays.<br />
Réfugiés deux fois,<br />
cherchent appartement<br />
C’est pour mettre un terme au déplacement<br />
de ces milliers de réfugiés que l’UN-<br />
RWA reconstruit le camp d’origine. "Pour les<br />
familles du camp dispersées, la détresse est<br />
totale. L’UNRWA doit pourvoir à tous leurs<br />
services, les frais sont multipliés." Nahr el-<br />
Bared n’est que l’un des quatre camps qui<br />
ont été détruits au Liban durant les années<br />
de conflit, "mais c’est le seul que nous sommes<br />
en train de reconstruire", explique<br />
Salvatore en désignant un terrain vague<br />
8 dimension m a r s-a v r i l 2010
Moyen-Orient<br />
qui contraste avec les murs effondrés d’à<br />
côté. "Vous voyez, ici, avant c’étaient des<br />
immeubles en ruines. Il a fallu tout déminer,<br />
détruire, déblayer. Le sol était truffé<br />
de mines. Le processus est long car chaque<br />
étape doit être validée par le Conseil des<br />
Ministres libanais. Et comme si cela ne suffisait<br />
pas on a retrouvé des vestiges archéologiques<br />
qui ont stoppé temporairement les<br />
travaux." Heureusement, un compromis fut<br />
trouvé en soulevant le sol de 5 cm pour ne<br />
pas abîmer les vestiges.<br />
Construire, mais pas n’importe comment :<br />
"Le but est de permettre aux familles déplacées<br />
de retrouver un logement et une<br />
communauté de voisinage similaire à ceux<br />
qu’elles ont quitté." Pour ce faire, un recensement<br />
minutieux des logements a été<br />
effectué par un groupe de volontaires de la<br />
communauté-même qui se sont mobilisés<br />
dès le débuts des combats. La construction<br />
a commencé fin mai 2009 et sera effectuée<br />
au fur et à mesure du support financier<br />
reçu.<br />
En attendant, et afin de favoriser un environnement<br />
viable, l’UNRWA coordonne une<br />
assistance à ceux qui retournent peu a peu<br />
aux alentours du vieux camp détruit. En sus<br />
du projet de reconstruction, l’Agence coordonne<br />
des aides humanitaires (logements<br />
provisoires et gratuits, assistance sociale,<br />
médicale, alimentaire, et scolaire). Elle offre<br />
également des aides économiques (une<br />
subvention de l'Union Européenne) pour<br />
rétablir les petits commerces ou entreprises<br />
dans le camp. Réactiver l'économie<br />
des quartiers palestiniens autour du vieux<br />
camp est primordial, car ces zones souffrent<br />
d'un manque de circulation économique<br />
en partie parce que le Liban considère<br />
toujours cet endroit comme une zone militaire.<br />
Comme dans un ghetto, l'accès y est<br />
fortement contrôlé par l'armée qui a institué<br />
un système de permis pour tout résident<br />
et visiteur.<br />
Une question de stabilité pour<br />
tout le Moyen-Orient<br />
A travers la bande de Gaza, la Cisjordanie,<br />
le Liban, la Syrie et la Jordanie, sont ainsi<br />
dispersés 58 camps de réfugiés. L’UNRWA<br />
gère les besoins de base comme l’éducation<br />
(684 écoles pour toute la région), la<br />
L’UNRWA lance un appel à l’aide<br />
© DGCD / Elise Pirsoul<br />
Le conflit israélo-arabe de 1948 a entraîné<br />
le départ des premiers réfugiés palestiniens.<br />
Consécutive à cet exil, la Résolution<br />
303 des Nations Unies créait, en 1949,<br />
l’Agence des Nations unies pour les réfugiés<br />
palestiniens dans le Moyen-Orient.<br />
L’agence n’aurait du avoir qu’une mission<br />
temporaire. Mais, six décennies plus tard,<br />
les quelques 750.000 réfugiés du début<br />
santé (134 cliniques), l’aide alimentaire et<br />
les services sociaux de base, l’infrastructure,<br />
la formation professionnelle de base…<br />
L’agence offre un près de 29.000 emplois<br />
locaux et elle veille et plaide pour le respect<br />
des droits humains des réfugiés.<br />
Cet état d’assistance obligatoire qui perdure<br />
depuis 60 ans génère frustrations, hostilité<br />
et violence chez les réfugiés, les autres<br />
Palestiniens et les populations environnantes.<br />
La question des réfugiés palestiniens<br />
est un problème pour la stabilité de toute<br />
la région. En attendant une autre solution,<br />
le travail de l’UNRWA aux côtés des réfugiés<br />
est essentiel.<br />
Elise Pirsoul<br />
online<br />
www.unrwa.org<br />
de son mandat n’ont toujours pas quitté<br />
les camps et se sont multipliés. La démographie<br />
et l’arrivée de nouveaux "exilés"<br />
porte le nombre de réfugiés actuels à<br />
4,7 millions dans le Moyen-Orient.<br />
La situation générale des Palestiniens,<br />
et en particulier celle des réfugiés, s’est<br />
largement détériorée depuis la seconde<br />
intifada, le blocus de Gaza et l’offensive<br />
israélienne de 2008 dans la bande de<br />
Gaza. Aujourd’hui, 80 % de la population<br />
de la bande de Gaza est dépendante de<br />
l’aide humanitaire. La montée générale<br />
des prix alimentaires, du carburant, des<br />
"loyers" dans les pays hôtes ; la diminution<br />
de certaines donations suite à la<br />
crise financière; la difficulté d’acheminer<br />
de l’aide matérielle vers la bande de Gaza,<br />
ont multiplié les besoins de l’agence.<br />
L’UNRWA accuse cette année un déficit<br />
prévisionnel de 140 millions de dollars sur<br />
son budget régulier. La Belgique a contribué<br />
à raison de 6.250.000 euros en 2009<br />
et prévoit 6.750.000 euro pour 2010.<br />
E.P.<br />
m a r s-a v r i l 2010 dimension<br />
9
dossier<br />
Un hôpital militaire<br />
devenu humanitaire<br />
Moyen-Orient<br />
><br />
© DGCD / Elise Pirsoul<br />
En Afghanistan comme au Liban, le<br />
développement est lourdement conditionné<br />
par l’insécurité. Dans ces deux pays, on voit<br />
apparaître des synergies entre Défense et<br />
Coopération belge. Ainsi, dans le Sud du Liban,<br />
les casques bleus belges déminent les terrains<br />
des champs de batailles israélo-libanais et<br />
s’apprêtent à transférer une partie de la tâche<br />
aux ONG. Pendant ce temps, la CTB réhabilite<br />
un hôpital qui pourra combler le vide de l’ancien<br />
hôpital militaire belge qui rendait de nombreux<br />
services à la population...<br />
Le camp Scorpion des casques bleus belges à Tibnine.<br />
Des casques bleus belges<br />
au Sud-Liban<br />
"La présence des casques bleus a permis<br />
de séparer les belligérants. C’est la première<br />
fois en 40 ans que la population du<br />
Sud Liban connaît 3 ans et demi de stabilité",<br />
explique le lieutenant-colonel De<br />
Brabander, commandant du BELUBATT,<br />
le contingent dont font partie les casques<br />
bleus belges au Liban. "La population<br />
recommence à investir dans la construction,<br />
ce qui est bon signe."<br />
Les principaux objets de la guerre entre<br />
Israël et le Liban sont les 250 à 400.000<br />
Palestiniens réfugiés 1 au Liban depuis<br />
1948 et la milice Hezbollah. Au cours de<br />
l’été 2006, une guerre de 6 semaines<br />
entre le Hezbollah et Israël a fait rage.<br />
Le Conseil de sécurité des Nations Unies<br />
a alors décidé de renforcer la force intérimaire<br />
de l’ONU au Liban (FINUL), qui existe<br />
depuis la première invasion par Israël en<br />
1978, voyait passer ses effectifs de 3.000<br />
à 12.500 hommes. Les Belges participent à<br />
cette mission depuis 2006.<br />
"Pas de développement<br />
sans sécurité…<br />
Les tâches de ce groupe de 360 militaires<br />
belges ont été réparties sur plusieurs activités<br />
: un hôpital près du village de Tibnine, le<br />
génie, le déminage et la protection de la force.<br />
A mesure de la stabilité retrouvée, les forces<br />
militaires sont appelées à étre réduites.<br />
"On a d’abord effectué le déminage humanitaire<br />
à Tibnine pour sécuriser les champs<br />
et les maisons." Le déminage, un domaine<br />
dans lequel la Belgique a une expertise<br />
avérée et dont l’impact est visible. "Quand<br />
la région est déminée, les gens retrouvent<br />
l’esprit de reconstruction. Ils retournent<br />
aux champs." Lorsqu’une zone est complètement<br />
sécurisée, le déminage humanitaire<br />
est laissé aux ONG et les militaires<br />
se replient dans les zones plus dangereuses.<br />
Ils délimitent actuellement un passage<br />
dans les champs de mine sur la "Blue line",<br />
la ligne en deça de laquelle Israël s’est<br />
retiré en 2.000. Le déminage est contrôlé<br />
par l’ONU qui transférera, à terme, sa<br />
connaissance vers les Libanais.<br />
Quant à l’hôpital militaire, il a du être démantelé.<br />
Mais il offrait de nombreux services à la<br />
population. C’est ainsi que la Coopération a<br />
pris le relais de la Défense en proposant de<br />
remettre en état de marche un ancien hôpital<br />
civil. "120.000 civils vont pouvoir profiter<br />
de l’hôpital", explique le gestionnaire du projet<br />
à la CTB. "Les patients paieront 5% des<br />
soins, le reste sera pris en charge par l’Etat<br />
