Etats fragiles
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Afghanistan<br />
Témoignages sur un pays déchiré<br />
Trois Afghans témoignent sur la vie dans un "Etat fragile".<br />
Après une fuite mouvementée, ils ont trouvé refuge dans notre pays.<br />
Naïm (41)<br />
manager en logistique<br />
Abdullah (nom d'emprunt)<br />
ancien officier de l’armée<br />
afghane<br />
Matiem (25)<br />
étudiant en sociologie<br />
© DGCD<br />
"Le problème de mon pays natal, c’est<br />
qu’il n’y a presque pas d’infrastructure.<br />
Or la société dans son ensemble<br />
– aller à l’école, faire du business… -<br />
en dépend. L’infrastructure moderne<br />
n’existe que dans les grandes villes<br />
comme Kaboul ; elle ne s’est absolument<br />
pas développée à la campagne.<br />
La majorité de la population reste analphabète.<br />
Hôpitaux, transports en commun,<br />
tout y fonctionne tant bien que<br />
mal. Les services publics sont minés<br />
par la corruption. La justice non plus ne<br />
fonctionne pas. Par chance, une nouvelle<br />
stratégie militaire a été élaborée<br />
afin de rendre l’Afghanistan à nouveau<br />
gouvernable: l’Opération Moshtarak.<br />
Les Afghans en ont assez du chaos et<br />
de la violence. Chaque famille afghane<br />
a perdu quelqu’un dans la guerre. Moi,<br />
je vois l’avenir de mon pays sous un<br />
jour favorable. Le Président Karzaï a<br />
déjà construit beaucoup de nouvelles<br />
écoles et de nouveaux hôpitaux."<br />
"En Afghanistan, l’État ne fonctionne<br />
pas. Pas d’impôts, pas d’équipements,<br />
pas de règles. La police, il faut la payer<br />
pour tout et n’importe quoi. C’est normal<br />
quand on a un salaire de misère.<br />
En Europe, il y a une bonne démocratie,<br />
mais pas en Afghanistan. Il y a environ<br />
120 partis. Chacun crée son propre<br />
parti parce qu’il vise le traitement qui<br />
accompagne le siège. Les parlementaires<br />
ne travaillent pas pour le peuple.<br />
Quelques-uns sont des Pakistanais,<br />
et prennent uniquement la défense<br />
du Pakistan. Il y a aussi beaucoup de<br />
mollahs (religieux islamiques). En fait,<br />
la plupart des dirigeants (bourgmestres…)<br />
sont des mollahs. Ils ne sont<br />
pas compétents. Ils n’ont même pas<br />
fréquenté l’école primaire, seulement<br />
l’école coranique. Même dans un hôpital,<br />
vous pouvez rencontrer un mollah à<br />
la place d’un médecin. Les 28 Ministres<br />
eux-mêmes ne sont intéressés que par<br />
l’argent. Une telle démocratie ne fonctionne<br />
pas. Ce qu’il faut, c’est que tous<br />
les chefs de tous les groupes se réunissent<br />
et parlent ensemble. D’autre part,<br />
il faut davantage de coopération au<br />
développement, pour soutenir l’agriculture,<br />
les écoles et les hôpitaux."<br />
© DGCD<br />
"Depuis le régime des Talibans, l’Afghanistan<br />
a connu un certain nombre de<br />
changements. Aujourd'hui, nous avons<br />
plusieurs canaux TV, la liberté d'expression<br />
existe et les filles peuvent aller à<br />
l’université. Mais cela ne suffit pas. Le<br />
gouvernement Karzaï n’aide que son<br />
propre groupe ethnique, les Pathans.<br />
Les autres minorités comme les Hazaras<br />
et les Tadjiks sont toujours opprimées.<br />
Le gouvernement Karzaï est corrompu<br />
et composé de seigneurs de guerre de<br />
l’époque soviétique. Les organisations<br />
des droits de l’homme tentent de résoudre<br />
ce problème, mais sans succès pour<br />
l’instant. Je ne crois pas à ce gouvernement,<br />
mais plutôt aux jeunes. Ce sont<br />
eux l’avenir de l’Afghanistan. Je ne peux<br />
pas dire de moi-même que je suis athée,<br />
mais je crois à la liberté. La plupart des<br />
jeunes de ma génération y croient. On<br />
ne pourra résoudre le problème de<br />
l’Afghanistan qu’en invitant les Talibans<br />
et le gouvernement autour de la table<br />
de négociation et en apportant une<br />
solution au débat sur le Pachtounistan."<br />
Une histoire mouvementée<br />
Au fil des siècles, l’Afghanistan fut une<br />
région vivement convoitée par les grandes<br />
puissances. Au cours du 19e siècle,<br />
la Grande-Bretagne et la Russie<br />
tsariste tentent de conquérir le pays.<br />
Après les guerres anglo-afghanes, une<br />
frontière est tracée en 1893 à travers<br />
le territoire Pathan, entre le Pakistan<br />
et l’Afghanistan. Ce territoire, appelé le<br />
Pachtounistan, est toujours la source de<br />
conflits entre les deux pays. L’Afghanistan<br />
est un amalgame de groupes ethniques,<br />
le reflet d’un passé mouvementé, essentiellement<br />
peuplé de Pathans (42%), de<br />
Tadjiks (27%), d’Hazaras (descendants<br />
des Mongols, 9%) et d’Ouzbeks (9%).<br />
Déchiré par les conflits, l’Afghanistan<br />
reçoit en 2004 son premier président<br />
élu : Hamid Karzai. Mais les Talibans<br />
– un mouvement de guérilla islamique –<br />
poursuivent la conquête du pays.<br />
Francine Carron et Chris Simoens<br />
m a r s-a v r i l 2010 dimension<br />
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