Etats fragiles
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dossier<br />
Consolidation de la paix<br />
Donner un avenir<br />
aux pays en conflit<br />
Comment garantir la paix dans un pays déchiré par les conflits ?<br />
Dimension 3 a rencontré le professeur Luc Reychler (K.U.<br />
Leuven), spécialiste en matière de consolidation de la paix.<br />
© DGCD / Chris Simoens<br />
Par où faut-il commencer ?<br />
D’abord, il faut tout inventorier. Qui est<br />
prêt à faire quelque chose ? Quel type<br />
de paix souhaite-t-on : une paix durable,<br />
armée, ou fragile ? Quels sont les besoins<br />
au niveau de la politique, de la sécurité, de<br />
l’économie, de la justice…? La reconstruction<br />
est en effet indispensable. L’éducation<br />
joue dans ce contexte un rôle important,<br />
notamment pour la formation de nouveaux<br />
dirigeants. Les coûts de tous les besoins<br />
doivent être calculés. Un point que l’on<br />
oublie souvent. De plus, il est particulièrement<br />
important d’associer toutes les parties<br />
prenantes. Pas seulement la société<br />
civile et les groupements politiques, mais<br />
également les pays voisins.<br />
Quelle importance<br />
revêt la démocratisation ?<br />
Je suis opposé au modèle néoconservateur<br />
qui veut imposer une démocratie libérale<br />
de l’extérieur. C’est en partie de l’escroquerie.<br />
Le passage vers une démocratie<br />
réussie exige plus que de simples élections.<br />
Un pays sortant d’un conflit a, en premier<br />
lieu, besoin de stabilité. C’est possible si le<br />
pouvoir est "légitime", donc reconnu par le<br />
peuple. Et la légitimité d’un pouvoir dépend<br />
tout autant de la bonne gouvernance que<br />
du degré de démocratisation. Dans une<br />
situation de post-conflit, cela n’a d’ailleurs<br />
pas beaucoup d’importance que l’état se<br />
montre quelque peu autoritaire. Pourvu<br />
qu’il réponde aux besoins essentiels de la<br />
population : sécurité, alimentation, soins<br />
de santé, écoles, etc. Prenons par exemple<br />
la Corée du Sud. Dans les années 70, le pays<br />
avait un régime autoritaire, mais également<br />
une politique économique progressiste.<br />
L’accent était mis sur l’éducation, la recherche<br />
et la gestion. La demande de démocratisation<br />
ne vint que plus tard. Quand la<br />
Belgique est-elle vraiment devenue démocratique<br />
? A peine dans les années 60,<br />
après la décolonisation !<br />
Une démocratie libérale promeut également<br />
le marché libre et le dégraissage de<br />
l’état. Mais on ne peut pas imposer cela<br />
sans nuances aux états <strong>fragiles</strong>. Dans un<br />
premier temps, il y a un besoin de protectionnisme.<br />
Dans ce contexte, l’état joue un<br />
grand rôle. Il doit décider où il faut investir<br />
et veiller progressivement à une ouverture<br />
au marché libre. Aurions-nous oublié que<br />
les pays prospères de l’Ouest et de l’Est<br />
sont eux aussi passés par là ?<br />
Comment aborder la sécurité ?<br />
La sécurité est d'un intérêt vital. Un pays<br />
dangereux attire les mafiosi et constitue<br />
un terreau favorable à la corruption. Dans<br />
ce contexte, les Nations unies ou les organisations<br />
régionales ont un rôle important<br />
à jouer en tant qu’instances neutres.<br />
Ainsi, le Congo a besoin d’une solide force<br />
militaire des Nations unies, qui impose<br />
la paix, modernise l’armée et renforce la<br />
police. Au fur et à mesure que les institutions<br />
nationales se montrent capables<br />
d’assurer l’ordre et la paix, les troupes<br />
étrangères peuvent se retirer.<br />
Quid des blessures<br />
provoquées par un conflit ?<br />
Il faut guérir les blessures. C’est possible<br />
en combinant la justice, les compensations,<br />
la reconnaissance de la dette, le<br />
pardon, l’assurance que cela ne se produira<br />
plus, etc. Mais parfois, on regarde<br />
trop vers le passé. Ainsi, le soutien massif<br />
aux gacaca – les tribunaux populaires – au<br />
Rwanda a été exagéré. Chaque village avait<br />
sa gacaca. Un pays sortant d’un conflit a<br />
surtout besoin d’espoir et d’avenir. Pensez<br />
à l’Europe après la Seconde Guerre mondiale.<br />
On parlait d’un Plan Marshall, il y a eu<br />
l'Initiative Fulbright (ndlr : un programme<br />
d’échanges d’étudiants entre les <strong>Etats</strong><br />
Unis et l’Europe afin d’améliorer la compréhension<br />
entre les peuples). Ces mesures<br />
étaient porteuses d’espoir.<br />
Un monde sans conflits<br />
est-il possible ?<br />
Les conflits sont inévitables dans les relations<br />
humaines. Mais nous pouvons contribuer<br />
à ce que les conflits soient réglés sans<br />
recours à la violence. Dans ce contexte,<br />
l’UE joue un rôle d’exemple. Nous vivons<br />
actuellement dans une région sûre, prospère<br />
et libre. Non pas parce que nous sommes<br />
devenus meilleurs, mais parce que<br />
nous avons créé les circonstances nous<br />
permettant d’aborder les conflits avec plus<br />
d’efficacité.<br />
Chris Simoens<br />
m a r s-a v r i l 2010 dimension<br />
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