libanais." Les travaux de réhabilitation ont<br />
commencé en novembre 2008 et devraient<br />
se terminer en août 2010. Ils sont supervisés<br />
au jour le jour par le génie BELUBATT, en<br />
attendant un agent CTB au Liban. Une fois<br />
le bâtiment réhabilité, la Belgique fournira<br />
les équipements médicaux, pour un total<br />
général de 3 millions d’euros.<br />
…Ni de sécurité sans<br />
développement"<br />
"Il faut d’abord assurer la paix pour permettre<br />
à tout le monde de s’asseoir à une<br />
table pour discuter", ajoute le commandant.<br />
L’objectif des Nations Unies est en<br />
effet, après la stabilisation, de permettre<br />
un processus diplomatique entre Israël, le<br />
Liban et la Syrie. L’aide belge au Liban a<br />
véritablement démarré en 2006 (hormis<br />
UNRWA, voir article p. 8) et s’inscrit dans<br />
cette optique comme le souligne le Ministre<br />
de la coopération : "La dimension régionale<br />
des projets qui sont soutenus ici est importante.<br />
Il existe une réticence, compréhensible,<br />
qui consiste à ne pas mélanger militaire<br />
et humanitaire mais je suis convaincu<br />
que le développement est un enjeu politique<br />
majeur, une clé pour favoriser la paix<br />
et la sécurité."<br />
C’est aussi l’avis de la casque bleu : "On vit<br />
avec la population, il est important d'avoir<br />
de bons contacts. Grâce à la remise en état<br />
de l’hôpital, la population est favorable à<br />
l’action des Belges. Les projets de développement<br />
facilitent la sécurité des militaires."<br />
Elise Pirsoul<br />
1 Différentes estimations existent.<br />
10 dimension m a r s-a v r i l 2010
dossier<br />
Consolidation de la paix<br />
Donner un avenir<br />
aux pays en conflit<br />
Comment garantir la paix dans un pays déchiré par les conflits ?<br />
Dimension 3 a rencontré le professeur Luc Reychler (K.U.<br />
Leuven), spécialiste en matière de consolidation de la paix.<br />
© DGCD / Chris Simoens<br />
Par où faut-il commencer ?<br />
D’abord, il faut tout inventorier. Qui est<br />
prêt à faire quelque chose ? Quel type<br />
de paix souhaite-t-on : une paix durable,<br />
armée, ou fragile ? Quels sont les besoins<br />
au niveau de la politique, de la sécurité, de<br />
l’économie, de la justice…? La reconstruction<br />
est en effet indispensable. L’éducation<br />
joue dans ce contexte un rôle important,<br />
notamment pour la formation de nouveaux<br />
dirigeants. Les coûts de tous les besoins<br />
doivent être calculés. Un point que l’on<br />
oublie souvent. De plus, il est particulièrement<br />
important d’associer toutes les parties<br />
prenantes. Pas seulement la société<br />
civile et les groupements politiques, mais<br />
également les pays voisins.<br />
Quelle importance<br />
revêt la démocratisation ?<br />
Je suis opposé au modèle néoconservateur<br />
qui veut imposer une démocratie libérale<br />
de l’extérieur. C’est en partie de l’escroquerie.<br />
Le passage vers une démocratie<br />
réussie exige plus que de simples élections.<br />
Un pays sortant d’un conflit a, en premier<br />
lieu, besoin de stabilité. C’est possible si le<br />
pouvoir est "légitime", donc reconnu par le<br />
peuple. Et la légitimité d’un pouvoir dépend<br />
tout autant de la bonne gouvernance que<br />
du degré de démocratisation. Dans une<br />
situation de post-conflit, cela n’a d’ailleurs<br />
pas beaucoup d’importance que l’état se<br />
montre quelque peu autoritaire. Pourvu<br />
qu’il réponde aux besoins essentiels de la<br />
population : sécurité, alimentation, soins<br />
de santé, écoles, etc. Prenons par exemple<br />
la Corée du Sud. Dans les années 70, le pays<br />
avait un régime autoritaire, mais également<br />
une politique économique progressiste.<br />
L’accent était mis sur l’éducation, la recherche<br />
et la gestion. La demande de démocratisation<br />
ne vint que plus tard. Quand la<br />
Belgique est-elle vraiment devenue démocratique<br />
? A peine dans les années 60,<br />
après la décolonisation !<br />
Une démocratie libérale promeut également<br />
le marché libre et le dégraissage de<br />
l’état. Mais on ne peut pas imposer cela<br />
sans nuances aux états <strong>fragiles</strong>. Dans un<br />
premier temps, il y a un besoin de protectionnisme.<br />
Dans ce contexte, l’état joue un<br />
grand rôle. Il doit décider où il faut investir<br />
et veiller progressivement à une ouverture<br />
au marché libre. Aurions-nous oublié que<br />
les pays prospères de l’Ouest et de l’Est<br />
sont eux aussi passés par là ?<br />
Comment aborder la sécurité ?<br />
La sécurité est d'un intérêt vital. Un pays<br />
dangereux attire les mafiosi et constitue<br />
un terreau favorable à la corruption. Dans<br />
ce contexte, les Nations unies ou les organisations<br />
régionales ont un rôle important<br />
à jouer en tant qu’instances neutres.<br />
Ainsi, le Congo a besoin d’une solide force<br />
militaire des Nations unies, qui impose<br />
la paix, modernise l’armée et renforce la<br />
police. Au fur et à mesure que les institutions<br />
nationales se montrent capables<br />
d’assurer l’ordre et la paix, les troupes<br />
étrangères peuvent se retirer.<br />
Quid des blessures<br />
provoquées par un conflit ?<br />
Il faut guérir les blessures. C’est possible<br />
en combinant la justice, les compensations,<br />
la reconnaissance de la dette, le<br />
pardon, l’assurance que cela ne se produira<br />
plus, etc. Mais parfois, on regarde<br />
trop vers le passé. Ainsi, le soutien massif<br />
aux gacaca – les tribunaux populaires – au<br />
Rwanda a été exagéré. Chaque village avait<br />
sa gacaca. Un pays sortant d’un conflit a<br />
surtout besoin d’espoir et d’avenir. Pensez<br />
à l’Europe après la Seconde Guerre mondiale.<br />
On parlait d’un Plan Marshall, il y a eu<br />
l'Initiative Fulbright (ndlr : un programme<br />
d’échanges d’étudiants entre les <strong>Etats</strong><br />
Unis et l’Europe afin d’améliorer la compréhension<br />
entre les peuples). Ces mesures<br />
étaient porteuses d’espoir.<br />
Un monde sans conflits<br />
est-il possible ?<br />
Les conflits sont inévitables dans les relations<br />
humaines. Mais nous pouvons contribuer<br />
à ce que les conflits soient réglés sans<br />
recours à la violence. Dans ce contexte,<br />
l’UE joue un rôle d’exemple. Nous vivons<br />
actuellement dans une région sûre, prospère<br />
et libre. Non pas parce que nous sommes<br />
devenus meilleurs, mais parce que<br />
nous avons créé les circonstances nous<br />
permettant d’aborder les conflits avec plus<br />
d’efficacité.<br />
Chris Simoens<br />
m a r s-a v r i l 2010 dimension<br />
11
dossier<br />
Ces maux auxquels doit<br />
© Boston.com<br />
Récemment à la une de l’actualité<br />
suite au coup d’Etat militaire<br />
qu’il vient de connaître, le Niger,<br />
ce pays sahélien d’Afrique de<br />
l’ouest, territoire immense et<br />
enclavé, adossé au Nigéria, est<br />
l’un des pays les plus pauvres<br />
au monde. Affecté par des<br />
sécheresses récurrentes, il<br />
doit en outre faire face, depuis<br />
son indépendance en 1960, à<br />
l’instabilité politique et aux<br />
conflits internes. Considéré<br />
comme un "Etat fragile", le Niger<br />
dispose cependant d’atouts<br />
intéressants, telles les richesses<br />
minières, un potentiel pastoral<br />
non négligeable, et une surface<br />
de terres irrigable encore peu<br />
exploitée.<br />
Pauvreté d'une population essentiellement rurale, et particulièrement des femmes.<br />
Pauvreté et démographie<br />
élevée 1<br />
62 % des Nigériens sont pauvres et 34%<br />
sont extrêmement pauvres. Plus de la moitié<br />
des ménages ont un revenu moyen inférieur<br />
à 53 euros par personne et par an.<br />
L’intensité de cette pauvreté est déterminée<br />
par une série de facteurs tels que le<br />
lieu de résidence (9 sur 10 pauvres vivent en<br />
milieu rural), le niveau d’instruction (74,9%<br />
d’analphabètes), la taille des ménages<br />
(plus de 6 personnes), le secteur d’activité<br />
(essentiellement agricole), et le genre (3 sur<br />
4 des pauvres sont des femmes).<br />
La pauvreté extrême d’une population<br />
essentiellement rurale, tributaire d’un environnement<br />
sahélien difficile, aggravée par<br />
un taux de croissance démographique élevé,<br />
constitue la principale faiblesse et le plus<br />
grand défi pour le développement économique<br />
et social du Niger. Cette croissance<br />
démographique, de plus de 3% par an, et<br />
un taux de croissance économique moyen<br />
inférieur à ce taux, débouche sur l’appauvrissement<br />
général de la population.<br />
Dégradation climatique et<br />
insécurité alimentaire 2<br />
A l'instar des autres pays sahéliens, le Niger<br />
connaît une anomalie climatique prononcée<br />
depuis plusieurs décennies. Les problèmes<br />
