trois registres de memoire collective marie-claude groshens
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116 M.-C. GROSHENS<br />
persistait dans son <strong>de</strong>ssein. Henri répondait qu'il était pleinement résolu <strong>de</strong> servir<br />
Dieu avec les chanoines <strong>de</strong> sa cathédrale. Voulez-vous, dit Werner, suivant les<br />
canons <strong>de</strong>s conciles et les statuts <strong>de</strong> cette église, rendre obéissance à l'Evêque votre<br />
chef ? Le Roi dit que oui. Je vous reçois donc lui répliqua-t-il avec fermeté, au<br />
nombre <strong>de</strong>s chanoines <strong>de</strong> mon église et dès maintenant vous m'êtes soumis. Je<br />
veux dire que vous conserviez l'Empire que Dieu vous a confié, et que par votre<br />
fermeté à rendre la justice vous procuriez le salut <strong>de</strong> tout l'Etat. Le Prince obéit,<br />
quoiqu'avec regret. Il comprit qu'il <strong>de</strong>vait se sanctifier dans son état, et que sa<br />
véritable vocation était <strong>de</strong> régner avec sagesse» ( 21 ).<br />
Dans ce récit l'évêque ne donne pas à proprement parla son investiture à<br />
l'Empereur, mais il le confirme au plutôt il le réengage dans une mission ingrate ;<br />
l'Empire est présenté comme un charge pénible mais utile à laquelle <strong>de</strong>s individus<br />
désignés doivent sacrifier une vocation plus haute. L'acceptation par l'évêque <strong>de</strong> la<br />
donation <strong>de</strong> la prében<strong>de</strong> du roi du chœur en échange du renoncement <strong>de</strong><br />
l'empereur apparaît comme l'ultime mesure consolatoire à l'égard <strong>de</strong> l'empereur<br />
qui conserve du moins une part <strong>de</strong> cléricature par l'intermédiaire <strong>de</strong> son représentant.<br />
**<br />
Ce récit peut être rapproché <strong>de</strong> celui <strong>de</strong>s Trois Rois concernant les donations nécessaires<br />
à la construction <strong>de</strong> la cathédrale auxquelles Henri II avait également participé.<br />
Ces <strong>trois</strong> Rois réalisèrent ce à quoi Henri avait renoncé puisque non seulement<br />
ils donnèrent tous leurs biens mais encore ils se firent mendiants.<br />
«Ils recueillirent ainsi <strong>de</strong>s sommes considérables, qu'ils entassèrent dans <strong>de</strong>s sacs<br />
<strong>de</strong> toile et qu'ils chargèrent sur un chariot. Et ne voulant pas louer <strong>de</strong>s chevaux<br />
pour ne pas entamer les sommes d'argent <strong>de</strong>stinées au chapitre, ils s'attelèrent euxmêmes<br />
par gran<strong>de</strong> humilité et parvinrent jusqu'à la cour <strong>de</strong>s corvées.<br />
En souvenir <strong>de</strong> ces <strong>trois</strong> Rois, le chapitre ordonna aux imagiers <strong>de</strong> fixer sur la<br />
faça<strong>de</strong> <strong>trois</strong> statues équestres les représentant» ( 22 ).<br />
Qui sont ces <strong>trois</strong> Rois ? Les <strong>trois</strong> statues équestres érigées selon le chroniqueur<br />
Koenigshoven en l'an 1291 - portaient (et portent toujours) le nom <strong>de</strong> Clovis,<br />
Dagobert, Radolphe <strong>de</strong> Habsbourg, tous bienfaiteurs réels ou légendaires <strong>de</strong> la<br />
cathédrale ( 23 ).<br />
Les <strong>de</strong>ux premiers noms <strong>de</strong> cette série engagent dans la direction d'autres récits<br />
légendaires : ceux relatifs à Clovis et à Dagobert II. Les récits du baptême <strong>de</strong> Clovis<br />
par St Rémi et du changement <strong>de</strong> ses armes (les fleurs <strong>de</strong> lys remplacent les crapauds),<br />
ceux <strong>de</strong> Dagobert dont le Saint-Evêque Arbogast ressuscita le fils et dont St<br />
(21) Abbé GRANDIDIER. op. cit., p. 21.<br />
(22) Jean VARIOT, Contes Populaires et Traditions orales <strong>de</strong> l'Alsace, Paris, 1936, Firmin Didot.<br />
pp. 70-71.<br />
(23) Ces statues équestres détruites à la Révolution furent remplacées par <strong>de</strong>s copies en 1824. On<br />
y joignit alors une quatrième qui parachève la série <strong>de</strong>s quatre <strong>de</strong> la faça<strong>de</strong> <strong>de</strong> la cathédrale, celle <strong>de</strong><br />
Louis XIV, exécutant ainsi une ancienne décision du magistrat <strong>de</strong> Strasbourg.