environnementaux s’imposent aux habitants<br />
avec sévérité du fait des sécheresses<br />
récurrentes, de la désertification, de la<br />
démographie élevée, et de la crise économique<br />
persistante.<br />
Dès lors, tandis que les équilibres des écosystèmes<br />
sont sérieusement perturbés, les<br />
ressources naturelles disponibles s'amenuisent<br />
au fil du temps. Les principales conséquences<br />
en sont la baisse de fertilité des<br />
sols, la réduction du capital productif, la<br />
diminution des revenus en milieu rural, l'accroissement<br />
de l'insécurité alimentaire, et<br />
l'exacerbation des conflits entre les exploitants<br />
des ressources.<br />
Les 2/3 de la surface totale du Niger sont<br />
désertiques et seulement 11% des terres<br />
sont aptes à l’agriculture. Avec 270.000 ha<br />
de terres irrigables, dont seulement 85.700<br />
sont exploitées, la production agricole<br />
nigérienne reste faible, et elle est même<br />
décroissante sur le long terme. En effet,<br />
l’extension des superficies cultivées n’a pas<br />
entraîné un renversement de la tendance<br />
du déséquilibre vivrier, en raison de la forte<br />
croissance démographique et de la faiblesse<br />
des investissements de modernisation<br />
dans le secteur agricole. La production<br />
agricole restant structurellement inférieure<br />
à la demande nationale, le Niger est donc<br />
amené à importer des denrées alimentaires,<br />
son principal partenaire en matière<br />
d’approvisionnement étant le Nigéria voisin.<br />
En 2004-2005, un déficit de production au<br />
Nord Nigéria, la sécheresse, et les invasions<br />
de criquets, ont entraîné une grave<br />
crise alimentaire 3 . En 2010, le même fléau<br />
menace une fois de plus. Un ralentissement<br />
des pluies au moment des semis a<br />
engendré des poches de sécheresse dans<br />
plusieurs régions. Cette faible pluviométrie<br />
à un moment crucial, assortie des dégâts<br />
provoqués par des insectes nuisibles, a eu<br />
1 Stratégie de Développement accéléré et de Réduction de la Pauvreté (SDRP) 2008-2012 ; Profil de sécurité alimentaire du Niger par le CILSS et CSAO, avril 2008.<br />
2 Idem 1 + Centre Régional AGRHYMET, Bulletin spécial sur la situation agro-pastorale, août 2009.<br />
3 Cette question de la sécurité alimentaire reste un sujet difficile, voire tabou au Niger, où elle a été à l’origine du premier coup d’Etat militaire, en 1974, renversant le régime du Président Diori.<br />
12 dimension m a r s-a v r i l 2010
Niger<br />
faire face le Niger…<br />
A l'instar des autres pays sahéliens, le Niger connaît une anomalie climatique prononcée.<br />
comme conséquence un ralentissement de<br />
la croissance du mil. Dans le secteur pastoral<br />
d’autre part (qui représente 13% du PIB<br />
national, et implique 87% de la population<br />
rurale), le Niger a enregistré un déficit fourrager<br />
sans précédent, qui risque de compromettre<br />
l’existence même du secteur.<br />
En effet, le caractère sous-régional du<br />
problème complique encore davantage<br />
l’approvisionnement fourrager, et compromet<br />
les possibilités de transhumance. Une<br />
enquête gouvernementale, qui a rendu ses<br />
conclusions fin janvier, a finalement reconnu<br />
l’urgence de la situation. Pas moins de<br />
2,7 millions de personnes, soit 20 % de la<br />
population, seraient en effet menacées<br />
cette année.<br />
© Lucas DiClaudio<br />
L’ère Tandja sera marquée par des efforts<br />
de redressement économique et financier<br />
soutenus par les bailleurs de fonds,<br />
et par une approche stratégique plus formalisée<br />
débouchant sur l’adoption en<br />
2002 de la Stratégie de Réduction de la<br />
Pauvreté (SRP) et, en 2007, de la Stratégie<br />
de Développement accéléré et de Réduction<br />
de la Pauvreté (SDRP).<br />
Avec la réussite des élections locales,<br />
législatives et présidentielles de 2004, le<br />
Niger a écrit une page décisive de son histoire<br />
démocratique. Pour la première fois<br />
depuis le début du processus démocratique<br />
enclenché en 1990, une législature a été<br />
remplacée par une autre, confirmant la stabilité<br />
politique du pays. En témoigne ainsi<br />
la création en 2004 du Conseil National de<br />
Dialogue Politique, cadre permanent de<br />
prévention et de règlement des conflits<br />
politiques, qui regroupe tous les partis politiques<br />
et le gouvernement ainsi que les<br />
autorités morales. Des tensions socio-politiques<br />
ont cependant été observées (grèves<br />
et manifestations contre la vie chère,<br />
contre la faiblesse des salaires, à caractère<br />
politique,…) et, depuis 2007, la démocratie<br />
a été fragilisée par des affaires de corruptions<br />
et la reprise de la rébellion touarègue<br />
dans le Nord, sous-tendue par des trafics<br />
de drogue, d’armes et de personnes.<br />
L’approche des élections présidentielles et<br />
la volonté du président Tandja de se maintenir<br />
au pouvoir (alors que la Constitution<br />
limite à deux le nombre de mandats présidentiels),<br />
vont déboucher en mai 2009<br />
sur une crise institutionnelle marquée par<br />
la dissolution de l’Assemblée Nationale, ><br />
Instabilité politique<br />
et déni de démocratie<br />
Indépendant depuis 1960, le Niger a connu<br />
sur le plan politique une succession de<br />
périodes calmes et agitées. Tout d’abord<br />
gouverné durant 14 ans par un régime<br />
civil à parti unique (l’ère Hamani Diori), les<br />
régimes militaires se succèdent jusqu’à fin<br />
1999. Sous la pression internationale, le<br />
major Daouda Mallam Wanké rend alors<br />
le pouvoir aux civils, permettant ainsi les<br />
deux mandats présidentiels successifs de<br />
Mamadou Tandja.<br />
Les problèmes environnementaux s'imposent aux habitants avec sévérité du fait des sécheresses récurrentes.<br />
© Globalgiving<br />
m a r s-a v r i l 2010 dimension<br />
13
dossier<br />
Niger<br />
© MNS<br />
Le haut commandement du MNJ (2008).<br />
> puis de la Cour Constitutionnelle, et par<br />
l’adoption d’une nouvelle Constitution prévoyant<br />
la prolongation du mandat du président<br />
pour 3 ans. Ce "coup d’Etat institutionnel"<br />
va susciter la réprobation de l’ensemble<br />
des partis politiques, de la société civile et<br />
des bailleurs de fonds du Niger, et va finalement<br />
déboucher sur le coup d’Etat militaire<br />
perpétré le 18 février 2010.<br />
Avec ce dernier putsch et la destitution du<br />
président Tandja, l’armée voudrait passer<br />
pour le garant du changement démocratique.<br />
Mais, si elle tire une certaine légitimité<br />
de la confrontation avec la rébellion touarègue,<br />
elle est mal perçue par la communauté<br />
internationale qui appelle tous les acteurs<br />
concernés à s’engager dans un processus<br />
démocratique en vue de rétablir un "ordre<br />
constitutionnel" dans le pays.<br />
conduite par le Mouvement des Nigériens<br />
pour la justice (MNJ). Celui-ci reproche au<br />
gouvernement le non-respect des accords<br />
de 1995, qui concernaient notamment la<br />
réinsertion des ex-rebelles, ainsi que l’embauche<br />
des Touaregs dans les compagnies<br />
minières. Depuis lors, les enlèvements de<br />
cadres, de diplomates et de touristes se<br />
sont multipliés, revendiqués par les rebelles<br />
touaregs, ou encore attribués à Al Qaeda<br />
au Maghreb, présent dans la région.<br />
L’uranium, une ressource<br />
précieuse<br />
Si le Niger reste l’un des pays les plus pauvres<br />
d’Afrique, son sous-sol recèle par<br />
contre un minerai très recherché : l’uranium,<br />
dont les prix se sont envolés ces dernières<br />
années. Troisième producteur mondial<br />
de ce combustible (après le Canada<br />
et l’Australie), le Niger en a extrait 3.242<br />
tonnes en 2009. En termes de réserves, il<br />
arrive en huitième position, avec 5 % des<br />
gisements mondiaux. Jusqu’en 2007, l’important<br />
groupe nucléaire français Areva a<br />
pu y bénéficier du monopole de l’extraction,<br />
mais les autorités de Niamey ont cherché à<br />
sortir de cette relation de dépendance et,<br />
depuis lors, celles-ci ont octroyé des licences<br />
d’exploration à une centaine d’autres<br />
compagnies étrangères.<br />
Le MNJ, devenu l’un des principaux groupes<br />
rebelles, réclame la redistribution de<br />
ces richesses, qui échappent aux populations<br />
locales. Mais la reprise de la lutte<br />
armée a eu pour principal résultat jusqu’à<br />
présent une nouvelle militarisation du pays,<br />
qui s’accompagne d’une ferme répression à<br />
l’encontre des sympathisants réels, ou supposés,<br />
de la rébellion.<br />
Florence Deschuytener<br />
Jean-Michel Corhay<br />
La rébellion des Touaregs<br />
Depuis 1990, une minorité est entrée en<br />
rébellion, les Touaregs, en butte à la discrimination<br />
et à la répression de la part des<br />
autorités. Ils réclament leur reconnaissance<br />
et une représentation dans la structure<br />
fédérale, qui lui permettrait de toucher une<br />
partie de la manne de l’extraction minière<br />
du Niger. Les régions les plus riches en uranium<br />
et en charbon se trouvent en effet<br />
dans les zones de peuplement touareg.<br />
Sous l’égide de la France et de l’Algérie, un<br />
traité de paix a pu être signé en 1995, qui<br />
aura été suivi par une longue trêve. Mais<br />
celle-ci a été rompue en 2007 et, depuis lors,<br />
la rébellion a repris dans le nord du pays,<br />
Pont sur le fleuve Niger, à l'approche de Niamey.<br />
Population :<br />
13,5 millions<br />
Superficie : 1.267.000 km 2<br />
Capitale :<br />
Niamey<br />
Structure étatique :<br />
République<br />
PNB / habitant :<br />
155 dollars<br />
Classement IDH PNUD : 182 ème sur 182<br />
Religion : Islam 95 %, Animisme 4 %, Christianisme 1 %.<br />
Taux de prévalence du SIDA : 0,67 %<br />
Source: Indicateurs africains du développement<br />
© Oneman<br />
14 dimension m a r s-a v r i l 2010
Fiche thématique<br />
dimension<br />
Le journal de la coopération belge<br />
L'éternelle quête d'Utopia<br />
Le désir de créer une société idéale est apparu avec la naissance de l'humanité.<br />
Passons en revue les évolutions qui ont mené aux formes actuelles de nos<br />
états. Analysons les difficultés rencontrées. La structure étatique idéale n'a<br />
pas encore été trouvée. Ce n'est que répétition des mêmes processus d'essaiserreurs,<br />
de recherches, de changements, d'améliorations.<br />
© Jean-Michel Corhay<br />
Le conseil des anciens – présidé par le chef- est un organe d’administration important dans la société traditionnelle en Afrique.<br />
Chasseurs-cueilleurs<br />
Les premiers hommes pratiquaient la chasse et la cueillette.<br />
Nomades, ils vivaient en petits groupes dont le nombre était<br />
volontairement limité entre 25 et 50 membres. Il s'agissait de<br />
peser le moins possible sur leur environnement naturel qui leur<br />
apportait leur nourriture (plantes et animaux sauvages).<br />
On suppose que ces petits groupes sont relativement égalitaires:<br />
la différence de rang est quasi inexistante. Les plus âgés<br />
exercent une autorité discrète, les décisions sont prises de préférence<br />
au sein du groupe. Ce type de communauté se retrouve<br />
encore aujourd'hui chez les Amérindiens et les aborigènes australiens.<br />
Sociétés tribales<br />
L'agriculture est venue modifier cette situation. Il y a quelque<br />
12.000 ans, l'homme apprend à cultiver des plantes sauvages et<br />
à élever des animaux. Cette abondance de nourriture permet une<br />
croissance démographique. D'autre part, les travaux agricoles ne<br />
requièrent pas la participation de tous. La diversité des tâches<br />
s'est ainsi imposée (aux agriculteurs viennent s’ajouter des artisans,<br />
une classe dirigeante, …), tout comme une différence de statut.<br />
La communauté perd donc son caractère égalitaire. L'homme<br />
ne doit plus se déplacer pour rechercher sa nourriture, il s'installe<br />
alors dans des villages.<br />
Ces sociétés originelles s'articulent principalement autour des liens<br />
de parenté. Elles sont organisées et vivent en tribus. Différentes<br />
familles (élargies) appartiennent à un groupe plus important (village<br />
ou clan), différents villages forment une tribu ou un groupe<br />
ethnique. Chaque groupe possède son propre chef. Il y a des chefs<br />
de famille, des chefs de village et des chefs de tribu. Certaines<br />
sociétés – comme les Igbos au Nigéria – sont fortement décentralisées<br />
: chaque village y est indépendant.<br />
><br />
m a r s-a v r i l 2010 dimension<br />
I
Les sociétés organisées sur le mode tribal sont souvent considérées<br />
en Occident comme des sociétés primitives. Rien n'est moins<br />
vrai. Leur organisation est parfaitement adaptée à leur environnement.<br />
Elles ne sont pas prisonnières d'un territoire et les différences<br />
sociales y sont minimes. Leur système juridique est astucieux<br />
: chaque conflit est réglé à un niveau approprié de la famille,<br />
du village, de la tribu. Le conseil des anciens est un organe clef<br />
dont le chef peut être destitué de sa fonction s'il ne satisfait pas.<br />
C'est la communauté qui entretient les routes et les autres infrastructures<br />
communes. On peut donc dire que de manière générale<br />
les communautés tribales assurent très bien leur ordre intérieur, la<br />
solidarité familiale garantit à leurs membres une existence digne.<br />
Ces communautés étaient les plus répandues en Afrique à l'ère<br />
précoloniale.<br />
Civilisations<br />
Les excédents économiques – dus par exemple à la production<br />
agricole élevée et à l'expansion du commerce – ont mené à la<br />
naissance des civilisations. Elles se caractérisent par une structure<br />
politique complexe composée de diverses institutions – un<br />
Etat à part entière – et par un pouvoir centralisé fort, dont un<br />
roi est souvent le dépositaire. Ce dernier s'emploie la plupart du<br />
temps à accroître sa sphère d'influence, son royaume s'élargit<br />
par l'absorption de plusieurs groupes ethniques. Ses sujets peuvent<br />
acquérir davantage de richesses, l'écart entre les classes<br />
se creuse. Les civilisations possèdent également leurs propres<br />
cultures sur le plan des valeurs, des usages, des expressions<br />
artistiques.<br />
© adelaide.edu<br />
Parmi ces civilisations, on retrouve<br />
l'Ancienne Egypte, le Ghana, le Mali,<br />
l'Ethiopie, les Sumériens, les Incas et<br />
l'Empire romain. Confucius (500 av.<br />
JC) aura quant à lui inspiré l'empire<br />
chinois, dans sa conception d’une<br />
société "idéale". Ce n'est pas tant<br />
la loi, sinon le sens moral qui est le<br />
garant de l'ordre dans la société. Les<br />
rituels et des valeurs comme le respect<br />
des anciens et des supérieurs<br />
en constituent les fondements.<br />
Féodalisme et absolutisme<br />
Le féodalisme européen du haut moyen-âge est issu des sociétés<br />
tribales germaniques. La hiérarchie des niveaux sociaux y est<br />
également présente : les seigneurs sont supérieurs aux vassaux.<br />
Le roi ou l'empereur est le plus puissant des seigneurs, tandis<br />
que le serf se trouve au bas de l’échelle. Ce système repose<br />
essentiellement sur l'exploitation.<br />
Le système féodal laisse aux vassaux une certaine indépendance<br />
par rapport au roi. A partir des 15e et 16e siècles cependant, les<br />
rois s’approprient progressivement tout le pouvoir. Les autres<br />
classes (bourgeoisie, noblesse, clergé) n'ont quasiment plus voix<br />
au chapitre. Le parfait exemple de cet absolutisme est Louis XIV,<br />
le Roi Soleil (1638-1715).<br />
Les révolutions des 17 e et 18 e siècles<br />
Le 17 e siècle voit se répandre un courant de pensée qui s'oppose<br />
à cet absolutisme. Les penseurs de l'époque s'inspirent<br />
du modèle grec de gestion du pouvoir par le Demos (peuple),<br />
développé à Athènes aux 4 e et 5 e siècles avant JC. Chaque habitant<br />
de la cité était membre de l'Ecclesia (sorte de conseil<br />
municipal) qui se réunissait au moins 40 fois par an. C'est là<br />
que se prenaient les grandes décisions. Il y avait également<br />
un autre Conseil, composé de 500 membres, et un Comité de<br />
50 membres. L'aspect négatif était que seuls les habitants de<br />
sexe masculin âgés de plus de 20 ans pouvaient faire partie de<br />
l'Ecclesia. Esclaves - la majorité de la population -, femmes, et<br />
étrangers, en étaient exclus.<br />
© adelaide.edu<br />
Le penseur Locke (1637-1704) a<br />
mis en avant l'existence de droits<br />
"naturels" que l'homme reçoit de<br />
Dieu : le droit à la paix, à la liberté<br />
et à la propriété. Il prônait l'idée<br />
d'un gouvernement élu par le peuple<br />
et qui protège ses droits.<br />
Les idées de Locke ont influencé<br />
la Révolution anglaise de 1688.<br />
Celle-ci a réduit considérablement<br />
le pouvoir du roi, qui s'est<br />
vu adjoindre un Parlement en tant que nouvel organe politique.<br />
Les membres du parlement étaient de véritables "représentants<br />
du peuple", choisis par le peuple. Le Bill of Rights est<br />
le premier texte qui définit des droits octroyés aux citoyens,<br />
parmi lesquels la liberté d'expression.<br />
© histoire.fr<br />
Montesquieu (1689-1775) soutenait<br />
que toute personne détentrice<br />
d'un quelconque pouvoir aura<br />
tendance à en abuser. Selon lui, il<br />
convient donc de répartir ce pouvoir<br />
sur trois instances : l'exécutif,<br />
le législatif et le judiciaire. La règle<br />
essentielle étant que chaque pouvoir<br />
soit contrôlé et limité par les<br />
deux autres.<br />
La Révolution américaine (1763-<br />
1787), qui a permis aux <strong>Etats</strong>-Unis<br />
de se détacher de l'Angleterre,<br />
a résolument opté pour cette "séparation des pouvoirs". Les<br />
<strong>Etats</strong>-Unis sont devenus une république avec un président aux<br />
rênes du pouvoir exécutif. Le pouvoir législatif est entre les<br />
mains du parlement. L'accent est mis sur la liberté et l'égalité<br />
des citoyens. La constitution américaine est la première constitution<br />
du genre.<br />
La Révolution française (1789-1792) a mis fin de manière radicale<br />
à l'absolutisme incarné par la personne du roi Louis XVI. Il<br />
a été remplacé par la République française, dotée d'un parle-<br />
III<br />
dimension m a r s-a v r i l 2010
ment élu détenteur du pouvoir législatif. La transposition dans<br />
la pratique de l’ambitieuse Déclaration des droits de l'homme et<br />
du citoyen ne fut pas évidente. Finalement, en 1799, Napoléon<br />
prend le pouvoir. Son avènement ne fut pas entièrement synonyme<br />
de retour en arrière. Son organisation du pouvoir judiciaire,<br />
des communes et des provinces est encore en application<br />
aujourd'hui.<br />
Les tâches principales de l'Etat sont de maintenir l'ordre intérieur<br />
et de garantir une existence digne à ses citoyens. Dans<br />
la société complexe d’aujourd’hui, l'Etat possède de nombreuses<br />
compétences: la levée d'impôts afin de financer les services<br />
publics, l'enseignement, les transports, l'économie, l'énergie,<br />
etc. Il entretient des relations avec l'étranger et possède une<br />
armée destinée à protéger le pays. Les ministres (et secrétaires<br />
d'Etat) exercent ces diverses compétences. Pour exécuter leur<br />
politique, ils s'appuient sur un corps administratif, les ministères.<br />
Afrique<br />
Lors de la conférence de Berlin en 1885, les puissances européennes<br />
se sont partagé le continent africain. Le Roi Léopold II<br />
a reçu le Congo pour la Belgique. Les frontières en ont été fixées<br />
arbitrairement. De ce fait, plusieurs groupes ethniques différents<br />
se sont retrouvés sur un même territoire "national".<br />
"La Liberté guidant le peuple". Célèbre tableau d’Eugène Delacroix<br />
qui représente la Révolution française.<br />
© histoire.fr<br />
La vague d'indépendances des années 50 et 60 a débuté assez<br />
soudainement en Afrique, obligeant les colonisateurs à quitter<br />
leurs colonies de manière tout aussi abrupte. Le manque de<br />
temps ne leur a pas permis d'opérer le transfert de leurs institutions<br />
étatiques à la nouvelle nation. Elles appartenaient en effet<br />
aux colonisateurs et non à la colonie qui fonctionnait souvent<br />
sur un mode tribal. D'autre part, l'économie de ces colonies se<br />
limitait à un seul ou à quelques produits d'exportation, dont le<br />
bénéfice ne profitait guère au pays.<br />
L'Etat moderne de type occidental<br />
Les différentes révolutions ont ouvert la voie de l'Etat moderne.<br />
Il comporte cinq caractéristiques de base :<br />
• L'Etat dispose d'un pouvoir central, indépendant.<br />
• Les institutions de l'Etat sont publiques, elles prennent et<br />
appliquent des décisions qui concernent l'ensemble de la<br />
communauté. Les groupes privés comme les organisations<br />
syndicales, les familles et les entreprises poursuivent leurs<br />
objectifs personnels.<br />
• Le pouvoir de l'Etat est légitime (légal). Ses décisions lient<br />
tous les membres de la communauté et servent l'intérêt<br />
général.<br />
• L'Etat est un instrument de suprématie. Il peut imposer ses<br />
décisions et dispose d'outils pour ce faire : police et tribunaux<br />
("le monopole de la violence légitime"). Les contrevenants<br />
aux lois sont sanctionnés.<br />
• L'Etat est lié à un territoire, et est reconnu en principe en<br />
tant que tel par la communauté internationale.<br />
L'Etat démocratique moderne repose sur une constitution qui en<br />
fixe l'organisation et la relation entre dirigeants et dirigés. Sa<br />
caractéristique principale est la séparation des pouvoirs exécutif,<br />
législatif et judiciaire. Les élections sont essentielles. Elles<br />
permettent au peuple d'exprimer un jugement sur ses dirigeants<br />
et, le cas échéant, de les désavouer.<br />
Lors de la conférence de Berlin en 1885, les puissances européennes se<br />
sont partagé le continent africain.<br />
Les pays nouvellement indépendants partaient donc sur des<br />
bases plutôt <strong>fragiles</strong>. Leurs dirigeants ont toutefois maintenu<br />
les frontières de leur territoire telles que les colons les avaient<br />
fixées, en préférant néanmoins conserver un pouvoir centralisé<br />
fondé sur un parti unique et ce, en raison de la diversité des<br />
groupes ethniques présents. Ils ont su faire usage du tout nouveau<br />
sentiment national né de la lutte anticolonialiste qui avait<br />
rassemblé toutes les forces du pays. Cela a parfois donné ><br />
© britannica.com<br />
m a r s-a v r i l 2010 dimension<br />
III
lieu à des expériences socialistes<br />
assez originales, comme ce fut<br />
le cas en Tanzanie avec le Président<br />
Nyerere.<br />
De nombreux dirigeants ont consolidé<br />
leur pouvoir. Ils ont conquis leur<br />
population en leur prodiguant des<br />
services comme l'enseignement ou<br />
les soins de santé. Leur souci principal<br />
restait néanmoins l'ancrage de<br />
leur propre hégémonie. La fin de la Guerre froide et le manque<br />
d'intérêt au niveau international dans les années 90 ont<br />
entraîné une forte réduction des moyens. Plus guère de place<br />
pour les services aux citoyens. Cette situation a finalement<br />
entraîné un processus de démocratisation appuyé par la tenue<br />
d'élections libres. A l'instar de l'Europe, l'Afrique n'effectue pas<br />
ce passage vers une véritable démocratie du jour au lendemain,<br />
cela demande du temps. Certains pays sont confrontés à des<br />
groupes qui refusent de reconnaître le pouvoir central (Soudan,<br />
Nigéria, Niger, …). Beaucoup sont considérés comme des "<strong>Etats</strong><br />
<strong>fragiles</strong>".<br />
© Safran-arts<br />
fragile" est la grande pauvreté de leur population et un niveau<br />
d’aide extérieure souvent très limité. Il n'existe en effet aucune<br />
garantie que l'aide fournie arrive effectivement à bon port.<br />
Il n'empêche, ces pays ont besoin d'être soutenus. Six pays partenaires<br />
de la Belgique sont en situation de fragilité, selon l’Organisation<br />
de Coopération et de Développement Economiques :<br />
la RD Congo, le Burundi, le Rwanda, les Territoires palestiniens,<br />
l'Ouganda et le Niger. Dans un souci d'accroître l'efficacité de<br />
son aide, la Belgique décide avec le pays partenaire de promouvoir<br />
la bonne gouvernance. Tous deux s'engagent à faire preuve<br />
de transparence et à rendre des comptes afin de lutter contre la<br />
corruption. La Belgique collabore avec les institutions du pays et<br />
<strong>Etats</strong> <strong>fragiles</strong><br />
La signification de l'expression "Etat fragile" ne fait pas l'unanimité.<br />
Elle fait référence aux pays qui rencontrent des difficultés<br />
à réaliser les tâches spécifiques d'un état, comme le maintien de<br />
l'ordre intérieur et la répartition équitable des richesses. La participation<br />
de la population à la vie politique est trop faible, tout<br />
comme le contrôle sur le pouvoir exécutif. La gestion du budget<br />
de l'état est également problématique.<br />
Depuis les années 90, des élections sont organisées<br />
dans beaucoup de pays africains.<br />
© britannica.com<br />
Ce concept revêt une grande importance en matière de coopération<br />
au développement. La particularité des "<strong>Etats</strong> en situation<br />
L'Etat belge<br />
En Belgique, qui est une<br />
monarchie<br />
1 Utopia : Ouvrage de Thomas More (1516), qui décrit une société idéale.<br />
constitutionnelle,<br />
le pouvoir législatif<br />
est exercé par le<br />
Parlement (la Chambre et<br />
le Sénat) et le Roi. Outre le<br />
pouvoir d’édicter des lois,<br />
ils peuvent également instaurer<br />
des commissions d'enquête et contrôler le pouvoir exécutif.<br />
Le pouvoir exécutif appartient au gouvernement constitué<br />
de ministres et de secrétaires d'état, et au roi. Ils exécutent<br />
les lois et définissent la politique du pays. Le pouvoir judiciaire<br />
est exercé par les cours et les tribunaux qui se prononcent en<br />
matière de litiges et contrôlent la légalité des actes du pouvoir<br />
exécutif. La monarchie est en grande partie protocolaire.<br />
© Panoramio<br />
fournit des formations et des conseils. Cette action s'accompagne<br />
du renforcement des structures démocratiques (parlement,<br />
société civile, …), d’une attention portée au respect des droits<br />
de l'homme et de la promotion de la liberté de la presse.<br />
Conclusion<br />
Si le modèle démocratique est celui qui est le plus appliqué actuellement,<br />
il ne constitue pas pour autant un aboutissement ultime.<br />
On assiste de fait à un élargissement de l'influence des organisations<br />
internationales et supranationales comme les Nations unies<br />
et l'Union européenne. Conjointement, une tendance se dessine<br />
vers davantage de compétences pour des entités locales. Le choix<br />
se portera-t-il sur un état réduit qui privilégie les initiatives privées<br />
ou sur un état aux vastes compétences où les richesses sont<br />
réparties au mieux ? La quête d’Utopia 1 se poursuit.<br />
Chris Simoens<br />
Fiche thématique du Journal de la coopération belge.<br />
Périodique bimestriel de la Direction Générale<br />
de la Coopération au Développement (DGCD)<br />
Rédaction : DGCD – Direction Programmes de Sensibilisation<br />
Rue des Petits Carmes 15 | B-1000 Bruxelles<br />
Tél : 0032 (0)2 501.48.81 – Fax: 0032 (0)2 501.45.44<br />
E-mail : info.dgcd@diplobel.fed.be<br />
www.diplomatie.be | www.dgcd.be<br />
IIV<br />
dimension m a r s-a v r i l 2010
dossier<br />
Le cercle des parents<br />
Moyen-Orient<br />
Alors que le conflit israélo-palestinien continue à faire<br />
des victimes, le fossé entre les deux communautés<br />
se creuse toujours plus, amenuisant les chances de<br />
réconciliation. Mais, pour ceux qui ont perdu un<br />
enfant dans le conflit, la douleur est la même, au-delà<br />
de l’appartenance communautaire. "The Parents Circle"<br />
propose de rétablir un dialogue, apprendre à se<br />
connaître pour laisser une chance à la réconciliation.<br />
Dessin extrait de l'exposition et du calendrier "Cartooning in Conflict",<br />
organisé par l'association israélo-palestinienne "The Parents Circle".<br />
"Nous avons tous perdu un parent dans le<br />
conflit", soupire Aaron, "Moi j’ai perdu mon<br />
fils Noam, en 99, en mission de déminage<br />
pour l’armée israélienne au Liban. C’étaient<br />
ses derniers jours de service militaire. Pour<br />
nous, parents, ce fut la fin du monde." Dans<br />
cet hôtel anonyme de Tel Aviv, l’émotion est<br />
encore palpable 10 ans après l’événement.<br />
"On nous a appris peu après qu’il portait<br />
sur son uniforme un badge sur lequel était<br />
inscrit "Laisser le Liban en paix" 1 . C’était un<br />
appel à la paix alors qu’il accomplissait sa<br />
dernière mission, un symbole de la futilité<br />
de la guerre. Peu après, nous avons joint<br />
"The Parents Circle".<br />
Aaron est membre de "The Parents<br />
Circle", une communauté d’Israéliens et<br />
de Palestiniens qui ont perdu un membre<br />
proche de leur famille durant le conflit. Ils<br />
promeuvent ensemble un processus de<br />
réconciliation via le dialogue et la compréhension<br />
mutuelle. L’association est créée<br />
en 95 à la suite de l’assassinat d’un jeune<br />
soldat israélien dont le père était membre<br />
influent d’un parti religieux traditionnellement<br />
opposé aux accords d’Oslo, convaincu<br />
que seule la force pouvait mettre un terme<br />
à la terreur. Contre toute attente, ce père<br />
déclara que la mort d’autres enfants,<br />
israéliens ou palestiniens, ne lui rendrait<br />
pas son fils et qu’il fallait stopper ces<br />
guerres insensées. Ce message nouveau,<br />
et inattendu, fut relayé par les médias.<br />
L’appel est rapidement entendu et rejoint<br />
par plus de 20 familles. Après l’assassinat<br />
de d’Yitzhak Rabin qui porte un coup violent<br />
aux accords d’Oslo, le groupe décide<br />
de prôner activement le dialogue et la<br />
réconciliation. Ils entrent en contact avec<br />
les premières familles à Gaza et commencent<br />
à les rencontrer. "Le groupe comprit<br />
vite qu’il avait en main un outil important<br />
qui pouvait montrer à la population qu’il<br />
était possible de se réconcilier."<br />
"Depuis cinq ans, nous avons recréé une<br />
structure complètement égalitaire : il y a<br />
deux managers et deux bureaux : 1 israélien,<br />
1 palestinien. On se rencontre une fois<br />
par semaine. L’idée est de montrer que nous<br />
pouvons parler le même langage de paix.<br />
Nous pensons que le problème vient du<br />
manque de dialogue : aucun des côtés ne<br />
connait l’autre communauté et les visions<br />
sont déformées. La guerre est plus facile à<br />
accepter lorsqu’on connait mal l’adversaire.<br />
C’est ainsi que les gens ne soutiennent plus<br />
le processus de paix."<br />
"C’est pour cette raison que nous allons,<br />
main dans la main, Palestiniens et Israéliens,<br />
raconter notre histoire dans les écoles<br />
israéliennes" : un projet du "Parents Circle"<br />
qui reçoit le soutien financier du service de<br />
Diplomatie préventive des Affaires étrangères<br />
belges. "Après les témoignages, nous<br />
avons une discussion avec les élèves. Pour<br />
beaucoup d’entre eux, c’est une découverte.<br />
Ils vivent dans une tour d’argent et<br />
n’ont aucune conscience de ce qui se passe<br />
de l’autre côté. Ils se rendent compte que<br />
chaque partie raconte les mêmes histoires<br />
avec un point de vue différent. 1948,<br />
par exemple, marque la bonne nouvelle<br />
de l’indépendance pour les juifs, mais est<br />
une "catastrophe" (Naqba) pour les autres."<br />
Le groupe précise ne pas vouloir accepter<br />
d’argent de l’Etat israélien afin de ne pas<br />
être instrumentalisé ou accusé de parti<br />
pris, mais il compte nombre de bailleurs<br />
internationaux. "Nous avons fait une série<br />
télévisée qui met en scène les deux communautés.<br />
Un beau succès. Nous avons<br />
créé une ligne téléphonique "Allo shalom,<br />
Allo salaam" qui permettait de mettre en<br />
connexion Israéliens et Palestiniens. Plus<br />
d’un million d’appels ont été passés. Nous<br />
planchons maintenant sur un projet de<br />
mise en contact via les nouveaux modes de<br />
communication."<br />
Elise Pirsoul<br />
online<br />
www.theparentscircle.com<br />
1 "Let Lebanon in peace", slogan du groupe "Four mothers" en 1993.<br />
m a r s-a v r i l 2010 dimension<br />
19
dossier<br />
Seuls ceux qui connaissent leurs<br />
Au sein du SPF Affaires étrangères,<br />
le service Consolidation de la paix se<br />
consacre à la prévention des conflits,<br />
à la diplomatie préventive et aux droits<br />
de l’homme. La consolidation de la<br />
paix présente de nombreuses facettes<br />
différentes qui touchent de près à la<br />
coopération au développement, comme<br />
la médiation de conflit, le processus de<br />
démocratisation et la liberté des médias.<br />
"Et pourtant nous faisons quelque chose<br />
de totalement différent..."<br />
© Bart Colman<br />
Les femmes pygmées dans l'est du Congo apprennent à tendre le cordeau sur leur champ<br />
de maïs et de haricots. Le programme semencier fait partie du projet de l'Union pour<br />
l'émancipation de la femme autochtone.<br />
Quoi de plus normal pour un fonctionnaire<br />
qui finance des projets dans le Sud que de<br />
pouvoir y effectuer un réel suivi de "ses"<br />
dossiers. Et pourtant, cela ne va pas de soi.<br />
En effet, de telles missions demandent un<br />
important investissement en temps et en<br />
énergie de la part des gestionnaires de dossiers<br />
eux-mêmes et des partenaires locaux.<br />
Les attachés de la Consolidation de la paix,<br />
Bart Colman et Robert Olbrechts, ont finalement<br />
fait ce qu'ils souhaitaient depuis longtemps<br />
: se rendre au Burundi et dans l'est<br />
du Congo pour visiter les projets financés<br />
par leur service.<br />
L'un de ces projets est l’ICLA (Information,<br />
Counseling and Legal Assistance) du Conseil<br />
norvégien pour les réfugiés, une ONG jouissant<br />
d'une grande autorité dans ce domaine.<br />
L'objectif du projet ICLA est de promouvoir<br />
l'intégration des personnes déplacées en<br />
jouant entre autres le rôle de médiateur<br />
de qualité et d'une société civile solide.<br />
Cependant, au Burundi, cela ne va pas toujours<br />
de soi. "C'est la raison pour laquelle<br />
nous apportons notre soutien aux radios et<br />
aux rédactions de journaux", affirme Bart.<br />
"Nous avons visité le IWACU, un journal<br />
indépendant au cœur de Bujumbura. Celui-ci<br />
"Il s’agit de mettre un forum à la disposition<br />
des personnes qui leur permette de régler<br />
un litige de manière pacifique."<br />
Médiation dans le cadre<br />
de conflits territoriaux<br />
La première mission de suivi de leur travail<br />
s'est avérée très fructueuse. "Nous sommes<br />
revenus d'un voyage très enrichissant",<br />
nous assure Bart. "Les guerres ont provoqué<br />
de grandes vagues de migration dans<br />
cette région. Ces dernières années, de nombreux<br />
réfugiés sont revenus, mais leur réintégration<br />
dans la communauté ne s'est pas<br />
faite sans mal. Leurs terres ont pour la plupart<br />
été saisies par des familles voisines. Le<br />
problème est qu’une fois de retour, ils les<br />
revendiquent. Les projets destinés à prévenir<br />
de tels litiges, par exemple à l'aide de<br />
médiation et d'assistance juridique, méritent<br />
notre soutien."<br />
dans les conflits territoriaux. Le Conseil des<br />
réfugiés organise des "centres d'écoute" où<br />
les deux parties peuvent prendre la parole<br />
et reçoivent une assistance. "Nous avons<br />
assisté à une séance d'écoute au cours de<br />
laquelle les deux familles en conflit ont, avec<br />
le soutien de conseillers indépendants, justifié<br />
leur droit territorial", nous raconte Bart.<br />
"Vraiment très instructif. Il s’agit de mettre<br />
un forum à la disposition des personnes qui<br />
leur permette de régler un litige de manière<br />
pacifique."<br />
La liberté d'expression<br />
L’indépendance et l’objectivité des médias<br />
sont d’une importance considérable dans la<br />
promotion d'une information des citoyens<br />
défend une information objective et porte<br />
une grande attention aux élections de 2010.<br />
Le financement de ce journal vise à soutenir<br />
les médias indépendants et les processus de<br />
démocratisation. Et je suis content d'avoir pu<br />
constater que la rédaction de IWACU, dont<br />
le personnel représente presque tous les<br />
groupes ethniques, est composée de journalistes<br />
enthousiastes et professionnels."<br />
Toutefois, le journal manque de moyens<br />
financiers propres et est trop dépendant<br />
de l'aide financière belge. L'IWACU s'efforce<br />
d'acquérir une plus grande autonomie<br />
financière, mais cela ne se fait pas du jour<br />
au lendemain. La rédaction ne manque pas<br />
de rendre compte de manière critique mais<br />
20 dimension m a r s-a v r i l 2010
Consolidation de la paix au Burundi et en RD Congo<br />
droits peuvent les revendiquer<br />
objective de l’actualité politique du pays.<br />
Or, un financement explicitement belge<br />
pourrait fragiliser ces efforts.<br />
Discrimination des Pygmées<br />
Dans l'est du Congo, le groupe des attachés<br />
a visité un projet destiné aux communautés<br />
autochtones. L’Union pour l’Emancipation<br />
de la Femme Autochtone (UEFA) s'est<br />
attelée à l'intégration des Pygmées dans<br />
la société congolaise et à leur participation<br />
dans le processus de démocratisation, avec<br />
une attention particulière pour les femmes.<br />
Les Pygmées sont souvent victimes<br />
de préjugés et de discrimination et, à l'instar<br />
de nombreuses femmes dans l'est du<br />
Congo, les femmes pygmées sont trop souvent<br />
victimes de violences sexuelles. Cette<br />
© Bart Colman<br />
"Séance d'écoute" à Magara, à Bujumbura rural,<br />
avec à gauche les médiateurs. "L'approche<br />
et l'expertise du Conseil norvégien pour les<br />
réfugiés en matière de résolution de conflits liés<br />
aux propriétés foncières sont remarquables",<br />
déclare Bart Colman.<br />
union les aide en leur permettant de se<br />
faire entendre et de devenir plus autonomes.<br />
"Nous avons fait la connaissance d'une<br />
jeune femme victime de maltraitance de la<br />
part de sa belle-famille", raconte Robert,<br />
visiblement touché. "Lorsque nous avons<br />
abordé son cas avec le chef de la police, il<br />
est apparu que certains membres du corps<br />
de la police étaient eux-mêmes complices<br />
de cette exploitation. C’est une situation<br />
extrêmement frustrante."<br />
Afin de protéger les droits de ces peuples,<br />
et plus spécifiquement ceux des femmes<br />
autochtones, une assistance juridique<br />
et sociale leur est proposée. S'y ajoutent<br />
des actions de sensibilisation, telles que<br />
les émissions radiophoniques, les campagnes<br />
de bandes dessinées et posters et les<br />
activités agricoles. "Les Pygmées doivent<br />
connaître leurs droits, ce qui est rarement<br />
le cas", déclare Robert. "Seuls ceux qui<br />
connaissent leurs droits peuvent les revendiquer.<br />
Or, un droit que l'on ne peut faire<br />
valoir, cela n'existe pas. Celui qui souhaite<br />
venir en aide aux Pygmées doit donc s’assurer<br />
du respect de leurs droits."<br />
Expertise en matière de<br />
consolidation durable de la paix<br />
On ne peut omettre de parler du 'Life &<br />
Peace Institute' (LPI), dirigé par le juriste<br />
belge Pieter Van Holder. L'ambassade de<br />
Belgique à Kinshasa avait proposé de financer<br />
cette organisation remarquable, qui<br />
recourt à la recherche-action participative<br />
ciblée sur la transformation des conflits. À<br />
l’aide de cette approche, le LPI analyse les<br />
conflits dans l'est du Congo et apporte son<br />
soutien à la paix par la conciliation, la négociation<br />
et le renforcement des capacités.<br />
Au fil des années, cette organisation suédoise<br />
s’est développée en une cellule de<br />
réflexion qui publie régulièrement des études<br />
de référence. LPI a sélectionné sept<br />
partenaires locaux avec lesquels elle coopère,<br />
sur la base de leur compétence et de<br />
leur complémentarité réciproque. Ensemble,<br />
ils bâtissent un socle durable d’expertise<br />
locale relative aux dimensions structurelles<br />
et culturelles des conflits. Le réseau de terrain<br />
ainsi créé offre une certaine garantie<br />
que le savoir faire accumulé par LPI continuera<br />
de se développer même après son<br />
départ éventuel de la région. "Cet institut<br />
nous a laissé une impression tout simplement<br />
positive", ajoute Robert. "Celui-ci<br />
contribue réellement à la consolidation de<br />
la paix dans la région tellement agitée de<br />
l'est du Congo."<br />
Des frontières floues entre<br />
coopération au développement<br />
et consolidation de la paix<br />
Dans la plupart des cas, les projets visités<br />
sont liés à la résolution de conflits, à la<br />
démocratisation, à la liberté des médias, aux<br />
réfugiés ou aux droits des peuples autochtones.<br />
Un rapprochement avec la Coopération<br />
au développement semble inévitable. "Il<br />
arrive que la frontière entre la coopération<br />
au développement et la consolidation de la<br />
paix ne soit pas évidente", explique Robert.<br />
"Au Burundi, nous avons visité un projet qui<br />
promeut la réintégration des réfugiés en leur<br />
permettant de suivre un enseignement. Les<br />
activités subsidiées étaient exclusivement<br />
limitées à l'enseignement des techniques<br />
de construction, à savoir la construction<br />
et la rénovation d'écoles, de maisons pour<br />
les enseignants, de dortoirs, de réservoirs<br />
d’eau, de latrines, etc. Seul un écolier sur six<br />
est un réfugié de retour au pays. Même si<br />
les travaux prévus à l’origine ont bel et bien<br />
été réalisés, on est en droit de s'interroger<br />
sur leur dimension de consolidation de la<br />
paix. En fait, il s'agit plutôt de coopération<br />
au développement."<br />
La différence entre la Consolidation de la<br />
paix et la Coopération au développement<br />
n'est pas toujours évidente, cela a d'ailleurs<br />
été constaté à plusieurs reprises sur le terrain.<br />
"Certains partenaires pensent que nous<br />
sommes une composante de la Coopération<br />
belge au développement, quod non. Ce qui<br />
se traduit par l’inscription 'avec le soutien de<br />
la Coopération belge au développement' sur<br />
un panneau d'information… Ce n'est certes<br />
pas si grave pour le partenaire local, mais un<br />
peu dommage pour nous... Visiblement, nous<br />
avons encore beaucoup de travail RP en<br />
perspective !", ajoute Robert en souriant.<br />
Thomas Hiergens<br />
© Bart Colman<br />
Robert Olbrechts (à gauche) et Bart Colman ne se<br />
privent pas de la photo obligée avec les enfants.<br />
m a r s-a v r i l 2010 dimension<br />
21
dossier<br />
Un 9 e Objectif du Millénaire<br />
pour l’Afghanistan<br />
En 2010, nous faisons le bilan de 10 années d’Objectifs du Millénaire.<br />
Ce n’est pas le cas en Afghanistan. En proie aux conflits, le pays n’a souscrit<br />
aux objectifs qu’en 2004. L’Afghanistan enregistre-t-il des avancées ?<br />
Ce n’est qu’en 2004 que l’Afghanistan a<br />
intégré les Objectifs du Millénaire (OMD)<br />
dans sa stratégie de développement. Etant<br />
donné sa situation extrêmement fragile, il<br />
n’est pas possible que le pays puisse rattraper<br />
le reste du monde. L’Afghanistan a<br />
prolongé l’horizon 2015 jusqu’en 2020 et<br />
a décidé de se fixer un 9 e OMD relatif à la<br />
sécurité. Le développement durable est en<br />
effet impossible sans sécurité. Les OMD<br />
afghans comprennent par ailleurs des<br />
"cibles" supplémentaires, notamment en<br />
faveur de l’égalité des sexes.<br />
Avancées 1<br />
L’Afghanistan enregistre de nettes avancées<br />
pour les OMD concernant la santé :<br />
réduire la mortalité infantile (OMD 4) et<br />
limiter la propagation de maladies telles<br />
que le paludisme et la tuberculose (OMD 6).<br />
En outre, la santé maternelle s’est améliorée<br />
(OMD 5), mais le taux élevé de fécondité<br />
reste un problème pour atteindre<br />
l’objectif. L’accès à l’eau (OMD 7) n’a connu<br />
qu’une amélioration modérée. Pour les<br />
enfants en âge scolaire, on constate une<br />
augmentation du nombre d’inscriptions<br />
dans l’enseignement de base (OMD 2)<br />
– surtout chez les filles – mais nombreux<br />
sont les enfants qui quittent l’école prématurément.<br />
Des avancées faibles, voire même des<br />
régressions, ont été constatées pour trois<br />
Objectifs du Millénaire. C’est le cas pour<br />
l’éradication de l’extrême pauvreté (OMD 1)<br />
et la promotion de l’égalité hommes/femmes<br />
(OMD 3). Les donateurs font en outre<br />
trop peu d’efforts en vue d'accroître l'efficacité<br />
de l'aide à l’Afghanistan (OMD8). La<br />
Coopération belge fournit son aide essentiellement<br />
via des institutions internationales<br />
(voir tableau). La corruption accrue<br />
ne figure pas dans le rapport d'avancement<br />
afghan – mais elle apparaît clairement<br />
dans d’autres rapports.<br />
OMD 9<br />
Pour son 9 e OMD – la promotion de la sécurité<br />
– l’Afghanistan s’est fixé des cibles<br />
spécifiques (voir encadré). Mais, du fait de<br />
la guerre, le pays reste très instable et l’insécurité<br />
a même augmenté dans certaines<br />
provinces. On a toutefois enregistré certaines<br />
avancées; par exemple, dans la formation<br />
du personnel de l’armée et de la police<br />
au niveau local. Le pays progresse raisonnablement<br />
dans l’évacuation des restes<br />
explosifs de guerre. Du fait de l’énorme<br />
présence d’explosifs et de mines terrestres<br />
non explosés, l’Afghanistan connaît,<br />
après le Cambodge, le pourcentage de<br />
handicapés le plus élevé au monde. La<br />
lutte contre l’économie (illégale) de l’opium<br />
a enregistré moins de succès. Le trafic de<br />
Objectif 9 Cibles à l’horizon 2020<br />
PROMOUVOIR LA SÉCURITÉ<br />
Cible 20 : Réforme et professionnalisation de l’armée nationale<br />
afghane pour 2010.<br />
Cible 21 : Réduction de l’utilisation abusive d’armes ainsi que<br />
de la proportion d’armes détenues illégalement pour 2010.<br />
Cible 22 : Réforme, restructuration et professionnalisation<br />
de la police nationale afghane pour 2010.<br />
Cible 23 : Destruction de toutes les mines antipersonnel posées<br />
pour 2013. Destruction de tous les autres explosifs pour 2015.<br />
Cible 24 : Destruction de tous les stocks de mines antipersonnel<br />
pour 2007. Destruction de tous les autres stocks d’explosifs<br />
abandonnés ou indésirables pour 2020.<br />
Cible 25 : Réduction de la contribution de l’opium au PIB total<br />
(légal et illégal) à moins de 5 % en 2015, et à moins de 1 % en 2020.<br />
Aide de la coopération belge au développement à l’Afghanistan en 2009<br />
Institution Montant en euros Objectif<br />
Banque mondiale 2 millions Reconstruction<br />
Programme alimentaire<br />
mondial (PAM)<br />
2 millions Aide alimentaire<br />
Unicef 2 millions Enseignement et genre<br />
Programme de<br />
développement des<br />
Nations unies (PNUD)<br />
drogue et la corruption sont aujourd’hui<br />
les deux principales sources de revenus<br />
en Afghanistan. Aux termes d’un rapport<br />
récent de l’Office des Nations Unies contre<br />
la drogue et le crime (ONUDC), la somme<br />
des deux correspond à la moitié du Revenu<br />
National Brut légal.<br />
Alain Baetens<br />
online<br />
Afghanistan National Development Strategy<br />
(ANDS): www.ands.gov.af<br />
1 OMD National Progress Report 2008, Afghanistan<br />
1 million Élections<br />
Fondation Aga Khan environ 900.000 Agriculture et<br />
développement rural<br />
22 dimension m a r s-a v r i l 2010
Afghanistan<br />
Témoignages sur un pays déchiré<br />
Trois Afghans témoignent sur la vie dans un "Etat fragile".<br />
Après une fuite mouvementée, ils ont trouvé refuge dans notre pays.<br />
Naïm (41)<br />
manager en logistique<br />
Abdullah (nom d'emprunt)<br />
ancien officier de l’armée<br />
afghane<br />
Matiem (25)<br />
étudiant en sociologie<br />
© DGCD<br />
"Le problème de mon pays natal, c’est<br />
qu’il n’y a presque pas d’infrastructure.<br />
Or la société dans son ensemble<br />
– aller à l’école, faire du business… -<br />
en dépend. L’infrastructure moderne<br />
n’existe que dans les grandes villes<br />
comme Kaboul ; elle ne s’est absolument<br />
pas développée à la campagne.<br />
La majorité de la population reste analphabète.<br />
Hôpitaux, transports en commun,<br />
tout y fonctionne tant bien que<br />
mal. Les services publics sont minés<br />
par la corruption. La justice non plus ne<br />
fonctionne pas. Par chance, une nouvelle<br />
stratégie militaire a été élaborée<br />
afin de rendre l’Afghanistan à nouveau<br />
gouvernable: l’Opération Moshtarak.<br />
Les Afghans en ont assez du chaos et<br />
de la violence. Chaque famille afghane<br />
a perdu quelqu’un dans la guerre. Moi,<br />
je vois l’avenir de mon pays sous un<br />
jour favorable. Le Président Karzaï a<br />
déjà construit beaucoup de nouvelles<br />
écoles et de nouveaux hôpitaux."<br />
"En Afghanistan, l’État ne fonctionne<br />
pas. Pas d’impôts, pas d’équipements,<br />
pas de règles. La police, il faut la payer<br />
pour tout et n’importe quoi. C’est normal<br />
quand on a un salaire de misère.<br />
En Europe, il y a une bonne démocratie,<br />
mais pas en Afghanistan. Il y a environ<br />
120 partis. Chacun crée son propre<br />
parti parce qu’il vise le traitement qui<br />
accompagne le siège. Les parlementaires<br />
ne travaillent pas pour le peuple.<br />
Quelques-uns sont des Pakistanais,<br />
et prennent uniquement la défense<br />
du Pakistan. Il y a aussi beaucoup de<br />
mollahs (religieux islamiques). En fait,<br />
la plupart des dirigeants (bourgmestres…)<br />
sont des mollahs. Ils ne sont<br />
pas compétents. Ils n’ont même pas<br />
fréquenté l’école primaire, seulement<br />
l’école coranique. Même dans un hôpital,<br />
vous pouvez rencontrer un mollah à<br />
la place d’un médecin. Les 28 Ministres<br />
eux-mêmes ne sont intéressés que par<br />
l’argent. Une telle démocratie ne fonctionne<br />
pas. Ce qu’il faut, c’est que tous<br />
les chefs de tous les groupes se réunissent<br />
et parlent ensemble. D’autre part,<br />
il faut davantage de coopération au<br />
développement, pour soutenir l’agriculture,<br />
les écoles et les hôpitaux."<br />
© DGCD<br />
"Depuis le régime des Talibans, l’Afghanistan<br />
a connu un certain nombre de<br />
changements. Aujourd'hui, nous avons<br />
plusieurs canaux TV, la liberté d'expression<br />
existe et les filles peuvent aller à<br />
l’université. Mais cela ne suffit pas. Le<br />
gouvernement Karzaï n’aide que son<br />
propre groupe ethnique, les Pathans.<br />
Les autres minorités comme les Hazaras<br />
et les Tadjiks sont toujours opprimées.<br />
Le gouvernement Karzaï est corrompu<br />
et composé de seigneurs de guerre de<br />
l’époque soviétique. Les organisations<br />
des droits de l’homme tentent de résoudre<br />
ce problème, mais sans succès pour<br />
l’instant. Je ne crois pas à ce gouvernement,<br />
mais plutôt aux jeunes. Ce sont<br />
eux l’avenir de l’Afghanistan. Je ne peux<br />
pas dire de moi-même que je suis athée,<br />
mais je crois à la liberté. La plupart des<br />
jeunes de ma génération y croient. On<br />
ne pourra résoudre le problème de<br />
l’Afghanistan qu’en invitant les Talibans<br />
et le gouvernement autour de la table<br />
de négociation et en apportant une<br />
solution au débat sur le Pachtounistan."<br />
Une histoire mouvementée<br />
Au fil des siècles, l’Afghanistan fut une<br />
région vivement convoitée par les grandes<br />
puissances. Au cours du 19e siècle,<br />
la Grande-Bretagne et la Russie<br />
tsariste tentent de conquérir le pays.<br />
Après les guerres anglo-afghanes, une<br />
frontière est tracée en 1893 à travers<br />
le territoire Pathan, entre le Pakistan<br />
et l’Afghanistan. Ce territoire, appelé le<br />
Pachtounistan, est toujours la source de<br />
conflits entre les deux pays. L’Afghanistan<br />
est un amalgame de groupes ethniques,<br />
le reflet d’un passé mouvementé, essentiellement<br />
peuplé de Pathans (42%), de<br />
Tadjiks (27%), d’Hazaras (descendants<br />
des Mongols, 9%) et d’Ouzbeks (9%).<br />
Déchiré par les conflits, l’Afghanistan<br />
reçoit en 2004 son premier président<br />
élu : Hamid Karzai. Mais les Talibans<br />
– un mouvement de guérilla islamique –<br />
poursuivent la conquête du pays.<br />
Francine Carron et Chris Simoens<br />
m a r s-a v r i l 2010 dimension<br />
23